Discours 1970 8

AU COLLÈGE DE DÉFENSE DE L'O.T.A.N.*


Samedi 31 janvier 1970




Chers Messieurs,

Nous sommes très touché de voir chaque année les Cadres et Auditeurs du Collège de Défense de l’O.T.A.N. désirer cette rencontre et chercher auprès de Nous quelques paroles d’encouragement pour cet affermissement d’une juste paix qui est notre voeu à tous.

Vous avez en effet le souci de parfaire votre compétence technique, militaire ou civile, afin de mieux assurer la défense de vos patries, d’un bout à l’autre de l’Europe et de part et d’autre de l’Atlantique Nord. Nous n’avons aucune compétence, vous le savez, en ce domaine, et aucune intention d’y intervenir. Mais comment resterions-Nous insensible aux liens qui tissent une solidarité constructive entre les diverses parties du continent européen, trop longtemps marqué par le cloisonnement et les oppositions? D’autres s’emploient activement à intensifier les échanges économiques et culturels. Il vous revient d’en assurer les conditions de liberté et de sécurité, à l’abri de toute violence ou intimidation injustifiée.

Comme nous voudrions voir partout réalisées ces conditions pacifiques : en Europe, au Moyen Orient, en Afrique, au Vietnam, en Amérique du Sud. Que personne ne se permette plus d’opprimer ses voisins ou ses compatriotes; que tous puissent enfin transformer une bonne part de leurs épées en socs de charrue (Cfr. Is Is 2,4), selon la prophétie d’Isaïe, comprenant enfin que la réconciliation et le développement sont les vrais chemins de la paix ! Vous ne vous étonnerez pas de Nous entendre parler ainsi, Nous que le Seigneur a institué pour répéter sans relâche au monde qui l’oublie: «Heureux les artisans de paix, car il seront appelés fils de Dieu» (Mt 5,9).

Vous aussi, chers Messieurs, vous êtes conviés, à votre place, à cet éminent service. De tout coeur, Nous supplions le Seigneur de vous donner lumière et force pour que vous soyez toujours des témoins et des instruments de la justice et de la paix. Qu’Il vous bénisse, et avec vous vos familles, vos pays et tous ceux qui vous sont chers.

*Insegnamenti di Paolo VI, vol. VIII, p.91-92.

L'Osservatore Romano, 1.2.1971 p.1.

9 L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.7 p.3.




9 février



PERFECTIONNER LA VIE SACERDOTALE EN AUGMENTANT L'ESPRIT COMMUNAUTAIRE





Audience de Paul VI aux curés et aux prédicateurs de Carême de Rome



Très chers fils et frères en Jésus-Christ,



Cette rencontre annuelle Nous semble avoir une importance extraordinaire parce que unique et chargée de tous les désirs, de tous les problèmes, de toutes les expériences qui voudraient avoir ici leur expression et trouver ici un avis, un réconfort, une orientation. Chacun des assistants remarquera comment une exigence spontanée, relative à l'heure présente de la vie de l'Eglise, impose à ce discours un changement de perspective : au lieu de porter son attention sur tant de sujets de la prédication de carême et de la préparation pascale qui ne sont certainement pas dépassés, comme le voudrait la coutume dont elle tire son origine et sa raison d'être, Notre parole se sent obligée de se fixer sur les personnes présentes, sur vous-mêmes, sur les ministres plutôt que sur les problèmes de leur ministère. Le discours devient une conversation. La confiance voudrait le qualifier, l'affection l'animer. Nous Nous sentons pénétré de cette présence comme de ce qui Nous intéresse le plus, des questions relatives à Notre excellent clergé en ce moment, au domaine dans lequel s'exercent ses fonctions sacerdotales et pastorales. La même modification s'est produite l'an dernier, si Nos souvenirs sont exacts, lorsque, en cette même occasion, quelque chose fut dit à propos de la controverse sur la position sociologique du prêtre dans le monde contemporain. Ainsi cette année, Frères et Fils bien aimés, Nous ne saurions parler d'autre chose que de ce qui vous concerne directement. Et si Nous cédons à cette invitation intérieure, ce n'est certes pas pour simplifier le sujet de ces simples paroles ni pour alléger le poids de Notre ministère, mais plutôt pour Nous en sentir davantage responsable et pour vous donner une preuve de la place que vous occupez dans Notre esprit et dans Notre charité.

