2013 Directoire prêtres 40


40 La vie commune est une image de cette apostolica vivendi forma de Jésus avec ses apôtres. Avec le don du célibat sacré pour le royaume des cieux, le Seigneur nous a fait devenir d’une manière spéciale des membres de sa famille. Dans une société marquée fortement par l’individualisme, le prêtre a besoin d’une relation personnelle plus profonde et d’un espace vital caractérisé par l’amitié fraternelle où il puisse vivre comme chrétien et comme prêtre : « Les moments de prière et d’étude en commun, le partage des exigences de la vie et du travail sacerdotal sont une part nécessaire de votre vie ».[164] Dans une telle atmosphère d’aide mutuelle, le prêtre trouve un terrain propice pour persévérer dans sa vocation au service de l’Église : « En compagnie du Christ et des frères, chaque prêtre peut trouver les énergies dont il a besoin pour s’occuper des hommes, pour se charger des besoins spirituels et matériels qu’il rencontre, pour enseigner avec des paroles toujours neuves, dictées par l’amour, les vérités éternelles de la foi dont nos contemporains ont également soif ».[165]

Dans la prière sacerdotale lors de la dernière cène, Jésus a prié pour l’unité de ses disciples : « Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi ». (
Jn 17,21). Chaque communion dans l’Église « découle de l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit ».[166] Les prêtres doivent être convaincus que leur communion fraternelle, spécialement dans la vie commune, constitue un témoignage, comme l’a précisé le Seigneur Jésus dans sa prière au Père : que ses disciples soient un « pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17,21) et pour qu’il sache que « tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17,23). « Jésus demande que la communauté sacerdotale soit un reflet et une participation de la communion trinitaire : quel sublime idéal ! ».[167]



Communion avec les fidèles laïcs

41 Homme de communion, le prêtre ne pourra exprimer son amour pour le Seigneur et pour l’Église sans le traduire dans un amour effectif et inconditionnel pour le peuple chrétien, objet de son soin pastoral.[168]

Prolongeant la présence du Christ, le prêtre se rendra « en quelque sorte transparent à lui au milieu du troupeau » qui lui est confié,[169] en se plaçant dans une « relation positive et encourageante » avec les fidèles laïcs. En reconnaissant en eux la dignité de Fils de Dieu, il travaillera à la promotion de leur rôle propre dans l’Église, et mettra à leur service tout son ministère sacerdotal et sa charité pastorale.[170] Cette attitude d’amour et de charité est bien étrangère à cette soi-disant “laïcisation des prêtres”, qui elle porte à diluer chez les prêtres ce qui en constitue l’identité. Les fidèles demandent aux prêtres de manifester ce qu’ils sont, tant pour l’aspect extérieur que pour la dimension intérieure, en tout moment, lieu ou circonstance. Une occasion précieuse pour la mission évangélisatrice du pasteur d’âmes est la tradition de la visite annuelle et la bénédiction pascale des familles.

Cette dimension de l’édification de la communauté chrétienne demande aux prêtres de surmonter toute attitude particulariste ; en effet, les prêtres ne doivent jamais se mettre au service d’une idéologie particulière, ce qui amoindrirait l’efficacité de leur ministère. La relation du prêtre avec les fidèles doit toujours être avant tout sacerdotale.

Connaissant la profonde communion qui le lie aux fidèles laïcs et aux religieux, le prêtre mettra tous ses efforts pour « susciter et développer la coresponsabilité dans une même et unique mission de salut, en valorisant avec empressement et de bon coeur tous les charismes et les fonctions que l’Esprit répartit aux croyants pour la construction de l’Église ».[171]

Plus concrètement, le curé en recherchant toujours le bien commun dans l’Église, favorisera les associations de fidèles et les mouvements ou nouvelles communautés qui se proposent des finalités religieuses,[172] en les accueillant tous et en les aidant à trouver entre eux une unité de buts, dans la prière et dans l’action apostolique.

