Discours 1969 1869

AU CORPS DIPLOMATIQUE* Kampala – Vendredi 1 août 1969

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C’est toujours un honneur et un plaisir pour Nous, Messieurs, lorsque Nos déplacements Nous amènent dans une Capitale, d’y rencontrer les Chefs de Missions et les Membres du Corps Diplomatique. Il ne s’agit pas là, soyez-en sûrs, d’un simple souci de politesse protocolaire. C’est bien plutôt l’effet du désir qui Nous anime de ne laisser échapper aucune occasion de travailler à faire avancer la cause de la paix.

Vous savez assez combien cette cause Nous tient à coeur, à quel point l’Eglise Catholique y est intéressée et engagée, et quelle place tient cette préoccupation. Nous pouvons le dire, dans les motifs qui Nous poussent à entreprendre Nos voyages. Si en effet Notre but principal est toujours et avant tout d’ordre religieux, Nous estimons cependant pouvoir également ainsi aider les hommes à surmonter leurs divisions et à se sentir davantage frères: et c’est cela le chemin qui conduit à la paix.

Sur ce chemin, Nous vous rencontrons: vous aussi, par définition, êtes les artisans de la paix; vous aussi travaillez à surmonter les divisions qui séparent les nations; vous aussi voulez aider les hommes à fraterniser. Et voilà pourquoi Nous attachons tant de prix à une rencontre, si brève soit-elle avec les diplomates. Et il Nous semble qu’ici, à Kampala, au coeur de cet immense continent africain, et en un moment comme celui que nous traversons, une rencontre de ce genre acquiert une résonance toute particulière.

Nous ne saurions oublier que le Christ, de qui Nous tenons Notre mandat, fut salué prophétiquement du titre glorieux de «Prince de la Paix». C’est en son nom que Nous vous disons: ne vous lassez pas de travailler pour cette grande cause; ne vous laissez pas décourager par les obstacles et difficultés sans cesse renaissantes; ne doutez pas de l’homme. Car quelles que soient sa faiblesse et parfois sa méchanceté, ce qu’il y a de meilleur en lui appelle et veut la paix. Et en travaillant à la faire régner, vous avez avec vous l’immense majorité du genre humain.

Nous voudrions que tette trop brève rencontre soit pour chacun de vous, Messieurs, un encouragement et un stimulant à garder bien vivante la flamme de l’espérance. Dieu est avec vous dans vos efforts pour faire avancer le monde vers l’unité et la paix, et c’est de grand coeur que Nous invoquons en terminant, sur vos personnes, sur vos familles et sur vos patries, l’abondance de ses bénédictions.

*AAS 61 (1969), p.586-587.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. VII, p.560-561.

L’Osservatore Romano, 2.8.1969, p.3.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.32 p.6.



AUX MEMBRES DU PARLEMENT EUROPÉEN Dimanche 14 septembre 1969

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Nous sommes honoré d’accueillir en vos personnes, Messieurs, un groupe particulièrement qualifié de députés et de sénateurs français, membres du Parlement européen.

Vos titres - auxquels s’ajoute, pour certains d’entre vous, celui d’ancien ministre - disent assez l’importance de vos responsabilités, et votre double appartenance - la France et l’Europe - Nous semble synthétiser de la façon de la plus heureuse le double idéal auquel vous consacrez vos forces.

Votre patrie, qui est si souvent à l’avant-garde, en bien des domaines, se devait d’accueillir la grande idée de la construction d’une Europe unie, et vous avez été choisis, parmi d’autres, comme des instruments privilégiés, pour travailler au service de cette belle cause.

Soyez sûrs que Nous apprécions hautement la nature de la collaboration que vous apportez ainsi au bien commun de ce continent, et que Nous formons des voeux sincères pour vos personnes et vos activités.

Nous souhaitons, en particulier, que soient fructueuses vos «journées d’études» romaines, durant lesquelles vous examinez, avec des personnalités politiques italiennes, les problèmes européens de l’heure présente, et c’est de grand coeur que Nous invoquons sur le Président de votre groupe, Monsieur Raymond Triboulet, sur vous tous, sur vos familles, sur la France et sur l’Europe, l’abondance des divines bénédictions.



