Catherine, Lettres 155

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Lettre n. 320, MADAME NIERA

CCCXX.- MADAME NIERA, de Gérard Gambacorti, à Pise.- Combien l'amour des créatures est dangereux, et combien l'amour de Dieu est doux et utile.

(Le nom de Niéri ou Niera vient de celui de saint Ranier, protecteur de Pise. Gérard Gambacorti était frère de Pierre Gambacorti, dont nous avons parlé à la lettre LXXV.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chère Fille dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir revêtue du vêtement de la charité divine, du véritable et parfait amour, tellement que tout autre amour sorte de votre coeur, parce que l'âme ne peut être revêtue de deux amours. Si elle a celui du monde, elle ne peut avoir celui de Dieu; car l'un est l'ennemi de l'autre. L'amour qu'on [1531] a pour le monde fait, qu'on s'aime d'un amour sensitif, et qu'on recherche sans cesse les honneurs, la puissance, les richesses, les plaisirs, les délices, les consolations sensibles; et ces jouissances conduisent l'âme à la mort éternelle. Celui qui aime le monde et ses plaisirs d'une manière déréglée, est toujours enraciné dans l'orgueil, et de l'orgueil naissent tous les vices. Oh! quel malheur s'attire celui qui se perd dans les soucis coupables du monde! il acquiert la mort en perdant la vie de la grâce; il s'égare dans les ténèbres en perdant la lumière, et il tombe dans la triste servitude du péché; il devient esclave, et esclave du néant. Il ne peut y avoir un sort plus déplorable; l'âme se perd elle-même et se livre entre les mains de ses ennemis.

2. Je ne veux pas qu'il en soit ainsi, très chère Fille, et vous, mon Fils Gérard; mais je veux qu'avec un saint et vrai zèle vous dépouilliez votre coeur de cet amour coupable, et que vous le revêtiez de l'amour de Jésus crucifié, dans une parfaite et ardente charité, restant toujours dans l'amour et la dilection de votre prochain. Cet amour est plein de joie et de douceur, il nourrit et remplit l'âme de vertu; il ouvre l'oeil de l'intelligence, et le fixe sur Jésus crucifié et sur son amour ineffable. L'âme alors s'embrase d'amour, et s'empresse de suivre les traces du Christ, en s'attachant toujours à la vertu, en lui ressemblant dans les épreuves par la patience, et dans la prospérité, les plaisirs de la terre, les dignités, les grandeurs, par le dégoût, méprisant, avec Jésus-Christ, toutes les jouissances du monde. L'âme ainsi revêtue d'amour le fuit avec un maint et vrai zèle. Voilà ce que fait le [1532] saint et divin amour; c'est là le vêtement nuptial qu'il faut avoir, parce que nous sommes invités aux noces de la vie éternelle (Mt 22,11). C'est pourquoi je vous ai dit que je désirais vous voir revêtue du véritable et parfait amour, afin que vous puissiez pleinement satisfaire la volonté de Dieu et mon désir. Dieu ne cherche et ne veut que votre sanctification. Baignez-vous dans le sang de Jésus crucifié. Dans ce sang vous trouverez le feu de l'amour; dans ce sang se lavent nos iniquités. C'est ce que fait le représentant de Jésus-Christ, lorsqu'il absout notre âme dans la confession; il ne fait pas autre chose que de jeter le sang du Christ sur notre tête.

3. Dites à Gérard que voici le temps favorable; pour vivre il ne faut pas mépriser ce sang, et il ignore combien il doit vivre et quand il doit mourir. Qu'il se débarrasse de la corruption de ses pêchés par une bonne et sainte confession; il ne pourrait pas autrement participer à la grâce divine. Je vous en conjure, mon Fils et ma Fille, par l'amour de Jésus-Christ, que l'amour de vos enfants et de vous-mêmes, que les jouissances du monde ne vous éloignent jamais de ce que vous devez faire. Je ne vous dis pas autre chose. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1533].