Fierté de la vocation





Choisissant parmi tant de choses qui s'offrent à Notre considération, Nous ne parlerons que d'une seule : l'esprit communautaire. Nous devons augmenter l'esprit communautaire, l'esprit communautaire dans notre communauté qui est le diocèse de Rome. Nous parlons d'augmenter : bien volontiers Nous reconnaissons que cet esprit existe déjà, mais il faut le développer, il faut l'approfondir, il doit caractériser notre spiritualité, il doit s'exprimer dans notre activité pastorale, il doit devenir confiance, collaboration, amitié.

Des rapports communautaires extérieurs existent déjà : l'habitation commune, l'appartenance d'état civil à l'Eglise de Rome, l'insertion canonique dans l'ensemble organisé, ministériel, hiérarchique. La communauté ecclésiale existe, mais est-elle toujours égale à une parfaite communion des esprits, des intentions, des travaux ? Ne sommes-nous pas parfois des solitaires au milieu d'une multitude qui devrait être de frères et constituer une famille ? Ne préférons-nous pas parfois être isolés, être nous-mêmes, distincts, différents et même séparés, et même peut-être parfois dissociés, jusqu'à être antagonistes au milieu de notre équipe ecclésiastique ? Nous sentons-nous vraiment ministres solidaires du même ministère du Christ ? Est-elle toujours vivante entre nous cette affection fraternelle qui nous rend soucieux et heureux du bien de nos confrères et humblement et saintement fiers de notre vocation dans les rangs du clergé romain ?

Unité fraternelle





La révision en cours de la vie sacerdotale, provoquée par le Concile, nous présente ces demandes, rendues plus pressantes par le fait qu'il y a dans notre communauté diocésaine beaucoup de membres hétérogènes qui sont très différents les uns des autres par leur origine, leur formation, leur office, leur qualification spirituelle et leur culture. Il faut fondre ensemble le plus possible ces groupes de prêtres, de religieux, de prélats si nous voulons être « église », c'est-à-dire assemblée, famille, corps du Christ, multitude animée par la même foi, par la même charité, comme le fut celle des premiers croyants « un seul coeur et une seule âme » (Ac 4,32).

Parce qu'il est hors de doute que c'est la pensée du Christ : « l'unum sint » est au sommet de ses désirs (Jn 17) ; et avant de diffuser ce désir messianique (cf. Jn Jn 11,52) et divin (1Tm 2,4) sur toute l'humanité, Jésus s'adresse directement à ses disciples (Jn 13,34) : avant l'unité oecuménique de l'Eglise, le Seigneur nous demande l'unité fraternelle, communautaire dans l'Eglise. Et il Nous semble qu'une des orientations les plus claires du récent Concile est justement de mettre en évidence le caractère communautaire de toute l'humanité, rendu spécialement manifeste dans l'intention du plan divin surnaturel (cf. Gaudium et spes, GS 23-24). L'Eglise catholique réalise déjà, par la force du Saint-Esprit, ce projet constitutionnel de son Fondateur, mais nous sommes encore en devoir d'en perfectionner la mise en oeuvre.

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Communion hiérarchique





Deux facteurs, Nous semble-t-il, viennent en aide à ce perfectionnement communautaire de l'unité et de la charité de la vie sacerdotale. Le premier est le relief donné par le Décret conciliaire « sur le ministère et la vie du prêtre » à la participation subordonnée de l'ordre presbytéral à la mission de l'ordre épiscopal. Vérité connue mais mise en lumière par le Concile, en sorte que « dorénavant qui voudra savoir ce qu'est le prêtre ne pourra pas ne pas s'en rapporter au sacerdoce épiscopal auquel le prêtre participe et qu'il partage, à l'exercice duquel il est destiné à apporter sa collaboration » (Presbyterorum ordinis,
PO 2, 6, 7 ; Card. garrone, Le Concile, p. 78). La communion dans l'Eglise est hiérarchique et ce caractère en constitue un des principes de cohésion les plus étroits et les plus vitaux. Le second facteur est la notion renouvelée et claire de la solidarité qui unit l'ordre sacerdotal à l'ordre épiscopal, solidarité à laquelle a été redonné un nom, le « presbytérium » et, avec le nom, une structure et une fonction : « Les prêtres, dit le Concile, coopérateurs avisés de l'ordre épiscopal dont ils sont l'aide et l'instrument, appelés à servir le peuple de Dieu, constituent avec leur évêque un seul presbytérium aux fonctions diverses » (Lumen gentium, LG 28). Sous la configuration d'association et de juridiction que le groupe ecclésiastique arrive ainsi à prendre, on voudra reconnaître une plus évidente et plus agissante animation spirituelle qui ne fait pas monter démocratiquement l'autorité ecclésiastique des bases au sommet, ni ne tend à imposer les raisons du nombre ou du pluralisme d'opinion, en paralysant l'exercice charismatique et responsable, mais vise à rendre vitales, conscientes, concordantes la communion et la coopération entre l'évêque et ses prêtres et la cohésion entre ceux-ci.