Une des tâches qui demande leur attention particulière est la formation des laïcs. Le prêtre ne peut pas se contenter d’une connaissance superficielle de la foi chez ses fidèles, mais il doit s’efforcer de leur donner une solide formation, en persévérant dans ses efforts par des cours de théologie, des cours sur la doctrine chrétienne, spécialement avec l’étude du Catéchisme de l’Église Catholique et de son Compendium. Cette formation aidera les laïcs à remplir pleinement leur rôle d’animateurs chrétiens de l’ordre temporel (politique, culturel, économique, social).[173] En outre, dans certains cas, ils pourront confier à des laïcs suffisamment formés et qui expriment un désir sincère de servir l’Église, certaines tâches – conformément aux lois ecclésiastiques – qui ne sont pas exclusivement de la compétence du ministère sacerdotal et qu’ils peuvent remplir en fonction de leur expérience professionnelle et personnelle. De cette manière, le prêtre sera plus libre pour mieux remplir ses fonctions primordiales qui sont la prédication, la célébration des sacrements et la direction spirituelle. En ce sens, une des tâches importantes des curés est celle de découvrir parmi les fidèles les personnes ayant les capacités, les vertus et une vie chrétienne cohérente – par exemple dans le mariage – pour collaborer efficacement aux diverses activités pastorales : préparation des enfants à la première communion et la première confession ; préparation des adolescents à la confirmation ; participation à la pastorale des familles ou à la catéchèse préparatoire au mariage etc. Il est évident que former ces personnes – qui constituent des modèles pour tant d’autres – ainsi que les accompagner dans leur cheminement de foi, devra être un des principaux soucis des prêtres.

Dans la mesure où il réunit la famille de Dieu et réalise l’Église-communion, le prêtre – conscient du grand don de sa vocation - devient pontife, celui qui unit l’homme avec Dieu, se faisant « frère des hommes du même fait qu’il veut être leur pasteur, leur père et leur maître ».[174] Pour l’homme d’aujourd’hui qui cherche le sens de son existence, il est le guide et bon pasteur qui conduit à la rencontre avec le Christ, rencontre qui se réalise dans l’Église comme annonce et comme réalité déjà présente, bien que de manière non-définitive. De cette manière, le prêtre mis au service du Peuple de Dieu se présentera comme expert en humanité, homme de vérité et de communion, témoin de la sollicitude de l’Unique Pasteur pour toutes et chacune de ses brebis. La communauté pourra compter surement sur sa disponibilité, sur son infatigable oeuvre d’évangélisation, et surtout sur son amour fidèle et inconditionnel. Son assiduité dans la prédication, la célébration des sacrements, en particulier les sacrements de l’eucharistie et de la pénitence, ainsi que dans la direction spirituelle comme moyen pour aider à discerner les signes de la volonté de Dieu[175] seront des manifestations de cet amour. Il exercera donc sa mission spirituelle avec amabilité et fermeté, avec humilité et esprit de service,[176] en restant ouvert à la compassion, en participant aux souffrances qui frappent les hommes avec les différentes formes de pauvreté spirituelle et matérielle, anciennes et nouvelles. Il saura aussi se pencher avec miséricorde sur le chemin difficile et incertain de la conversion des pécheurs, auxquels il réservera le don de la vérité et la bienveillance patiente et encourageante du Bon Pasteur, qui ne fait pas de remontrances à la brebis perdue, mais la charge sur ses épaules et fête son retour à la bergerie (
Lc 15,4-7).[177]

Il s’agit d’affirmer la charité du Christ comme origine et réalisation parfaite de l’homme nouveau (cf. Ep 2,15) autrement dit de ce que l’homme est dans sa pleine vérité. Cette charité se traduit dans la vie du prêtre par une authentique passion qui ordonne expressément son ministère à la génération du peuple chrétien.


Communion avec les membres des Instituts de vie consacrée

42 Il réservera une attention particulière aux relations avec les frères et les soeurs engagés dans la vie d’une spéciale consécration à Dieu, quelle qu’en soit la forme, en leur manifestant une estime sincère et un esprit effectif de collaboration apostolique, dans le respect et la promotion de leurs charismes spécifiques. Il coopérera en outre à ce que la vie consacrée apparaisse toujours plus lumineuse, pour le bien de l’Église entière, et toujours plus convaincante et attirante pour les nouvelles générations.

Dans cet esprit d’estime pour la vie consacrée, le prêtre apportera un soin particulier aux communautés qui pour diverses raisons ont davantage besoin de bonne doctrine, d’assistance et d’encouragement dans la fidélité et dans la recherche de vocations.