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Lettre n. 321, A MADAME NIERA

CCCXXI.- A MADAME NIERA, de Gérard Gambacorti, à Pise.- De la confiance que nous devons avoir en Dieu seul, et des fruits qu'elle produit.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chère Fille dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir la servante et la fille fidèle du Père. Vous savez que l'amour est ce qui rend fidèle; on n'a confiance qu'en ce qu'on aime. Aussi nous voyons les vrais serviteurs de Dieu, à cause de l'amour qu'ils ont pour leur Créateur, perdre toute confiance et toute espérance en eux-mêmes; ils ne comptent pas sur leur vertu et leur savoir, mais ils reconnaissent leur néant; ils rapportent tout ce qu'ils ont à Dieu, qui le leur a donné par grâce, et non par obligation. (...)
Ceux qui aiment avec foi ont une foi vive; elle n'est pas morte, et produit de douces et saintes, oeuvres. Quelles sont les oeuvres qui montrent cette foi vive fondée sur le véritable amour? la patience contre l'injure ou contre les peines, de quelque manière que Dieu nous les envoie; la charité divine contre l'amour sensuel de nous-mêmes; l'humilité contre l'orgueil que font naître dans l'homme le rang, les délices, les honneurs et les plaisirs du monde. Cette humilité méprise le monde avec toutes ses pompes; mais personne ne peut l'avoir s'il ne reconnaît [1535] pas son néant, et s'il ne voit pas que Dieu s'est humilié jusqu'à l'homme. Lorsque l'âme considère que la souveraine Grandeur s'est abaissée jusqu'à notre humanité, elle rougit de son orgueil à la vue d'un Dieu si humilié. Ce sont les fruits produits par la foi vive qu'elle place uniquement en son Créateur.

2. Ceux qui possèdent et goûtent Dieu en vérité ne souffrent pas des peines et des tourments qu'ils éprouvent, parce qu'ils croient fermement que Dieu ne cherche, ne veut et ne permet rien que pour notre sanctification. Tout cela vient de l'amour, car sans l'amour la foi n'existerait pas. Voyez, au contraire, ceux qui ont placé leurs affections dans le monde: ils mettent toute leur foi, toute leur espérance en eux et dans le monde, et ils sont toujours dans la peine et le chagrin, parce qu'ils mettent leur âme dans une chose qui n'est pas ferme et stable, et ils se trouvent ainsi trompés. Quelle sûreté présentent un père, une mère, les honneurs, les richesses, la puissance? aucune, car tout cela passe comme le vent; ils vivent aujourd'hui, et demain ils seront. morts; de bien portants ils deviennent malades, et de riches, pauvres; ils mettent leur bonheur dans leurs enfants, et ils les perdent. Ils souffrent, parce qu'ils placent leur amour et leur désir dans des choses incapables de les satisfaire, parce qu'ils ne peuvent posséder ce qu'ils aiment. Aussi je ne veux pas, ma très douce Fille, que vous placiez votre affection, votre foi, votre espérance en vous et dans ce qui est corruptible; mais je veux que vous vous donniez tout entière à servir le Christ, le doux Jésus, où se trouvent tout bonheur, toute consolation. C'est là que l'âme s'enivre [1535] du sang de l'Agneau sans tache, qu'elle s'enflamme et se consume dans le feu d'une ardente charité; et elle y reçoit tant de force, que ni le démon ni les créatures ne peuvent lui ravir son bien. Cachez-vous donc dans les plaies de Jésus crucifié, placez votre affection, votre foi, votre espérance en Jésus crucifié, et avec ce doux et tendre Agneau, vous traverserez cette vie ténébreuse, et vous arriverez à la vie éternelle, où les âmes goûtent le bonheur parfait. Je ne veux pas vous en dire davantage.

3. Quant à ce que vous me dites de l'établissement de votre Fils, je vous répondrai que vous vous arrêtiez, non pas à la fortune et à la naissance, mais seulement à la vertu et au mérite de la jeune fille (Niera eut deux fils, Lotto, qui fut archevêque de Pise en 1382, et Jean, qui rétablit la fortune de sa famille en 1406.). Lorsque vous aurez trouvé cela, allez en toute assurance. Ce que vous faites, faites-le avec la crainte de Dieu, en fixant toujours sur lui les regards de votre âme. Bénissez et encouragez Gérard dans le Christ, le doux Jésus; dites à Gérard que je me plaindrai de lui à Jésus crucifié, parce qu'il n'a pas fait ce que doit faire tout fidèle chrétien. Dites-lui de ne pas attendre le dernier jour de sa vie, car il ne sait quand et comment il mourra. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1536] .






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Lettre n. 322, A MADAME TORA

CCCXXII.- A MADAME TORA, fille de messire Pierre Gambacorti, de Pise.- Elle l'exhorte à être la vraie servante et épouse de Jésus-Christ, en renonçant à tout amour des créatures.