Pastorale d'ensemble





Il Nous semble que le moment opportun s'oit venu de donner à l'esprit communautaire ecclésial sa meilleure conscience, sa meilleure efficacité, spécialement entre ceux qui sont honorés du sacerdoce, et encore plus entre ceux, du clergé diocésain ou religieux, qui sont engagés dans l'exercice d'un ministère pastoral. Ces jours-ci on a désigné à Rome le groupe des prêtres qui composent le conseil presbytéral : Nous donnons importance, sens, efficacité à ce nouvel organisme. Nous pensons que c'est aussi l'idée de Notre vénéré et zélé Cardinal Vicaire. Que ce groupe de prêtres ne soit pas séparé des autres confrères, qu'il soit encore moins le représentant d'un courant qui divise le clergé en des tendances antagonistes, mais plutôt le signe et l'organe de l'accord et de la collaboration, de la solidarité et de l'amitié de nos prêtres entre eux; qu'il soit l'aliment de cet esprit communautaire, de cette unité et de cette charité dont Nous parlons. Nous serons Nous-même content de favoriser cette fusion des esprits et des travaux dans la mesure où il Nous sera donné de connaître et d'approuver vos projets communs et de subvenir à vos besoins. Il devra résulter de cette concorde spirituelle et active un certain programme d'action pastorale combinée et solidaire (la pastorale d'ensemble, comme on dit maintenant) avec une meilleure économie et utilisation des personnes, des initiatives et des moyens, et avec plus d'efficacité dans les résultats.

Les vocations ecclésiastiques





Soudain viennent à Notre esprit quelques-uns des sujets de cette action pastorale simultanée et concertée : tout d'abord celui des vocations ecclésiastiques. Nous ne Nous résignons pas à penser que Notre domaine pastoral soit stérile d'âmes jeunes et adultes capables d'entendre l'appel au service héroïque du royaume de Dieu.

Nous pensons que la rareté des vocations dans les grandes villes dépend en grande partie de l'atmosphère familiale et sociale qui rend la conscience des nouvelles générations réfractaire à l'impulsion de la voix du Christ, mais Nous avons toujours la confiance qu'un prêtre, un vrai prêtre, ni bigot ni sécularisé, mais vivant intensément son sacerdoce dans la sagesse et le sacrifice au contact de la communauté, spécialement des jeunes, aura la vertu ou mieux la grâce d'allumer dans d'autres âmes la flamme de l'amour total du Christ Seigneur qui brûle en lui. Nous croyons que la présentation de la vie sacerdotale vécue dans la plénitude de l'immolation, avec le célibat consacré à l'unique amour de Jésus Maître et Seigneur, de Jésus souverain Prêtre et unique Agneau rédempteur, et en même temps à la poursuite complète et exclusive de l'exemple du Christ dans le service pastoral du peuple de Dieu, exerce une plus grande attraction pour embrasser l'état ecclésiastique qu'une formule humainement plus naturelle et apparemment plus facile, dans laquelle le dévouement au Christ et le sacrifice de soi n'ont plus la parfaite et exaltante correspondance que .nous connaissons. Tout tient dans la compréhension. C'est là le charisme qui conditionne le reste. Devons-nous douter que le Saint-Esprit ne puisse le donner aux fils les plus généreux de notre génération ? La force morale, le don de soi, l'amour du Christ, saint et surhumain mais très vrai, très vif et très doux, détaché de tout autre amour même légitime (cf. Mt Mt 19,29), la croix enfin pour le salut de soi-même et des autres ont plus d'incidence efficace dans le coeur humain, spécialement des jeunes, que cette invitation au sacerdoce qui serait facilitée par le mélange de l'amour naturel avec le surnaturel. En sorte que, même dans le besoin obsédant de vocations ecclésiastiques, Nous pensons que le célibat, spirituellement transfiguré et transfigurant, est une meilleure incitation à leur recrutement qualitatif et quantitatif qu'un fléchissement de la loi canonique. Car ce célibat consacré, complet et ferme, constitue l'épilogue de fidélité au royaume de Dieu, l'épilogue d'amour de l'expérience historique et du combat ascétique et mystique de notre Eglise latine. Vous le savez et, avec Nous, vous le voulez, Fils et Frères. Soyez bénis !