Pastorale des vocations

43 Le prêtre réservera un soin particulier à la pastorale des vocations, en ne manquant pas d’encourager la prière à cette intention, de se dépenser dans la catéchèse, de soigner la formation des servants d’autel, de favoriser des initiatives appropriées au moyen d’un rapport personnel qui fasse découvrir les talents et sache reconnaître la volonté de Dieu pour un choix courageux à la suite du Christ.[178] Les familles jouent un rôle de premier plan dans ce domaine en tant qu’églises domestiques où les jeunes apprennent depuis leur plus jeune âge à prier, à grandir dans les vertus et à être généreux. Les prêtres doivent encourager les époux chrétiens à faire de leur foyer une authentique école de vie chrétienne, à prier avec leurs enfants, à demander à Dieu qu’il appelle quelqu’un à le suivre de près d’un coeur sans partage (cf. 1Co 7,32-34), à se montrer toujours joyeux face aux vocations qui pourraient surgir dans leur propre famille.

Cette pastorale devra tout d’abord se fonder sur la grandeur de l’appel – élection divine en faveur des hommes – ; il convient de présenter en premier lieu aux jeunes le don précieux et très beau que représente la vocation de suivre le Christ. À ce propos, le ministre ordonné joue un rôle important par son témoignage de foi et de vie. Certainement, la conscience claire de son identité, la cohérence de sa vie, la joie transparente et l’ardeur missionnaire constituent autant d’éléments indispensables de cette pastorale des vocations qui doit s’intégrer dans la pastorale générale ordinaire. Par conséquent la manifestation joyeuse de son adhésion au mystère de Jésus, son attitude de prière, le soin et la dévotion avec lesquels il célèbre la sainte messe et les sacrements exerceront un rayonnement et un attrait sur les jeunes.

En outre, la longue expérience de l’Église a mis en évidence la nécessité de veiller avec patience et constance, sans jamais se décourager, à la formation des jeunes depuis qu’ils sont tout petits afin qu’ils acquièrent les ressources spirituelles nécessaires pour répondre à un appel éventuel de Dieu. Il est indispensable à cet effet – et cela devrait faire partie de toute pastorale des vocations – de stimuler en eux la vie de prière et l’intimité avec Dieu, le recours aux sacrements, spécialement l’Eucharistie et la confession, ainsi que la direction spirituelle comme aide pour progresser dans la vie intérieure. Les prêtres présenteront ainsi de manière adéquate et généreuse cette vocation aux jeunes qui semblent bien disposés. Cet engagement doit être constant mais il faudra l’intensifier à certains moments comme par exemple lors d’exercices spirituels ou de la préparation à la confirmation ou en préparant les enfants de choeur.

Avec le séminaire, berceau de sa vocation et terrain d’une première expérience de vie de communion, le prêtre maintiendra toujours des rapports de collaboration cordiale et d’affection sincère.

C’est « une exigence incontournable de la charité pastorale »[179] que chaque prêtre – secondant la grâce du Saint-Esprit – se préoccupe de susciter au moins une vocation sacerdotale qui puisse continuer son ministère au service du Seigneur et en faveur des hommes.


Engagement politique et social

44 Le prêtre, serviteur de l’Église qui par son universalité et sa catholicité ne peut se lier à aucune contingence historique, se tiendra au-dessus de tout parti politique. Il ne peut pas prendre une part active dans des partis politiques ou dans la direction d’associations syndicales, sauf si, d’après le jugement de l’autorité ecclésiastique compétente, la défense des droits de l’Église et la promotion du bien commun le requièrent.[180] En effet, ces fonctions, tout en étant bonnes en elles-mêmes sont cependant étrangères à l’état clérical, puisqu’elles peuvent constituer un grave danger de rupture de la communion ecclésiale.[181]

Comme Jésus (cf.
Jn 6,15ss.), le prêtre « doit renoncer à toute forme active d’engagement politique, spécialement quand celle-ci est partisane, comme cela survient presque inévitablement, pour demeurer l’homme de tous en vue de la fraternité spirituelle ».[182] Aussi, chaque fidèle doit toujours pouvoir accéder au prêtre sans se sentir exclu pour quelque raison que ce soit.