(Tora est le diminutif de Théodora ou de Victoria. Cette fille de Gambacorti avait été fiancée très jeune à Simon de Massa; elle devint veuve à l'âge de quinze ans. Elle entre dans l'ordre de Saint-Dominique, et fut béatitiée sous le nom de bienheureuse Claire de Gambacorti; sa fête se célèbre le 17 avril.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher Fille dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir la vraie servante et épouse de Jésus crucifié, si bien que son amour te rende insupportables le monde et ses délices, parce qu'on n'y trouve aucune force, aucune stabilité. Tu sais bien, ma Fille, que c'est la vérité. Le monde t'a montré ses magnificences et ses plaisirs; mais tu sais maintenant combien ses joies sont vaines et misérables; elles engendrent la tristesse et l'amertume dans l'âme qui les possède d'une manière déréglée; elles ôtent la vie et donnent la mort, et l'âme tombe dans une affreuse misère et pauvreté. Il faut donc les fuir; il faut haïr la sensualité et lu plaisirs du monde, les mépriser de tout son coeur, de toutes ses forces, et se [1537] consacrer entièrement a" service de notre très doux Créateur. Le servir n'est pas être esclave, c'est régner, car c'est devenir tout puissant dans la vie éternelle, et dans celle-ci c'est devenir libre. L'âme est affranchie des liens du péché mortel, de l'amour du monde et de la sensualité. La raison devient maîtresse; elle règne sur le monde, qu'elle dédaigne, car personne ne peut le posséder qu'en le méprisant parfaitement.

2. L'âme ne serait-elle pas bien insensée si, pouvant être libre et épouse, elle se faisait servante et esclave en se livrant encore au démon, en devenant adultère? Oui, assurément, et c'est pourtant ce que fait l'âme affranchie de la servitude du démon, rachetée par le sang de Jésus crucifié, non pas avec de l'or et de l'argent, mais avec ce sang; elle s'avilit, elle méconnaît sa dignité, elle méprise et foule aux pieds ce sang qui l'a rachetée avec un si ardent amour. Dieu l'avait rendue l'épouse du Verbe, son Fils, et le doux Jésus l'a épousée avec sa chair dans la Circoncision; il a donné un anneau de sa chair pour preuve qu'il voulait être l'époux de l'humanité. Et l'âme aime quelque chose hors de lui, ou son père, ou sa mère, ses soeurs, ses frères, des parents, des richesses, des honneurs du monde, elle devient adultère; elle cesse d'être l'épouse fidèle de son Epoux, car une véritable épouse n'aime que son époux, et n'aime rien qui puisse être contre sa volonté. C'est ce que devrait faire la véritable épouse du Christ. Elle devrait l'aimer uniquement de tout son coeur, de toute son âme, de toutes ses forces, et détester tout ce qu'il déteste, le vice, le péché qu'il a tellement en [1538] horreur, qu'il a voulu le punir sur son propre corps pour nous sauver; elle devrait aimer tout ce qu'il aime, c'est-à-dire les vertus qui s'exercent par la charité du prochain en le servant autant que possible dans ses besoins avec une affection fraternelle.

3. Oui, je veux que tu sois une servante fidèle, et Je ne veux pas que tu sois sans époux. J'ai appris que Dieu avait appelé à lui ton époux. Si c'est pour le bien de son âme, je suis contente qu'il ait atteint le but pour lequel il avait été créé; mais puisque Dieu t'a délivrée du monde, je veux te lier à lui, et te faire épouser Jésus crucifié avec l'anneau de la très sainte Foi. Je ne veux pas te vêtir de deuil, c'est-à-dire du noir de l'amour-propre et des plaisirs du monde, mais du blanc de la pureté, en conservant ton esprit et ton corps dans l'état de continence. Tu couvriras cette pureté du manteau pourpre de la charité de Dieu, avec l'agrafe de l'humilité parfaite, avec les ornements des vraies et solides vertus, avec l'humble et continuelle prière, sans laquelle il est impossible d'acquérir aucune vertu. Lave souvent la face de ton âme avec la confession et la contrition du coeur; ce sera un parfum d'agréable odeur, qui te fera plaire à ton Epoux, le Christ béni. Et ainsi parée, va t'asseoir à la table de l'Autel pour y recevoir la nourriture des anges, le Pain vivant qui donne la vie, quand viendra le temps, comme à Pâques, aux fêtes de la douce Marie, et, selon que Dieu, t'y préparera, pour les autres fêtes solennelles. Réjouis-toi de te trouver sans cesse à la table de la très sainte Croix; et là, cache-toi, renferme-toi dans la douce chambre nuptiale, c'est-à-dire dans le côté de Jésus crucifié, où tu [1539] pourras te baigner dans son sang, qu'il a répandu pour laver la lèpre de ton âme. Là, tu sauras le secret de son coeur; il te montre par la blessure de son côté, qu'il t'a aimé et qu'il t'aime d'un amour ineffable.