AUX REPRÉSENTANTS DE LA SOCIÉTÉ AFRICAINE DE CULTURE Mercredi 1 octobre 1969

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Chers Messieurs,

C’est de grand coeur que Nous accueillons des représentants de la Société africaine de culture, réunis à Rome avec des responsables de périodiques européens, grâce à la collaboration des Amis italiens de présence africaine. Votre nombre est restreint, mais votre qualification est grande, de par vos fonctions et vos compétences, pour réfléchir à ce sujet capital: la crise actuelle de la civilisation.

En sollicitant cette audience, vous avez voulu marquer combien vous étiez sensibles à l’intérêt porté par l’Eglise à ce drame de notre temps. Nous vous en remercions, et Nous tenons à vous dire combien Nous faisons nôtres les préoccupations graves de tous ceux qui s’interrogent sur «l’avenir de la civilisation» (Cf. J. LECLERCQ, Nous autres civilisation, Paris, Fayard, 1963, p. 341 sq.).

«La civilisation, on l’a justement noté, n’est ni une philosophie théorique ni un pur fait sociologique, mais une métaphysique en action qui s’incarne dans des institutions toujours perfectibles. Par conséquent, on peut et on doit dire que civiliser, c’est humaniser, et que la civilisation véritable ne peut être qu’à l’image de l’homme, mais à condition de se faire une juste conception de l’homme . . . L’idée de civilisation implique une certaine conception de la finalité, ou plutôt une hiérarchie des fins, une métaphysique». (J. LACROIX, Les éléments constitutifs de la notion de civilisation, dans «Semaines Sociales de France», Versailles, 1936
PP 116-118). Au reste le Cardinal Pacelli ne manquait pas de le souligner dans sa lettre aux Semaines Sociales consacrées aux Conflits de Civilisations: «Lorsqu’on parle de civilisation, il faut surtout considérer que ce terme ne signifie pas seulement un ensemble de biens et d’éléments matériels et temporels, mais aussi, et très spécialement, une somme de valeurs intellectuelles, morales, juridiques, spirituelles. Il n’est pas douteux que la primauté revient à ce dernier groupe de facteurs dont le total revendique de préférence le titre plus noble de culture, qui serait comme l’âme de la civilisation. Mais, si toute civilisation relève d’une culture, c’est donc aussi que toute civilisation plonge, en dernière analyse, dans un problème d’ordre spirituel, selon la conception que les hommes se font de la vie, de leur origine, et de leur destinée» (Ibid., p. 5).

Ces fortes remarques du futur pape Pie XII sont aujourd’hui d’une brûlante actualité et c’est pourquoi Nous avons voulu les livrer à votre méditation, pour éclairer vos travaux. Vous vous proposez en effet une analyse critique de la crise actuelle, de la civilisation, de ses causes, de ses manifestations, de ses conséquences, au triple plan politique, économique et culturel, soucieux de dégager des orientations d’avenir, à partir des solutions qui se cherchent actuellement. Or, qui ne voit, par-delà la mise en question - la contestation, comme on dit volontiers aujourd’hui - des systèmes idéologiques et sociaux, c’est l’homme lui-même qui est en cause au fond de cette crise radicale et globale qui n’épargne aucun pays, fût-ce des plus développés.

Aussi permette-Nous de reprendre le grave avertissement que Nous donnions dans notre encyclique Populorum Progressio: «Si la poursuite du développement demande des techniciens de plus en plus nombreux, elle exige encore plus des sages de réflexion profonde, à la recherche d’un humanisme nouveau, qui permette à l’homme moderne de se retrouver lui-même, en assumant les valeurs supérieures d’amour, d’amitié, de prière et de contemplation» (N. 20). Et, avec le Concile, Nous ajoutions: «L’avenir du monde serait en péril, si notre époque ne savait pas se donner des sages. De nombreux pays pauvres en biens matériels, mais riches en sagesse, pourront puissamment aider les autres, sur ce point» (Ibid., n. 40, et Gaudium et spes GS 15 § 3).