Le prêtre se souviendra « qu’il n’appartient pas aux Pasteurs de l’Église d’intervenir directement dans la construction politique et dans l’organisation de la vie sociale. Cette tâche fait partie de la vocation des fidèles laïcs, agissant de leur propre initiative avec leurs concitoyens ».[183] Toutefois, il ne manquera pas, en suivant les indications du Magistère, de s’appliquer « à l’effort de former correctement leur conscience ».[184] Le prêtre exerce donc une responsabilité particulière pour expliquer, promouvoir et, si besoin en était, pour défendre – toujours en suivant les orientations du droit et du Magistère de l’Église – les vérités religieuses et morales, également face à l’opinion publique et même, s’il possède la préparation spécifique nécessaire, dans les moyens de communication de masse. Dans une culture toujours plus sécularisée où la religion est souvent négligée ou considérée comme insignifiante, ou même, sans pas droit de cité dans le débat social et tout au plus reléguée à l’intimité des consciences, le prêtre est appelé à soutenir le sens public et communautaire de la foi chrétienne, en la transmettant de manière claire et convaincante en toute occasion, « à temps et à contretemps » (2Tm 4,2) et en tenant compte du patrimoine d’enseignements de la Doctrine sociale de l’Église. Le Compendium de la doctrine sociale de l’Église constitue un instrument efficace qui l’aidera à présenter cet enseignement social et à en montrer toute la richesse dans le contexte culturel contemporain.

La réduction de la mission sacerdotale à des charges temporelles, purement sociales ou politiques ou de toute façon étrangères à son identité, n’est pas une conquête mais une perte très grave pour la fécondité évangélique de l’Église tout entière.




II. SPIRITUALITÉ SACERDOTALE

La spiritualité du prêtre consiste principalement en une profonde relation d’amitié avec le Christ qui l’appelle à venir auprès de lui (cf. Mc 3,13). Dans la vie du prêtre, Jésus aura toujours la prééminence sur tout. Chaque prêtre agit dans un contexte historique particulier avec ses défis et exigences. Pour cette raison, la garantie de la fécondité du ministère plonge ses racines dans une profonde vie intérieure. Si le prêtre ne compte pas avant tout sur le primat de la grâce, il ne pourra relever les défis de son époque, et tout plan pastoral, aussi élaboré qu’il soit, sera voué à l’échec.



2.1  Contexte historique actuel


Savoir interpréter les signes des temps

45 La vie et le ministère des prêtres se développent toujours dans le contexte historique, empreint de problèmes nouveaux et de solutions inédites, dans lequel vit l’Église en pèlerinage dans le monde.

Le sacerdoce ne naît pas de l’histoire, mais de la volonté immuable du Seigneur. Cependant, il affronte les circonstances historiques et – bien que restant toujours identique – il s’exprime aussi, dans les choix concrets, à travers une évaluation évangélique des “signes des temps”. Aussi, les prêtres ont le devoir d’interpréter ces “signes” à la lumière de la foi et de les soumettre à un discernement prudent. En aucun cas ils ne pourront les ignorer, surtout s’ils veulent orienter leur vie de manière efficace et pertinente afin que leur service et leur témoignage soient toujours plus féconds pour le Royaume de Dieu.

Dans l’étape actuelle de la vie de l’Église, dans un contexte social marqué par une intense sécularisation, après qu’ait été reproposé á tous un “haut degré” de la vie chrétienne ordinaire, celle de la sainteté[185] les prêtres sont appelés à vivre avec profondeur leur ministère, comme des témoins de l’espérance et de la transcendance, compte tenu des exigences d’ordre non seulement pastoral mais aussi social et culturel auxquelles ils doivent faire face, celles-ci étant chaque fois plus profondes, nombreuses et délicates.[186]

Les prêtres sont donc aujourd’hui engagés dans divers champs d’apostolat qui demandent la générosité et un don de soi complet, une préparation intellectuelle certaine, et surtout une vie spirituelle mûre et profonde, enracinée dans la charité pastorale. De cette manière, s’ils s’efforcent de vivre pleinement leur consécration – en demeurant unis au Christ et en se laissant pénétrer de son Esprit – malgré leurs limites, ils pourront réaliser leur ministère, soutenus par une grâce à laquelle ils pourront pleinement se fier. C’est donc à elle qu’ils doivent recourir, « sachant que, ainsi, ils peuvent tendre à la perfection, avec l’espérance de progresser toujours davantage dans la sainteté ».[187]