4. Pense que ce doux Epoux est très jaloux de ton âme, et que, s'il voit son épouse s'éloigner un peu de lui, il l'abandonne et lui retire ses grâces et sa douceur. Je veux donc que tu évites la conversation des gens du monde autant que tu le pourras, afin de ne pas faire des choses qui éloignent de toi ton Epoux. Aime à rester dans ta cellule, et prends garde de perdre le temps, car il t'en sera maintenant demandé un compte plus sévère qu'autrefois; mais applique toi sans cesse à la prière, à la lecture, à quelque ouvrage manuel pour ne pas tomber dans l'oisiveté, qui serait bien dangereuse. Combats généreusement et sans crainte, et repousse tous les coups avec le bouclier de la très sainte Foi (Ep 6,16) en mettant toute ta confiance dans le Christ, ton Epoux, qui combattra pour toi. Je sais que tu vas avoir, ou peut-être, pour parler plus juste, que tu as à soutenir déjà de grands combats contre le démon qui trouble ton âme de bien des pensées; les créatures ne te feront pas moins souffrir, et peut-être davantage. Je sais qu'on te dira que tu es bien jeune, et qu'il n'est pas convenable que tu restes dans cet état, comme si c'était une honte pour ces ignorants et ces aveugles de ne pas te rattacher au monde. Mais sois forte et constante en t'appuyant sur la Pierre vives, et songe que si Dieu est pour toi, personne ne pourra rien contre toi. N'écoute ni le démon ni les créatures, qui te conseillent [1540] des choses opposées à Dieu, à sa volonté et au saint état de continence; mets ta confiance en Jésus crucifié, qui te fera traverser cette mer orageuse, et tu arriveras à cette mer pacifique, où la paix n'est jamais troublée. Afin de te conduire plus sûrement au port de la vie éternelle, je te conseillerais pour ton bien d'entrer dans la barque de la sainte obéissance, parce que c'est la voie la plus sûre et la plus parfaite; elle fait avancer l'âme sur cette mer, non pas avec ses forces, mais avec celles de l'Ordre. Je te prie d'y penser sérieusement, afin que tu Sois plus capable d'être la servante et l'épouse de Jésus crucifié. Car le servir, c'est régner; et pour te voir régner et vivre dans la grâce, je t'ai dit que je désirais te voir la vraie servante et épouse de Jésus crucifié. Fais preuve d'une bonne et sainte patience en cette occasion et dans tout ce qui pourrait t'arriver. Je ne t'en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.




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Lettre n. 323, A MADAME TORA

CCCXXIII.- A MADAME TORA, fille de messire Pierre Gambacorti, à Pise.- De l'instabilité du monde. - De la prière et de ses effets.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chère Fille dans Le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs [1541] de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de voir ton coeur et ton affection détachés du monde et de toi-même tu ne pourras pas autrement te revêtir de Jésus crucifié; car le monde n'a aucun rapport avec Dieu. Le coeur attaché au monde aime l'orgueil, Dieu aime l'humilité. Le monde recherche les honneurs, la fortune, la puissance, et le Christ béni les a méprisés, choisissant les opprobres, la honte, les affronts, les injures, la faim, la soif, le froid, le chaud, et jusqu'à la mort honteuse de la Croix; c'est cette mort qui a rendu honneur à son Père, et qui nous a fait renaître à la grâce. L'amour déréglé cherche à plaire aux créatures sans craindre. de déplaire au Créateur; et lui n'a jamais cherché autre chose que d'obéir à son Père pour notre salut; il a embrassé et revêtu la pauvreté Volontaire, et le monde cherche les grandes richesses. L'un est donc bien différent de l'autre; et nécessairement si le coeur est dépouillé du monde, il est plein de Dieu; s'il est vide de Dieu, il est plein du monde. Notre Sauveur l'a dit: Nul ne peut servir deux maîtres; s'il sert l'un, il méprisera l'autre. Nous devons donc avec un grand zèle détacher notre coeur et notre affection de ce monde tyrannique, et le donner librement et sincèrement tout à Dieu, sans partage, sans réserve, sans faux amour, parce que c'est notre Dieu, qui nous regarde, et qui voit les secrets les plus cachés de notre coeur.

