Augustin, Sermons



SERMONS (autre traduction)





SERMON 184: JOUR DE NOEL

184
I) Le mystère de l'Incarnation est caché aux sages selon le monde.
2) Le jour de la naissance du Christ est pour tous source de joie.
3) La naissance du Christ est double. Admirons en elle que Dieu se soit fait enfant.

1841 1. Noël, jour de la naissance du Seigneur et Sauveur Jésus Christ, par qui la vérité est sortie de la terre, et par qui le Jour né du Jour est né pour être notre Jour, revient aujourd'hui comme chaque année nous prodiguer sa lumière et nous inviter à le célébrer. Exultons de joie et de bonheur. Car le prix que nous a valu l'abaissement d'une telle grandeur, seule la foi chrétienne le sait; le coeur des impies n'en a pas connaissance, parce que Dieu a caché ces choses aux sages et aux prudents, et les a révélées aux petits. Que les humbles restent fidèles à cette humilité de Dieu: pour qu'un si grand soutien, supportant leur faiblesse, leur permette de parvenir jusqu'aux hauteurs de Dieu. Les sages et les prudents, quand ils veulent s'approcher des autels sans croire en l'humilité, oublient cette bassesse, et pout cela ne savent pas monter jusqu'aux hauteurs; vains et légers enflés et superbes, ils sont restés comme suspendue entre ciel et terre, dans l'agitation du vent. Car ils sont sages et prudents, mais selon le monde, non selon Celui qui a fait l'univers. Car si la vraie sagesse, qui vient de Dieu et est Dieu, était en eux, ils comprendraient que Dieu a pu revêtir la nature de chair, sans devenir un être charnel. Ils comprendraient que Dieu a pris une nature qui n'était pas la sienne, tout en gardant la sienne; qu'il est venu à nous dans la personne d'un homme, sans s'éloigner du Père; qu'il a continué a être ce qu'il est, tout en prenant notre apparence; et que le corps d'un enfant a reçu une puissance qui ne doit rien à la masse du monde. Celui qui demeure auprés du Père et qui a conçu l'univers, a conçu en venant à nous la maternité de la Vierge. Car sa majesté apparaît dans la maternité de la Vierge, aussi vierge avant la conception qu'aprés son accouchement; elle s'est trouvée grosse d'un homme sans avoir été engrossée par un homme; portant en son sein un mâle, sans oeuvre de mâle, plus heureuse et admirable par le don d'une fécondité où sa pureté ne s'est pas perdue. Les sages selon le monde préfèrent penser qu'un tel miracle est imaginaire et non pas réel. Ainsi, dans le Christ, homme et Dieu, ne pouvant croire en son humanité, ils la méprisent; ne pouvant mépriser sa divinité, ils n'y croient pas. Quand à nous, considérons avec autant de reconnaissance qu'eux de mépris, le corps d'un homme assumé par l'humilité de Dieu; et plus ils jugent cela impossible, plus il nous convient de voir l'oeuvre de Dieu dans une naissance humaine virginale.

1842 2. Honorons donc la nativité du Seigneur, comme il se doit, nombreux et dans l'allégresse. Que les hommes se réjouissent, que les femmes se réjouissent: le Christ est né homme, homme né d'une femme; et les deux sexes en sont honorés. Qu'il passe donc à l'homme nouveau celui qui sous le premier homme avait été condamné. La femme nous avait induit à la mort: c'est la vie qu'elle nous a donné. Il nous est né un être semblable à notre chair pécheresse, par qui la chair pécheresse devait être rachetée. Donc, n'accusons pas la chair, mais, pour que notre nature revive, que notre faute meure: car il est né sans faute celui qui doit renaître l'homme autrefois soumis au péché. Soyez dans la joie, enfants de la sainteté, qui avaient préféré suivre le Christ sans rechercher les liens du mariage. Il ne vient pas à vous dans le mariage celui que vous avez trouvé pour le suivre; car il veut vous permettre de mépriser ce par quoi vous êtes venus au monde. Vous y êtes venus par des noces charnelles, dont il n'a pas besoin pour venir à vos noces spirituelles; s'il vous a permis de mépriser les noces, c'est parce qu'il vous a appelés aux noces par excellence. Si donc vous n'avez pas cherché à vivre ce par quoi vous êtes nés, c'est parce que vous avez aimé plus que les autres celui qui n'est pas né de ces noces. Soyez dans la joie Vierges Saintes: la Vierge vous a engendré celui que vous pouvez épouser sans faillir, vous qui, si vous ne concevez pas et ne mettez pas au monde, pouvez perdre ce que vous aimez. Soyez donc dans la joie justes: c'est la naissance du Justificateur. Soyez dans la joie hommes faibles et malades: c'est la naissance du Sauveur. Soyez dans la joie, captifs, c'est la naissance de celui qui rachète. Que soient dans la joie les esclaves: c'est la naissance du maître tout puissant. Dans la joie, les hommes libres: c'est la naissance du Libérateur. Dans la joie tous les chrétiens: c'est la naissance du Christ.