L’exigence de la conversion pour l’évangélisation

46 Le prêtre est par conséquent tout particulièrement impliqué dans l’engagement de l’Église pour l’évangélisation. Partant de sa foi en Jésus Christ, Rédempteur de l’homme, elle sait trouver en Lui une « richesse inscrutable » (Ep 3,8), qu’aucune époque ni aucune culture ne peut épuiser, et grâce à laquelle tous les hommes peuvent s’enrichir.[188]

Le moment est donc venu de renouveler notre foi en Jésus Christ, qui est le même « hier, aujourd’hui et toujours » (He 13,8). Par conséquent, « l’appel à la nouvelle évangélisation est avant tout un appel à la conversion »[189]. En même temps, il s’agit d’un appel à l’espérance, « qui s’appuie sur les promesses de Dieu, sur la fidélité à sa Parole, et sur la certitude indestructible de la résurrection du Christ, de sa victoire définitive sur le péché et la mort, première annonce et source de toute évangélisation, fondement de toute promotion humaine, principe de toute culture chrétienne authentique ».[190]

Dans ce contexte, le prêtre doit avant tout raviver sa foi, son espérance et son amour sincère envers le Seigneur, pour pouvoir L’offrir à la contemplation des fidèles et de tous les hommes tel qu’il est véritablement : une Personne vivante, fascinante, qui nous aime plus que quiconque puisqu’il a donné sa vie pour nous. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15,13).

Aussi le prêtre devra agir dans un esprit d’accueil et de joie, fruit de son union avec Dieu dans la prière et le sacrifice, élément essentiel de sa mission évangélisatrice, et se faire tout à tous (cf. 1Co 9,19-23) afin de les gagner au Christ. De la même manière, conscient de la miséricorde imméritée de Dieu dans sa vie et celle de ses confrères, il doit cultiver l’humilité et la miséricorde envers tout le peuple de Dieu, en particulier envers ceux qui se sentent étrangers à l’Église. Le prêtre, conscient que toute personne, chacune à sa manière, est en quête d’un amour capable de lui faire dépasser les limites de la faiblesse, de l’égoïsme, et surtout de la mort, proclamera que Jésus Christ est la réponse à toutes ces attentes.

Dans la nouvelle évangélisation, le prêtre est appelé à devenir un héraut de l’espérance[191] parce qu’il est conscient d’avoir été touché lui-même, en premier, par le Seigneur. Il vit la joie intime du salut que Jésus lui a offerte. Il s’agit d’une espérance non seulement intellectuelle, mais également du coeur, parce que le prêtre a été touché par l’amour du Christ : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15,16).



Le défi des sectes et des nouveaux cultes

47 La prolifération des sectes et des nouveaux cultes, ainsi que leur diffusion parmi les fidèles catholiques, constituent un défi particulier pour le ministère pastoral. Des motivations complexes sont à la base d’un tel phénomène. Dans tous les cas, le ministère des prêtres doit répondre avec promptitude et décision à cette recherche du sacré et quête d’une authentique spiritualité. Par conséquent, il est indispensable que le prêtre soit un homme de Dieu et un maître de prière. En même temps, s’impose la nécessité que la communauté confiée aux soins pastoraux du prêtre soit réellement accueillante, pour qu’aucun de ses membres ne puisse s’y sentir anonyme ou objet d’indifférence. Il s’agit d’une responsabilité qui appartient certainement à tous les fidèles, mais au prêtre de manière toute particulière, puisqu’il est l’homme de la communion. S’il sait accueillir avec respect et considération tous ceux qui l’approchent, en appréciant leur personnalité, il créera alors une ambiance de charité authentique qui deviendra contagieuse et s’étendra graduellement à toute la communauté.

