1994 Directoire prêtres 48

37 Ombres et lumières sur l'activité ministérielle

48 Il est encourageant de remarquer aujourd'hui qu'une immense majorité de prêtres de tous les âges exercent leur ministère dans un engagement plein de joie, souvent fruit d'un héroïsme silencieux, travaillant jusqu'au bout de leurs forces et sans voir parfois les fruits de leur labeur.
Pour cette raison, ils constituent aujourd'hui une annonce vivante de cette grâce divine qui, répandue au moment de l'ordination, continue de donner une force toujours nouvelle au ministre sacré.
A côté de ces lumières qui illuminent la vie du prêtre, les ombres ne manquent pas qui tendent à en ternir la beauté et à rendre moins efficace l'exercice du ministère.
Le ministère pastoral est une entreprise fascinante mais ardue, toujours exposée à l'incompréhension et à la mise à l'écart, et aujourd'hui surtout, à la fatigue, à la désillusion d'autrui, à l'isolement et parfois à la solitude.
Pour vaincre les défis que la mentalité sécularisée oppose au prêtre, celui-ci prendra soin de réserver la primauté absolue à la vie spirituelle, pour demeurer toujours aux côtés du Christ et vivre avec générosité la charité pastorale, en intensifiant la communion avec tous, et en premier lieu avec les autres prêtres.



Demeurer avec le Christ dans la prière


38 Primauté de la vie spirituelle

49 Le prêtre a été, pour ainsi dire, conçu lors de la longue prière ou le Seigneur Jésus a parlé au Père de ses Apôtres et, sans aucun doute, de tous ceux qui participeraient de Sa mission au cours des siècles (cf. Lc 6,12 cf. Jn 17,15-20). La prière même de Jésus à Gethsémani, tendue vers le sacrifice sacerdotal du Golgotha, manifeste comme un paradigme, "comment notre sacerdoce doit être profondément lié à la prière: enraciné dans la prière".(107)
Nés de ces prières et appelés à renouveler un sacrifice qui en est inséparable, les prêtres maintiendront vivant leur ministère dans une vie spirituelle à laquelle ils accorderont une prééminence absolue, en évitant de la négliger par activisme. C'est justement pour pouvoir exercer fructueusement son ministère pastoral que le prêtre a besoin d'entrer dans une union particulière et profonde avec le Christ, le Bon Pasteur qui seul demeure le protagoniste principal de toute action pastorale.

(107) JEAN-PAUL II, Lettre aux Prêtres a l'occasion du Jeudi-Saint (13 avril 1987), AAS 79 (1987), 10: 1292.



39 Moyens de la vie spirituelle

50 Cette vie spirituelle doit s'incarner dans l'existence de chaque prêtre par la liturgie, la prière personnelle, le style de vie et la pratique des vertus chrétiennes, qui contribuent à la fécondité de l'action ministérielle. L'identification au Christ exige, pour ainsi dire, de respirer dans un climat d'amitié et de rencontre personnelle avec le Seigneur Jésus, de service à l'Eglise son Corps, pour lequel le prêtre prouvera son amour en accomplissant fidèlement et sans défaillance les devoirs de son ministère pastoral.(108)
Il est donc nécessaire que le prêtre organise sa vie de prière pour qu'elle comprenne: la célébration eucharistique quotidienne,(109) unie à une préparation et une action de grâces adéquates; la confession fréquente (110) et la direction spirituelle déjà pratiquée au séminaire; (111) la célébration complète et fervente de la liturgie des heures, (112) à laquelle il est quotidiennement tenu;(113) l'examen de conscience,(114) l'oraison mentale proprement dite;(115) la lectio divina; (116) des moments prolongés de silence et de colloque divin, principalement durant les Exercices Spirituels et les récollections périodiques;(117) les expressions précieuses de la dévotion mariale comme le chapelet; (118) le chemin de Croix et les autres exercices de piété; (119) la fructueuse lecture hagiographique.(120)
Que chaque année, comme manifestation d'un désir durable de fidélité, durant la Messe chrismale, les prêtres renouvellent devant l'évêque et avec lui les promesses faites au moment de l'ordination.(121)
Le soin porté à la vie spirituelle doit être ressenti par le prêtre lui-même comme un joyeux devoir, mais aussi comme un droit des fidèles qui cherchent en lui, consciemment ou inconsciemment, l'homme de Dieu, le conseiller, le médiateur de paix, l'ami fidèle et prudent, le guide sûr à qui se confier dans les moments les plus durs de la vie afin de trouver réconfort et sécurité.(122)