1843 3. Parce qu'il est né d'une mère, il a marqué ce jour dans la suite des siècles, lui qui, né du Père, a formé tous les siècles. Sa première naissance s'est produite sans mère, comme la seconde sans père. Le Christ enfin est né d'un père et d'une mère; mais sans père et sans mère; Dieu né du Père, homme né d'une mère; Dieu sans mère, homme sans père. "Qui pourra raconter sa naissance?": l'une hors du temps, l'autre sans semence d'homme; l'une sans commencement, l'autre sans précédent; l'une de toute éternité, l'autre sans exemple, ni avant ni après; l'une sans fin, l'autre qui commence quand elle finit. C'est à juste titre que, bien avant, les Prophètes ont annoncé sa naissance, et que les Cieux et les Anges ont annoncé qu'Il était né. Couché dans une crèche, il portait en Lui l'univers. Enfant et Verbe de Dieu. Lui que les Cieux ne contiennent pas, le sein d'une seule femme suffisait à le porter. Reine de notre Roi; elle portait celui en qui nous existons; elle allaitait notre pain. O visible faiblesse et étonnante humilité, où s'est cachée la divinité toute entière ! Il gouvernait de sa puissance la mère à qui était soumise son enfance; et nourrissait de sa vérité celle dont il suçait le sein. Qu'il parachève en nous ses dons, celui qui n'a pas répugné à assumer jusqu'à nos premières années; et qu'il nous rende fils de Dieu, celui qui, pour nous, a voulu devenir fils de l'homme.



SERMON 185

185 1) Par l'Incarnation du Verbe, la vérité est sortie de la terre.
2) Par l'Incarnation du Christ, la justice de Dieu nous a été apportée.
3) Gloire de Dieu dans la justification gratuite des hommes.

1851 1. On appelle Noël le jour où la Sagesse de Dieu S'est manifestée enfant, et où le Verbe de Dieu, sans paroles, a fait entendre la voix de la chair. Toutefois, cette divinité cachée a été révélée aux mages par un signe du ciel, et annoncée aux berger par la voix des anges.
Célébrons donc l'anniversaire de ce jour, où s'est accomplie la prophétie qui dit: "La Vérité est sortie de la terre, et la justice a regardé du haut du ciel." La Vérité qui est dans le sein du Père, est sortie de la terre, pour résider aussi dans le sein d'une mère. La Vérité qui soutient les mondes est sortie de la terre, pour être portée par des mains de femme. La Vérité, qui nourrit d'une nourriture incorruptible la béatitude des anges, est sortie de terre, pour Se nourrir du lait de mamelles de chair. La Vérité que le ciel ne suffit pas à contenir, est née de la terre, pour être déposée dans une crèche, pour qui tant de grandeur dans tant d'humilité? Certainement pas pour elle-même, mais pour notre plus grand bienfait, si nous croyons. Homme, réveille-toi ! Pour toi, Dieu S'est fait homme. "Debout, toi qui dors, rélève-toi des morts, et le Christ t'illuminera. C'est pour toi, je dis bien, que Dieu S'est fait homme. Tu serais mort pour l'éternité, s'il n'avait pas pris naissance dans le temps. Jamais tu n'aurais été libéré du péché de la chair, s'Il n'avait pris la ressemblance de la chair pécheresse. Tu serais prisonnier d'une éternelle misère, si cette miséricorde ne t'avait pas été accordé. Tu ne serais pas retourné à la vie, s'Il n'était venu connaître ta mort. Tu aurais défailli, sans son secours. Tu aurais péri s'Il n'était pas venu.

