Bernard, Lettres 133

LETTRE CXXXIII. AUX CITOYENS DE MILAN.



L'an 1134

Saint Bernard se félicite d'avoir été choisi pour traiter de la paix qu'ils désirent faire.

Je vois à votre lettre que vous avez pour moi quelque considération; ce n'est pas à mon propre mérite, mais à la grâce de Dieu que je dois qu'il en soit ainsi, ce qui ne m'empêche pas d'être infiniment sensible aux bontés d'une ville aussi remarquable et aussi importante que la vôtre; je les reçois donc avec bonheur, et je tends des mains reconnaissantes et dévouées à une cité qui me témoigne un pareil dévouement, surtout dans un moment où j'ai la joie de la voir revenue de ses égarements schismatiques, et rentrée dans le sein de l'Eglise à la satisfaction du monde entier. Après tout, s'il est honorable pour mon humble et obscure personne d'être choisi par une ville aussi fameuse que la vôtre pour être le médiateur et l'arbitre de la paix qu'elle veut conclure, j'ose dire qu'il y va aussi de votre honneur de faire, par mon entremise, votre paix avec vos voisins, que toutes les nations liguées contre eus n'ont jamais pu contraindre à céder, comme tout le monde le sait. Je suis pressé de me rendre au concile, mais j'espère à mon retour passer par chez vous et juger en personne de l'étendue du crédit dont vous file flattez que je jouis chez vous. Que Dieu, à qui je le dois, me fasse la grâce qu'il ne soit pas inutile.

Voir la lettre 137



LETTRE CXXXIV. AUX NOVICES (a) DE MILAN.

a Ce titre fait conjecturer à Baronius qu'une communauté de Cisterciens était venue se fixer à Milan, avant que saint Bernard allât dans cette ville, et y avait fondé un monastère où ces novices étaient entrés. Mais Ughel, tome IV de l'Italie sacrée, pense que le premier monastère de Cisterciens établi à Milan est celui de Clairvaux, situé à deux milles de cette ville et fondé, comme il le prouve, en 1135 au plus tôt. Il s'ensuivrait donc que ceux à qui saint Bernard donne le nom de novices dans cette lettre seraient ceux mêmes que notre Saint venait de convertir en se rendant au concile de Pise, et qui s'étaient mis sous sa direction. L'époque que Ughel assigne à la fondation de ce monastère est déterminée par une inscription et par les titres originaux de cette abbaye, dans lesquels elle est constamment appelée Clervaux et non pas Clairvaux. Voir les notes de la deux cent quatre-vingt et unième lettre.

L'an 1134


Saint Bernard félicite les novices de leur retour â Dieu, et il leur promet de les visiter en revenant du concile.

A ses très-chers frères les novices de Milan, récemment revenus à Dieu, Bernard, abbé de Clairvaux, salut et l'esprit de conseil et de force pour mener à bonne fin l'oeuvre qu'ils ont entreprise.



Béni soit Dieu qui vous a inspiré le mépris de la gloire du monde pour vous rendre clignes de la sienne. Que les enfants des hommes sont vains, que leurs balances sont fausses, lorsque, selon le mot de l'Évangile, ils recherchent avec une incroyable ardeur la gloire qu'ils se donnent les uns aux autres et ne font aucun cas de celle que Dieu seul peut donner (Jn 5,44),» on peut bien dire qu'ils se trompent mutuellement. On n'en saurait dire autant de vous, la miséricorde de pieu vous a préservés de cette illusion; vous êtes devenus en tout lieu la bonne odeur du Christ, la gloire de Dieu, la joie des anges et l'édification des chrétiens. Si la conversion d'un seul pécheur remplit le ciel d'allégresse, de quelle joie n'a pas dû l'inonder le retour de tant de personnes considérables et de citoyens d'une ville si fameuse. Pour moi, mes frères, dans l'élan de ma joie, non moins que pour répondre à l'invitation que vous avez chargé mes chers frères Otton et Ambroise de me transmettre de votre part, j'étais décidé à partir avec eux pour, aller vous voir. Mais je crois qu'il vaut mieux que je ne vous voie pas seulement en passant, et pendant quelques instants à peine; j'ai donc remis la visite que je veux vous faire, à l'époque de mon retour du concile; car je fais mes préparatifs pour m'y rendre, et j'espère, avec la grâce de Dieu, passer par chez vous en revenant, pour seconder de toutes mes forces vos saintes résolutions, et vous aider de tous mes conseils, selon que j'en serai capable.




LETTRE CXXXV. A PIERRE (a), ÉVÊQUE DE PAVIE.

a Ughel cite deux évêques de Pavie ayant porté ce nom; l'un, qui fut élu en 1130 ou 1131, et l'autre qui fut évêque en 1148 et qui se trouve séparé du premier par deux évêques Alphonse et Conrad. C'est au second Pierre qu'il croit que cette lettre est adressée, bien qu'elle paraisse se rapporter plutôt au premier puisqu'elle se trouve placée immédiatement après la cent trente-quatrième qui fut écrite en 1134.