C’est dire qu’«entre les civilisations comme entre les personnes, un dialogue sincère est en effet créateur de fraternité . . . Un dialogue centré sur l’homme, et non sur les denrées ou les techniques» (Ibid., n. 73). Et, dans notre Message à tous les peuples d’Afrique, Nous soulignions l’apport irremplaçable des valeurs traditionnelles de ce grand continent: la vision spirituelle de la vie, le respect pour la dignité humaine, le sens de la famille et de la communauté (n. 8-12). Que e ne fut pas notre joie d’en être Nous-même le témoin, lors de notre récent voyage en Afrique, où Nous avons tenu à réaffirmer devant le Parlement de Kampala, qu’il appartenait aux populations africaines d’«exprimer avec leur génie propre les structures politiques, sociales, économiques et culturelles en accord avec leurs besoins et en coordination avec la société internationale et la civilisation moderne» (31 juillet 1969).

Aussi Nous réjouissons-Nous de tout coeur de ce Colloque qui vous rassemble pour de féconds échanges. Dans un monde que l’on a pu caractériser par l’hypertrophie des moyens et l’atrophie des fins, il vous appartient, par le courage de l’intelligence, l’ouverture du coeur, et la conspiration des volontés, d’oeuvrer pour faire reconnaître et respecter, pour affermir et enraciner ce qui, par-delà les diverses expressions légitimes et contingentes, constitue l’essence de toute civilisation digne de ce nom: le sens de l’homme et de ses valeurs essentielles.

Permettez-Nous en terminant de livrer à votre réflexion cette judicieuse observation d’un philosophe contemporain: «Il est clair qu’une civilisation ne mérite ce nom que lorsqu’elle ordonne et hiérarchise les valeurs, c’est-à-dire lorsqu’elle soumet les valeurs basses aux valeurs hautes, et les hautes à la suprême. La machine, ce corps multiplié, doit être soumise à l’esprit, l’esprit rapporté à l’âme, l’âme ramenée à Dieu . . . L’être, quel est-il sans la raison d’être? Et que sert de vivre, si l’on ne sait pourquoi l’on vit?» (JEAN GUITTON, Crise et valeurs de la civilisation occidentale, dans «Semaines Sociales de France», Lyon, 1948, p. 58).

En souhaitant que vos travaux contribuent pour leur part à ce dialogue que Nous appelions de nos voeux dans notre première encyclique Ecclesiam Suam, et répondent en même temps à «l’attente anxieuse et impatiente des jeunes» (allocution à l’OIT, Genève, 10 juin 1969), Nous vous donnons de grand coeur, chers Messieurs, notre Bénédiction Apostolique.



AUX ORGANISATEURS DU Xe CONGRÈS INTERNATIONAL DE DROIT PÉNAL Samedi 4 octobre 1969

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Chers Messieurs,

Il nous est très agréable de répondre au désir exprimé par les organisateurs du dixième Congrès international de droit pénal, et de vous souhaiter à tous une cordiale bienvenue. En vous recevant dans notre demeure, Nous voulons vous témoigner notre estime pour vos personnes et vous assurer en même temps du vif et profond intérêt que Nous portons à vos travaux.

Si tout ce qui se rapporte à l’ordre juridique international retient en effet notre attention, l’objet de votre rencontre romaine, bien qu’il déborde notre compétence propre, attire particulièrement notre réflexion. Vos préoccupations ne rejoignent-elles pas, par plus d’un aspect, ce qui constitue l’une des tâches de l’Eglise: le relèvement de l’homme tombé et son amendement en vue de sa progressive réintégration dans une société accueillante où il puisse retrouver sa pleine dignité?

Au reste, notre prédécesseur Pie XII ne vous exprimait-il pas, dans une rencontre mémorable à laquelle plusieurs d’entre vous ont sans doute participé, tout l’intérêt que porte l’Eglise à vos travaux, et aux questions fondamentales qu’ils soulèvent: les bases métaphysiques du droit, et son importance pour la vie pacifique et ordonnée des sociétés - y compris, en son ordre, l’Eglise - et de l’a communauté des peuples? (Discours au VIème Congrès international de droit pénal, A.A.S. 45, 1953,
PP 730-744). Quant à Nous, en présence de personnalités si hautement qualifiées, et devant des rapports complexes si techniquement élaborés. Nous voudrions seulement partager avec vous quelques réflexions qui Nous paraissent particulièrement actuelles dans le monde d’aujourd’hui.