Pour relever le défi posé par les sectes et les nouveaux cultes, il est particulièrement important, – outre le désir du salut éternel de ses fidèles qui habite le coeur de tout prêtre – de mettre en place une catéchèse mûre et complète. Elle requiert aujourd’hui un effort spécial de la part du ministre de Dieu, pour que tous ses fidèles connaissent réellement la signification de la vocation chrétienne et de la foi catholique. En ce sens, « la mesure la plus simple, la plus évidente et la plus urgente à prendre, et qui serait probablement aussi la plus efficace, serait de tirer meilleur parti des richesses de l’héritage spirituel chrétien ».[192]

De manière particulière, les fidèles doivent être éduqués à bien connaître le rapport qui existe entre leur vocation spécifique en Jésus Christ et leur appartenance à son Église qu’ils doivent apprendre à aimer filialement et sans faiblir. Tout cela se réalisera si le prêtre, dans sa vie et dans son ministère, évite tout ce qui peut provoquer la tiédeur, la froideur ou une adhésion partielle à la doctrine et aux normes de l’Église. Sans aucun doute, « à tous ceux qui traversent la grande place du marché aux propositions religieuses, l’appel du christianisme se manifestera avant tout par le témoignage des membres de l’Église, par leur espérance, leur calme, leur patience, leur gaieté, et par l’amour tangible qu’ils portent à leur prochain. Ce sont là les fruits d’une vie de foi nourrie dans la prière personnelle authentique ».[193]



Lumières et ombres de l’activité ministérielle

48 Il est encourageant de remarquer aujourd’hui qu’une immense majorité de prêtres de tous les âges exercent leur ministère sacré dans un engagement plein de joie, souvent fruit d’un héroïsme silencieux, travaillant jusqu’au bout de leurs forces et sans voir parfois les fruits de leur labeur.

Pour cette raison, ils constituent aujourd’hui une annonce vivante de cette grâce divine qui, répandue au moment de l’ordination, continue de donner une force toujours nouvelle à l’activité ministérielle.

À côté de ces lumières qui éclairent la vie du prêtre, les ombres ne manquent pas qui tendent à en ternir la beauté et à rendre moins efficace l’exercice du ministère : « Dans le monde d’aujourd’hui, on doit faire face à tant de tâches, on est pressé par tant de problèmes divers – et réclamant souvent une solution rapide – qu’on risque plus d’une fois d’aboutir à la dispersion. Les prêtres, eux, sont engagés dans les multiples obligations de leur fonction, ils sont tiraillés, et ils peuvent se demander, non sans angoisse, comment faire l’unité entre leur vie intérieure et les exigences de l’action extérieure ».[194]

Le ministère pastoral est une entreprise fascinante mais ardue, toujours en butte à l’incompréhension et à la marginalisation, et aujourd’hui surtout, à la fatigue, à la désillusion d’autrui, à l’isolement et parfois à la solitude.

Pour vaincre les défis que la mentalité sécularisée oppose au prêtre, celui-ci prendra soin de réserver la primauté absolue à la vie spirituelle, pour demeurer toujours aux côtés du Christ et vivre avec générosité la charité pastorale, en intensifiant la communion avec tous, et en premier lieu avec les autres prêtres. Comme le rappelait Benoît XVI aux prêtres, « la relation avec le Christ, le dialogue personnel avec le Christ est une priorité pastorale fondamentale, c’est la condition pour notre travail pour les autres ! Et la prière n’est pas une chose marginale : c’est réellement une “profession” pour le prêtre de prier, également comme représentant des personnes qui ne savent pas prier ou qui ne trouvent pas le temps de prier ».[195]



2.2 Demeurer avec le Christ dans la prière


Primauté de la vie spirituelle

49 Le prêtre a été, pour ainsi dire, conçu lors de la longue prière où le Seigneur Jésus a parlé au Père de ses apôtres et, sans aucun doute, de tous ceux qui participeraient de Sa mission au cours des siècles (cf. Lc 6,12 cf. Jn 17,15-20)[196]. La prière même de Jésus à Gethsémani (cf. Mt 26,36-44), tendue vers le sacrifice sacerdotal du Golgotha, nous donne l’exemple de la manière dont « notre sacerdoce doit être profondément lié à la prière : enraciné dans la prière ».[197]