Saint Bernard rapporte à Dieu les louanges que Pierre lui prodigue, en même temps qu'il le félicite de toutes ses oeuvres de miséricorde.



Si une bonne sentence jetée dans une terre excellente produit un jour de bons fruits, la gloire en doit revenir à celui qui donne au s semeur la semence, à la terre la fécondité et l'accroissement à la plante; que puis-je réclamer pour moi, dans tout cela? Assurément je ne veux donner à personne la gloire de Jésus-Christ, mais je ne veux pas non plus être moins scrupuleux en me l'attribuant à moi-même; or ce n'est pas moi, c'est Dieu qui change les âmes, c'est sa parole qui donne de la sagesse aux enfants eux-mêmes. En voyant une belle écriture, nous n'en faisons point honneur à la plume, mais à celui dont la main l'a conduite; si je veux réclamer ce qui m'appartient dans ce que j'ai fait, je ne puis dire que ceci, c'est que ma langue a été comme la plume d'un écrivain habile, et rien de plus. Que signifient donc, me direz-vous, les éloges prodigués dans la sainte Ecriture à ceux qui vont annoncer au loin la bonne nouvelle du salut? Quels sont leurs avantages? Ils sont. nombreux, les voici: premièrement, en qualité d'enfants de Dieu, ils ont part à sa gloire, car qui dit enfants dit héritiers; en second lieu, aimant le prochain comme eux-mêmes, ils sont heureux de son salut et s'en réjouissent comme du leur; enfin leurs peines ne sont jamais perdues, elles sont au contraire «la mesure de leur récompense (1Co 3,8).» Si je n'ai pas de mon côté refusé le travail de la parole, du vôtre, vous avez ouvert vos mains et votre coeur pour l'aumône, et comme vous avez plus travaillé, nul doute que vous ne soyez aussi plus récompensé que moi. Vous n'aurez pas en vain donné à boire à celui qui avait soif et à manger à celui que la faim torturait; soyez sûr qu'il vous sera tenu compte de toutes vos charités et des instructions salutaires que vous n'avez cessé de prodiguer aux pauvres par amour pour Jésus-Christ. Nous avons été tous les deux les coopérateurs et les ministres du même Dieu; espérons donc l'un et l'autre qu'il nous récompensera un jour du bien que nous aurons fait à ses saints. Que Dieu me garde une place dans votre souvenir; quant à moi, j'espère ne vous oublier jamais.




LETTRE CXXXVI. AU PAPE INNOCENT (a).

a Plusieurs éditions portent en tête de cette lettre cette suscription: «Au même;» comme si elle était adressée à Pierre, évêque de Pavie. Mais cela vient de ce qu'à cet endroit quatre manuscrits, dont deux de Cîteaux et deux de la Colbertine, avaient placé la cent soixante-dix-huitième lettre qui est adressée au pape Innocent. La lettre cent trente-sixième a été écrite au sujet des brigands qui avaient rançonné des évêques revenant du concile de Pise en 1134. Voir les notes de la vingt-troisième lettre à la fin du volume.


Saint Bernard le prie de traiter avec douceur un certain Daufin qu'il a décidé à se présenter devant lui afin de lui offrir une satisfaction convenable pour les brigandages dont il s'était rendu coupable.

Des malheurs continuels finiraient par nous jeter dans l'abattement, de même qu'une prospérité sans nuage ne manquerait pas de nous enfler d'orgueil; aussi la sagesse de Dieu a si bien disposé les choses pour ses saints, qu'elle a fait de leur vie une inévitable succession de biens et de maux, de sorte que les uns ne nous découragent pas trop et que les autres ne nous enorgueillissent point outre mesure, mais que les premiers nous rendent les seconds plus chers, et que l'espérance d'événements meilleurs nous fasse supporter ceux qui nous semblent pénibles. Mais qu'en toutes choses Dieu soit béni: il a changé notre tristesse en joie, et après avoir commencé par verser du vin sur nos plaies, il y fait maintenant couler une huile qui en calme la cuisson. Nous voyons des voleurs et des brigands se repentir de leurs pillages et venir s'en humilier; ils relâchent avec toutes les marques possibles de respect l'oint du Seigneur, sur lequel ils ont eu la hardiesse de porter une main sacrilège. Non contents de cela, ils recherchent dans leur butin les objets qui lui appartiennent, pour les lui rendre jusqu'au dernier, et Daufin s'offre à faire telle réparation que vous jugerez à propos s'il en manque un seul qu on ne puisse retrouver, il en a pris l'engagement solennel, en me frappant dans la main pour confirmer sa parole. S'il va se jeter aux pieds de Votre Majesté (a) pour exécuter ce qu'il m'a promis, veuillez, je vous en prie, ne pas traiter ce jeune homme avec toute la rigueur qu'il mérite; je ne demande pas qu'un si grand attentat demeure impuni; mais je voudrais, autant que possible, qu'en l'obligeant à faire, à l'Eglise une juste réparation, on ne mît pas sa bonne volonté et sa patience à une trop rude épreuve, de peur qu'il ne (b) regrettât d'avoir suivi mon conseil.