I. Tout d’abord, vous contribuez au progrès des sciences juridiques, et par là vous participez d’une manière irremplaçable à l’instauration de ce monde plus juste et plus fraternel que nous appelons tous de nos voeux. N’est-il pas vrai que, dans toutes les civilisations, cette lente élaboration d’un droit pénal égal pour tous, à la fois de plus en plus précis et de plus en plus souple, pour tenir compte de tous les aspects des dommages causés aux personnes comme à l’ordre public, ainsi que d’une culpabilité personnelle cernée aussi exactement que possible, n’est-il pas vrai qu’un tel effort est toujours le signe et le gage d’une progressive maturation humaine, qu’il témoigne en un mot de plus d’humanité?

Cette oeuvre, certes, vous le savez mieux que quiconque, demeure fragile et vulnérable, et demande toujours à être reprise et perfectionnée, dans une plus grande adaptation requise à la fois l’affinement des consciences et par les transformations de la société. Qui ne saisit l’enjeu de ce travail séculaire, devant la tentation toujours renaissante, et aujourd’hui plus insidieuse que jamais, de jauger la moralité à l’aune des moeurs, et d’établir un passage aussi indu que périlleux du fait au droit? De plus grandes possibilités d’action apparaissent par ailleurs, et par là même hélas deviennent aussi possible de nouveaux délit qui font peser des menaces plus graves sur les personnes comme sur la société. Il faut y faire face résolument, si l’on ne veut pas qu’un prodigieux progrès technique ne soit l’occasion d’une effrayante régression morale. Ne notait-on pas récemment la terrible progression de la criminalité en milieu urbain, et ceci dans les sociétés considérées comme les plus évoluées? (cfr. Chronique sociale de France, juillet 1969,Urbanisation et criminalité).

Tant de questions se posent quant à l’administration même de la justice, le déroulement des procès, les garanties de la vérité, les modes d’application des peines. Nous Nous réjouissons de les voir réétudiées, ne doutant pas qu’un tel réexamen ne favorise plus de justice dans l’exercice de «La Justice». L’Eglise elle-même n’essaie-t-elle pas de faire le même effort dans la réforme de sa législation canonique, comme dans la procédure de ses tribunaux?

Certes, nous le savons tous, Dieu seul «sonde les reins et les coeurs» , et Lui seul est capable de «rendre à chacun selon ses oeuvres» (cfr. Jérémie Jr 17,10), Lui, «le juste Juge, le défenseur du pauvre, de la veuve, et de l’orphelin», comme le proclament à l’envi tant de pages de la sainte Ecriture (cfr. Ps Ps 7,9-12 Ps 11,7 Ps 26,1 Ps 58,12 Ps 75,8 Ps 82,8), qui nous le montrent aussi intraitable pour qui poursuit le mal ou lui demeure indifférent, que miséricordieux pour qui regrette sa faute et s’amende, «plein de tendresse et de pitié» (Ex 34,6) pour le pécheur repentant. Plus modeste certes, votre rôle n’en est pas moins indispensable. Il s’agit, pour la justice humaine, de prévenir le mal, de protéger la société contre toutes les atteintes au bien commun, et de redresser aussi le coupable, pour autant que faire se peut. Ce pouvoir de coercition lui-même, exercé à l’encontre d’un frère au nom de la communauté, comme le pouvoir législatif qui lui correspond, expriment en effet les exigences d’un droit fondamental.

II. Il est dans votre oeuvre un autre point capital. C’est la sauvegarde des droits sacrés de la personne humaine, des droits de l’homme selon l’expression consacrée, que vous assurez par la protection de l’ordre public. Et là votre responsabilité est double, et aussi délicate et grave dans l’une et l’autre de ses composantes: assurer les droits du coupable, comme ceux de l’innocent.