1852 2. Célébrons dans la joie l'arrivé de notre salut et de notre rédemption. Célébrons ce jour de fête, où le jour de la grandeur et de l'éternité est venu du jour de grandeur et d'éternité, dans ce jour si bref de notre vie temporelle. "Il S'est fait notre justice, notre sanctification et notre rédemption": afin que, comme il a été écrit: "Celui qui se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur," pour que nous ne partagions pas l'orgueil des Juifs qui, "ignorant la justice de Dieu, et voulant instaurer la leur, ne se sont pas soumis à la Justice de Dieu. " C'est pourquoi, ayant dit: "La Vérité est née de la terre," il ajoute: "et la justice a regardé du haut du ciel," pour ne pas, dans son infirmité d'être mortel, s'attribuer cette vérité à Lui-même, c'est à dire devenir juste par ses propres forces, ne récuse pas la Justice de Dieu. "La vérité est sortie de la terre." Le Christ qui a dit: "Je suis la Vérité", est né d'une Vierge. "Et la Justice a regardé du haut du ciel," parce que, en croyant à Celui qui est né, l'homme a été justifié non pas par lui-même, mais par Dieu. "La Vérité est sortie de la terre" parce que "le Verbe S'est fait chair. "Et la justice a regardé du haut des cieux" parce que "tout don excellent et tout grâce parfaite vient d'en haut." "La Vérité est sortie de la terre", chair de la Vierge Marie. "Et la Justice a jeté son regard du haut du ciel", parce que "l'homme ne peut rien recevoir, qui ne lui ait été donné du ciel."

1853 3. Justifiés donc par la foi, mettons notre paix en Dieu, par notre Seigneur Jésus Christ, par qui nous avons accès à cette grâce où nous nous trouvons, et par qui nous nous glorifions dans l'espoir de la Gloire de Dieu. A ces quelques mots de l'Apôtre, que vous reconnaissez avec moi, j'ai plaisir à joindre quelques mots de ce psaume, que je leur trouve accordés: "Justifiés par la foi, mettons notre paix en Dieu", parce que "justice et paix se sont embrassées" mutuellement. Par Jésus Christ notre Seigneur parce que "la vérité est sortie de la terre." Par Lui nous avons accès à cette grâce où nous nous trouvons, et par Lui nous nous glorifions dans l'espoir de la Gloire de Dieu, "parce que la justice ne procède pas de nous-mêmes, mais "a regardé du haut du ciel." Donc, "celui qui se glorifie, qu'il se glorifie" non en lui-même, mais "dans le Seigneur." C'est pourquoi c'est au moment où le Seigneur est né de la Vierge, en ce jour dont nous fêtons l'anniversaire, que les voix angéliques ont proclamé: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté." En effet, d'où vient la paix sur la terre, sinon de ce que "la vérité est sortie de la terre", c'est à dire de ce que le Christ est né de la chair? Et c'est "Lui qui est notre paix, qui des deux peuples a fait un seul peuple", afin que nous soyons, nous hommes de bonne volonté, liés par la douceur des liens de l'unité. Réjouissons nous donc dans cette grâce, pour que le témoignage de notre conscience soit notre gloire: en effet glorifions-nous, non pas de nous-mêmes, mais de Dieu. Le texte dit ensuite: "Toi qui es ma gloire, et relèves ma tête". Car Dieu a-t-Il pu faire briller sur nous une plus grande grâce que lorsque n'ayant qu'un Fils, Il L'a fait Fils de l'homme; et lorsque en retour, d'un fils d'homme, Il a fait un Fils de Dieu? Cherchez à quoi en attribuer le mérite, la cause, la justification; et voyez s'il y a autre chose à répondre que "la grâce".



SERMON 186

186
1) Le Christ est né d'une Vierge. Dans son Incarnation Il n'a pas cessé d'être Dieu.
2) Rien n'a changé dans le Verbe, quand une même personne est devenue Fils de Dieu et Fils de l'homme. Enseignement strict de la foi. Credo.
3) Le Fils de Dieu est la même personne que le Fils de l'homme, par l'Incarnation.

