Discours 1973 13

13 Mais avant de lire les noms des nouveaux Cardinaux, Nous ne voulons pas omettre de faire mémoire de vos collègues récemment retournés à Dieu, en nous laissant le regret de leurs personnes et l’exemple de leur vie bien digne de notre reconnaissance. Parmi eux, qu’il Nous soit permis d’évoquer les noms de trois Cardinaux défunts vers lesquels notre pensée se tourne avec piété et affection : le Cardinal Eugène Tisserant, Doyen du Sacré Collège durant de longues années, homme de grand mérite et de grand renom à plus d’un titre, et duquel Nous avons reçu l’ordination épiscopale ; le Cardinal Giuseppe Pizzardo, si remarquable par son infatigable activité, et par qui Nous fûmes appelé au service du Saint-Siège ; le Cardinal Angelo Dell’Acqua, notre Vicaire général pour le Diocèse de Rome, surpris par la mort en août dernier, alors qu’il se trouvait en pèlerinage à Lourdes. De ces Cardinaux, et de tous les autres qui sont décédés, Nous gardons un souvenir reconnaissant et Nous leur assurons nos ferventes prières.

Il est aussi une chose particulière que Nous voulons vous révéler maintenant : Nous voulons en effet vous rappeler qu’au précédent Consistoire tenu le 28 avril 1969, Nous avions parlé de deux membres désignés pour le Sacré Collège dont Nous gardions les noms « in petto ». Nous sommes heureux aujourd’hui de vous faire connaître le premier d’entre eux : notre vénérable Frère Stepán Trochta, Evêque de Litomerice en Tchécoslovaquie. Nous avons décidé de l’adjoindre à votre Collège non seulement pour reconnaître publiquement ses mérites de Pasteur fidèle et extrêmement zélé, mais aussi par affection pour le pays dont il est le fils et qui Nous est très cher à tant de titres.

Ce qui Nous a alors retenu de dévoiler son nom, c’est que le vénérable Cardinal Joseph Beran vivait encore, bien qu’atteint d’une grave maladie qui devait l’emporter peu après : même hors des limites de sa patrie, il conservait le titre de l’illustre archidiocèse de Prague ; ce qui Nous a retenu surtout, c’est le désir et l’espérance, que le Saint-Siège n’a pas abandonnés alors et qu’il n’abandonne pas davantage aujourd’hui, de faire avancer, en attendant, les démarches entreprises pour s’acheminer vers la normalisation de la situation de l’Eglise en Tchécoslovaquie et du gouvernement canonique des diocèses qui s’y trouvent.

Après être parvenu ces tout derniers jours, par la nomination et l’ordination de quatre Evêques de cette région, à un commencement de solution pour ce problème — ce n’est donc pas encore achevé, mais Nous espérons que nos souhaits seront bientôt progressivement réalisés —, Nous sommes heureux d’annoncer cette nouvelle qui, Nous n’en doutons pas, réjouira et comblera non seulement les catholiques, mais aussi tout le peuple tchécoslovaque.

Notre choix s’était porté également sur un autre insigne serviteur de l’Eglise, qui a mérité d’elle au plus haut point par sa fidélité, par ses souffrances et ses privations prolongées dont sa fidélité fut la cause ; il fut lui-même comme le symbole et l’exemple lumineux de la fidélité de tant d’Evêques, de prêtres, de religieux, de religieuses et de fidèles de l’Eglise roumaine de rite byzantin ! Il s’agit de notre vénérable Frère Julius Hossu, Evêque de Cluj-Gherla, décédé le 28 mai 1970.

C’est lui qui, lorsqu’il sut notre intention, Nous supplia instamment de ne pas y donner suite, en invoquant des motifs témoignant d’une telle dignité, en révélant un oubli de soi si édifiant et un si émouvant esprit de service de son Eglise, que Nous nous sommes senti contraint de respecter son désir, au moins en n’annonçant pas à ce moment son élévation au Cardinalat.

Mais maintenant qu’il a disparu de ce monde qui conserve de lui un souvenir reconnaissant et attristé, Nous nous estimons presque obligé de faire en sorte que l’Eglise entière connaisse notre volonté, surtout l’Eglise roumaine, afin d’en être réconfortée et encouragée, et qu’elle comprenne les raisons pour lesquelles ce choix n’a pas été rendu public avant aujourd’hui.