Nous le disions solennellement dans notre message adressé à la Conférence organisée par les Nations-Unies à Téhéran, à l’occasion du 20ème anniversaire de la déclaration des droits de l’homme: «Il serait vain de proclamer les droits si l’on ne mettait en même temps tout en oeuvre pour assurer le devoir de les respecter par tous, partout, et pour tous» (A.A.S., LV [1968], p. 285). Et le Concile oecuménique, dans sa Déclaration Dignitatis Humanae, le déclarant sans ambages: «A l’égard de tous, il faut agir avec justice et humanité . . . . selon des normes juridiques conformes à l’ordre moral objectif, requises par l’efficace sauvegarde des droits de tous les citoyens et de leur pacifique accord, et par un souci adéquat de cette authentique paix publique qui consiste dans une vie vécue en commun sur la base d’une vraie justice, ainsi que par le maintien, qui se doit, de la moralité publique (n. DH DH 7).

Cette triple exigence marque bien l’ampleur, comme les limites, de toute législation pénale, dans l’irremplaçable service du bien commun qu’elle assure. Le délinquant - et à combien plus forte raison le présumé délinquant - conservent toujours une dignité et des droits qu’il faut absolument garantir contre tout arbitraire. Bien plus, le jugement et la peine doivent tendre aussi à la rééducation et à la réintégration du coupable dans la société, avec son entière dignité d’homme. Nous vous félicitons de tendre toujours mieux vers cet objectif humain si important, qui est bien digne de retenir toute votre attention.

III. Un autre aspect de vos travaux est lui aussi à relever, en raison de ses incidences sur le bien commun de toute la communauté des peuples: c’est l’harmonisation des diverses législations nationales, dans la poursuite des délits, et l’obstacle ainsi porté contre les criminels dans leur recherche de l’impunité par le moyen de la fuite à l’étranger. Certes les lois pénales, sans être arbitraires, demeurent nécessairement liées à certaines contingences locales, et ne peuvent pas ne pas refléter dans leur expression des degrés bien divers selon l’état des différentes sociétés dont elles cherchent à assurer la sauvegarde. Et il est, de ce fait, difficile d’en harmoniser les dispositions par-delà les frontières.

Mais il vous appartient de chercher à déjouer les impudents calculs des criminels, et de réfléchir aux saines conditions de l’extradition, en ce qui concerne les crimes de droit commun. Le problème est en effet bien différent, quand il s’agit de délits d’ordre politique, avec les contingences qu’ils connotent: dans de certaines limites, le droit d’asile a toujours été reconnu comme un bienfait pour l’humanité. Au reste, par-delà la punition de tout délit, qu’il faut assurer, c’est la prévention de la criminalité qu’il importe de rechercher par les moyens les plus adaptés.

IV. Enfin, chers Messieurs, il Nous plaît de penser que la mise en commun de vos réflexions et de vos suggestions, à partir de vos diverses expériences, comme la confrontation pacifique des différents systèmes juridiques dont vous avez la connaissance, favoriseront et renforceront entre les nations des rapports juridiques plus étroits, qui seront une source féconde de progrès dans la justice, et par là-même de paix entre les peuples. Car la paix, Nous ne cessons de le répéter, «se construit jour après jour, dans la poursuite d’un ordre voulu de Dieu, qui comporte une justice plus parfaite entre les hommes» (Populorum Progressio PP 76 cfr. Pacem in terris PT 1).

Il n’est de vraie paix que dans la justice. Et la vraie justice n’est pas dans un juridisme imposé par les uns ou les autres en raison de leur position de force dans la société, mais dans le souci d’assurer toujours mieux la protection de ces droits naturels qui ont été inscrits par le Créateur dans la conscience des hommes. Selon le mot du prophète: «Pour magistrature, j’instituerai la paix, et comme gouvernement la justice» (Is 60,17). Nul doute qu’avec la grâce du Dieu de justice et de paix, des dialogues sincères comme ceux que vous menez ne contribuent grandement au progrès de toute la société, dans cette recherche si importante pour tous les hommes.

Aussi est-ce de grand coeur qu’en formant les meilleurs voeux pour la fécondité de vos travaux Nous vous accordons, pour vous-mêmes, et pour tous ceux qui vous sont chers, notre Bénédiction Apostolique.