(108) Cf.
CIC 276 2,1
(109) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 5 PO 18 JEAN-PAUL II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 23 PDV 26 PDV 38 PDV 46 PDV 48: l.c., 691-694; 697-700; 720-723; 738-740; 742-745; CIC 246 n° ,1 CIC 276 2,2
(110) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 5 PO 18 CIC 246 CIC 276 JEAN-PAUL II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 26 PDV 48: l.c., 697-700; 742-745.
(111) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 18 CIC 239 JEAN-PAUL II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 40 PDV 50 PDV 81: l.c., 724-726; 746-748; 799-800.
(112) Cf. CONC. CUM, VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 18 CIC 246 CIC 276 JEAN-PAUL II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 26 PDV 72: l.c., 697-700; 783-797.
(113) Cf. CIC 1174
(114) CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 18 JEAN-PAUL II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 26 PDV 37-38 PDV 47 PDV 51 PDV 53 PDV 72: l.c., 697-700; 718-723; 740-742; 748-750; 751-753; 783-787.
(115) Cf. CIC 276
(116) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 4 PO 13 PO 18 JEAN-PAUL II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 26 PDV 47 PDV 53 PDV 70 PDV 72: l.c., 697-700; 740-742, 751-753, 778-782, 783-787.
(117) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 18 CIC 276 JEAN-PAUL II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 80: l.c., 798-800.
(118) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 18 CIC 246 CIC 276 JEAN-PAUL II, Exhort. ap. Post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 36 PDV 38 PDV 45 PDV 82: l.c., 715-718; 720-723; 736-738, 800-804.
(119) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 18 JEAN-PAUL II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 26 PDV 37-38 PDV 47 PDV 51 PDV 53 PDV 72: l.c., 697-700; 718-723; 740-742; 748-750; 751-753, 783-787.
(120) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 18.
(121) JEAN-PAUL II, Lettre aux Prêtres à l'occasion du Jeudi-Saint 1979 Novo incipiente (8 avril 1979), 1: AAS 71 (1979), 394; Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 80: l.c., 798-799.
(122) Cf. POSSIDIUS, Vita Sancti Aurelii Augustini, 31: PL 32, 63-66.



40 Imiter le Christ qui prie

51 A cause de charges nombreuses provenant surtout de l'activité pastorale, la vie des prêtres est exposée, aujourd'hui plus que jamais, à une série de sollicitations qui pourraient la conduire vers un activisme extérieur croissant, la soumettant à un rythme parfois frénétique et vertigineux.
Contre cette tentation, il ne faut pas oublier que la première intention de Jésus fut de convoquer autour de lui des Apôtres qui, avant tout, "demeureraient avec lui" (
Mc 3,14).
Le Fils de Dieu lui-même a voulu aussi nous laisser un témoignage de sa prière.
Avec une grande fréquence, en effet, les Evangiles nous présentent le Christ en prière: dans la révélation de sa mission de la part du Père (cf. Lc 3,21-22), avant l'appel des Apôtres (cf. Lc 6,12), dans l'action de grâces à Dieu lors de la multiplication des pains (cf. Mt 14,19 Mt 15,36 Mc 6,41 Mc 8,7 Lc 9,16 Jn 6,11), durant la transfiguration sur la montagne (cf. Lc 9,28-29) , quand il soigne le sourd-muet (cf. Mc 7,34) et ressuscite Lazare (cf Jn 11,41), avant la confession de Pierre (cf. Lc 9,18), quand il apprend aux disciples à prier (cf Lc 11,1), et quand ceux-ci reviennent après avoir accompli leur mission (cf. Mt 11,25 ss. Lc 10,21 ss.), quand il bénit les enfants (cf Mt 19,13), et quand il prie pour Pierre (cf. Lc 22,32).
Toute son activité quotidienne avait son origine dans la prière. Ainsi, il se retirait dans le désert ou sur la montagne pour prier (cf. Mc 1,35 Mc 6,46 Lc 5,16 Mt 4,1 Mt 14,23), il se levait tôt le matin (cf. Mc 1,35) et passait la nuit entière en priant Dieu (cf. Mt 14,23 Mt 14,25 Mc 6,46 Mc 6,48 Lc 6,12). Jusqu'à la fin de sa vie, à la dernière Cène (cf. Jn 17,1-26), durant l'agonie (cf. Mt 26,36-44 par.) et sur la Croix (cf Lc 23,34 Lc 23,46 Mt 27,46 Mc 15,34), le Maître divin a montré que la prière animait son ministère messianique et son exode pascal. Ressuscité d'entre les morts, il vit pour toujours et prie pour nous (cf He 7,25) (123).
En suivant l'exemple du Christ, le prêtre doit savoir maintenir la ferveur et le nombre des moments de silence et de prière ou cultiver et approfondir son rapport existentiel avec la personne vivante du Seigneur Jésus.