Nous avons à présent la joie d’énumérer les prélats d’élite que Nous avons jugés dignes, à cause de leurs bons services, d’être agrégés à votre très vaste Collège, au cours de ce Consistoire. Ce sont :



Albino Luciani, Patriarche de Venise ;

Antonio Ribeiro, Patriarche de Lisbonne ;

Sergio Pignedoli, Archevêque titulaire d’Iconium ;

14 James Robert Knox, Archevêque de Melbourne ;

Luigi Raimondi, Archevêque titulaire de Tarse ;

Umberto Mozzoni, Archevêque titulaire de Side ;

Avelar Brandâo Vilela, Archevêque de Sâo Salvador de Bahia ;

Joseph Cordeiro, Archevêque de Karachi ;

Aníbal Muftoz Duque, Archevêque de Bogota ;

Boleslaw Kominek, Archevêque de Breslau ;

Paul Philippe, Archevêque titulaire d’Héraclée la Majeure ;

Pietro Palazzini, Archevêque titulaire de Césarée de Cappadoce ;

Luis Aponte Martínez, Archevêque de San Juan de Porto-Rico ;

Raul Francisco Primatesta, Archevêque de Córdoba ;

15 Salvatore Pappalardo, Archevêque de Palerme ;

Ferdinando Giuseppe Antonelli, Archevêque titulaire d’Idicra ;

Marcelo Gonzáles Martin, Archevêque de Tolède ;

Louis Jean Guyot, Archevêque de Toulouse ;

Ugo Poletti, Archevêque titulaire de Cittanova ;

Timothy Manning, Archevêque de Los Angeles de Californie ;

Paul Yoshigoro Taguchi, Archevêque d’Osaka ;

Maurice Otunga, Archevêque de Nairobi ;

José Salazar López, Archevêque de Guadalajara ;

Emile Biayenda, Archevêque de Brazzaville ;

Humberto S. Medeiros, Archevêque de Boston ;

16 Paulo Evaristo Arns, Archevêque de Sâo Paulo ;

James Darcy Freeman, Archevêque de Sydney ;

Narciso Jubany Arnau, Archevêque de Barcelone ;

Hermann Volk, Evêque de Mayence ;

Pio Taofinu’u, Evêque d’Apia.



C’est pourquoi, en vertu de l’autorité de Dieu Tout-Puissant, des Saints Apôtres Pierre et Paul et de la nôtre, Nous créons et Nous proclamons solennellement Cardinaux de la sainte Eglise Romaine les prélats que Nous venons de nommer.

Parmi ceux-ci, appartiendront à l’ordre des Diacres : Sergio Pignedoli, Luigi Raimondi, Umberto Mozzoni, Paul Philippe, Pietro Palazzini, Ferdinando Giuseppe Antonelli.

Nous voulons que les autres appartiennent à l’ordre des Prêtres.

Avec les dispenses, dérogations et clauses nécessaires et opportunes. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, Amen.






5 mars



L’ALLOCUTION DU SAINT-PÈRE AU CONSISTOIRE PUBLIC





Nous vous saluons, vénérables Frères, que Nous avons appelés tout à l’heure à faire partie du Sacré Collège des Cardinaux !

17 Nous vous saluons, prêtres et fidèles venus du monde entier entourer Vos Pasteurs !

Nous vous saluons, dignes représentants des Autorités gouvernementales et civiles de diverses nations, qui démontrez par votre présence la joie et la reconnaissance qu’a suscitées, dans vos pays, la nomination de vos illustres compatriotes, incorporés dans l’antique assemblée des collaborateurs du Pape !

A vous tous qui emplissez cette salle des Audiences, en lui conférant une atmosphère toute particulière qui Nous comble d’admiration et de stupeur, à vous ces paroles cordiales de bienvenue !