SYNODE EXTRAORDINAIRE DES ÉVÊQUES - ALLOCUTION DU PAPE PAUL VI Lundi 27 octobre 1969

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LES PERSPECTIVES OUVERTES PAR LE SYNODE




Avant que ne soit prononcée la clôture officielle du Synode Extraordinaire des Evêques, clôture qui est intervenue le mardi 28 octobre, le Saint-Père a prononcé un discours, le lundi 27, dont voici le texte :



Vénérables Frères !

Au terme de ce Synode extraordinaire, Nous devons vous adresser quelques mots de conclusion.

Notre premier mot sera pour vous remercier de votre participation : sans nul doute, c'est un grand apport au bien général de l'Eglise, que la venue de personnes comme les vôtres, engagées dans les graves et absorbantes tâches pastorales, et que leur participation intense et sérieuse aux travaux de cette assemblée. A ce remerciement s'ajoute la satisfaction pour l'assiduité de votre présence et pour l'ardeur de votre attention et de votre collaboration au sérieux et à l'utilité des discussions synodales.

Nous pensons qu'un des bénéfices de votre concours est la conversation fraternelle de ces journées et la communication réciproque des expériences respectives, des difficultés communes, et des espérances fraternelles ; sans aucun doute, la charité ecclésiale en aura tiré profit, et une fois de plus tous auront expérimenté « qu'il est bon et agréable pour des frères d'habiter ensemble » (
Ps 132,1).

Nous devons noter aussi le caractère extraordinaire de ce synode : extraordinaire, parce que orienté vers la solution de questions préalables au développement futur du gouvernement ecclésiastique, c'est-à-dire à la détermination des rapports canoniques qui résultent de deux faits mis en évidence par le récent Concile oecuménique Vatican II ; la collégialité de l'ordre épiscopal qui y a été déclarée, et les Conférences épiscopales dans les diverses nations ou régions territoriales qui y ont été plus fortement marquées. Ce caractère spécifique et donc par là limité de l'actuel Synode extraordinaire indique par lui-même que d'autres Synodes généraux devront être convoqués à l'avenir pour traiter des autres grandes et urgentes questions qui intéressent la vie de l'Eglise.

A ce propos Nous ressentons l'obligation de vous assurer que ce sera notre soin, — plaisir agréable encore plus que clair devoir —, d'accorder la plus grande considération à la suite à donner aux « manifestations d'opinion », c'est-à-dire aux votes, que vous, Vénérables Frères, avez ce matin exprimés et remis à la Présidence du Synode : le fait qu'une partie de ces votes ait été donnée « iuxta modum », appelle de Nous un examen, dont Nous aurons le devoir de méditer les conclusions devant le Christ, dans l'intimité de Notre conscience et dans le sens de Notre responsabilité de Pasteur suprême de la Sainte Eglise de Dieu, pour exprimer ensuite Notre sentiment à ce sujet et vous le communiquer tout aussitôt.

Il Nous semble cependant dès maintenant possible d'affirmer Notre intention conforme à la vôtre, en ce qui concerne la régularité de la convocation des Synodes d'Evêques, dans les formes prévues par leurs statuts, de rencontres générales ou extraordinaires, sans omettre, si cela se révélait opportun, le recours à la convocation de Synodes spéciaux. Nous plaît aussi la suggestion, si amplement soutenue par cette assemblée, que cette convocation régulière soit fixée, en principe, — étant naturellement sauves les circonstances qui conseillent de procéder diversement —, tous les deux ans, à partir de cette année.

Pareillement, Nous pouvons encore aujourd'hui vous faire savoir qu'il est dans Notre intention de donner au Secrétariat du Synode une plus grande efficience, et de tenir le plus grand compte, dans ce but, des votes exprimés au sujet de l'aide désirée — et, Nous le croyons, utile — que pourraient apporter, sous une forme qu'il faudra déterminer, des Evêques représentant l'Episcopat dispersé dans le monde ; comme aussi au sujet de la possibilité qu'à travers eux, soient présentés les thèmes dont l'examen serait jugé nécessaire au Synode.

Cela vous manifeste toute la confiance que Nous avons pour cette institution, issue de la doctrine et de l'esprit du récent Concile oecuménique, et dont le but n'est certes pas d'engendrer des rivalités de pouvoirs, ou des difficultés pour le gouvernement bien ordonné et efficace à l'intérieur de l'Eglise, mais au contraire d'inciter mutuellement le Pape et l'Episcopat à une plus grande communion, comme à une collaboration organique.