Le séminaire





Avec le problème des vocations nous devons reprendre l'étude et la solution, dans un propos communautaire, de celui du séminaire. Le séminaire aussi doit être plus que jamais un centre de convergence de notre communauté ecclésiale par l'affection, par la confiance, par le soutien de chacun et de tous. Une tradition qui ne doit pas s'éteindre a fait de notre séminaire un foyer du coeur pour tant de très dignes ecclésiastiques qui y furent élèves et maîtres, encore plus qu'une école scientifique et qu'un centre pédagogique. Il fut et il est la maison de notre mère incomparable, notre Eglise, la maison des affections qui ne meurent pas, des souvenirs qui revivent toujours, des résolutions qui soutiennent la vie. Ainsi doit-il en être encore et toujours pour votre fidélité cordiale et collective. Vous aussi, religieux, vous en aurez le mérite et l'avantage.

Et puis tant et tant de problèmes attendent de l'esprit communautaire une étude plus systématique et plus organisée, une solution plus moderne et plus large : les conditions économiques du clergé, la vie commune des prêtres, la régénération de la prédication, l'instruction religieuse de la jeunesse et des adultes, l'action catholique, les nouvelles églises, l'assistance aux quartiers pauvres, le journal catholique, la mise en oeuvre méthodique de la réforme liturgique, l'art sacré, les exercices spirituels etc. Le moment est venu d'une reprise concordante et vigoureuse de toute forme d'apostolat, de tout exercice du ministère, de toute sollicitude pastorale. Tous doivent le faire ; Nous disons maintenant: tous doivent collaborer. L'orchestre a de nombreux instruments différents, chacun donne sa note particulière, mais là musique est unique, elle doit être une harmonie, une somme de forces communes. Vous voyez comment Notre Vicariat, malheureusement considéré par certains sous le seul aspect bureaucratique et disciplinaire, peut devenir le centre de la ferveur, de la concorde, du zèle, de la charité diocésaine.

Spiritualité personnelle





11 Nous ne finirions pas comme il convient cette exhortation à l'esprit communautaire si Nous ne vous rappelions la relation intrinsèque qu'il suppose et qu'il développe avec la spiritualité personnelle. Nous tomberions dans les apparences, dans le calcul purement sociologique, dans le juridisme, si nous ne faisions pas correspondre à l'accroissement de l'esprit communautaire une intense, intime, précise vie religieuse intérieure. L'apostolat perdrait ses racines intérieures, ses expressions les meilleures et les plus originales, ses plus hautes finalités si l'apôtre n'était pas un homme d'oraison et de méditation. L'équipe du peuple éduqué à la participation liturgique manquerait de vraie cohésion spirituelle et de vrai fruit de communion avec les mystères divins célébrés si le ministre et chaque fidèle ne retiraient pas du rite et n'y apportaient pas leur propre ferveur religieuse. L'Eglise ne serait plus l'Eglise si, dans la mise en oeuvre de la charité fraternelle, elle n'apportait pas d'abord la charité divine. Or celle-ci exige le colloque silencieux de l'âme qui écoute et contemple au dedans d'elle-même. Il est dit par le Christ qu'il s'est rendu présent à l'âme et dans l'âme par ses paroles, enfantines et exceptionnelles, balbutiantes et gémissantes, suppliantes, remplies d'allégresse et chantantes, mais les siennes, secrètes et compréhensibles pour Dieu, prononcées d'une manière ineffable « gemitibus inenarrabilibus » (Rm 8,26) avec le seul Esprit et peut-être par l'Esprit lui-même en nous et pour nous. La vie intérieure n'a pas de succédané ; pour nous spécialement, ministres du Seigneur, elle ne peut pas, elle ne doit pas manquer.