Nous sommes venu avec beaucoup de joie saluer ici les nouveaux Cardinaux que Nous avons admis à faire partie du Sacré Collège il y a quelques heures, pendant le Consistoire secret, comme vous l’ont annoncé les Billets qui vous ont été remis par notre Secrétaire d’Etat. Nous avons souhaité ne pas apporter de retard à notre première rencontre avec vous, qui êtes appelés dorénavant à participer, plus étroitement et avec une plus grande responsabilité, à notre mission universelle, à notre humble service de l’ensemble du peuple qui Nous a été confié par le Christ (cf. Jn
Jn 21,15-17). Cette première rencontre se déroule non seulement avec vous, mais avec les membres si nombreux de chacune de vos Eglises, avec les Autorités religieuses et civiles, avec vos familles, qui vous entourent en ce moment pour vous exprimer leur émotion et leur affection.

La grande joie du moment n’appelle sûrement pas un véritable discours ; Nous ne voulons pas toutefois Nous dispenser de saisir le sens profond de cet événement, extraordinaire dans la vie de l’Eglise contemporaine, et de cette réunion pacifique et significative de ces hommes de toutes les races et de toutes les langues, ici, près du tombeau de Pierre. Nous n’avons qu’à laisser parler les faits, suffisamment éloquents par eux-mêmes.

Le spectacle que vous offrez, vénérables Frères, avec les dignes représentants de vos Eglises, est avant tout celui de l’unité, de la communion qui existe dans l’Eglise, dont l’Eglise est le signe visible dans le monde. Le fait que vos fidèles vous aient suivis jusqu’ici, symbolisant la famille entière de chacun des diocèses qui vous sont confiés, démontre combien ceux-ci vous sont unis, combien ils veulent vivre avec vous cette étape si honorifique et importante, aussi bien pour leur communauté ecclésiale que pour votre vie. Ainsi revit cette koinonia qui fusionnait, dans l’Eglise primitive de Jérusalem, les coeurs des chrétiens avec les Apôtres, et qui se nourrissait d’Eucharistie, de prière et d’amour fraternel : « Ils se montraient assidus à l’enseignement des Apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,42). Ainsi se renouvelle la très ancienne discipline, « selon laquelle — comme l’a dit Vatican II — les Evêques établis dans le monde entier communiaient entre eux et avec l’évêque de Rome dans le lien de l’unité, de la charité et de la paix » (Lumen Gentium LG 22). Et l’unité du Peuple de Dieu, serré autour de ses propres Pasteurs dans la communion de la foi et de l’amour, se réalise visiblement. Vous offrez aujourd’hui ce spectacle à Nous-même, à toute la communauté des croyants, bien plus, à toute l’humanité, comme vous offrez par ailleurs un tableau splendide et émouvant de l’universalité de l’Eglise.

Cette réalité, nous la trouvons aujourd’hui ici rendue visible, quasi tangible. Il y a les Eglises antiques, de tradition vénérable remontant aux temps apostoliques et aux péripéties les plus glorieuses de l’antiquité chrétienne, dont le seul nom rappelle d’illustres pages d’histoire religieuse et profane : voici Palerme, voici Tolède, sièges du premier siècle, voici Toulouse, du troisième siècle ; voici, du quatrième siècle, Lisbonne, Mayence, et Barcelone dont l’Archevêque a été dans l’impossibilité, pour raison de santé, de se trouver parmi nous : Nous tenons à lui adresser nos voeux les plus cordiaux ; puis Breslau, et Venise dont le patriarcat, bien que plus récent, se réclame de l’apostolat de Marc, évangéliste et interprète de Pierre ; à côté d’elles, voici les Eglises du Nouveau Monde, San Juan de Porto-Rico (1511), dont l’Archevêque est venu jusqu’ici avec sa vieille maman qui a eu 18 enfants ; puis Guadalajara au Mexique (1548), Sâo Salvador de Bahia au Brésil (1551), Bogota en Colombie (1564), Cordoba en Argentine (1570), Sâo Paulo, encore au Brésil (1745) ; et puis, au siècle dernier, Boston et Los Angeles, aux États-Unis d’Amérique ; Osaka, au Japon moderne et fascinant ; Sydney et Melbourne, en Australie. Mais ce sont surtout les jeunes Eglises, nées de l’effort missionnaire contemporain de tant d’énergies cachées, qui, grâce à ce Consistoire, en arrivent à être plus largement représentées : voici le Pakistan, avec l’Archevêque de Karachi, le Kenya avec celui de Nairobi, le Congo avec le Prélat de Brazzaville, et enfin l’immense et lointain Pacifique, avec l’Evêque de cette île d’Apia que Nous avons visitée au cours de notre voyage en Extrême-Orient et dans le Pacifique il y a trois ans, y voyant de près sa généreuse vitalité, et d’où Nous avons adressé au monde notre appel en faveur de la collaboration missionnaire. Elle est donc ici présente, l’Eglise de l’avant-garde, l’Eglise missionnaire, « appelée de façon plus pressante à sauver et à rénover toute créature, afin que tout soit restauré dans le Christ, et qu’en Lui les hommes constituent une seule famille et un seul peuple de Dieu » (Ad Gentes, AGD 1). Et à travers les Pasteurs que Nous voyons ici, entourés de leurs fidèles diocésains, venus de si loin, Nous avons voulu honorer tous les autres pasteurs, tous les prêtres autochtones et les admirables missionnaires, tous les fidèles de ces peuples très chers, afin que resplendissent de façon plus vive dans le monde la beauté de leur mission, l’exemple de leur foi, l’ardeur authentique de leur charité apostolique.