2. Quelle serait notre folie, notre erreur si, sachant que Dieu nous regarde et qu'il est un juge juste, qui punit toutes les fautes et récompense toutes les vertus, nous étions assez aveugles pour attendre sans [1542] crainte le temps que nous n'avons pas, et que nous ne sommes pas sûrs d'avoir. Nous différons toujours, et si Dieu nous présente une chose, nous en prenons une autre; nous craignons beaucoup plus de perdre les biens qui passent et les créatures, que nous ne noua inquiétons de perdre Dieu lui-même. Tout cela vient de l'amour déréglé que nous avons mis en ces choses que nous gardons et possédons en dehors de la volonté de Dieu. Aussi nous goûtons, dès cette vie, les arrhes de l'enfer. Dieu permet justement que celui qui aime ces choses avec un amour déréglé, devienne insupportable à lui-même, et soit toujours en guerre dans son âme et dans son corps. Il souffre de ce qu'il possède, parce qu'il a peur de le perdre; et pour le conserver, il se fatigue le jour et la nuit; il souffre aussi de ce qu'il n'a pas, parce qu'il désire l'avoir, et ainsi jamais l'âme n'est calme au milieu des choses de ce monde, parce que ces choses sont moindres qu'elle. Elles sont faites pour nous, et non pas nous pour elles; nous sommes faits pour Dieu, pour jouir de l'éternel et souverain Bien. Dieu seul donc peut satisfaire l'âme; c'est en lui qu'elle trouve sa paix, son repos, car elle ne peut désirer et vouloir quelque chose qu'elle ne trouve pas en Dieu. Dieu sait, peut et veut nous donner plus que nous ne savons désirer pour notre salut. Nous l'avons éprouvé, car non seulement il nous donne ce que nous lui demandons, mais encore il nous a donné avant que nous fussions. Sans que nous l'en prions, il nous a créés à son image et à sa ressemblance (Gn 1,26), et il nous a fait renaître à la grâce dans le sang de son Fils. Aussi l'âme trouve sa paix en lui seulement, car il est la suprême [1543] Richesse, la suprême Sagesse, la suprême Bonté, la suprême Beauté, tellement que personne ne peut comprendre sa bonté, sa grandeur, sa félicité, si ce n'est lui-même; et il sait, il peut, il veut satisfaire et combler les saints désirs de ceux qui veulent se dépouiller du monde et se revêtir de lui. Je veux donc que nous mettions tout notre soin, tous nos efforts à dépouiller notre coeur de toutes les choses de la terre et de toutes les créatures, aimant tout le morde en Dieu et pour Dieu, et rien en dehors de lui.

3. Oui, ma très douce Fille, je t'engage à placer et à affermir ton coeur et ton esprit en Jésus crucifié. Cherche-le, pense à lui, que ton bonheur soit d'être toujours devant Dieu par une humble et continuelle prière: c'est là le principal exercice que je te recommande. Consacres-y Je plus de temps que tu pourras, car la prière est une mère qui, par l'amour de Dieu, conçoit les vraies vertus et les enfante par la charité du prochain. Dans la prière, l'âme apprend à se dépouiller elle-même et à se revêtir du Christ. Par elle tu goûteras le parfum de la continence, tu acquerras une force si grande, que tu ne craindras plus les attaques du démon, les révoltes de la chair fragile et la langue des créatures, qui veulent t'éloigner de tes saintes résolutions; contre tous ces ennemis, tu seras forte, constante et persévérante jusqu'à la mort. Dans la prière, tu trouveras l'amour des souffrances, qui te rendra conforme à Jésus crucifié; tu trouveras une lumière surnaturelle, qui t'éclairera dans le chemin de la vérité. J'aurais bien d'autres chose à te dire sur cette mère, sur la prière mais le peu de temps que j'ai ne me le permet pas. Applique-toi [1544] donc à la prière, et fais toujours tous tes efforts pour te connaître, pour connaître tes défauts, la grande bonté de Dieu à ton égard, l'ardeur de an charité et ses bienfaits infinis. Je termine. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.





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Lettre n. 324, A MADAME JACQUELINE

CCCXXIV.- A MADAME JACQUELINE, femme de messire Trinci de Foligno.- De la patience.- Des motifs et des moyens pour acquérir cotte vertu.- Elle la console de la perte de son mari, mort au service de l'Eglise.

(Cette dame était femme de Trinci des Trinci, seigneur de Foligno, auquel est adressée la lettre LXXVI)

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chère Soeur dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir affermie dans la vraie et parfaite patience; car je pense que l'âme ne peut plaire à Dieu ni rester dans an grâce sans la vertu de patience, parce que, dès qu'elle est impatiente, elle est privée de la grâce de Dieu. L'impatience procède de l'amour de soi-même; elle est revêtue de la volonté sensitive, et l'amour-propre, et la sensualité ne peuvent être en Dieu. Vous voyez donc bien que l'âme [1545] qui est impatiente est privée de Dieu. " Il est impossible, dit le Christ, que l'homme puisse servir deux maîtres; s'il sert l'un, il méprisera l'autre, car ils sont opposés" (Mt 6,24 Lc 16,13). Le monde et Dieu n'ont aucun rapport ensemble; les serviteurs du monde et les serviteurs de Dieu sont aussi différents. Celui qui sert le monde ne se plaît que dans l'amour sensuel et déréglé des plaisirs, des richesses, des honneurs, de la puissance, de toutes les choses qui passent comme le vent, parce qu'elles n'offrent aucune sûreté, aucune durée.