1861
1. Réjouissons-nous, mes frères. Que les nations exultent de joie. Ce jour, ce n'est pas le soleil visible, mais son Créateur invisible qui en a fait pour nous un jour sacré, lorsque le Vierge Mère nous a donné, de ses entrailles fécondes et de son sein sans souillure, Celui qu'elle a rendu visible pour nous, et qui fut son invisible Créateur. Vierge quand elle conçut, vierge quand elle accoucha, vierge dans sa grossesse, vierge dans sa fécondité, vierge à jamais. Homme, pourquoi t'étonner de cela? C'est ainsi qu'il a fallu que Dieu naisse, quand Il a daigné être homme. Il a voulu conserver la forme virginale à celle qui l'a formé. Car avant qu'elle soit créée, Il était; et parce qu'Il était tout puissant, Il a pu rester ce qu'Il était. Il S'est donné une mère, étant près du Père; et, né d'une mère, Il est resté en son Père. Comment cesserait-il d'être Dieu en commençant à devenir homme, Celui qui a permis à sa mère de ne pas cesser d'être vierge en Le mettant au monde. Et le Verbe S'est fait chair sans que le Verbe disparaisse dans la chair; c'est la chair qui a eu accès au Verbe, pour ne pas périr, afin que l'homme étant corps et âme, le Christ aussi soit homme et Dieu. Celui qui est Dieu est aussi homme, et Celui qui est homme est aussi Dieu, sans que les natures soient confondues, mais unies en une seule personne. Enfin, le Fils de Dieu, coéternel à jamais au Père qui L'a engendré, est devenu Fils de l'homme dans le sein d'une vierge. Et ainsi la nature humaine a été jointe à la Divinité du Fils, sans que la Trinité des personnes divines devienne quaternité.

1862
2. Donc ne vous laissez pas gagner par l'opinion de certaines personnes, trop peu attentives à la rigueur de la foi et à la parole de Dieu révélée dans les Écritures. Elles disent: "C'est le Fils de l'homme qui est devenu Dieu, mais le Fils de Dieu n'est pas devenu homme". Pour s'exprimer ainsi, il faut qu'elles aient perçu quelque vérité; mais elles n'ont pas su trouver les termes justes. Car qu'ont-elles perçu, sinon qu'il est possible que la nature humaine se soit haussée à une nature supérieure, mais impossible que la nature divine se soit rabaissée à une nature inférieure? Et c'est exact. mais même ainsi, c'est à dire sans que la divinité ait été dégradée dans sa nature, il n'en est pas moins vrai que le Verbe est devenu chair. Car l'évangile ne dit pas: "La chair S'est faite Verbe," mais, "le Verbe S'est fait chair". Or le Verbe, c'est Dieu; car "le Verbe était Dieu". Et qu'est la chair ici, sinon l'homme? Car la chair de l'homme, dans le Christ, possède aussi une âme. Ne dit-il pas: "Mon âme est triste jusqu'à la mort"? Si donc le Verbe est Dieu, et la chair l'homme, qu'est-ce d'autre "le Verbe S'est fait chair", que "Celui qui était Dieu S'est fait homme". C'est pourquoi le Fils de Dieu, Se faisant Fils de l'homme, a assumé un état inférieur, mais sans perdre le Sien propre. Car comment reconnaîtrons nous dans la stricte foi que nous croyons au Fils de Dieu, né de la Vierge Marie, si ce n'est pas le Fils de Dieu, mais le Fils de l'homme qui est né de la Vierge Marie? Car quel chrétien pourrait dire que cette femme n'a pas donné naissance au Fils de l'homme tout en affirmant que Dieu S'est fait homme et qu'ainsi un homme est devenu Dieu? Car "le Verbe était Dieu, et le Verbe S'est fait chair". Donc, il faut reconnaître que Celui qui était Dieu, ayant, pour naître de la Vierge Marie, pris la forme de l'esclave, est devenu Fils de l'homme, demeurant ce qu'Il était, mais prenant la forme de ce qu'Il n'était pas: commençant d'être ce qui Le rend plus petit que le Père, et restant toujours dans l'état où Lui-même et le Père ne sont qu'un.