a On voit à cette expression que cette lettre était adressée au pape; que les écrivains de cette époque, aussi bien que saint Bernard, lettres quarante-sixième, cent cinquantième, n. 3, cent soixante-sixième, etc., Eudes de Diogile et plusieurs autres encore appellent Majesté. Toutefois on verra par les notes de la trois cent soixante-dixième lettre que ce une s'applique aussi quelquefois à des prélats inférieurs.b Il faut suppléer ici, dans le texte latin, un adverbe de négation comme à la fin de la lettre suivante.



LETTRE CXXXVII. A L'IMPÉRATRICE DES ROMAINS.


1134

Comme le pape Innocent ne voulait rendre ses bonnes grâces aux habitants de Milan qu'après qu'ils auraient fait leur soumission à l'empereur Lothaire, saint Bernard les recommande à l'indulgence de l'impératrice.


En nous occupant de la soumission des Milanais, nous n'avons pas oublié les instructions que nous avions reçues de Votre Majesté. Nous avons d'ailleurs trop à coeur votre gloire et l'intérêt de l'empire, comme nous l'avons prouvé en toute occasion, pour que nous n'ayons pas agi comme nous l'avons fait, quand même vous ne nous auriez point fait part de vos intentions; aussi le retour de la ville de Milan à l'unité de l'Eglise et sa soumission au pape Innocent n'ont-ils été acceptés qu'après qu'elle eut renoncé publiquement au parti de Conrad et reconnu notre maître pour, son souverain et pour empereur légitime des Romains, comme il l'est aux yeux du monde entier. De plus, le Pape a exigé d'eux qu'ils promissent, la main sur l'Evangile, de faire auprès de vous pour le passé telles satisfactions qu'il serait convenable. Je remercie le bon Dieu d'avoir humilié vos ennemis sans qu'il ait été nécessaire de faire appel aux armes et de verser le sang, et je vous supplie de traiter cette ville avec votre clémence bien connue, quand le Pape, qui veut bien se charger de négocier sa rentrée en grâce avec vous implorera pour elle votre protection. En se voyant ainsi traitée, elle ne regrettera pas d'avoir cédé à de bons et sages conseils et n'en sera que plus dévouée à votre cause. Au reste, il serait fâcheux que les plus zélés défenseurs de vos intérêts et de votre gloire eussent la confusion de ne pouvoir fléchir votre courroux après s'être rendus en quelque sorte garants de votre clémence, et de vous trouver inexorable, Dieu vous préserve de ce malheur! quand nous venons faire appel à votre indulgence.




LETTRE CXXXVIII. A HENRI, ROI D'ANGLETERRE.



Saint Bernard lui demande des subsides pour le pape Innocent.

Au très-illustre Henri, roi d'Angleterre, Bernard, abbé de Clairvaux, salut, prière et santé.

Ce serait se méprendre singulièrement et montrer qu'on vous tonnait bien peu, que d'essayer de vous donner des leçons sur le point d'honneur. Aussi vous dirai-je en peu de mots et bien simplement ce dont il s'agit. A quoi bon les longs discours quand on s'adresse à un prince de votre intelligence? Nous sommes aux portes de Rome, nous touchons au dénoûment et la justice est pour nous; mais tout cela n'est que viande creuse pour des gens de guerre tels que nos Romains. Il ne suffit pas que Dieu soit pour nous, et que nos troupes puissent imposer à l'ennemi, il est urgent que les choses les plus nécessaires ne vous fassent pas plus longtemps défaut. J'en ai dit assez; vous savez ce qu'il vous reste à faire pour mettre le comble à ce que vous avez déjà fait pour Innocent en le reconnaissant comme pape légitime, de la façon si éclatante et si belle que vous l'avez fait (a).

. Il l'avait reconnu pour pape légitime dans l'assemblée de Chartres. Voir les notes plus étendues et la Vie de saint Bernard, livre 2, n. 4.


NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON - LETTRE CXXXVIII. A HENRI, ROI D'ANGLETERRE.


98. Mettre le comble ci ce que vous avez déjà fait pour Innocent en le reconnaissant pour pape légitime..... On peut voir dans la Vie de saint Bernard, livre 2, chap. I, n. 4, ce que le roi d'Angleterre, Henri premier du nom, a fait pour le Pape. Voici en quels termes le rapporte Guillaume de Malmesbury, écrivain anglais de ce temps-là, livre Ier de son Hist. Novel.:.«Innocent, se voyant chassé de Rome, passa les Alpes et vint en France, qui lui fit un accueil unanime. Le roi Henri lui-même, qu'il n'était pas facile de faire revenir d'une opinion une fois qu'il l'avait embrassée, vint à Chartres lui tendre lui-même la main, et non-seulement le combla de présents lorsqu'il fut à Rouen, mais encore lui en fit donner par les grands et par les Juifs eux-mêmes.» Roger Hoved en dit autant dans ses Annales à l'année 1131, en rapportant la. réception qui lui fut faite. (Note de Horstius.)