Nés de ces prières et appelés à renouveler de manière sacramentelle et sans effusion de sang un sacrifice qui en est inséparable, les prêtres maintiendront vivant leur ministère par une vie spirituelle à laquelle ils accorderont une prééminence absolue, en évitant de la négliger du fait de leurs activités. C’est justement pour pouvoir exercer fructueusement son ministère pastoral que le prêtre a besoin d’entrer dans une union particulière et profonde avec le Christ, le Bon Pasteur qui seul demeure le protagoniste principal de toute action pastorale. « C’est donc lui (le Christ) qui demeure toujours la source et le principe d’unité de leur vie. Les prêtres réaliseront cette unité de vie en s’unissant au Christ dans la découverte de la volonté du Père, et dans le don d’eux-mêmes pour le troupeau qui leur est confié. Assumant ainsi le rôle du Bon Pasteur, ils trouveront dans l’exercice de la charité pastorale le lien de la perfection sacerdotale qui assure l’unité de leur vie et de leur action ».[198]



Moyens de la vie spirituelle

50 De fait, parmi les graves contradictions de la culture relativiste on constate aujourd’hui une authentique désintégration de la personnalité causée par l’obscurcissement de la vérité sur l’homme. Le danger du dualisme dans la vie sacerdotale est toujours aux aguets.

Cette vie spirituelle doit s’incarner dans l’existence de chaque prêtre par la liturgie, la prière personnelle, le style de vie et la pratique des vertus chrétiennes, qui contribuent à la fécondité de l’action ministérielle. L’identification au Christ exige du prêtre qu’il cultive un climat d’amitié et de rencontre personnelle avec le Seigneur Jésus et qu’il se mette au service de l’Église, son Corps, envers lequel le prêtre manifestera son amour en accomplissant fidèlement et sans défaillance les devoirs de son ministère pastoral.[199]

Il est donc nécessaire que le prêtre organise sa vie de prière pour que n’y manque jamais : la célébration eucharistique quotidienne,[200] unie à une préparation et une action de grâces adéquates ; la confession fréquente[201] et la direction spirituelle déjà pratiquée au séminaire ; et souvent auparavant[202] la célébration complète et fervente de la Liturgie des Heures,[203] à laquelle il est quotidiennement tenu;[204] l’examen de conscience;[205] l’oraison mentale proprement dite;[206] la lectio divina ;[207] des moments prolongés de silence et de colloque divin, principalement durant les exercices spirituels et les récollections périodiques ;[208] les expressions précieuses de la dévotion mariale comme le chapelet ;[209] le chemin de Croix et les autres exercices de piété ;[210] la fructueuse lecture hagiographique[211] etc. La bonne organisation de son temps, pour l’amour de Dieu et de l’Église, permettra certainement au prêtre de conserver une solide vie de prière. En effet, on conseille au prêtre, avec l’aide de son directeur spirituel, de respecter avec constance ce programme de vie qui lui permettra de grandir intérieurement dans un contexte où les nombreuses exigences de la vie pourraient l’induire fréquemment à l’activisme et à négliger la dimension spirituelle.

Que chaque année, comme manifestation d’un désir durable de fidélité, durant la Messe chrismale, les prêtres renouvellent devant l’évêque et avec lui les promesses faites au moment de l’ordination.[212]

Le soin porté à la vie spirituelle qui éloigne la tiédeur, son ennemi, doit être ressenti par le prêtre lui-même comme un joyeux devoir, mais aussi comme un droit des fidèles qui cherchent en lui, consciemment ou inconsciemment, l’homme de Dieu, le conseiller, le médiateur de paix, l’ami fidèle et prudent, le guide sûr à qui se confier dans les moments les plus durs de la vie afin de trouver réconfort et sécurité.[213]

Benoît XVI présente dans son magistère un texte très significatif sur la lutte contre la tiédeur spirituelle pour guider ceux qui, en vertu de leur ministère, sont plus proches du Seigneur. « Personne n’est aussi proche de son seigneur que le serviteur qui a accès à la dimension privée de sa vie. En ce sens, “servir” signifie proximité, exige de la familiarité. Cette familiarité comporte également un danger : que le sacré avec lequel nous sommes quotidiennement en contact devienne pour nous une habitude. Ainsi s’affaiblit la crainte révérencielle. Conditionnés par les habitudes, nous ne percevons pas le fait le plus nouveau, le plus surprenant, qu’Il soit lui-même présent, qu’Il nous parle, qu’Il se donne à nous. Contre cette accoutumance à la réalité extraordinaire, contre l’indifférence du coeur nous devons lutter sans trêve, en reconnaissant toujours davantage notre insuffisance et la grâce qu’il y a dans le fait qu’Il se remette entre nos mains ».[214]