A côté d’eux, Nous devons faire mention de nos collaborateurs qui, durant de longues années, ont apporté au Siège apostolique, selon un service exemplaire, fidèle et souvent caché, la contribution de leur expérience et de leurs meilleures énergies : ce sont là des vies consacrées à l’Eglise, qui ont tout donné, et qui donneront encore beaucoup, pour son rayonnement dans le monde.

Tandis que Nous adressons de nouveau nos respectueux hommages aux autorités de chacun de vos pays et de chacune de vos cités, Nous formons le voeu que cette page d’histoire, qui s’écrit aujourd’hui, tourne à l’avantage de l’unité et de la fraternité du monde, et surtout au resplendissement et au réconfort de la Sainte Eglise.

Puisse le Seigneur confirmer les voeux de ce jour ; et en son nom, de tout coeur, Nous vous bénissons, en même temps que tous ceux qui sont spirituellement présents et qui participent à notre joie commune.







AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE


DE LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE CONTRE LA LÈPRE


Vendredi 6 avril 1973




Chers Messieurs,

18 Cette rencontre, dont vous avez manifesté le désir, va interrompre quelque instant l’Assemblée générale de la Société européenne contre la Lèpre qui ouvre ce matin ses travaux. Pour notre part, Nous sommes heureux de vous accueillir, comme notre prédécesseur Pie XII avait accueilli les membres du Congrès international pour la défense et la réhabilitation sociale des malades de la lèpre.

Vous êtes en effet personnellement au premier rang de ceux qui se sont acharnés depuis des années à améliorer le sort des millions de personnes affectées par ce terrible fléau: certains ont su toucher profondément l’opinion publique; d’autres ont poursuivi l’invention et l’application de moyens thérapeutiques efficaces; d’autres encore se sont ingéniés à organiser des centres adéquats de soins ou d’éducation professionnelle. Vous représentez par ailleurs des Associations fort méritantes, parmi lesquelles Nous nous plaisons à saluer l’ordre Souverain de Malte, qui a trouvé dans le service des lépreux l’un de ses plus beaux titres de gloire et qui offre aujourd’hui l’hospitalité à cette Assemblée.

Certes, aujourd’hui, et en partie grâce à vous, la lèpre n’apparaît sans doute plus avec le caractère d’horreur qu’elle avait encore naguère et qui en faisait le type même de la maladie hideuse et contagieuse, condamnant ceux qui en étaient atteints à vivre comme des parias, à l’écart de la société, si profondément blessés dans leur dignité humaine qu’ils en perdaient toute espérance. Elle fait moins peur. La science a presque mis au point les moyens d’enrayer, de guérir, de prévenir. On a aussi démythisé, dans l’opinion publique, la fatalité de sa propagation. On a par là même fait tomber en partie l’ostracisme qui frappait les lépreux et leurs familles. Des organismes nombreux se sont créés, se sont fédérés, pour venir au secours des bonnes volontés individuelles, qui avaient souvent lutté seules et héroïquement contre le fléau. Il semble qu’on puisse maintenant envisager avec soulagement la fin de cette horrible plaie au flanc de l’humanité. C’est une victoire dont nous réjouissons vivement et dont Nous félicitons les promoteurs.