Or, en 1132, comme le raconte Foulques, auteur de la Chronique de Bénévent, l'empereur Lothaire assiégeait Rome pour rétablir le pape Innocent, mais il n'avait que deux mille hommes de troupes, ce qui ne lui permettait pas de s'emparer de la ville. Bernard, qui assistait au siège, écrivit cette lettre pour demander au roi d'Angleterre du secours que celui-ci ne put donner. Nous savons par une lettre de Hugues, archevêque de Rouen, au pape Innocent, que le roi Henri mourut en 1135 dans les sentiments les plus religieux et les plus chrétiens. Cette pièce mérite certainement d'être lue, on la trouve dans Guillaume de Malmesbury à l'année 1135 (Note de Mabillon).




LETTRE CXXXIX. A L'EMPEREUR LOTHAIRE.



Saint Bernard l'exhorte à réprimer le schisme et lui recommande l'affaire d'une église de Toul.



A Lothaire, par la grâce de Dieu auguste empereur des Romains, Bernard, abbé de Clairvaux, salut et prière, mais prière d'un pécheur.



1. Je bénis le Seigneur qui a fait choix de vous pour nous sauver et pour être le soutien de sa gloire, le défenseur de son nom, le restaurateur de l'empire, le protecteur de l'église dans ses jours d'épreuves, et le pacificateur du monde entier. C'est à lui que vous devez le prestige toujours écrasant de votre nom, et la réputation de grandeur que vous acquérez tous les jours davantage parmi les hommes. Vous lui devez aussi l'heureuse issue du long et périlleux voyage (a) que vous avez entrepris dernièrement pour la paix de l'empire et la délivrance de l'église, car en venant à Rome pour y ceindre votre front du signe glorieux de la plénitude du pouvoir impérial, vous n'avez voulu vous faire accompagner que d'une escorte peu nombreuse, afin de mieux faire éclater à tous les regards votre bravoure et votre confiance. Si à la vue de cette poignée de soldats dont se composait votre suite le pays n'a point osé remuer, quelle ne sera pas la terreur de vos ennemis quand vous déploierez contre eux toute la force de votre bras, et lorsque vous marcherez contre eux appuyé sur l'excellence de la cause que vous défendez et poussé par deux invincibles raisons? Il ne m'appartient pas, ce semble, de vous prêcher la guerre, mais je ne me fais aucun scrupule de vous rappeler qu'en qualité de protecteur de l'église vous devez exterminer l'hérésie qui la ronge, et qu'en qualité d'empereur vous ne pouvez point ne pas revendiquer la couronne dont le tyran de Sicile s'est emparé au mépris de vos droits. Si c'était une honte pour Notre-Seigneur qu'un Juif (b) d'origine s'assit dans la chaire de Pierre, ce n'en est pas une moins éclatante pour l'empereur, qu'un autre que lui ceigne la couronne de Sicile.

a Orderic, livre 13, page 896, en rapportant le voyage que Lothaire fit à Rome en 1133, dit cependant qu'il enjoignit a à Pierre de Léon d'avoir à renoncer à ses prétentions en faveur de l'autre, ou à se soumettre au jugement qui serait porté de son élection, a et qu'il fit ta même injonction au pape Innocent. Pierre consentit à la proposition de Lothaire, mais Innocent refusa de le faire, ce qui indisposa contre lui l'empereur qui laissa Pierre retenir ce qu'il possédait et se retira sans avoir terminé l'affaire qui l'avait amené. Voir les autres notes.b Nous avons déjà dit dans la préface du présent volume, d'après les Actes des évêques du Mans, qu'Anaclet était juif d'origine.


2. Mais s'il est également de notre devoir de faire rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, pourquoi permettez-vous qu'à Toul on fasse à l'église un tort considérable dont l'empire d'ailleurs ne tire aucun profit? Ne craignez-vous pas de compromettre même les choses plus importantes en négligeant celles qui le sont moins? On dit que l'église de Saint-Jangoulf (a) de cette ville est l'objet de vexations aussi graves qu'injustes, et l'on prétend qu'induit en erreur par je ne sais quelle machination, vous avez interposé votre crédit auprès du saint Siège pour dissuader le pape Innocent d'intervenir en cette affaire, comme il se proposait de le faire en faveur de l'église opprimée. Je vous conseille donc et je vous prie instamment de vouloir bien revenir prudemment sur vos pas dans cette circonstance, et de permettre qu'on rende justice à cette église avant qu'elle soit tout à fait ruinée, au lieu de favoriser le parti;. qui l'oppresse. Je ne suis qu'un pauvre religieux, mais je ne le cède à personne en dévouement et en fidélité pour vous, c'est pourquoi j'ose risquer de vous importuner. Je présente mes très-profonds respects dans la charité de Notre-Seigneur, à Sa Majesté l'impératrice.

a Jangoulf, ou Gengoulf, était une église collégiale de Toul en Lorraine, très-remarquable. Elle fut fondée en 1065 par saint Gérard. Voir aux notes et la cent soixante-dix-huitième lettre.



NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON - LETTRE CXXXIX. A LOTHAIRE.



99. Je bénis le Seigneur qui a fait choix de vous..... Saint Bernard s'adresse ici à Lothaire, duc de Saxe; c'était un homme extrêmement recommandable, selon Guillaume de Tyr, livre XII, chap. XVI; Otton de Frisingen, livre VII, chap. XVII; et Sigonius, qui le déclare digne de vivre dans la mémoire des hommes, non moins à cause de, ses sentiments religieux que pour la grandeur de son courage. L'abbé d'Ursperg (Conrad) en parle comme d'un prince habile dans la direction de la guerre, prudent dans le conseil et redoutable aux ennemis de Dieu et de la sainte Eglise; Pierre, diacre, lui décerne des louanges non moins grandes et non moins magnifiques. «Qui n'admirerait, dit-il, le génie d'un tel empereur? On l'a vu siéger à son tribunal depuis la première heure du jour, constamment occupé à réconcilier des frères entre eux, oubliant pendant tout ce temps-là le boire et le manger et ne songeant qu'à rétablir la paix et la concorde. Sous le manteau impérial, il sentait qu'il n'était que le soldat du Roi du ciel. Je l'ai vu moi-même, en campagne, entendre, de grand matin, une messe pour les défunts, une autre pour son armée, et une troisième, celle du jour, pour lui peut-être.» On peut voir en quels termes l'auteur cité plus haut continue son récit; il mérite d'être lu et peut donner d'utiles exemples aux bons princes. Ce n'est donc pas sans raison que saint Bernard remercie Dieu d'avoir mis un tel homme à la tête de l'empire (Note de Horstius).

100. Du long et périlleux voyage qu'il entreprit sur les instances de saint Bernard, quand il passa d'Allemagne en Italie et s'avança jusque sous les murs de Rome, à peine suivi de quelques troupes, pour rétablir le pape Innocent sur son siège et recevoir de ses mains, en retour, la couronne impériale: ce qui eut lieu, en grande pompe, dans la bar silique de Saint-Jean-de-Latran, quoique l'antipape Anaclet occupât encore avec ses troupes, non-seulement la basilique du Vatican, mais même tous les points les mieux fortifiés de Home où il avait placé des postes et des garnisons. Voir Baronius à l'année 1132; Sigonius, liv. 2, à la même année; et la Vie de saint Bernard, livre 2, chap. II.

101. Revendiquer la couronne dont la tyran do Sicile s'est emparé.. Le droit à la couronne de Sicile a donné lieu autrefois à de grandes contestations qui ne sont pas encore tout à fait assoupies. Nous n'avons pas à nous en occuper, on peut voir, si on veut, sur ce sujet l'écrit de Barronius, si toutefois il existe encore, et ceux qu'on lui a opposés; mais ce n'est pas sans raison que saint Bernard appelle Roger «l'usurpateur de Sicile.» puisqu'il s'est injustement emparé des duchés de Pouille et de Calabre qui avaient été confiés à la garde de son cousin Guillaume, et les conserva en son pouvoir depuis le pontificat de Callixte jusqu'en 1136, époque à laquelle l'empereur Lothaire revint pour la seconde fois en Italie, et, selon l'abbé d'Ursperg, envahit la Pouille et vainquit Rager après avoir excité l'ardeur de ses troupes en leur rappelant qu'ils marchaient contre l'ennemi particulier de l'Eglise qui l'avait excommunié. Voir Othon de Frisingen, liv. VII, chap. XVI et XX; Fazell, liv. VII, dernière décade. Toutefois ce prince se convertit dans la suite, grâce aux efforts de saint Bernard et de Pierre de Cluny dont les lettres lui firent songer à se réconcilier avec l'Eglise (Note de Horstius).