2. L'homme désire outre mesure une vie longue, et la vie est courte; il désire la santé, et bien souvent il est malade. Toutes les joies et les consolations du monde sont si peu durables, qu'il faut qu'elles nous quittent ou que nous les quittions. Quelquefois Dieu permet qu'elles nous soient enlevées; nous perdons notre fortune ou ceux qui nous sont chers, ou quelquefois nous les abandonnons nous-mêmes lorsque Dieu nous retire de la vie. Je dis donc que l'amour déréglé des serviteurs du monde pour eux-mêmes leur fait aimer aussi d'un amour déréglé les créatures, enfants, maris, frères, pères, mères et tous les biens du monde. Lorsqu'ils les perdent, ils en souffrent cruellement, ils tombent dans l'impatience et le désespoir, et ce n'est pas étonnant. La douleur de la perte qu'ils éprouvent est proportionnée à l'amour avec lequel ils possédaient; ils goûtent, dès cette vie, les arrhes de l'enfer, et s'ils n'ont pas soin de reconnaître leur faute et de supporter avec patience le malheur que Dieu a permis pour leur bien, ils arrivent à l'éternelle damnation [1546].

3. O mes très chères Soeurs et Filles ( Cette lettre s'adressait aussi à d'autres dames de la famille), combien est insensé celui qui s'attache au monde, à ce maître misérable, sans loyauté et plein d'artifices! Comme il trompe celui qui met en lui sa confiance! Il parait beau, et il est affreux; il veut faire croire qu'il est stable et sûr, et il change toujours. Ne le voyons-nous pas jusqu'à l'évidence? aujourd'hui nous sommes riches, et demain pauvres; aujourd'hui maîtres, et demain serviteurs; aujourd'hui vivants, et demain morts. Nous voyons donc bien que rien n'est assuré. C'est ce que voulait enseigner le glorieux saint Paul, lorsqu'il disait: " Gardez-vous de ceux qui mettent leur confiance en eux-mêmes et dans le monde, car, lorsqu'on se croit bien affermi" (1Co 10,12) tout tombe et c'est là vérité. Nous devons retirer au monde notre amour et notre confiance, puisque, de quelque côté que nous nous tournions, il cause tant de fautes et tant de peines. Il ne vient vraiment que chagrin et scandale des choses du monde qu'on possède hors de Dieu. Ce que nous aimons, nous devons l'aimer en Dieu pour l'honneur et la gloire de son nom. Je ne voudrais pas cependant que vous croyiez que Dieu ne veut pas que nous nous aimions. Il veut que nous nous aimions, parce que toutes les choses qu'il a faites sont dignes d'être aimées. Dieu, qui est la bonté suprême, a fait bonnes toutes les choses, car il ne peut que bien faire; mais l'homme doit les aimer selon l'ordre, selon Dieu, et reconnaître humblement que lui seul les rend mauvaises par sa faute. Le mal [1547] vient uniquement de notre volonté déréglée avec laquelle nous les aimons, et cette volonté, non seule. ment n'est pas digne d'être aimée, mais elle est digne de haine et de châtiment, puisqu'elle n'est pas en Dieu.

4. Le monde, ce misérable maître, est vraiment bien en opposition avec Dieu; Dieu veut la vertu, et le monde le vice; Dieu est la patience même, et le monde est impatient; en Jésus crucifié se trouve la clémence, la paix, le repos que rien ne peut troubler; ses promesses ne trompent jamais; il est la vie (Jn 1,4 Jn 14,6), et nous avons en lui la vie; il est la vérité (Jn 14,6), et il tient toujours sa parole; il récompense le bien, et punit le mal; il est la lumière qui nous donne la lumière (Jn 8,12); il est notre espérance, notre protecteur, notre force, et il n'abandonne jamais ceux qui mettent en lui leur confiance. L'âme reçoit autant qu'elle espère en sou Créateur. Il soutient notre faiblesse, et fortifie le coeur de l'affligé qui réclame son secours avec une humilité sincère et avec confiance, pourvu que nous fixions l'oeil de l'intelligence, éclairé de la vraie lumière, sur son ineffable charité. Nous acquérons cette lumière en contemplant le sang de Jésus crucifié; car sans la lumière nous ne pouvons voir combien c'est une chose misérable d'aimer le monde, et combien il est bon et utile d'aimer et de craindre Dieu; car, en ne voyant pas, nous ne pourrons aimer ce qui est digne d'être aimé, et détester le péché, qui est digne de haine.