(123) Cf. Liturgia Horarum, Institutio Generalis, nn. 3-4.



41 Imiter l'Eglise qui prie

52 Pour demeurer fidèle à son engagement "de demeurer avec Jésus", il est nécessaire que le prêtre sache imiter l'Eglise qui prie.
En dispensant la Parole de Dieu qu'il a lui-même reçue avec joie, le prêtre se souviendra de l'exhortation que l'évêque lui a adressé le jour de son ordination: "C'est pourquoi, en faisant de la Parole l'objet de ta réflexion continuelle, crois toujours ce que tu lis, enseigne ce que tu crois, vis ce que tu enseignes. De cette manière, en même temps que la doctrine, tu donneras un aliment au Peuple de Dieu, et avec le bon exemple de ta vie, tu lui seras un réconfort et un soutien, tu deviendras constructeur du temple de Dieu qu'est l'Eglise". De même, sur la célébration des sacrements, et en particulier de l'Eucharistie: "Sois donc conscient de ce que tu fais, imite ce que tu as accompli et, puisque tu célèbres le mystère de la mort et de la résurrection du Seigneur, porte la mort du Christ dans ton corps et marche dans la nouveauté de sa vie". Et enfin, à propos de la direction pastorale du Peuple de Dieu, pour qu'il le conduise jusqu'au Père, par le Christ et dans l'Esprit-Saint: "C'est pourquoi, ne cesse jamais d'avoir le regard tourné vers le Christ, Bon Pasteur, qui est venu non pas pour être servi mais pour servir, et pour chercher et sauver ceux qui se sont égarés".(124)

(124) Pontificale Romanum - De ordinatione Episcopi, Presbyterorum et Diaconorum cap. II, n. 151, Ed. typica altera 1990, pp. 87-88.



42 Prière comme communion

53 Fort du lien spécial qui l'associe au Seigneur, le prêtre saura affronter les moments ou il pourrait se sentir seul au milieu des hommes; il renouvellera avec force son union avec le Christ qui, dans l'Eucharistie, est son refuge et son meilleur repos.
Comme Jésus qui, lorsqu'il était seul, était toujours avec le Père (cf.
Lc 3,21 Mc 1,35) (125), le prêtre lui aussi doit être l'homme qui trouve la communion avec Dieu dans la solitude. C'est pourquoi il pourra dire avec St Ambroise: "Je ne suis jamais moins seul que lorsque je suis seul".(126) C'est auprès du Seigneur que le prêtre trouvera la force et les instruments pour rapprocher les hommes de Dieu, provoquer la foi, et susciter l'action et le partage.

(125) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis PO 18 SYNODE DES EVEQUES, Document sur le sacerdoce ministériel Ultimis temporibus (30 novembre 1971), II, I, 3: AAS 63 (1971), 913-915; JEAN-PAUL II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 46-47: l.c., 738-742; Catéchèse de l'Audience Générale du juin juin 1993, n. 3: "L'Osservatore Romano", juin juin 1993.
(126) "Numquam enim minus solus sum, quam cum solus esse videor": Epist 33 (Maur. 49), 1: CSEL 82, 229.



