Jérôme - Lettres - A SAINT AUGUSTIN.

A SAINT AUGUSTIN.


Eloge du zèle de saint Augustin dans la grande discussion du pélagianisme.

En 418.

J'ai toujours eu pour votre béatitude le respect qui lui est dû, me faisant un plaisir et un devoir d'aimer et de respecter une personne dont le coeur est la demeure de Jésus-Christ. Mais aujourd'hui ces sentiments d'estime et de vénération que j'ai pour vous sont devenus encore plus vifs qu'ils n'étaient (si néanmoins cela est possible), de telle sorte que je ne puis être un moment saris parler de vous, et sans faire l'éloge de votre zèle et de la fermeté avec laquelle vous vous êtes opposé aux pernicieux desseins des ennemis de l'Eglise. Vous avez mieux aimé, autant qu'il a été en votre pouvoir, vous sauver seul du milieu de Sodome que de demeurer avec ceux qui périssaient, et de vous voir enveloppé dans leur ruine. Tasse le ciel que ce beau zèle que vous avez pour les intérêts de Jésus-Christ, ne se refroidisse jamais ! Tout Rome vous applaudit. Les catholiques vous regardent comme le réparateur de la foi ancienne, et ce qui relève encore davantage votre gloire, tous les hérétiques vous détestent. Ils ne me haïssent pas moins, et s'ils n'ont pas le pouvoir de nous tuer l'un et l'autre, ils en ont du moins la volonté. Je prie notre Seigneur Jésus-Christ qu'il vous conserve, et je conjure votre béatitude de ne me point oublier.


A SAINT AUGUSTIN ET A ALYPIUS.


Mort de la vierge Eustochia. — Celestius, disciple de Pélage. — Livre d'Arian, diacre de Tolède. — Saint Jérôme se propose de le réfuter.

En 419.

Le saint prêtre Innocentius, qui vous rendra cette lettre, ne se chargea point de celle que je voulais vous écrire l'an dernier, parce qu'il ne croyait pas retourner en Afrique. Je remercie Dieu de ce contre-temps, puisque, malgré le silence que j'ai gardé depuis ce temps-là, vous n'avez pas laissé de m'honorer de vos lettres. Pour moi je suis ravi de trouver quelque occasion de vous écrire, et je n'en laisse échapper aucune. Dieu m'est témoin que, si je pouvais, je prendrais des ailes de colombe pour satisfaire à l'empressement que j'ai de vous embrasser. C'est ce que j'ai toujours ardemment souhaité, tant je fais de cas de votre vertu; mais je le souhaite aujourd'hui avec plus de force que jamais, pour me réjouir avec vous de la victoire que vous avez remportée sur l'hérésie de Celestius (1), que vous avez entièrement étouffée par votre zèle et par vos soins. Plusieurs sont tellement infectés de cette erreur, que, malgré leur défaite et leur condamnation, ils en conservent toujours le venin au fond du coeur. Mais tout ce qu'ils peuvent faire, c'est de nous haïr, persuadés qu'ils sont que c'est nous qui les avons empêchés de répandre leur hérésie.

Vous me demandez si j'ai répondu au livre d'Arian, prétendu diacre de Tolède (2), que l'on nourrit grassement en récompense des mauvais écrits qu'il fournit aux autres pour soutenir leurs blasphèmes; or vous saurer, qu'il n'y a pas longtemps que notre saint frère le prêtre Eusèbe m'en a envoyé une copie; mais depuis que je l'ai reçue, j'ai été si accablé de maladies, et si touché de la mort de votre sainte et vénérable fille Eustochia, que j'ai cru en quelque façon devoir mépriser cet ouvrage. Car l'auteur

(1) Disciple de Pélage.

(2) Il y a de l'apparence que cet Anian est celui dont Paul Orose parle dans son Apologétique, lorsqu'il représente Pélage comme un autre Goliath, suivi de son écuyer qui porte ses armes : Stat immanissimus superbiâ Goliath... habens post se armigerum suum, qui etsi ipse non dimicat, cuncta tamen oeris et ferri suffragia subministrat. Cependant quelques-uns croient que c'était Pélage lui-même qui avait écrit contre saint Jérôme sous ce nom supposé.

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suit la doctrine corrompue de ses maîtres, et, excepté quelques passages qu'il a pillés, et dont il se sert avec assez d'habileté, il n'y dit rien de nouveau. Nous y gagnons néanmoins beaucoup, parce qu'en tâchant de répondre à ma lettre, il s'explique plus clairement, il découvre ouvertement ses blasphèmes, et avoue dans cet ouvrage tout ce qu'il avait nié dans le malheureux synode de Diospolis (1). Il n'est pas difficile de réfuter ses visions et ses impertinences, et, pourvu que le Seigneur me donne des jours et que je puisse trouver des copistes, j'espère y répondre en deux ou trois nuits, non pas pour combattre une hérésie qui est déjà éteinte, mais pour confondre l'ignorance et les blasphèmes de cet auteur. Il serait néanmoins plus à propos que votre sainteté voulût

(1) saint Jérôme parle ainsi du concile de Diospolis, parce que l'étage y fut absous, ayant trompé par ses réponses équivoques les évêques qui le composaient.

bien se charger elle-même de cette réponse ; car je crains qu'en voulant défendre les ouvrages que j'ai composés contre cet hérétique, je ne sois obligé de les louer.

Vos chers enfants, Albina (1), Pinien et Mélania, vous présentent leurs très humbles respects. Le saint prêtre Innocentius, passant par Bethléhem, a bien voulu se charger de cette lettre. Votre nièce Paula (2) vous salue avec bien du respect, et vous prie, dans sa douleur, de vous souvenir d'elle. Je vous conjure aussi, mes saints et vénérables pères, de ne me pas oublier, et je prie le Seigneur de vous conserver en santé.

(1) Cette Albina dont saint Jérôme parle ici n'est pas la même que celle dont il fait mention dans la lettre 45 à Principia, et qui était mère de Marcella. Celle-ci était fille de l'ancienne Mélania, et mère de la jeune Mélania dont saint Jérôme parle ici, et que Pinien avait épousée.

(2) saint Jérôme veut parler de la jeune Paula, fille de Leta et de Toxotius, petite fille de sainte Paula et nièce d'Eustochia. C'était la mort récente de cette chère et illustre tante qui lui causait la douleur dont parle ici saint Jérôme.









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