5. Voici le moment de servir le doux Maître avec une vraie patience. Vous avez éprouvé combien est pénible la servitude du monde, et combien ses biens [1548] disparaissent promptement. Attachez-vous donc à Jésus crucifié, et commencez à le servir de tout votre coeur, de tout votre âme; supportez avec une Vraie patience la sainte affliction qu'il vous a imposée non parla haine, mais par amour pour le salut de son âme, à l'égard de laquelle il a été si miséricordieux en lui permettant de mourir au service de la sainte Eglise ( Voir la Lettre LXXVI). S'il était mort d'une autre manière, au milieu des erreurs et des jouissances du monde, entouré d'amis et de parents qui bien souvent sont des obstacles à notre salut, il aurait eu bien à faire; mais Dieu qui l'aimait particulièrement a voulu le sauver, et a permis cette circonstance qui a été favorable à son âme. Et vous devez plus aimer l'âme que le corps, car ce corps est mortel et fini, et l'âme est immortelle et infinie. Vous voyez donc que le Providence a pourvu à son salut; et pour vous, elle a voulu vous faire souffrir des peines, afin de vous en récompenser dans la vie éternelle. Nous l'avons dit, tout bien est récompensé, toute faute punie; c'est-à-dire toute peine, toute affliction supportées avec patience, et toute impatience tout murmure, toute haine que nous avons eus contre Dieu, notre prochain et nous-mêmes. Le doux et bon Jésus a voulu que vous connaissiez le monde, et combien il est misérable de prendre pour Dieu ses enfants, son mari, sa fortune, ou quelque chose que ce soit, Et si vous me dites L'épreuve est si grande, que je ne puis la porter, je vous répondrai, très chère soeur, que l'épreuve est petite, et que vous pouvez la porter; je dis petite [1549], à cause de la petitesse et de la brièveté du temps, car l'épreuve ne dure pas plus que. le temps, et quand nous quittons cette vie, nos épreuves sont finies. Qu'est-ce le temps pour nous? Les saints disent: Une pointe d'aiguille sans hauteur et sans largeur. Il est de même de la vie de notre corps, qui disparaît dès qu'il plaît à la Bonté divine de nous retirer de ce monde.

6. Je dis encore qu'il faut souffrir l'épreuve, car personne ne peut s'en délivrer par l'impatience. On a beau dire: Je ne puis pas, je ne veux pas souffrir, il faut toujours souffrir, et la résistance ne fait qu'ajouter à la souffrance par la volonté propre; c'est dans cette volonté que se trouve toute peine. La peine est proportionnée à la volonté; ôtez la volonté, et vous ôterez la peine. Et comment perdre cette volonté? dans le souvenir du sang de Jésus crucifié. Ce sang est si désirable, que toute amertume devient douce par le souvenir de ce sang, et que tout fardeau devient léger. C'est que dans le sang du Christ nous trouvons l'amour ineffable qu'il a eu pour nous; c'est par amour qu'il nous a donné la vie, et rendu la grâce que nous avions perdue par le péché. Dans ce sang nous trouvons la grandeur de sa miséricorde, et nous voyons que Dieu ne veut autre chose que notre bien. O doux Sang qui enivre l'âme qui nous donne la patience et nous revêt de la robe nuptiale qu'il faut avoir pour entrer dans la vie éternelle! C'est le vêtement de la charité, sans lequel nous serons chassés du festin de la vie éternelle (Mt 22,11-13). Oui, très chère Soeur, c'est dans le souvenir de ce sang que nous trouvons la joie et la consolation dans toutes nos peines et nos adversités. Aussi je vous ai dit que, par le souvenir du sang du Christ, est détruite la volonté sensitive, qui cause l'impatience, et ce souvenir du sang nous revêt de la volonté de Dieu, où l'âme trouve tant de patience, que rien de ce qui lui arrive ne peut la troubler, mais qu'elle gémit plus de ne pas aimer souffrir et de résister à la volonté de Dieu que de ses peines mêmes. Vous devez faire ainsi, et gémir de votre faiblesse et de vos plaintes. De cette manière vous mortifierez le vice de la colère et de l'impatience, et vous acquerrez la vertu parfaite.