102. L'église de saint Gengoulf, dont Sigebert parle en ces termes à l'année 759: «Saint Gengoulf est bien connu en Bourgogne, il eut la gloire de souffrir le martyre.» L'évêque de Toul saint Gérard, qui florissait en 968, éleva dans sa ville épiscopale une basilique insigne en l'honneur de saint Gengoulf, selon ce qui m'a été écrit par l'illustrissime et révérendissime monseigneur André Saussay, évêque et comte de Toul, non moins distingué par son savoir et ses écrits que par sa haute dignité, Voici ce qu'on lit dans un manuscrit ancien qu'il a entre les mains: «Saint Gérard jeta le premier les fondements de l'abbaye de Saint-Gengoulf dont nous avons déjà parlé.» Eudes, également évêque de Toul, lit restaurer cette église; c'est celle qu'on appelle encore l'abbaye de Saint Gengoulf, dénomination donnée autrefois à plusieurs églises collégiales, et conservée même encore maintenant, par exemple, pour l'église de Saint-Exupère de Corbeil, dont le doyen ou primicier du chapitre a le nom d'Abbé (Note de Mabillon).




LETTRE CXL. AU MÊME.


Vers l'an 1135

Saint Bernard recommande à l'empereur Lothaire la ville de Pise, qui était entièrement dévouée au pape Innocent.

Je me demande avec un profond étonnement comment il se fait qu'on ait pu imposer à votre pénétration au point de vous indisposer contre une ville que vous devriez, pour plus d'une raison, traiter avec bienveillance et avec honneur. Je veux parler de Pise, qui osa seule, avant toute autre, lever l'étendard contre un ennemi de l'empire. Je comprendrais bien plutôt que votre royal courroux se fût allumé contre ceux qui n'ont pas craint d'attaquer les braves et dévoués habitants de Pise, précisément au moment même où ceux-ci prenaient les armes et s'avançaient au nombre de quelques mille pour combattre le tyran, venger leur maître et défendre la couronne impériale. Je puis bien dire de cette ville ce que l'Ecriture rapporte de David, et vous demander si dans tout votre empire vous en comptez une seule plus fidèle que Pise, et qui se soit montrée plus disposée à mettre, au:premier ordre venu de vous, ses troupes en campagne, ou à les rappeler dans ses murs. Ne l'a-t-on pas vue dernièrement forcer l'unique et redoutable ennemi de ce royaume à lever le siége de Naples, et, dans une campagne qui parait incroyable, s'emparer d'Amalfi, de Ravello, de Scala et d'Aturnie, villes aussi puissantes que riches, et tellement bien fortifiées qu'elles avaient jusqu'alors passé pour inexpugnables. Il eût été digne de Votre Majesté autant que conforme à la raison et à la justice, de mettre le territoire de Pise à l'abri des entreprises de ses ennemis, au moins pendant toute la durée de cette expédition, surtout quand on pense qu'en même temps qu'elle donnait au pape Innocent, forcé de quitter Rome, un asile honorable où il est resté jusqu'à ce jour, elle se dégarnissait elle-même de ses troupes pour les envoyer au loin défendre la cause de l'empire. Cependant Votre Majesté a tenu une conduite tout opposée: cette ville, dont la fidélité était éprouvée, est tombée en disgrâce, taudis que ses ennemis sont en faveur auprès de vous. Je suppose que peut-être n'étiez-vous pas instruit de la vérité; mais à présent que vous la connaissez, il y va de votre devoir, de votre honneur et de votre intérêt de revenir, à son égard, à des sentiments tout contraires, de lui tenir un langage et de lui montrer des dispositions tout autres. Les habitants de cette ville ont; très-bien mérité de Votre Majesté, et sont dignes de jouir désormais de votre confiance et de recevoir la récompense de leur dévouement. Quels services n'ont-ils pas rendus et ne peuvent-ils pas rendre encore à votre cause! Mais c'est assez pour un esprit pénétrant comme le vôtre.




LETTRE CXLI. A HUMBERT, ABBÉ D'IGNY (a).

a Humbert était religieux de la Chaise-Dieu quand il le devint de Clairvaux; en 1127 il fut placé par saint Bernard à la tête du monastère d'Igny, diocèse de Reims, dont il fut le premier abbé. Son goût pour la vie privée le porta à se démettre de sa charge en 1138, date de cette lettre que saint Bernard lui a adressée d'Italie. Humbert n'en persévéra pas moins dans le parti qu'il avait pris, et fut remplacé dans son monastère d'Igny par l'abbé Guerric; il mourut à Clairvaux en 1148, comme nous le dirons plus loin, en rapportant le magnifique discours que saint Bernard fit à sa mort. A l'occasion de cette lettre, Horstius a fait une longue dissertation sur les commendes et les commendataires. La lettre quarante-sixième d'Hildebert traite du même sujet que celle-ci.

L'an 1138

Saint Bernard lui adresse un blâme sévère pour avoir eu la coupable imprudence d'abandonner sa charge et son abbaye.