Laissez-Nous terminer par cette « liturgie de la parole ». La parole est de saint Paul aux Philippiens (2, 1-5). Fils et Frères : « Je vous en conjure par tout ce qu'il peut y avoir d'appel pressant dans le Christ, de persuasion dans l'Amour, de communion dans l'Esprit, de tendresse compatissante, mettez le comble à ma joie par l'accord de vos sentiments ; ayez le même amour, une seule âme, un seul sentiment ; n'accordez rien à l'esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun par l'humilité estime les autres supérieurs à soi ; ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres. Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus ». Qu'il en soit ainsi avec Notre Bénédiction Apostolique.






20 mars



AU CONSEIL DES LAICS





Nous sommes heureux de vous accueillir au terme de vos travaux, chers fils et amis, Membres et Consulteurs du Conseil des Laïcs ; heureux d'entendre arriver jusqu'à Nous, par votre voix, l'écho du magnifique apostolat du peuple de Dieu à travers le monde. Vous êtes en quelque sorte nos « experts » en ce domaine, nos conseillers, et c'est pourquoi Nous avons accepté bien volontiers que plusieurs d'entre vous prennent la parole devant Nous au cours de cette audience. Aussi adressons-Nous un merci particulier à Monseigneur Derek Worlock, à Madame Branca Alves, à Monsieur Rienzie Rupasinghe, qui viennent d'être auprès de Nous vos porte-parole.

Ils ont fort bien dit votre fierté et votre joie pour la grande tâche que l'Eglise vous a confiée, et ils n'ont pas dissimulé non plus les difficultés rencontrées : ces « tensions » qui semblent devenues une caractéristique de notre époque et qui n'épargnent pas le champ de l'apostolat : tension entre Eglise et monde, entre foi et vie, entre clergé et laïcs, et ainsi de suite. Mais il Nous semble percevoir à travers votre triple témoignage, une volonté résolue de dominer ces tensions en les transformant en dialogue, pour les faire servir au bien, et Nous applaudissons à votre détermination de poursuivre, sans cesser de la mûrir et de l'approfondir, l'oeuvre entreprise. Bien volontiers Nous vous donnons l'assurance que, dans votre précieux travail au service de l'Eglise, les encouragements et la bénédiction, que vous êtes venus Nous demander, ne vous manqueront pas.

Nous voudrions maintenant profiter de votre présence ici pour réfléchir avec vous à ce que sont les laïcs dans l'Eglise.

Qu'est-ce qu'un laïc ? qu'est-ce qu'un laïc catholique ? qu'est-ce que l'Eglise attend de votre Conseil pour aider à promouvoir l'apostolat des laïcs en notre temps ? Il y a là un enseignement qu'il vous appartient de méditer pour assurer sa mise en oeuvre au sein du Peuple de Dieu, selon trois dimensions essentielles.

Triple dimension du laïcat





1. D'abord la personne humaine. Toute personne, faut-il le rappeler, est créée à l'image de Dieu, est supérieure à tout l'univers visible, et a un destin éternel.

Mais cette personne humaine, sous le caractère spécifique de laïc où Nous la considérons, est appelée à accomplir son destin au coeur du monde profane, à partager les souffrances et les joies de la communauté humaine, à assumer en son sein des solidarités sociales et culturelles qui lui créent des droits et des devoirs, et lui donnent aussi des possibilités d'action multiformes sur l'organisation et la marche du monde.

C'est dire le rôle éminent et la dignité de la personne humaine et l'obligation pour toute société de la respecter tant dans son être individuel que familial et social.

12 2. Puis la personne chrétienne : cet autre titre ajoute à la grandeur de la personne humaine celui que lui ouvre la porte du baptême. C'est l'entrée dans un monde nouveau, aux horizons infinis: le monde de la foi, le monde de la grâce.

Comparaison constante avec l'Evangile





Le laïc apparaît ici dans sa dignité supérieure de membre du peuple de Dieu, élevé au plan surnaturel, en puissance déjà citoyen du ciel, et riche dès ici-bas de nouveaux droits et de nouveaux devoirs, auxquels l'homme naturel ne pouvait prétendre ni parvenir par ses propres forces.