Charité pastorale


43 Manifestation de la charité du Christ

54 La charité pastorale constitue le principe intérieur et dynamique qui unifie les activités multiples et diverses de la pastorale du prêtre. Dans le contexte socio-culturel et religieux ou il vit, elle est l'instrument indispensable pour porter les hommes à la vie de la Grâce.
Informée par une telle charité, l'activité ministérielle doit être une manifestation de la charité du Christ. Ainsi, le prêtre saura exprimer les attitudes et le comportement du Seigneur jusqu'au don total de soi en faveur du troupeau qui lui a été confié.(127)
Assimiler la charité pastorale du Christ pour en faire la vie de sa vie est un but qui exige du prêtre des efforts et des sacrifices continuels. Cette charité n'apparaît pas fortuitement, elle ne connaît pas de repos ni ne peut être atteinte une fois pour toutes. Le ministre du Christ se sentira toujours et partout obligé à vivre et à témoigner de cette réalité, même si en raison de l'âge, il est déchargé de responsabilités pastorales concrètes.

(127) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis,
PO 14 JEAN-PAUL II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 23: l.c., 691-694.



44 Fonctionnalisme

55 Aujourd'hui, la charité pastorale court spécialement le risque d'être vidée de son sens par ce qu'on pourrait appeler le fonctionnalisme. Il n'est pas rare en effet, de constater aussi chez certains prêtres l'influence d'une mentalité qui tend à tord à réduire le sacerdoce ministériel aux seuls aspects fonctionnels. "Faire" le prêtre, rendre des services particuliers et garantir quelques prestations serait toute la raison de l'existence sacerdotale. Cette conception réductrice de l'identité et du ministère sacerdotal risque de mener la vie des prêtres vers un vide souvent compensé par des formes de vie non conformes à leur ministère.
Le prêtre, qui se sait ministre du Christ et de son Epouse, trouvera dans la prière, dans l'étude et dans la lecture spirituelle, la force nécessaire pour vaincre également ce danger.(128)

(128) Cf.
CIC 279



Prédication de la Parole


45 Fidélité à la Parole

62 Le Christ a confié aux Apôtres et à l'Eglise la mission de prêcher la Bonne Nouvelle à tous les hommes.
Transmettre la foi c'est dévoiler, annoncer et approfondir la vocation chrétienne; c'est-à-dire l'appel que Dieu adresse à chaque homme en lui manifestant le mystère du salut, et en même temps la place qu'il lui revient d'occuper en relation avec ce mystère, comme fils d'adoption dans le Fils.(129) Ce double aspect est exprimé de manière synthétique dans le Symbole de la Foi, qui est l'une des expressions les plus autorisées de la foi par laquelle l'Eglise a toujours répondu à l'appel de Dieu.(130)
Deux exigences se présentent au ministère du prêtre, comme les deux côtés d'une monnaie. En premier lieu, vient le caractère missionnaire de la transmission de la foi. Le ministère de la parole ne peut être séparé ou éloigné de la vie des hommes; au contraire, il doit faire directement référence au sens de la vie de l'homme, de tout homme, et donc entrer dans les problèmes les plus aigus qui se posent à la conscience humaine.
D'autre part, il y a une exigence d'authenticité, de conformité avec la foi de l'Eglise, gardienne de la vérité sur Dieu et sur l'homme. Cette réalité doit être vécue avec un grand sens des responsabilités et la conscience qu'il s'agit d'une question de la plus haute importance, puisque sont en jeu la vie de l'homme et le sens de son existence.
Pour que le ministère de la parole soit fructueux, et en tenant compte de ce contexte, le prêtre donnera la primauté au témoignage de vie qui fait découvrir la puissance de l'amour de Dieu et rend persuasive sa parole. Il fera place, en outre, à la prédication explicite du mystère du Christ aux croyants, non-croyants et non-chrétiens; à la catéchèse, qui est l'exposition ordonnée et organique de la doctrine de l'Eglise; à l'application de la vérité révélée à la solution des cas concrets. (131)
La conscience de la nécessité absolue de "demeurer" fidèlement ancré à la Parole de Dieu et à la Tradition pour être vraiment des disciples et pour connaître la vérité (cf.
Jn 8,31-32) a toujours accompagné l'histoire de la spiritualité sacerdotale. Cette idée a été reprise avec autorité par le Concile Oecuménique Vatican II.(132)
Dans la société contemporaine marquée par le matérialisme théorique et pratique, par le subjectivisme et l'esprit de contradiction, il est d'autant plus nécessaire que l'Evangile soit présenté comme "la puissance de Dieu pour sauver ceux qui croient" (Rm 1,16). Les prêtres, se souvenant que "la foi naît de la prédication, et la prédication, à son tour, se fonde sur la Parole du Christ" (Ibid Rm 10,17), emploieront toutes leurs énergies pour correspondre à cette mission qui est primordiale dans leur ministère. Ils sont en effet non seulement des témoins mais aussi des messagers et des propagateurs de la foi.(133)
Ce ministère vécu dans la communion hiérarchique les habilite à annoncer avec autorité la foi catholique et à témoigner officiellement de la foi de l'Eglise. Le Peuple de Dieu en effet, "est rassemblé d'abord par la Parole du Dieu vivant qu'il convient d'attendre tout spécialement de la bouche des prêtres".(134)
Pour être authentique, la Parole doit être transmise "sans astuce et sans falsification, mais en manifestant la vérité face à Dieu" (2Co 4,2). Le prêtre évitera avec une maturité responsable de contrefaire, réduire, déformer ou édulcorer le contenu du message divin. Sa tâche en effet, "n'est pas d'enseigner sa propre sagesse, mais la parole de Dieu, et d'inviter tous les hommes avec insistance à la conversion et à la sainteté" (135)
Par conséquent, la prédication ne peut se réduire à la communication d'idées personnelles, au témoignage de sa propre expérience, à des explications de caractère psychologique, (136) sociologique ou philanthropique. Elle ne peut pas non plus, céder excessivement à l'attrait de la rhétorique, si fréquente dans la communication de masse. Il s'agit d'annoncer une Parole dont on ne peut disposer à son gré, puisqu'elle a été confiée à l'Eglise pour qu'elle la garde, la médite et la transmette fidèlement (137)