1863
3. Car si Celui qui est toujours Fils de Dieu, n'est pas devenu réellement Fils de l'homme, comment l'Apôtre dit-il de Lui: "Lui qui, étant dans la forme de Dieu, n'a pas pensé lui avoir dérobé son égalité; mais S'est réduit à rien en prenant la forme du serviteur, ayant revêtu une condition semblable à celle des hommes, et S'étant révélé homme dans sa manière d'être. Car ce n'est pas un autre, mais Lui-même, dans la forme de Dieu égal au Père, "qui a humilié" non pas un autre, "mais Lui-même", "devenu obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix". Tout cela, le Fils de Dieu ne l'a accompli que dans la forme qui Le fait Fils de l'homme; de même, si Celui qui est toujours Fils de Dieu, n'est pas devenu réellement Fils de l'homme, pourquoi l'Apôtre dit-il aux Romains: "Choisi pour annoncer l'évangile de Dieu, qu'Il avait promis auparavant par ses prophètes dans l'Écriture sainte à propos de son Fils, qui selon la chair a été formé de la race de David." Voici que le Fils de Dieu qu'Il a toujours été, a été formé selon la chair de la race de David, ce qu'Il n'était pas. De même, si Celui qui est Fils de Dieu, n'est pas devenu réellement Fils de l'homme comment "Dieu a-t-Il envoyé son Fils né d'une femme"? (Ce terme hébreu, ne nie pas la virginité, mais l'indique le sexe féminin). En effet, qui a été envoyé par le Père, sinon le Fils unique de Dieu? Comment donc est-Il né d'une femme, sinon parce que Celui qui était Fils de Dieu auprès du Père, a été envoyé pour devenir Fils de l'homme? Né du Père hors du temps, né d'une mère en ce jour. Car Il a choisi pour y être créé ce même jour qu'Il a créé, comme Il a été créé d'une mère qu'Il a créée. Car ce jour lui-même, qui commande l'accroissement de la lumière du jour, représente l'oeuvre du Christ qui renouvelle en nous de jour en jour l'homme intérieur. Oui, ce jour devait au Créateur éternel, né dans le temps, d'être le jour de sa Naissance, pour que la créature temporelle se rencontre avec Lui.


SERMON 187

187
1) Étonnante rencontre dans le Christ enfant d'attributs opposés.
2) Comparaison pour montrer que le Verbe ne S'est pas éloigné du Père, quand Il a pris chair.
3) Le Verbe n'a pas été modifié par l'Incarnation.
4) Le Verbe incarné, Dieu et homme.


1871
1. Que ma bouche chante la louange du Seigneur de qui est né l'univers, Lui-même né dans l'univers; par qui est révélé le Père, qui a créé sa mère. Fils de Dieu venu du Père, sans mère; Fils de l'homme venu d'une mère, sans père. Grand jour pour les anges que ce raccourci de jour. Dieu le verbe avant tous les temps, le Verbe fait chair au temps marqué. Ayant formé le soleil, sous le soleil Il a reçu sa forme. Ayant ordonné l'ensemble des siècles depuis le sein du Père, depuis le vente de sa mère, Il rend ce jour-ci sacré. En Lui il demeure, d'elle Il naît. Créateur du ciel et de la terre, Il naît sur la terre et sous le ciel. Sage au delà de toute parole, sage avant de pouvoir parler. Il couvre le monde, Lui que contient une crèche. Il règle le cours des astres, cet enfant à la mamelle. Grand comme Dieu, petit comme serviteur, sans que sa Petitesse diminue sa Grandeur, et sans que sa grandeur accable sa Petitesse. Car en revêtant un corps humain, Il n'a pas cessé de faire oeuvre divine; et ne s'est pas relâché de l'étroit embrassement par lequel Il soutient l'univers d'une extrémité à l'autre, et le dispose harmonieusement: quand Il S'est revêtu de l'infirmité de la chair, le sein d'une Vierge l'a recueilli, sans L'emprisonner; et sans rien soustraire au pain dont il nourrit la sagesse des anges, Il nous a donné à goûter combien doux est le Seigneur.

1872
2. Pourquoi tout cela nous étonnerait-il, s'agissant du verbe de Dieu, lorsque les propos même que je profère, gardant, en touchant les sens de l'auditoire, suffisamment d'autonomie pour s'introduire en chacun sans s'y enfermer. Car s'ils ne s'y introduisaient pas, personne n'en serait instruit; et s'ils s'y enfermaient, ils ne passeraient pas à d'autres. Et mon sermon a beau être construit de mots et de syllabes, vous n'en emportez pas chacun un morceau pour vous comme s'il fallait en nourrir votre ventre; vous l'entendez tous tout entier, chacun d'entre vous s'en saisit dans sa totalité. Et je ne crains pas, en parlant, si un auteur s'approprie en esprit tout son contenu, que l'autre n'ait plus rien à prendre. l'attention que je souhaite en vous, suppose que, sans rien dérober à l'oreille ni à l'esprit de personne, chacun d'entre vous l'entende tout entier, en laissant chacun à même de l'entendre tout entier. Et il ne s'agit pas de moments où successivement les paroles prononcées entrent d'abord chez l'un, puis, en sortant, peuvent enfin entrer chez l'autre. Il parvient à tous en même temps et tout entier à chacun. Et s'il avait assez de mérite pour se fixer tout entier dans vos mémoires, comme vous êtes tous venus pour l'entendre tout entier, vous repartiriez chacun avec un sermon tout entier. A combien plus fort raison le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, et qui, demeurant en Lui-même, renouvelle sans cesse tout; qui n'est ni enfermé dans l'espace, ni poussé par le temps, ni soumis à des variations plus ou moins durables; qui ne repose pas sur une forme vocale pour disparaître avec le silence; à combien plus forte raison ce Verbe, d'une telle grandeur et d'une telle nature, a pu féconder le sein de sa mère, ayant revêtu la nature corporelle sans quitter le sein du Père ! D'un côté paraître aux yeux humains, de l'autre illuminer l'esprit des anges. D'un côté mettre pied sur la terre, d'un autre soutenir l'ampleur des cieux ! D'un côté devenir homme, de l'autre créer les hommes.