3. Enfin le laïc catholique, membre de l'Eglise, corps mystique du Christ, et plus spécialement, comme vous l'êtes tous, chers amis, le laïc qui a pris conscience de sa place, de son rôle dans ce corps mystique — si un et si divers à la fois — : c'est le laïc considéré comme sujet non plus seulement passif, comme ce fut trop souvent le cas dans le passé, mais comme sujet actif dans l'Eglise, selon l'enseignement formel du Concile OEcuménique Vatican II.

Ce n'est certes pas à vous qu'il est besoin de le rappeler : la Constitution Lumen gentium, après avoir énoncé le devoir d'obéissance et de prière des fidèles, demande aux pasteurs de « reconnaître et promouvoir la dignité et la responsabilité des laïcs dans l'Eglise, utiliser volontiers leurs avis prudents, leur assigner des postes de confiance au service de l'Eglise, leur accorder la liberté d'action et un champ où ils puissent l'exercer, et même les encourager à entreprendre des oeuvres de leur propre initiative », en leur reconnaissant bien sûr « la juste liberté dont chacun doit jouir dans la cité terrestre » (n. 37).

Qui ne voit le vaste champ d'action ainsi ouvert au Conseil des laïcs dans le sillage de l'enseignement conciliaire ? Dans quel sens va-t-il oeuvrer pour que se réalisent les grandes perspectives de l'apostolat des laïcs dessinées dans les divers décrets ou constitutions de Vatican II ? Son rôle, Nous semble-t-il, aura un double pôle : il s'exercera par rapport aux laïcs et par rapport à la Hiérarchie.

Vis-à-vis des premiers, votre Conseil doit se tenir dans une attitude d'écoute et de dialogue, sensible à discerner dans leurs milieux de vie les besoins et les possibilités de salut. Ainsi il s'efforcera de susciter, en liaison avec les épiscopats des diverses parties du monde, les formes d'apostolat qui respectent le génie et le caractère de chaque culture, mais se rejoignent toutes dans la communion de l'Eglise par l'affirmation claire de leur identité catholique. Ce sera votre rôle, ce faisant, de rappeler et de témoigner que le zèle, le dévouement ne suffisent pas. Il y faut aussi la réflexion, la méditation, la confrontation constante avec l'Evangile et le Magistère de l'Eglise,

Dans une telle perspective s'impose le confiant échange entre prêtres et laïcs qui, dans le regard qu'ils portent ensemble sur les mêmes situations, sur les mêmes événements, sur les mêmes besoins du monde, s'entraînent mutuellement à réaliser leur vocation et leur mission respectives.

Telle Nous apparaît être, chers Fils, la première responsabilité du Conseil des Laïcs. La seconde n'est pas moins importante : elle concerne l'articulation de l'apostolat des laïcs avec celui de la Hiérarchie, deux forces que la constitution même de l'Eglise ne permet pas d'imaginer divergentes. Là encore votre propre témoignage doit être exemplaire.

Aux écoutes des voix du monde, vous pouvez vous considérer comme les interprètes qualifiés des innombrables fils que le Père commun voudrait pouvoir entendre mais, comme Nous vous le demandions déjà l'an passé, Nous comptons sur vous aussi pour être auprès d'eux les fidèles porte-parole de Nos préoccupations pastorales à leur endroit. De plus la place que le Conseil des laïcs est appelé à occuper désormais dans les organes centraux de l'Eglise l'autorise à rechercher les meilleurs moyens de conjuguer, d'harmoniser son rôle avec celui des divers dicastères, secrétariats ou commissions de la Curie romaine, dans le respect des compétences de chacun. Acquérant ainsi le sens de l'ensemble, vous y découvrirez à la fois votre fonction avec ses limites et aussi votre responsabilité dans toute son étendue et sa spécificité. De cette manière également se développera en vous de plus le sens de l'Eglise hiérarchique où tout doit se traiter, en termes de confiance, de service et de communion.

Le monde a besoin de la bonne nouvelle





13 Pour la tâche que Nous venons de dessiner à grands traits, Nous savons que Nous pouvons compter sur votre fidélité au Siège de Pierre comme sur la maturité de votre réflexion. L'une et l'autre s'imposent plus que jamais en cette période tourmentée pour l'Eglise et pour le monde.