Mais peut-être l’opinion publique prend-elle acte de cette victoire de façon trop rapide et un peu légère? Vous qui suivez de près ces misères, vous savez que le progrès est encore loin d’avoir porté tous ses fruits, et que les efforts ne sauraient être relâchés. Le mal est circonscrit; mais il s’agit de dépister sans relâche les malades, de leur appliquer sans tarder les soins appropriés, de les réhabiliter pleinement, en leur permettant une activité professionnelle à la mesure de leurs moyens, de les réintégrer dans leur famille et dans la société. OEuvre moins spectaculaire, qui requiert organisation et technique, sympathie et amour, comme le rappelait Pie XII. C’est maintenant l’heure du dévouement discret et désintéressé, patient et persévérant. De plus, il n’échappe à personne que la lèpre apparaît et se répand principalement dans les pays qui souffrent déjà cruellement de la faim: comment trouveraient-ils, sans aide, les moyens de se procurer les appareils coûteux ou de former le personnel qualifié qui seraient nécessaires? Nous rejoignons là l’un des problèmes, et non des moindres, du développement du Tiers-Monde. C’est dire que votre oeuvre n’a rien perdu de son importance ni de son urgence: elle doit continuer à mobiliser les hommes de bonne volonté.

L’Eglise, pour sa part, a toujours considéré cette oeuvre comme un secteur privilégié de la charité que le Christ l’appelle à exercer. N’est-ce pas l’un des signes de la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu: «les lépreux sont guéris»? (
Mt 11,5) Et de fait, à plusieurs reprises, nous voyons Jésus étendre vers eux sa main puissante pour les délivrer et les rendre purifiés à leur entourage (Cfr. Luc Lc 5,12-14 Lc 17,11-19). Lui-même, durant sa passion que nous nous apprêtons à célébrer, a été mis au rang de «ceux devant qui on se voile la face» (Cfr. Is Is 53,3), afin que nul ne soit privé de l’espérance permise aux fils de Dieu. Vous connaissez suffisamment ces chrétiens admirables qui, sur les traces de leur Maître, ont su compatir à la souffrance des lépreux, allant jusqu’à partager leur vie et leur sort pour les aider à vivre debout et les convaincre de l’amour tout proche de Dieu: qu’il suffise d’évoquer un Père Damien, un Carlos Ferris, un Pierre Donders, un Père Daniel de Samarate . . . Oui, aujourd’hui comme hier, une véritable communauté chrétienne est celle qui n’hésite pas à consacrer ses forces à réhabiliter ces frères infortunés, en reconnaissant en eux des membres du Christ à part entière. Et Nous osons ajouter: dans une société qui se targue de progrès et de fraternité, qui prétend bannir la discrimination, la promotion désintéressée des lépreux ne serait-elle pas l’une des pierres de touche d’une civilisation vraiment humaine?

Que ces quelques mots vous encouragent et vous réconfortent dans l’oeuvre humanitaire et chrétienne qui vous tient à coeur. Sur vos personnes, sur vos institutions, sur votre labeur, comme sur ces amis lépreux qui nous sont chers à Nous aussi, Nous implorons avec abondance les grâces du Tout-Puissant.



A DE JEUNES ETUDIANTS DE BELGIQUE


Samedi 14 avril 1973




Vous êtes les bienvenus ici, chers jeunes de Belgique, dans cette maison où nos fils de tout pays sont invités à prendre place. Vous y apportez vous-mêmes une vitalité que Nous apprécions.