1873
3. Que personne donc ne croie que le Fils de Dieu S'est transmué totalement en Fils de l'homme: croyons plutôt que sans se défaire de la substance divine, Il a assumé la perfection de la substance humaine, restant Fils de Dieu, mais devenu Fils de l'homme. Car ce n'est pas parce qu'il est dit: "Le Verbe était Dieu", et "le Verbe S'est fait chair", que le Verbe a cessé d'être Dieu en Se faisant chair. Puisque le Verbe qui S'est fait chair, est devenu, à sa Naissance l'Emmanuel, c'est à dire "Dieu avec nous". De même que le verbe qui est au fond de notre bouche, devient un son vocal lorsque nous l'extériorisons par le canal de notre bouche, sans que sa nature devienne celle du son; il demeure au contraire ce qu'il est lorsque le véhicule qui l'extériorise le prend en charge, de telle sorte qu'intérieurement il reste un objet intelligible, et à l'extérieur sonne comme un objet audible: mais ce que le son traduit, c'est cela même qui se faisait entendre d'abord dans le silence; ainsi un verbe vocalement exprimé ne se transforme pas en son vocal; il reste dans la lumière de l'esprit, et lorsqu'il prend la forme d'une voix charnelle, il fait route vers l'auditeur, sans abandonner celui qui le pense. Il ne s'agit pas ici du cas où le mot, grec latin ou de quelqu'autre langue, est pensé silencieusement. Mais de celui où, avant de passer par la diversité des langues, la chose elle-même que l'on veut dire, repose encore, pour l'esprit qui la conçoit, en quelque sorte toute nue dans la couche de son coeur, avant de revêtir, pour en sortir, la voix de la parole. Et toutefois, les deux choses: ce que la pensée intelligible conçoit, et ce que la parole fait entendre, sont amenées à changer et à se transformer. Il ne restera rien de la première, une fois dans l'oubli, ni de la seconde, une fois le silence venu. mais le verbe de Dieu demeure éternellement, et demeure inchangé.