7. Considérez vous-même combien de peines le Christ a souffertes pour nous, avec quel amour il vous a accordé les vôtres, afin que vous soyez sanctifiée en lui. Voyez combien la peine est petite, puisque le temps est si court; combien toutes nos épreuves seront récompensées; combien Dieu est bon, puisqu'il ne veut autre chose que notre bien et en y réfléchissant saintement, tout vous deviendra léger; vous supporterez la tribulation, en voyant nos fautes qui la méritent, et la bonté de Dieu si pleine de miséricorde envers nous; car nos fautes mériteraient une peine infinie, et il nous punit avec ces peines finies. Non seulement elles détruisent le péché, mais elles nous méritent la vie éternelle par la grâce que Dieu donne à celui qui le sert avec patience. Il est si bon, que le servir n'est pas être esclave, c'est régner. Il nous a fait tous libres et rois, parce qu'il nous a tirés de la servitude du démon, de son odieuse tyrannie, de son affreux esclavage. Courage donc, très chère Fille: puisqu'il est si amer de servir et d'aimer d'un amour [1551] déréglé le monde, les créatures et nous-mêmes, et puisqu'il est si doux d'aimer et de craindre notre doux Sauveur, notre Maître légitime, qui noue a aimés avant que nous fussions, à cause de son infinie charité; il n'y a plus de temps à perdre; il faut, avec une foi vive et une parfaite lumière, nous confier en Celui qui nous secourra dans tous nos besoins; il faut le servir de tout notre coeur, de toute notre âme. de toutes nos forces, avec une véritable patience, qui est pleine de douceur.

8. La patience est toujours maîtresse; elle triomphe toujours, et n'est jamais vaincue, parce qu'elle ne se laisse pas dominer et posséder par la colère. Aussi, celui qui l'a, ne voit pas la mort éternelle, mais il goûte, dès cette vie, les arrhes de la vie éternelle, Sans elle, au contraire, nous sommes privés par la mort, des biens de la terre et des biens du ciel. En voyant ce danger et en apprenant la position où vous a réduite le malheur qui vous est arrivé, j'ai craint que vous ne perdiez le fruit de votre peine, et je vous ai dit, je vous répète que je désire vous voir affermie dans la vraie et parfaite patience. Vous devez le faire afin que, quand vous serez appelée par la douce Vérité première, vous puissiez lui dire, au moment de la mort: Seigneur, j'ai passé (2Tm 4,7) et terminé ma vie dans la foi et l'espérance que j'avais en vous, supportant avec patience les peines que vous m'avez accordées pour mon bien. Maintenant je vous demande en grâce, par les mérites de votre sang précieux, de vous donner à moi, vous qui êtes la vie sans mort, la lumière sans ténèbres, le rassasiement sans dégoût, la faim désirable sans souffrance, le bien parfait que [1552] la langue ne peut exprimer, le coeur imaginer, l'oeil contempler, le bien que vous avez préparé pour moi et pour tous ceux qui souffrent volontairement toutes les peines pour votre amour.

9. Je vous promets, très chère Soeur, qu'en agissant ainsi Dieu vous rendra même vos biens temporels (En effet, le successeur d'Urbain VI, Boniface IX, rendit à la famille des Trinci de Foligno son ancienne puisssance.), et qu'à la fin vous arriverez dans votre patrie, à Jérusalem, la vision de la paix. Il l'a fait pour Job, qui montra si bien sa patience. Il avait perdu tout ce qu'il avait (Jb 1,14-17), ses enfants (Jb 1,18-19), sa fortune, tellement que sa chair était dévorée de vers. Sa femme seule lui était restée pour le tourmenter sans cesse (Jb 2,9); et dans tous ses malheurs, Job ne se plaignait pas, mais il disait: Dieu me l'a donné, Dieu me l'a ôté; que son saint nom soit béni (Jb 1,21). Dieu, en voyant tant de patience en Job, lui rendit le double de ce qu'il avait (Jb 42,10); il lui donna la grâce en ce monde et la vie éternelle dans l'autre. Faites de même, et ne vous laissez pas tromper par la passion sensitive, par le monde, le démon et la parole des créatures. Préservez votre coeur de la haine contre le prochain, car ce mal est pire que la lèpre; la haine fait dans l'âme comme celui qui veut tuer son ennemi, et qui, en tournant la pointe de son épée contre lui-même, se tue avant de le tuer. La haine fait de même; l'âme se tue avant de tuer son ennemi. J'espère de la bonté de Dieu que vous ferez ce que je vous recommande; et pour mieux le faire, confessez-vous souvent, et recherchez la société des serviteurs de Dieu; aimez la prière, où l'âme se connaît [1553] et connaît Dieu. Baignez-vous dans le sang de Jésus crucifié. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.



Catherine, Lettres 155