Nous vous souhaitons d’abord de réaliser ici un voyage, un pèlerinage, qui vous enrichisse le coeur et l’esprit. Déchiffrez avec intérêt ces vestiges émouvants de l’antiquité romaine et ces trésors d’art avec lesquels vos études ou les moyens audiovisuels vous avaient déjà quelque peu familiarisés. A travers eux, sachez deviner l’histoire d’un peuple, l’histoire d’une Eglise, qui a façonné largement toute une civilisation, et la vôtre aussi. Méditez en particulier comment la Bonne Nouvelle du Christ a été apportée en ce lieu, comme elle l’a été par la suite dans vos pays; comment elle a suscité un nouveau style de vie, une espérance nouvelle. Ici, l’apôtre Pierre, le premier des Douze, est venu remplir son rôle de pasteur que le Christ lui avait confié sur les bords du lac de Tibériade; d’ici il écrivait: «Ce Jésus, vous l’aimez sans l’avoir vu; vous croyez en lui sans le voir encore . . . sûrs d’atteindre le but de votre foi, le salut de vos âmes» (Petr. 1, 8); l’apôtre Paul est aussi venu à Rome, en prisonnier, mais rempli de la foi joyeuse au Seigneur Jésus qui éclairait toute sa route depuis la rencontre de Damas. Ici des martyrs ont témoigné de leur foi, des vierges de leur pureté, jusqu’au don de leur propre vie; des saints se sont levés, de siècle en siècle, pour renouveler sans cesse la vie chrétienne des prêtres, des religieux, des laïcs et empêcher qu’elle ne s’affadisse dans la routine ou la servilité de l’esprit du monde. Ici des papes ont déployé leur ardeur pour maintenir la fil délité à la foi évangélique, guider les réformes nécessaires, rassembler les chrétiens dans l’unité selon le voeu du Seigneur.

Aujourd’hui, Nous vous invitons à regarder vers ce Sauveur dont nous allons célébrer la passion et la résurrection. Ecoutez son message : «Je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait en abondance . . . La vérité vous rendra libres . . . Heureux ceux qui ont une âme de pauvre, ceux qui ont faim et soif de justice, qui ont le coeur pur, qui font régner la paix» (Cfr. Io Jn 10,11 Jn 8,32 Mt 5,3-11). Avec vos camarades, levez-vous pour réaliser dès maintenant ce monde évangélique, où chacun est traité comme un frère, et connaît la joie d’être aimé de Dieu. L’Eglise compte sur vous pour apporter ce sel, cette lumière, à une société qui ne sait pas toujours trouver les raisons de vivre. Cherchez vous-mêmes la lumière là où elle peut être trouvée: dans la loyauté de votre conscience, dans la prière, dans le partage fraternel, à l’écoute de l’Evangile, en union avec les autres membres de l’Eglise. C’est un chemin sûr et plein d’espérance qui vous est ouvert, mais si vous voulez qu’il débouche dans une vraie rénovation, vous savez aussi qu’il est escarpé, exigeant: comment pourriez-vous éviter pour vous-mêmes le sacrifice et la croix qui ont été le lot du Christ, le test de son amour, la porte de sa résurrection? Qu’il vous éclaire et vous réconforte, vous, vos amis, vos parents, vos compatriotes. Et Nous, de tout coeur, Nous vous donnons notre Bénédiction Apostolique.

Mijn vlaamse vrienden.
19 In u leeft de toekomst.
Uw idealisme is jong en sterk.
Bouwt samen met ons een wereld van vrede en liefde.
Gaarne geven wij u onze beste zegen.



AU PÈLERINAGE ORGANISÉ PAR


L'AUMÔNERIE GÉNÉRALE DE L'ARMÉE BELGE


Mercredi 25 avril 1973




Vous voici, chers Messieurs, au terme de votre pèlerinage, le vingt-et-unième organisé par l’Aumônerie générale de l’Armée belge. Nous félicitons les responsables, anciens et nouveaux, de cette heureuse initiative. Nous espérons que ces quelques jours passés à Rome vous auront été très agréables et fructueux. C’est une chance, n’est-ce-pas, de fêter ici la résurrection du Seigneur, au milieu de tant de frères et soeurs catholiques venus des horizons les plus lointains et les plus divers: ainsi vous saisissez mieux le mystère de l’Eglise, heureuse de partager, de proclamer la même foi.

En ce lieu où l’apôtre Pierre a donné sa vie pour son Maître bien aimé, Nous nous faisons l’écho de sa voix. Ne craignez jamais de vous approcher du Seigneur; autour de lui, tels des pierres vivantes, formez une maison spirituelle, un peuple saint (Cfr. 1 Petr. 2, 3-9). Vous sachant aimés de Dieu, gardez au coeur une joie profonde; portez cette joie à tous ceux qui vous entourent. Ne rougissez pas du Christ qui vous appelle à témoigner de lui (Cfr. ibid.4, 16): le monde a besoin de réapprendre, à travers vos paroles, mais plus encore à travers votre conduite, la bonté, la pureté, la maîtrise de soi, la soif de justice, l’espérance qu’apporte la foi. Soutenez-vous les uns les autres, dans un amour véritable, dans une entraide effective: «Que chacun de vous mette au service des autres le don de grâce qu’il a reçu» (Ibid.4, 10). Bref, formez vous-mêmes, au milieu de vos compatriotes, une partie de cette Eglise vivante dont vous avez découvert ici l’enracinement, le visage et peut-être le coeur. Emportez au plus profond de vos consciences cette paix que le Christ nous a apportée au soir de Pâques; et soyez à votre tour les artisans de cette paix.