1. Dieu vous pardonne! Qu'avez-vous osé faire? Qui jamais eût pansé qu'un homme tel que vous pût faire une pareille chute, et qu'un arbre si excellent pût produire de si mauvais fruits? Dieu est terrible dans ses jugements! Ce qui m'étonne, ce n'est pas que le démon ait pu tenter un religieux d'une vie si longtemps irréprochable et d'une piété si exemplaire; mais que Dieu lui ait permis de le faire. A quoi dois-je m'attendre moi qui ne suis qu'un serviteur négligent et paresseux, quand- je vois le serviteur diligent et fidèle livré, du moins pour un temps, aux mains de l'ennemi du salut? Quelle raison ou plutôt quelle impiété a pu vous décider à ce départ qui fait le chagrin de vos enfants et la joie de vos ennemis? Comment se fait-il que la pensée d'Arnoud ne vous ait point empêché de marcher sur ses traces? Vous n'avez certainement pas oublié la prompte et terrible fin de sa présomption: encore peut-on dire pour l'excuser, si je suis bien renseigné, qu'il a eu un motif pour agir comme il l'a fait, tandis que vous n'en avez aucun pour l'imiter. Vous ne pouvez en effet alléguer l'insubordination de vos frères, la paresse des religieux convers, la malveillance de vos voisins contre vous et contre les vôtres, ou l'insuffisance de vos ressources temporelles; car si vous avez abandonné vos religieux, ce n'est pas parce que vous n'avez pu ni les nourrir ni les gouverner.

2. Je crains donc beaucoup, pour vous qu'on puisse vous appliquer ces paroles du Seigneur: «Ils m'ont haï sans sujet (Jn 15,25).» Qu'a-t-il dû faire, pour vous qu'il n'ait pas fait? Il a planté pour vous une vigne de choix qu'il a entourée du voeu de continence comme d'une haie vive, il y a creusé le pressoir de la discipline, élevé la tour de la pauvreté, dont le sommet se perd dans les cieux, puis il vous en a établi le vigneron et le gardien; il a béni vos travaux et n'attend plus pour les couronner que vous le vouliez bien. Mais vous, un malheur! vous détruisez les murailles et l'enclos de cette vigne, elle est chargée de raisins déjà mûrs et vous la laissez ouverte à tous les passants. Hélas! où est le gardien qui en éloignera le sanglier de la forêt pour l'empêcher d'y faire des ravages et les bêtes qui peuvent y causer des degôts? Je ne comprends pas que vous ayez agi de la sorte afin de vous mieux préparer à la mort, comme vous me l'avez dit dans une lettre; vous devriez craindre au contraire qu'elle ne vous surprenne après un tel scandale et sous le coup des anathèmes du souverain Pontife. Après tout, si vous étiez décidé à agir comme vous l'avez fait, ne, pouviez-vous pas attendre que, n'ayant plus à me préoccuper des nécessités pressantes de l'Eglise entière, je pusse m'occuper de la malheureuse communauté que vous délaissez comme un enfant qu'on abandonne? Je vous prie et vous supplie donc, au nom de celui qui est mort pour vous sur la croix, de ne pas ajouter à mes tourments déjà excessifs et de ne pas mettre le comblé aux peines et aux chagrins dont je suis accablé par le schisme qui déchire en ce moment l'Eglise entière; ils sont tels que la vie me serait encore à charge quand même j'aurais la consolation de savoir que la paix dont vous jouissiez avec vos frères n'est point troublée.


NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON LETTRE CXLI.

103. A Humberl, abbé d'Isigny. Il avait été placé par saint Bernard, en 1127, à la tête de ce monastère situé dans la diocèse de Reims; mais en 1138, pendant que les affaires du schisme retenaient saint Bernard en Italie, Humbert, cédant au désir de rentrer dans le calme et la tranquillité, se démit de la charge d'abbé et se retira à Clairvaux. Saint Bernard ressentit une grande contrariété de la résolution d'Humbert, comme on le voit par cette lettre; elle suggéra à Horatius la digression suivante (Note de Mabillon).




LETTRE CXLII. AUX RELIGIEUX DE L'ABBAYE DES ALPES.



Les religieux de l'abbaye des Alpes, de l'ordre de Clairvaux, s'étaient agrégés aux religieux de Cîteaux; Bernard les console de la perte de leur abbé, qui avait été appelé à un emploi plus élevé, et les engage à en élire un autre.



1. Dieu a permis que votre excellent Père a et le mien vous fût enlevé pour être placé dans un poste plus considérable; il ne nous reste qu'à faire ce que l'Ecriture rapporte du soleil et de la lune: «L'un s'est élevé et l'autre est restée à sa place (Ha 3,11).» Le soleil, c'est ce père dont l'abbaye des Alpes recevait tout son éclat, comme la lune reçoit le sien du soleil; il s'est élevé, restons à notre place, nous autres qui avons renoncé aux honneurs et aux dignités, pour vivre humbles et cachés dans la maison de Dieu, séjour pour nous mille fois préférable à la demeure splendide des pécheurs. Ce qui nous convient, à nous, c'est donc l'abaissement, l'humilité, la pauvreté volontaire, l'obéissance, la paix et la joie dans le Saint-Esprit; notre place, c'est d'être soumis à mi supérieur, d'être sous les ordres d'un abbé, d'être assujettis à la règle et à la discipline; c'est nous tenir à notre place que d'observer le silence, de jeûner, de veiller, de prier et de travailler, et par-dessus tout de pratiquer la charité, la reine des vertus; c'est enfin de faire dans la piété un progrès continuel et d'y persévérer jusqu'à la fin. C'est bien ce que vous faites tous les jours, j'en ai la conviction.