1874
4. Et lorsqu'Il a revêtu la chair dans le temps pour S'approcher de notre vie temporelle, non seulement dans la chair Il n'a pas rendu l'éternité, mais devant la chair Il S'est porté garant de l'immortalité. Et "comme l'époux sortant de sa chambre, Il se réjouit comme le héros qui va fournir sa carrière. Étant dans la forme de Dieu, Il n'a pas pensé pouvoir tirer profit de son égalité avec Dieu. Mais, pour nous, afin d'être ce qu'Il n'était pas, "Il S'est réduit Lui-même à néant"; sans quitter la Forme de Dieu, mais en "prenant la forme de l'esclave"; et c'est par elle qu'"Il est devenu semblable à un homme". Ce n'était pas sa substance propre; c'est "par son aspect extérieur qu'on l'a vu ressembler à un homme". En effet d'ensemble de ce que nous sommes, dans notre âme et notre corps, constitue notre nature: pour Lui ce n'est là que son aspect extérieur. Nous, si nous n'étions pas pourvus de cette nature, nous n'existerions pas; Lui, si cette nature n'existait pas, n'en serait pas moins Dieu. Et lorsqu'Il a commencé à être cette nature qui n'était pas la sienne, Il est devenu homme tout en restant Dieu. Afin qu'on ne le dise pas l'un de nous, mais selon l'exacte vérité un être de l'une et l'autre nature. Et parce qu'Il a été fait homme: "Le Père est plus grand que Moi"; et parce qu'Il est resté Dieu, "le Père et moi sommes un". Car si le Verbe pour devenir homme avait perdu sa Forme, c'est-à-dire pour devenir homme Dieu aurait perdu sa Nature, il n'y aurait de vrai que: "Le Père est plus grand que Moi," parce que Dieu est plus grand que l'homme; mais "Moi et le Père sommes un" serait faux; parce que Dieu et l'homme ne sont pas un. Peut-être pourrait-Il dire: Moi et le Père ne sommes pas un, mais avons été un. Car ce qu'Il était et a cessé d'être, évidemment, Il ne l'est pas, Il l'a été. En réalité, ayant réellement pris la forme du serviteur, Il a dit vrai en disant: "Le Père est plus grand que Moi"; et parce qu'Il était réellement Dieu, et qu'Il le restait, Il a dit vrai en disant: "Le Père et Moi sommes un." Donc lorsqu'Il S'est réduit à néant auprès des hommes, Il n'a pas voulu, en devenant ce qu'Il n'était pas, cesser ce qu'Il était; mais cachant ce qu'Il était, montrer ce qu'Il était devenu. Ainsi donc, c'est parce que la Vierge a conçu et enfanté un fils, parce qu'Il a pris aux yeux de tous la forme d'esclave qu'"un enfant nous est né". Mais parce que le Verbe de Dieu, qui reste dans l'éternité, est devenu chair pour habiter parmi nous, parce que sa Nature divine cachée demeure, selon l'annonce de Gabriel nous lui donnons "le nom d'Emmanuel". Car Il est devenu Homme, tout en restant Dieu, pour que le fils de l'homme aussi puisse être appelé justement "Dieu avec nous". Dieu et l'Homme en Lui ne sont pas deux personnes distinctes. Que le monde donc se réjouisse en la personne des croyants qu'Il est venu sauver par Celui qui a formé le monde. Créature de Marie, né de Marie; Fils de David, Seigneur de David; progéniture d'Abraham, né avant Abraham. Il a formé la terre, a été formé sur terre, Créateur du ciel, créé sous le ciel. Il est bien le Jour qu'a fait le Seigneur, et le Seigneur est bien le Jour de notre coeur. Marchons dans sa Lumière et exultons de joie en Lui.



SERMON 188

188
1. Le Verbe de Dieu ne peut pas être exprimé par le langage humain.
2. Le Verbe éternel est né dans le temps pour nous.
3. Le Verbe enfant nous enseigne l'humilité.
4. Marie a enfanté le Christ sans rien perdre de sa virginité.


1881 1. Si nous voulons louer le Fils de Dieu, tel qu'Il est auprès du Père, égal et coéternel à Lui, fondement de toutes choses visibles et invisibles, au ciel et sur la terre, Verbe de Dieu et Dieu, Vie et Lumière des hommes, il ne faut pas s'étonner qu'aucune pensée humaine, qu'aucun discours n'y suffise. Car comment notre langue pourrait-elle prétendre louer dignement Celui que notre coeur n'a pas la force de voir, tant qu'il tient relégué dans l'ombre l'oeil qui pourrait le voir, si nous étions purifiés de notre iniquité, guéris de notre faiblesse, cet oeil par qui deviennent "bienheureux les hommes au coeur pur, car ils verront Dieu" ?
Il n'est pas étonnant, dis-je, que nous ne sachions par quels mots dire le Verbe unique, en qui a été prononcé l'ordre de notre existence, nous qui devions parler de Lui. Car les mots que nous pensons et proférons reçoivent la forme de notre esprit, qui lui-même reçoit la sienne du Verbe. Et l'homme ne façonne pas ses mots de la même façon que lui-même a été façonné par le Verbe; car c'est d'une manière ineffable; car c'est d'une manière différente que le Père a engendré le Verbe unique, et a fait toutes choses par le Verbe. C'est Dieu en effet qui a engendré Dieu; mais en même temps qu'Il engendre et est engendré, Il reste le Dieu unique. Mais le monde qu'a fait Dieu passe, tandis que Dieu reste. Et de même que ce qui a été fait, ne s'est évidemment pas formé par soi-même, de même Celui par qui tout a pu être fait, n'a été formé par personne. Il n'est donc pas étonnant que, l'homme étant une créature parmi d'autres, son langage ne puisse pas développer ce qu'est le Verbe, par qui tout a été fait.