Nous recommandons à Dieu tous ceux qui vous sont chers, vos camarades, vos familles. Et de tout coeur Nous vous donnons notre Bénédiction Apostolique.

Gaarne groeten wij ook alle Vlamingen hier aanwezig. Weest hartelijk welkom. Moge dit bezoekUw geloof versterken. Aan U allen, uw families en dierbaren in Vlaanderen geven wij onze Apostolische Zegen.



À L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA FÉDÉRATION


INTERNATIONALE CATHOLIQUE


D'ÉDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE


Jeudi 26 avril 1973




C'est avec joie que Nous nous entretenons ce matin avec vous, qui participez à l’Assemblée générale de la Fédération internationale catholique d’éducation physique et sportive.

20 Le sport que vous voulez promouvoir nous apparait d’un tel intérêt, d’une telle utilité pour l’équilibre et le développement des personnes, pour leurs sains loisirs, pour leurs relations sociales, que Nous n’estimons point nécessaire d’y insister: souvent Nous avons eu l’occasion de développer les bienfaits qu’il apporte. Et les conditions de travail aujourd’hui sont plutôt de nature à renforcer la nécessité du sport.

Mais vos réflexions de ces jours-ci portent plutôt sur les dangers d’aliénation qui menacent la conception et la pratique du sport moderne. Au moment où il pourrait et devrait devenir accessible à tous et contribuer, pour sa part, à l’épanouissement harmonieux de la jeunesse comme au bien-être physique et moral des adultes, le sport peut en effet se trouver parfois détourné de sa véritable signification.

Une conception inexacte du prestige fausse trop souvent la véritable hiérarchie des valeurs, telle qu’il est nécessaire de la reconnaître pour que le sport trouve son véritable sens. Bien loin du culte de la vedette ou de l’exaltation d’un néo-nationalisme, il doit favoriser le goût de l’effort, la maîtrise de soi, le respect d’autrui. En contribuant à mettre le corps au service de l’esprit, il prend place parmi les exigences culturelles de toute civilisation.

Vous le remarquez vous-mêmes très justement: le sport a de la valeur dans la mesure où il devient un instrument de saine détente et de formation exigeante. Votre idéal est de permettre au plus grand nombre, et non seulement à une élite sélectionnée, l’accès à la pratique sportive. Aussi Nous vous encourageons vivement dans ce difficile et valeureux service des jeunes et de tous ceux qui ressentent le besoin d’une action sportive désintéressée et bienfaisante. A nos yeux, vous accomplissez un grand devoir civique. Et, nous en sommes sûrs, vous voulez réaliser cette tâche humaine dans une perspective vraiment chrétienne. Vous savez la place du corps dans le mystère chrétien. Nous venons précisément de fêter la résurrection du Christ. Déjà le Seigneur habite en vous. Comme dit l’apôtre Saint Paul: «Glorifiez donc Dieu dans votre corps» (
1Co 6,20).

Nous prions ce même Seigneur de vous assister dans cette oeuvre d’éducation et de susciter autour de vous des collaborateurs nombreux et compétents. Nous vous accordons de grand coeur, ainsi qu’à vos familles, à vos amis, à tous ceux que vous représentez ici, une large Bénédiction Apostolique.



AUX MEMBRES DE L'ASSOCIATION EUROPÉENNE


DES MÉDECINS HOSPITALIERS


Samedi 28 avril 1973




Chers Messieurs,

Parmi les nombreuses visites que Nous recevons en ces fêtes pascales, la vôtre suscite en Nous un intérêt particulier. Médecins-chefs des hôpitaux, dirigeants des Services hospitaliers, vous êtes affrontés à des tâches immenses, à des problèmes humains dont Nous mesurons la complexité et l’enjeu pour notre société. Vous essayez de mieux les résoudre au sein de votre Association européenne: puissent ces échanges, ces réunions de travail, comme celle que vous tenez actuellement, vous apporter l’information et le soutien dont vous avez besoin!