(129) Cf. CONC. CUM . VAT. II, Const. dogm. Dei Verbum, DV 5 CEC 1-2 CEC 142
(130) Cf. Catéchisme de l'Eglise Catholique, CEC 150-152 CEC 185-187
(131) Cf. JEAN-PAUL II, Catéchèse de l'Audience Générale du 21 avril 1993, n. 6: "L'Osservatore Romano", 22 avril 1993.
(132) Cf. CONC. CUM . VAT. II, Const. dogm. Dei Verbum, DV 25
(133) Cf. CIC 757 CIC 762 CIC 776
(134) CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis PO 4
(135) Ibid.cf. JEAN-PAUL II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 26: l.c., 697-700.
(136) Cf. JEAN-PAUL II, Catéchèse de l'Audience Générale du 21 avril 1993: "L'Osservatore Romano", 22 avril 1993.
(137) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Const. dogm. Dei Verbum, DV 10 JEAN-PAUL II, Catéchèse de l'Audience Générale du 21 avril 1993: "L'Osservatore Romano", 22 avril 1993.



46 Parole et vie

63 Pour le prêtre, la conscience de sa mission de prédicateur de l'Evangile devra toujours davantage se concrétiser pastoralement. il pourra ainsi vivifier à la lumière de la Parole de Dieu les situations et les milieux divers ou il exerce son ministère.
Pour être efficace et crédible, il est important que le prêtre dans la perspective de la foi et de son ministère connaisse, avec un sens critique constructif, les idéologies, le langage, les débats culturels, les idées courantes diffusés par les moyens de communication et qui conditionnent en grande partie les mentalités.
Stimulé par l'Apôtre qui s'écrie: "Malheur à moi si je ne prêchais pas l'Evangile!" (
1Co 9,16), il saura utiliser tous les moyens de transmission que les sciences et la technique moderne lui offrent.
Certainement, tout ne dépend pas de ces moyens ou des capacités humaines: la grâce divine peut produire son effet indépendamment de l'oeuvre des hommes. Mais dans le plan de Dieu, la prédication de la Parole est normalement la voie privilégiée pour la transmission de la foi et la mission évangélisatrice.
A cause de tant d'hommes qui, aujourd'hui, sont éloignés ou à l'écart de l'annonce du Christ, le prêtre vivra comme particulièrement urgente et actuelle cette interrogation angoissée: "Comment pourront-ils croire sans en avoir entendu parler? Et comment pourront-ils en entendre parler s'il n'y a personne qui prêche?" (Rm 10,14).
Pour répondre à ces interrogations, il sentira personnellement le devoir d'écouter particulièrement la Sainte Ecriture grâce à l'étude d'une saine exégèse surtout patristique, et grâce à la méditation selon les diverses méthodes éprouvées par la tradition spirituelle de l'Eglise, de manière à en obtenir une compréhension pleine d'amour.(138) Dans ce but, le prêtre ressentira le devoir de réserver une attention particulière à la préparation lointaine ou prochaine de ses homélies liturgiques, à leur contenu, à l'équilibre entre la théorie et la pratique, à la pédagogie et à la technique d'exposition, mais aussi à une diction qui convienne à la dignité du sermon et de ses destinataires.(139)