Tout cela, Nous entendons, pour notre part, le mettre en oeuvre dans le plein et cordial respect des tâches et des responsabilités de nos Frères dans l'Episcopat, qu'ils soient pris isolément, ou qu'ils soient réunis en de légitimes rencontres canoniques: sans pour autant, — cela est bien clair —.renoncer jamais, en ce qui Nous concerne, à ces tâches et à ces responsabilités spécifiques, que le charisme du primat conféré par le Christ lui-même à Pierre, — dont Nous sommes le très humble mais authentique successeur —, et le devoir plus que le droit, de son fidèle exercice, Nous imposent. Le Pape doit être un coeur, comme un carrefour de la charité, qui reçoit tous, qui aime tous, parce que le Christ « nous a laissé Pierre comme vicaire de son amour » (S. ambroise, Exp. in Luc., I, X, 175 : PL 15, 1942).

De même, Nous sommes disposé à accueillir toute aspiration légitime à une meilleure reconnaissance des caractéristiques et des exigences particulières des Eglises locales, grâce à une application bien comprise du principe de subsidiarité : principe qui requiert certainement un surcroît d'approfondissement doctrinal et pratique, mais que Nous n'hésitons pas à accepter dans son acception fondamentale. Celui-ci, cependant, ne doit pas être confondu avec une prétendue requête de « pluralisme » qui toucherait la foi, la loi morale et les lignes fondamentales des sacrements, de la liturgie et de la discipline canonique, qui tendent à conserver dans l'Eglise l'unité nécessaire.

Au ternie de ces journées intenses de prière et d'étude, Nous désirons ici — sûr d'interpréter vos sentiments de gratitude — adresser un salut respectueux à tout l'Episcopat répandu à travers le monde, à toute l'Eglise, avec une pensée particulière pour le Clergé, dont l'oeuvre est extrêmement précieuse pour tout le peuple chrétien, décisive, pourrions-Nous dire, dans la mesure où elle est fervente, fidèle, réalisée avec ordre, pour surmonter les difficultés que l'Eglise rencontre dans le monde moderne et pour affermir et diffuser le règne aimé, que, du fond du coeur, nous les comprenons, nous les aimons, nous les soutenons, nous les bénissons, attendant avec confiance leur coopération efficace dans le ministère du salut chrétien. Nous n'oublions pas non plus les familles des Religieux et des Religieuses, pas plus que tous les Jeunes qui se préparent à consacrer leur vie au Seigneur et au service de l'Eglise, et tous ceux qui, dans le laïcat catholique, se font témoins et apôtres de la cause du Christ. Nous voulons aussi Nous souvenir de tous les missionnaires.

Nous ne voulons pas oublier, en ce moment où nos coeurs se dilatent dans la charité, les frères chrétiens encore séparés de nous, priant toujours et souhaitant qu'un jour — Dieu veuille qu'il ne soit pas trop éloigné ! — puisse se reconstituer avec eux aussi une communion parfaite dans la foi et dans la charité de l'unique Eglise du Christ.

Et voici que d'autres souvenirs envahissent maintenant notre esprit: celui du monde du travail, celui de la jeunesse, celui des pauvres, celui de ceux qui souffrent. De ce Synode Nous adressons à eux tous, auxquels notre ministère brûle d'offrir le service de l'Evangile, notre salut amical et notre bénédiction. Nous renouvelons nos voeux pour la paix dans le monde, et Nous confirmons notre résolution de la protéger et de la promouvoir dans la justice et dans l'accroissement harmonieux d'une communion, source de prospérité.

Telle est notre conclusion, au nom du Seigneur.

Mais auparavant, Nous voulons remercier aussi publiquement les méritants Présidents de ce Synode extraordinaire, qui ont tant contribué au déroulement bien ordonné des travaux ; leur dévoué Secrétaire et ses collaborateurs ; et Nous ne voulons pas omettre, comme cela se doit, une parole de reconnaissance pour le service de presse, qui a été comme le lien d'information entre ces assises d'un caractère privé et la grande opinion publique, rendant ainsi un service apprécié.

