Messages 1970

L’ARRIVÉE DES PREMIERS MISSIONNAIRES


EN CÔTE D’IVOIRE


Jeudi 15 octobre 1970




A Son Excellence Monseigneur Bernard Yago Archevêque d’Abidjan

Vénérable Frère,

C’est avec la plus grande joie que Nous avons appris que vous vous prépariez à célébrer solennellement à Abidjan, les 24 et 25 octobre prochain, le 75ème anniversaire de l’arrivée des premiers missionnaires en Côte d’ivoire. De tout coeur, Nous approuvons et bénissons cette heureuse initiative et Nous sommes particulièrement satisfait de pouvoir unir Nos prières à celles que l’Eglise en Côte d’ivoire va adresser au Seigneur à l’occasion de ces fêtes jubilaires.
75 ans! C’est un laps de temps relativement court dans l’histoire de l’Eglise; il marque, cependant, une étape importante; voilà pourquoi il est bon que Nous Nous arrêtions avec vous, d’abord pour remercier le Seigneur pour tous les bienfaits dont Il a comblé son Eglise en Côte d’ivoire depuis le jour de sa naissance, et pour Lui demander de continuer à lui assurer son assistance et sa protection durant toutes les étapes suivantes.
Vous n’avez pas manqué de prendre occasion de ces fêtes, non seulement pour jeter un regard en arrière et mesurer le chemin parcouru, mais aussi pour examiner attentivement les problèmes dans lesquels l’Eglise se trouve engagée actuellement. Vous en chercherez la solution dans la prière, l’étude et la réflexion, de façon que l’Eglise, en votre cher Pays, puisse reprendre sa marche en avant avec un surcroît de lumière et avec des forces renouvelées dans le Seigneur.

S’il est vrai que, déjà au XVI ème siècle Notre Prédécesseur Paul III avait eu l’occasion de faire allusion à la Côte d’ivoire lorsqu’il fixa les limites entre les deux diocèses de S. Tomé et Santiago, il n’en reste pas moins vrai que la naissance de l’Eglise en Côte d’ivoire date seulement de l’année 1895, année du Décret d’érection de la Préfecture Apostolique de la Côte d’ivoire et du débarquement, en octobre de cette année-là, du premier Préfet, le Rév. P. Mathieu Ray, de la Société des Missions Africaines, et de ses compagnons. L’oeuvre d’évangélisation dans vos régions se présentait alors comme devant comporter de graves difficultés que les missionnaires n’hésitèrent pas à accepter avec le plus grand sens de générosité et de sacrifice. D’ailleurs les premiers d’entre eux n’allaient pas tarder à connaître les ravages, alors fréquents, des maladies tropicales. Des Missions entières furent emportées par le fléau en 1899 et le nombre des jeunes prêtres qui furent appelés alors à donner leur vie au Seigneur Nous invite à considérer ces fêtes jubilaires comme un pieux et filial mémorial en l’honneur de ceux et de celles qui sont morts ou ont souffert pour permettre à l’Eglise de s’implanter en Côte d’ivoire.
Puis, Dieu voulut que ces jours d’épreuve fussent abrégés afin que la moisson pût croître et mûrir. En effet, les progrès de l’Eglise en Côte d’ivoire y furent aussi rapides que constants: les divisions du territoire de la primitive Préfecture Apostolique se succédèrent avec la plus belle régularité pour donner finalement à l’Eglise sa physionomie actuelle, de six diocèses suffragrants de l’archidiocèse d’Abidjan. Aussi, sommes-Nous heureux de couronner cette constante progression en donnant à votre Eglise, à l’occasion de ces fêtes, un Evêque Auxiliaire de l’Archevêché d’Abidjan, en la personne de Notre fils bien-aimé, Monseigneur Laurent Yapi.

Nombreux et précieux sont les motifs de consolation et d’espérance que Nous donne l’Eglise en Côte d’ivoire: la Hiérarchie Episcopale, le Clergé Ivoirien, les chers Séminaristes, les Religieux et les Religieuses, les Instituts missionnaires - qui voudront bien voir dans ces fêtes un témoignage de reconnaissance de l’Eglise entière - l’oeuvre des Catéchistes, les diverses organisations d’Action Catholique et de bienfaisance, les Instituts supérieurs de culture religieuse et de développement et, enfin, tous Nos chers fidèles et catéchumènes. Telle Nous apparaît aujourd’hui, radieuse de jeunesse et de vitalité, la face de l’Eglise en Côte d’ivoire, et Nous en rendons vivement grâces au Seigneur avec vous. Toutefois, de nouveaux et graves problèmes ne laissent pas de se poser devant l’Eglise en votre cher Pays. Au développement économique, culturel et social, dont Nous sommes les heureux témoins, doit correspondre un progrès religieux et moral, si l’on veut éviter à votre Pays les dangers, toujours réels, du matérialisme, de l’athéisme et de l’immoralité.
Les cadres traditionnels de vie évoluent et des changements profonds s’opèrent dans les mentalités. L’Eglise doit pouvoir orienter et guider ces changements dans un sens vraiment humain et chrétien. Pour ce faire, elle doit former sur place, dans tous les milieux sociaux, les plus favorisés comme les plus pauvres, le laïcat missionnaire sans lequel «L’Evangile ne peut s’enfoncer profondément dans les esprits, dans la vie, dans le travail d’un peuple . . .» (Ad gentes AGD 21, § 1).

Les principales villes, la capitale Abidjan en particulier, attirent vers elles continuellement de nouvelles populations qui ont quitté leur milieu familier et viennent, trop souvent, grossir le nombre des déracinés qui surpeuplent les périphéries des grandes cités; il faut que l’Eglise aille à leur rencontre, à temps et avec des moyens appropriés pour l’OEuvre de l’Evangélisation.
Les campagnes elles-mêmes, voire les parties les plus reculées de la brousse, où le Christ n’a pas encore été annoncé, subissent déjà les contre-coups de ces changements. Nous sommes sûrs que vous avez à coeur de ne pas laisser cette partie du troupeau, - la plus chère au Seigneur parce que la plus nécessiteuse - errer comme des brebis sans pasteur.
N’importe où vous tourniez vos regards, vous trouverez cet appel angoissé des hommes vers l’Eglise. Entendez cet appel: que l’Eglise entière en Côte d’ivoire se fasse missionnaire de son Pays, s’ingéniant à employer tout le personnel et toutes les ressources dont elle dispose, au service d’une si haute cause. Et qu’elle ne cesse de demander au Seigneur la Grâce dont elle a besoin pour rendre son témoignage devant le monde.
Comme gage des dons célestes les plus abondants, Nous sommes heureux de vous donner, Vénérable Frère, à vous, à toute la Hiérarchie épiscopale, aux autorités civiles qui vous font l’honneur de s’associer à ces festivités religieuses, au Clergé, aux Familles Religieuses et au Peuple fidèle, que Dieu vous a confié, Notre Bénédiction Apostolique.

Du Vatican, le 15 octobre 1970

PAULUS PP. VI





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