(138) Cf. S. THOMAS D'AQUIN, Summa Theologiae I 43,5.
(139) Cf. CIC 769



47 Parole et catéchèse

65 La catéchèse est une partie importante de cette mission évangélisatrice parce qu'elle est instrument privilégié de l'enseignement et de la maturation de la foi. (140)
Le prêtre, en tant que collaborateur et mandataire de l'évêque, a la responsabilité d'animer, de coordonner et de diriger l'activité catéchétique de la communauté qui lui est confiée. Il est important qu'il sache intégrer cette activité dans un projet organique d'évangélisation garantissant surtout la communion de la catéchèse de sa communauté avec la personne de l'évêque, avec l'Eglise particulière et avec l'Eglise universelle.(141)
En particulier, il saura susciter une responsabilité juste et opportune, une collaboration dans la catéchèse, tant parmi les membres des Instituts de Vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique, que des fidèles laïcs,(142) adéquatement préparés, et manifestera à tous sa reconnaissance et son estime pour cette tâche catéchétique.
Il prendra particulièrement soin de la formation initiale et permanente des catéchistes, des associations et des mouvements. Dans la mesure du possible, le prêtre devra être le catéchiste des catéchistes, formant avec ces derniers une véritable communauté de disciples du Seigneur, qui puisse servir de référence pour les élèves du catéchisme.
Maître (143) et éducateur de la foi,(144) le prêtre prendra soin que la catéchèse occupe une place privilégiée dans l'éducation chrétienne au sein de la famille, dans l'enseignement religieux, dans la formation des mouvements apostoliques, etc. Il se préoccupera également que la catéchèse soit dirigée à toutes les catégories de fidèles, enfants et jeunes, adolescents, adultes, personnes âgées. En outre, il saura transmettre l'enseignement catéchétique en faisant usage de tous les moyens pédagogiques et des moyens de communication pouvant servir à ce que les fidèles, de façon adaptée à leurs caractéristiques, leur capacité, leur âge et leurs conditions de vie, soient en mesure d'apprendre de façon plus parfaite la doctrine chrétienne et de la traduire en pratique plus convenablement.(145)
A cette fin, le prêtre ne manquera pas d'avoir comme principal point de référence le Catéchisme de l'Eglise Catholique. Ce texte, en effet, constitue une norme sûre et authentique de l'enseignement de l'Eglise.(146)

(140) Cf. JEAN-PAUL II, Exhort. apost. Catechesi Tradendae ( 16 octobre 1979),
CTR 18: AAS 71 (1979), 1291-1292.
(141) Cf. CIC 768
(142) Cf. CIC 776
(143) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 9
(144) Cf. ibid, PO 6
(145) Cf. CIC 779
(146) Cf. JEAN-PAUL II, Const. ap. Fidei Depositum (11 octobre 1992), .



Le sacrement de l'Eucharistie


48 Le mystère eucharistique

66 Si le service de la Parole est l'élément fondamental du ministère du prêtre, le coeur et le centre vital en est constitué sans aucun doute par l'Eucharistie qui est surtout la présence réelle dans le temps de l'unique et éternel sacrifice du Christ.(147)
Mémorial sacramentel de la mort et de la résurrection du Christ, représentation réelle et efficace de l'unique Sacrifice rédempteur, source et sommet de la vie chrétienne et de toute évangélisation,(148) l'Eucharistie est principe, moyen et fin du ministère sacerdotal, puisque "tous les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques sont étroitement liés à l'Eucharistie et ordonnés à elle".(149) Consacré pour perpétuer le Saint Sacrifice, le prêtre manifeste ainsi de la manière la plus évidente son identité.
En effet, il existe une connexion intime entre la centralité de l'Eucharistie, la charité pastorale et l'unité de vie du prêtre.(150) Dans cette connexion il trouve les indications décisives pour l'itinéraire de sainteté auquel il est spécifiquement appelé.
Puisque le ministre prête au Christ, Prêtre Souverain et Eternel, son intelligence, sa volonté, sa voix et ses mains afin qu'à travers son ministère, Il puisse offrir au Père le sacrifice sacramentel de la rédemption, il devra aussi faire siennes les dispositions du Maître et, comme Lui, vivre comme don pour ses frères. Il devra par conséquent apprendre à s'unir intimement à l'offrande, déposant sur l'autel du sacrifice sa vie entière, comme signe de l'amour gratuit et prévenant de Dieu.