Si diverses que soient vos provenances, vos formations, vos engagements, unique doit être votre souci : prêcher Jésus-Christ, annoncer dans la joie la bonne nouvelle du salut. Le monde a besoin de cette bonne nouvelle, comme il a besoin de nourriture : un de vos interprètes nous l'a fort bien dit tout à l'heure. On peut même dire que rarement dans l'histoire est apparue aussi clairement qu'aujourd'hui l'urgente nécessité de christianiser le monde, ce monde agrandi et inquiet, devenu capable d'explorer le cosmos, et aussi de se détruire lui-même. Plus que jamais c'est l'heure de l'Evangile, l'heure de la pénétration du levain chrétien dans toute la société. Soyez, à la place spécifique et importante qui est la vôtre, celle du Conseil des Laïcs, les bons artisans de cette oeuvre immense, chers Fils, et que Notre bénédiction vous y encourage et vous y accompagne.





POUR LA PAIX AU VIÊTNAM

Vendredi 13 mars 1970




Chers Messieurs,

A l’occasion de votre voyage en Europe, vous avez voulu solliciter une audience de notre part. C’est très volontiers que Nous avons accédé à cette demande et Nous vous souhaitons sincèrement la bienvenue. Nous savons quelles responsabilités vous assumez en votre pays, un pays qui est particulièrement cher à notre coeur et présent à notre prière, comme à nos préoccupations.

Vous le savez du reste, Nous n’avons ménagé ni nos efforts ni nos interventions, au plan qui est celui de l’Eglise, tant pour hâter la fin de la guerre que pour venir en aide à ceux qui en sont les victimes innocentes. Rien ne Nous tient plus à coeur que la paix, qui est l’un des noms de la fraternité humaine, et son appel demeure pour Nous, comme, Nous en sommes sûr, pour vous-mêmes, un mot d’ordre quotidien. Il s’agit bien, cela va sans dire, de cette paix qui respecte les droits fondamentaux et les justes aspirations de tous: paix qui ne peut être que l’oeuvre des hommes de bonne volonté, avant tout soucieux, par-delà tout intérêt individuel, ou de groupe, du bien commun.

Nous Nous réjouissons de savoir que c’est cette bonne volonté qui vous anime dans la mission qui vous conduit à Genève. Aussi nos voeux vous accompagnent-ils pour son heureux succès.
Au terme de ce trop bref entretien, Nous tenons à vous redire toute notre affection pour le peuple du Vietnam qui Nous est si cher. Et c’est dans ces sentiments que Nous invoquons de grand coeur l’assistance du Très-Haut sur vos personnes, sur vos familles et sur votre noble patrie.



AUX MEMBRES ET CONSULTEURS DU


CONSEIL DES LAÏCS, participants de la 8e « Session plénière »


Vendredi 20 mars 1970




Nous sommes heureux de vous accueillir au terme de vos travaux, chers fils et amis, Membres et Consulteurs du Conseil des Laïcs; heureux d’entendre arriver jusqu’à Nous, par votre voix, l’écho du magnifique apostolat du peuple de Dieu à travers le monde. Vous êtes en quelque sorte nos «experts» en ce domaine, nos conseillers, et c’est pourquoi Nous avons accepté bien volontiers que plusieurs d’entre vous prennent la parole devant Nous au cours de cette audience. Aussi adressons-Nous un merci particulier à Monseigneur Derek Worlock, à Madame Branca Alves, à Monsieur Rienzie Rupasinghe, qui viennent d’être auprès de Nous vos porte-paroles.
Ils ont fort bien dit votre fierté et votre joie pour la grande tâche que l’Eglise vous a confiée, et ils n’ont pas dissimulé non plus les difficultés rencontrées; ces «tensions» qui semblent devenues une caractéristique de notre époque et qui n’épargnent pas le champ de l’apostolat; tension entre Eglise et monde, entre foi et vie, entre clergé et laïcs, et ainsi de suite.