Imiter le Christ qui prie

51 À cause de charges nombreuses provenant surtout de l’activité pastorale, la vie des prêtres est exposée, aujourd’hui plus que jamais, à une série de sollicitations qui pourraient la conduire vers un activisme croissant, la soumettant à un rythme parfois frénétique et vertigineux.

Contre cette tentation, il ne faut pas oublier que la première intention de Jésus fut de convoquer autour de lui des apôtres pour qu’avant tout, « ils demeurent avec lui » (
Mc 3,14).

Le Fils de Dieu lui-même a voulu aussi nous laisser un témoignage de sa prière. Avec une grande fréquence, en effet, les Évangiles nous présentent le Christ en prière : dans la révélation de sa mission de la part du Père (cf. Lc 3,21-22), avant l’appel des Apôtres (cf. Lc 6,12), dans l’action de grâces à Dieu lors de la multiplication des pains (cf. Mt 14,19 Mt 15,36 Mc 6,41 Mc 8,7 Lc 9,16 Jn 6,11), durant la transfiguration sur la montagne (cf. Lc 9,28-29), quand il soigne le sourd-muet (cf. Mc 7,34) et ressuscite Lazare (cf. Jn 11,41ss.), avant la confession de Pierre (cf. Lc 9,18), quand il apprend aux disciples à prier (cf. Lc 11,1), et quand ceux-ci reviennent après avoir accompli leur mission (cf. Mt 11,25ss. ; Lc 10,21ss.), quand il bénit les enfants (cf. Mt 19,13), et quand il prie pour Pierre (cf. Lc 22,32), etc.

Toute son activité quotidienne avait son origine dans la prière. Ainsi, il se retirait dans le désert ou sur la montagne pour prier (cf. Mc 1,35 Mc 6,46 Lc 5,16 Mt 4,1 Mt 14,23), il se levait tôt le matin (cf. Mc 1,35) et passait la nuit entière en priant Dieu (cf. Mt 14,23 Mt 14,25 Mc 6,46-48 Lc 6,12).

Jusqu’à la fin de sa vie, à la dernière Cène (cf. Jn 17,1-26), durant l’agonie (cf. Mt 26,36-44) et sur la Croix (cf. Lc 23,34 Lc 23,46 Mt 27,46 Mc 15,34), le Maître divin a montré que la prière animait son ministère messianique et son exode pascal. Ressuscité d’entre les morts, il vit pour toujours et prie pour nous (cf. He 7,25).[215]

Par conséquent, la priorité fondamentale pour le prêtre est sa relation personnelle avec cette personne vivante qu’est le Christ Seigneur dans de nombreux moments de silence et de prière pour cultiver et approfondir cette relation. En suivant l’exemple de Joseph, le silence du prêtre « ne manifeste pas un vide intérieur, mais au contraire la plénitude de foi qu’il porte dans son coeur, et qui guide chacune de ses pensées et chacune de ses actions ».[216] Un silence qui, comme celui du saint patriarche, « conserve la Parole de Dieu, connue à travers les Ecritures Saintes, en la confrontant en permanence avec les événements de la vie de Jésus ; un silence tissé de prière constante, prière de bénédiction du Seigneur, d’adoration de sa sainte volonté et de confiance sans réserve à sa providence ».[217]

Dans la communion avec la sainte Famille de Nazareth, le silence de Joseph s’harmonisait au recueillement de Marie, « réalisation la plus parfaite » de l’obéissance de la foi[218] qui « conservait toutes les “grandes choses” du Tout-Puissant et les méditait dans son coeur ».[219]

De cette manière, les fidèles verront dans le prêtre un homme passionné du Christ, qui porte en lui le feu de son amour ; un homme qui se sait appelé par le Seigneur et est plein d’amour pour les siens.




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