1882 2. C'est pourquoi retirons un instant nos sens et notre esprit de cette direction, pour voir si nous serons à même de tenir de propos dignes, non pas de "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu", mais de "Le Verbe S'est fait chair"; pour voir si, là où Il a voulu être visible, on est à même de parler de Lui.
Dans cet esprit, célébrons le jour où Il a daigné naître d'une vierge; naissance dont Il a voulu que, tant bien que mal, les hommes fassent le récit. Mais dans l'éternité, où Dieu est né Dieu, "qui fera le récit de sa naissance?" Là-bas, le jour n'est pas de nature telle que l'on puisse célébrer un anniversaire. Car, là-bas, le jour ne passe pas pour revenir au bout d'un an; il demeure sans se coucher, car il ne connaît pas de lever. Là-bas donc, le Verbe unique de Dieu, la Vie, la Lumière des hommes, sont un jour éternel. Mais le jour en cette terre où Il S'est uni à la chair humaine, où Il est devenu semblable à l'époux qui sort de sa chambre, ce jour de maintenant est aujourd'hui, ensuite il sera demain. Toutefois ce jour d'aujourd'hui nous rappelle que l'Éternel est né d'une vierge, parce que l'Éternel en naissant d'une vierge a rendu ce jour sacré. Comment louer la Bonté de Dieu, comment Le remercier? Il nous a aimés jusqu'à naître pour nous dans le temps, Lui par qui ont été faits les temps; jusqu'à Se rabaisser en âge au-dessous de la multitude de ses serviteurs, Lui qui par son éternité est plus ancien que le monde; jusqu'à devenir homme, Lui qui a fait l'homme, créature née d'une mère qu'Il a créée; jusqu'à être porté par des mains qu'Il a formées; jusqu'à sucer les mamelles qu'Il a emplies de lait, jusqu'à vagir, enfant sans parole dans une crèche, Lui, le Verbe sans qui l'éloquence des hommes reste sans parole.

1883 3. Homme, vois ce qu'est devenu Dieu pour toi, reconnais la Sagesse cachée en une si profonde humilité, même si Celui qui l'enseigne ne sait pas encore parler. Toi, autrefois, au paradis, si doué d'éloquence que tu mis un nom sur toute âme vivante: c'est pour toi que ton Créateur gisait enfant dans une crèche, incapable d'appeler même sa mère par son nom. Toi, tu t'es perdu pour avoir pillé dans le secret les fruits du verger, en négligeant ton devoir d'obéissance. Lui, par obéissance est venu mourir dans la plus étroite des auberges, pour en enlever en mourant celui qui était mort. Toi qui étais homme, en voulant être Dieu es allé à la mort. Lui, étant Dieu, a voulu être homme, pour venir à la rencontre de ce qui était mort. L'orgueil humain t'a tellement accablé que rien ne pouvait te relever, sinon l'humilité divine.

1884 4. Célébrons donc dans la joie le jour où Marie a donné naissance au Sauveur, l'épouse de Celui qui a créé le mariage, la Vierge du prince de toutes les vierges; donnée à un époux, devenue mère sans ses oeuvres; vierge avant son mariage; vierge dans son mariage; vierge qui a porté, qui a allaité. Car en naissant, son Fils tout-puissant n'a nullement détruit la virginité de celle qu'Il avait choisie pour naître. Car la fécondité dans le mariage est bonne; mais meilleure la virginité dans la sainteté. Donc le Christ qui pouvait dans son Humanité manifester en tant que Dieu les deux natures, (puisqu'Il était à la fois Homme et Dieu) n'aurait jamais accordé à sa mère le bien qui fait la joie des époux, s'Il avait dû ainsi ôter ce bien supérieur, parce que les vierges méprisent la maternité.
C'est pourquoi notre sainte Église vierge célèbre aujourd'hui la maternité de la Vierge. Car c'est à elle que l'Apôtre dit: "Je vous ai liés comme une vierge chaste à un seul homme, afin de manifester le Christ." Que signifie cette vierge chaste désignant tant de populations des deux sexes, non seulement tant d'enfants et de vierges, mais aussi de pères et de mères unis par les liens du mariage? Que signifie, dis-je, vierge chaste, sinon vierge dans la virginité de la foi, de l'espérance et de la charité? Avant d'accorder la virginité au coeur de son Église, le Christ l'a d'abord préservée dans le corps de sa mère. Dans le mariage humain, la femme est remise à son époux pour ne plus être vierge; l'Église ne pourrait pas être vierge si l'Époux à qui elle a été remise, n'était pas Fils d'une vierge.




Augustin, Sermons