(147) Cf. JEAN-PAUL II, Catéchèse de l'Audience Genérale du 12 mai 1993, n. 3: "L'Osservatore Romano", 14 mai 1993.
(148) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis,
PO 5
(149) Ibid
(150) Cf. ibid PO 5 PO 13 S. JUSTIN, Apologia I, 67: PG 6, 429-432; S. AUGUSTIN, In Iohannis Evangelium Tractatus, 26, 13-15: CCL 36, 266-268



49 Célébration de l'Eucharistie

67 Il est nécessaire de rappeler la valeur irremplaçable qu'a pour le prêtre la célébration quotidienne de la Messe,(151) même sans le concours des fidèles. Il la vivra comme le moment central de sa journée et de son ministère quotidien, fruit d'un désir sincère et occasion d'une rencontre profonde et efficace avec le Christ. Il mettra le plus grand soin à la célébrer avec piété et à y appliquer son esprit et son coeur.
Dans une culture toujours plus sensible à la communication par les signes et par l'image, le prêtre réservera une attention adéquate à tout ce qui peut rehausser la dignité et le caractère sacré de la célébration eucharistique. Il est important dans cette célébration de soigner spécialement la conformité et la propreté du lieu, l'architecture de l'autel et du tabernacle,(152) la noblesse des vases sacrés et des ornements,(153) du chant,(154) de la musique,(155) le silence sacré,(156) etc. Tous ces éléments peuvent contribuer à une meilleure participation au Sacrifice eucharistique. En effet, une attention insuffisante portée aux aspects symboliques de la liturgie, et plus encore, la négligence et la précipitation, la superficialité et le désordre en vident le sens et affaiblissent sa fonction d'accroissement de la foi.(157) Celui qui célèbre mal manifeste la faiblesse de sa foi et n'éduque pas les autres à la foi. En revanche, bien célébrer constitue une première et importante catéchèse sur le Saint Sacrifice.
Ainsi le prêtre, tout en mettant au service de la célébration eucharistique ses capacités pour la rendre vivante avec la participation de tous les fidèles, doit s'attacher au rite établi dans les livres liturgiques approuvés par l'autorité compétente, sans ajouter, enlever ou modifier quoi que ce soit.(158)
Tous les Ordinaires, les Supérieurs des Instituts de vie consacrée, les Modérateurs des sociétés de vie apostolique ont le grave devoir, en plus de donner l'exemple, de veiller à ce que les normes liturgiques concernant la célébration de l'Eucharistie soient partout fidèlement observées.
Les prêtres qui célèbrent ou concélebrent sont tenus de se revêtir des ornements sacrés prescrits par les rubriques. (159)

(151) Cf.
CIC 904
(152) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Const. Sacrosanctum Concilium SC 128
(153) Cf. ibid SC 122-124
(154) Cf. ibid SC 112 SC 114 SC 116
(155) Cf. ibid SC 120
(156) Cf. ibid SC 30
(157) Cf. CIC 899,3
(158) Cf. CONC. OECUM. VAT. II, Const. Sacrosanctum Concilium SC 22 CIC 846
(159) Cf. CIC 929 Missale Romanum Institutio generalis, nn. 81; 298; S. CONGREGATION POUR LES SACREMENTS ET CULTE DIVIN, Instruction Liturgicae instaurationes (5 septembre 1970), 8c: AAS 62 (1970), 701.