Tandis que Nous félicitons encore une fois tous et chacun de ceux qui sont présents, Nous invoquons l'abondance des grâces du Seigneur, afin qu'il fasse fructifier largement le bon grain semé en ces jours. C'est en gage de ces grâces, et aussi en témoignage de notre toujours vive et affectueuse bienveillance, que Nous vous accordons, à vous comme à chacune de vos nations, la Bénédiction Apostolique.





AUX ARCHEVEQUES ET EVEQUES PRESIDENTS DES CONFERENCES D’EVEQUES D’AFRIQUE, AU TERME DU SYNODE DES ÉVÊQUES Mardi 28 octobre 1969

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Vénérables Frères!

Au terme de ce Synode, qui Nous a permis de prendre un contact si apprécié avec nos Frères dans l’épiscopat venus de tous les pays, Nous sommes heureux de saluer d’une façon particulière votre groupe de pasteurs africains. Vous savez comment Nous estimons le zèle que vous déployez pour développer toutes les possibilités spirituelles de vos populations, dans la foi et la charité propres au christianisme, avec un grand souci d’attachement filial à ce Saint-Siège, fondement et principe de l’unité. Nous sommes heureux que vous ayez pu faire partager à vos autres confrères de l’univers catholique vos joies, vos soucis ou vos difficultés, cependant qu’ils vous faisaient part, eux aussi, des leurs. Quant à Nous, Nous sommes encore sous l’émotion de cette rencontre que Dieu nous a donné d’avoir avec votre continent, qui porte en lui tant d’espérance pour le Royaume de Dieu. De tout coeur, Nous vous renouvelons, frères très chers dans le Christ, pour vous, pour vos prêtres, pour tous les missionnaires qui vous apportent une nécessaire coopération pour tout le peuple chrétien de vos pays, notre affectueuse Bénédiction Apostolique.

Venerable Brothers,

It is with the greatest of pleasure that We receive you Our Brothers from Africa. The Synod of Bishops is the main reason for your presence here; but We like to think of your coming as in some way a return visit after Our own journey this summer, which brought Us, for all too short a time, to your continent. There We saw, as We see again in you, Venerable Brothers, the unreserved faith in Christ, and the wholehearted love of God and of God’s children, which give such promise of Africa’s contribution to the life and activity of the Church.

The Synod has enabled Bishops from different countries, races and cultures to bring together the treasures of their own experience and wisdom, thereby enriching others and being in turn enriched. You have traded with the talents entrusted to you and gained other talents. Future generations in Africa will benefit from the good use to which you put those treasures. May God assist you in your important pastoral tasks. With a grateful and affectionate heart, We cordially bestow on you, Venerable Brothers, on the Bishops whom you represent, on the priests and religious who assist you, and on all your beloved people, Our Apostolic Blessing.



AU PRÉSIDENT DU CONSEIL MUNICIPAL DE PARIS Mercredi 29 octobre 1969

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Nous sommes heureux de vous accueillir, Monsieur le Président du Conseil Municipal de Paris, qui, avec quelques-uns de vos collaborateurs, avez voulu Nous rendre visite au cours de votre séjour à Rome. Nous sommes sensible à cette marque de déférence et Nous vous en remercions, toujours heureux de ce qui rapproche Paris et Rome, ces deux capitales au passé prestigieux et à l’avenir riche de promesses, pour l’Eglise comme pour la Cité.

Répondant à l’invitation du Conseil Municipal de Rome, vous apportez ainsi une nouvelle manifestation tangible des liens qui unissent les deux capitales jumelées, contribuant ainsi, par des échanges commerciaux et culturels toujours plus développés, à rendre plus étroits les rapports qui existent entre les deux villes. Marquée par diverses manifestations, la Semaine de Paris à Rome fournit à tous l’occasion d’une meilleure connaissance réciproque. C’est par là même coopérer, pour une part qui n’est pas négligeable, à la grande tâche de rapprochement et d’union entre tous les peuples, condition essentielle de la paix du monde à laquelle tous aspirent.

De grand coeur Nous souhaitons que votre séjour dans la ville éternelle soit pour vous une source d’enrichissement culturel et spirituel, et Nous vous bénissons, comme Nous bénissons toutes vos familles.





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