14 Mais il Nous semble percevoir, à travers votre triple témoignage, une volonté résolue de dominer ces tensions en les transformant en dialogue, pour les faire servir au bien, et Nous applaudissons à votre détermination de poursuivre, sans cesser de la mûrir et de l’approfondir, l’oeuvre entreprise. Bien volontiers Nous vous donnons l’assurance que, dans votre précieux travail au service de l’Eglise, les encouragements et la bénédiction, que vous êtes venus Nous demander, ne vous manqueront pas.
Nous voudrions maintenant profiter de votre présence ici pour réfléchir avec vous à ce que sont les laïcs dans l’Eglise. Qu’est-ce qu’un laïc? qu’est-ce qu’un laïc catholique? qu’est-ce que l’Eglise attend de votre Conseil pour aider à promouvoir l’apostolat des laïcs en notre temps? Il y a là un enseignement qu’il vous appartient de méditer pour assurer sa mise en oeuvre au sein du Peuple de Dieu, selon trois dimensions essentielles.


TRIPLICE DIMENSIONE DEL LAICATO

1. D’abord la personne humaine.Toute personne, faut-il le rappeler, est créée à l’image de Dieu, est supérieure à tout l’univers visible, et a un destin éternel.
Mais cette personne humaine, sous le caractère spécifique de laïc où Nous la considérons, est appelée à accomplir son destin au coeur du monde profane, à partager les souffrances et les joies de la communauté humaine, à assumer en son sein des solidarités sociales et culturelles qui lui créent des droits et des devoirs, et lui donnent aussi des possibilités d’action multiformes sur l’organisation et la marche du monde.
C’est dire le rôle éminent et la dignité de la personne humaine et l’obligation pour toute société de la respecter tant dans son être individuel que familial et social.

2. Puis la personne chrétienne: cet autre titre ajoute à la grandeur de la personne humaine celui que lui ouvre la porte du baptême. C’est l’entrée dans un monde nouveau, aux horizons infinis: le monde de la foi, le monde de la grâce.
Le laïc apparait ici dans sa dignité supérieure de membre du peuple de Dieu, élevé au plan surnaturel, en puissance déjà citoyen du ciel, et riche dès ici-bas de nouveaux droits et de nouveaux devoirs, auxquels l’homme naturel ne pouvait prétendre ni parvenir par ses propres forces.

3. Enfin le laïc catholique, membre de l’Eglise, corps mystique du Christ, et plus spécialement, comme vous l’êtes tous, chers amis, le laïc qui a pris conscience de sa place, de son rôle dans ce corps mystique - si un et si divers à la foi -: c’est le laïc considéré comme sujet non plus seulement passif, comme ce fut trop souvent le cas dans le passé, mais comme sujet actif dans l’Eglise, selon l’enseignement formel du Concile Oecuménique Vatican II.


I DETTAMI DELLA «LUMEN GENTIUM»

Ce n’est certes pas à vous qu’il est besoin de le rappeler: la Constitution Lumen gentium, après avoir énoncé le devoir d’obéissance et de prière des fidèles, demande aux pasteurs de «reconnaître et promouvoir la dignité et la responsabilité des laïcs dans l’Eglise, utiliser volontiers leurs avis prudents, leur assigner des postes de confiance au service de l’Eglise, leur accorder la liberté d’action et un champ où ils puissent l’exercer, et mêmes les encourager à entreprendre des oeuvres de leur propre initiative», en leur reconnaissant bien sûr «la juste liberté dont chacun doit jouir dans la cité terrestre» (Lumen gentium LG 27).
Qui ne voit le vaste champ d’action ainsi ouvert au Conseil des laïcs dans le sillage de l’enseignement conciliaire? Dans quel sens va-t-il ouvrer pour que se réalisent les grandes perspectives de l’apostolat des laïcs dessinées dans les divers décrets ou constitutions de Vatican II? Son rôle, Nous semble-t-il, aura un double pôle: il s’exercera par rapport aux laïcs et par rapport à la Hiérarchie.

Vis à vis des premiers, votre Conseil doit se tenir dans une attitude d’écoute et de dialogue, sensible à discerner dans leurs milieux de vie les besoins et les possibilités de salut. Ainsi il s’efforcera de susciter, en liaison avec les épiscopats des diverses parties du monde, les formes d’apostolat qui respectent le génie et le caractère de chaque culture, mais se rejoignent toutes dans la communion de l’Eglise par l’affirmation claire de leur identité catholique. Ce sera votre rôle, ce faisant, de rappeler et de témoigner que le zèle, le dévouement ne suffisent pas. Il y faut aussi la réflexion, la méditation, la confrontation constante avec l’Evangile et le Magistère de l’Eglise.
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Discours 1970 8