50 Adoration eucharistique

68 La centralité de l'Eucharistie devra apparaître non seulement dans une célébration vivante et digne du Sacrifice, mais aussi dans l'adoration fréquente du Saint Sacrement, pour que le prêtre apparaisse aussi comme le modèle de la communauté par sa dévotion eucharistique et sa méditation assidue faite, chaque fois que cela lui sera possible, devant le Seigneur présent dans le tabernacle. Il est souhaitable que les prêtres chargés de guider des communautés consacrent de longs moments à l'adoration communautaire, et qu'ils réservent au Saint Sacrement de l'autel, également en dehors de la Messe, plus d'attentions et d'honneurs qu'à n'importe quel autre rite ou geste. "La foi et l'amour envers l'Eucharistie ne peuvent permettre que la présence du Christ dans le Tabernacle demeure solitaire".(160)
Un moment privilégié d'adoration eucharistique peut être la célébration de la Liturgie des Heures, qui constitue un véritable prolongement, durant la journée, du sacrifice de louange et d'action de grâces qui a dans la Sainte Messe son centre et sa source sacramentelle. La Liturgie des Heures dans laquelle le prêtre uni au Christ est la voix de l'Eglise pour le monde entier, sera célébrée, en communauté quand il est possible et sous les formes opportunes, de façon à être "l'interprète et le véhicule de la voix universelle qui chante la gloire de Dieu et demande le salut de l'homme".(161) Les Chapitres de chanoines réserveront une solennité exemplaire à cette célébration. On devra toujours éviter, dans la célébration communautaire ou individuelle, qu'elle soit réduite à un pur "devoir" exécuté mécaniquement, une simple lecture faite avec précipitation sans prêter l'attention due au sens du texte.

(160) JEAN-PAUL II, Catéchèse de l'Audience Générale du 9 juin 1993, n. 6: "L'Osservatore Romano", 10 juin 1993; cf. Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis,
PDV 48: l.c., 744; S. CONGREGATION DES RITES, Instr. Eucharisticum Mysterium (25 mai 1967), 50: AAS 59 (1967), 539-573; Catéchisme de l'Eglise Catholique CEC 1418
(161) JEAN-PAUL II, Catéchèse de l'Audience Générale du juin juin 1993, n. 5: "L'Osservatore Romano", juin juin 1993; cf. CONC. OECUM. VAT. II, Const. Sacrosanctum Concilium, SC 99-100



Le sacrement de la pénitence


51 Ministre de la réconciliation

70 L'Esprit-Saint est le don de la résurrection fait aux Apôtres, en vue de la rémission des péchés: "Recevez l'Esprit-Saint; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez" (Jn 20,21-23). Le Christ a confié l'oeuvre de la réconciliation de l'homme avec Dieu exclusivement à ses Apôtres et à ceux qui leur succèdent dans cette même mission. Ainsi, les prêtres par volonté du Christ sont les seuls ministres du Sacrement de la Réconciliation. (162) Comme le Christ, ils sont envoyés pour appeler les pécheurs à la conversion et les ramener au Père grâce au tribunal de la miséricorde.
La Réconciliation sacramentelle rétablit l'amitié avec Dieu le Père et avec tous ses fils dans sa famille qu'est l'Eglise. Celle-ci s'en trouve rajeunie et édifiée dans toutes ses dimensions: universelle, diocésaine, paroissiale. (163)
Malgré la triste constatation de la perte du sens du péché, qui est largement présente dans la culture de notre temps, le prêtre doit pratiquer avec joie et générosité le ministère de la formation des consciences, du pardon et de la paix.
Il est donc nécessaire qu'il sache s'identifier dans un certain sens avec ce sacrement et, assumant l'attitude du Christ, qu'il sache se pencher avec miséricorde, comme le bon samaritain, sur l'humanité blessée. Il fera alors apparaître la nouveauté chrétienne de la dimension médicinale de la Pénitence, qui sert à la guérison et au pardon.(164)

(162) Cf. CONC. ECUM. DE TRENTE, Sess. VI, de iustificatione, c. 14; sess. XIV, de poenitentia, c. 1, 2, 5-7; can. 10; sess. XXIII, de ordine c. 1: DS 1542-1543 DS 1668-1672 DS 1679-1688 CONC. OECUM. VAT. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 2 PO 5 CIC 965
(163) Cf. Catéchisme de l'Eglise Catholique, CEC 1443-1445
(164) Cf. CIC 966 CIC 978 CIC 981 JEAN-PAUL II, Discours à la Pénitencerie Apostolique (27 mars 1993): "L'Osservatore Romano" 28 mars 1993.




1994 Directoire prêtres 48