2. D'ailleurs vous avez fait une chose que nous ne cessons d'admirer, c'est que ne faisant aucun fond sur vos propres mérites, quelque grands S qu'ils soient, vous avez cherché à les augmenter en vous associant à ceux des autres, pour suivre ce conseil de l'Evangile: «Quand vous aurez fait tout ce qu'on vous aura commandé, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles (Lc 17,10).» Quand vous vous proclamez inutiles, vous prouvez combien vous êtes humbles; et plus il est rare de croire qu'on est inutile quand on fait le bien, plus votre aveu est admirable et rehausse l'éclat de vos mérites et de votre sainteté, en même temps qu'il rend plus douce et plus agréable la bonne odeur de votre réputation. Cet humble sentiment de soi-même est préférable à mes yeux aux jeûnes les plus austères, aux veilles les plus longues et à toutes sortes d'exercices corporels; il est comme la vraie piété, qui est utile à tout.

a L'abbé Guérin qui de l'abbaye des Alpes au diocèse de Genève, fut élevé à la chaire épiscopale de Sion. Voir la note de Horstius, et sur le monastère des Alpes, le n. 67 du livre I de la Vie de saint Bernard.


Je me représente la joie que ressentit la congrégation de Cîteaux en vous recevant dans son sein, et celle des anges eux-mêmes à la vue de ce spectacle; ils savent, ces bienheureux esprits, que rien ne plaît tant à Dieu que la charité et l'union fraternelles, ce qui faisait dire à un prophète: «L'union est une bonne chose (Is 41,7);» à un autre: «Il est doux et précieux pour des frères de vivre unis (Ps 132,1);» et à un troisième: «Deux frères qui s'entr'aident se consolent mutuellement (Pr 18,19).»

3. Votre démarche est encore la preuve de votre humilité; or nous savons combien cette vertu est agréable à Dieu, car il est dit: «Dieu résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles (Jc 4,6).» Il a même voulu nous enseigner lui-même la pratique de cette vertu, qu'il nous prêche en ces termes: «Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur (Mt 11,29).» Comment vous parlerai-je de notre humble communauté de Clairvaux, à laquelle vous avez voulu vous rattacher par des liens particuliers? En quels termes vous peindrai-je la vivacité de l'affection par laquelle elle paie la vôtre de retour? La langue humaine est inhabile à dire la force et l'étendue de l'amour que le Saint-Esprit nous inspire pour vous. En terminant, je vous engage, mes frères, à élire sans retard votre nouvel abbé, après avoir commencé par invoquer les lumières du Saint-Esprit; n'attendez pas mon retour pour procéder à cette élection; je craindrais qu'il ne se fit trop attendre, et ce délai ne peut que vous être préjudiciable. Mais vous pouvez mander auprès de vous pour cette opération le prieur de Clairvaux, notre très-cher frère Geoffroy, qui me remplacera en cette circonstance comme il le fait en tout le reste; il vous aidera de ses conseils, ou s'il ne peut se rendre lui-même à votre appel, il vous enverra quelques religieux pour le remplacer; de concert avec lui et avec Guérin, votre père, vous ferez choix d'un abbé capable de travailler à la gloire de Dieu et au salut de ses frères. Je vous prie, mes frères, de vous souvenir de moi devant Dieu.


NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON - LETTRE CXLII.

123. Aux religieux de l'abbaye des Alpes, autrefois du diocèse de Genève et maintenant de celui d'Annecy. Cette maison fut fondée par Humbert 2, comte de Savoie: elle eut pour premier abbé dom Guérin qui devint plus tard évêque de Sion. C'est pour consoler les religieux de son départ que saint Bernard leur écrivit cette lettre. Gaspar Jungelin, dans sa notice sur l'abbaye, de Meaux, rapporte lit fondation de celle des Alpes à l'année 1136. Mais il est facile de voir par ce passage de la lettre de saint Bernard, «Je me représente la joie que ressentit la congrégation de Cîteaux en vous recevant dans son sein,» que le monastère des Alpes est antérieur à cette date, et que les religieux de cette maison ne reçurent que plus tard l'habit et la règle de Cîteaux. On voit par la suite de la lettre de saint Bernard qu'ils se firent agréger plus tard d'une manière toute particulière aux religieux de Clairvaux. On peut consulter sur ce point la lettre deux cent cinquante-troisième adressée à l'abbé Guérin; et Manrique, dans ses Annales à l'année 1136, époque qu'il assigne à l'agrégation dont nous venons de parler (Note de Horstius).





Bernard, Lettres 133