Mettre en oeuvre tous les moyens d’une médecine ou d’une chirurgie en progrès constant, organiser l’assistance sanitaire devant une affluence considérable de patients, aménager pour eux un cadre qui demeure humain, établir et conserver des rapports personnels avec les malades, les assistants, les employés, voilà une mission qui mérite au plus haut point notre éloge et notre encouragement. Au-delà de vos personnes, Nous entrevoyons ces foules qui viennent chercher près de vous guérison, réconfort, espérance: elles nous font penser à celles qui suscitaient la profonde pitié du Christ; il ne négligeait jamais, vous le savez, de tendre les mains vers toute maladie et toute infirmité (Cfr. Matth Mt 9,35-36). Au sein de nos grandes villes, ce sont aujourd’hui de véritables cités qui sont confiées à votre vigilance: quel souci pour vous d’apporter le maximum de compétence et d’humanité à ce monde marqué par la souffrance, l’incertitude, la peur, privé du cadre habituel de sa vie et de son activité! Nous souhaitons que, devant une si grave responsabilité, vous trouviez près de la société tout entière compréhension et secours. Il y va de l’honneur d’une civilisation vraiment humaine.

Votre responsabilité s’avère d’autant plus délicate que votre conscience ne saurait séparer médecine et morale. L’une et l’autre poursuivent le même but: le bien de l’homme. Leurs méthodes sont analogues: d’une part, faire retrouver aux membres ou fonctions organiques leur plein exercice au bénéfice de tout le corps; d’autre part, rendre l’intelligence et la volonté de l’homme capables de correspondre à sa dignité, à sa destinée, aux lois inscrites par le Créateur dans sa nature d’être spirituel et social.

Et cependant, Nous ne l’ignorons pas, les cas qui vous sont soumis vous laissent parfois dans un cruel embarras, comme si une opposition semblait s’élever entre leur solution humaine et les principes moraux. Notre prédécesseur Pie XII a voulu plus d’une fois éclairer ce problème devant des groupes de spécialistes. A cet égard, les tentations peuvent vous venir de trois côtés.

21 Le progrès de la science médicale, et donc l’intérêt de la société actuelle et à venir, requièrent que vous procédiez à des expérimentations, à des interventions nouvelles, et vos hôpitaux peuvent s’y prêter remarquablement: il vous faut cependant concilier la recherche légitime, indispensable, avec les droits personnels du patient, qui ne saurait jamais être sacrifié comme s’il s’agissait seulement d’une partie d’humanité ordonnée au bien de l’ensemble.

Par ailleurs, c’est parfois le consultant lui-même qui, aux prises avec une grande souffrance ou une situation difficile, sollicite de vous une intervention ou un remède dont le procédé ou l’effet dépasse le pouvoir que l’homme possède sur son propre corps ou sur ses facultés, à plus forte raison sur le fruit de la procréation ou sur ses proches. Il vous faut en ce domaine une sagesse et un courage peu communs, pour continuer à agir personnellement en conformité avec votre conscience, éclairée par les principes de la véritable éthique et de la foi, pour amener aussi qui se confie à vos conseils et à votre pouvoir à envisager une solution plus authentiquement humaine et respectueuse de sa conscience droite et des normes imprescriptibles de la morale.

Enfin la loi civile elle-même peut ouvrir le champ à des interventions en contradiction avec vos convictions profondes et les lois de la déontologie médicale qui sont votre honneur. Le légal ne devient pas pour autant le moral: la société ne pourra jamais vous considérer comme des exécutants techniques, ni vous décharger de la responsabilité de vos décisions et de vos actes.

Puissiez-vous demeurer persuadés, et faire saisir à nos contemporains, que les exigences morales, loin d’être un frein, sont un stimulant pour le seul progrès qui soit digne de l’homme. Ceux qui partagent notre foi sauront trouver, dans le mystère de la Passion et de la Résurrection du Sauveur, les grâces de lumière et de force pour affronter leur lourde responsabilité. Tel est notre souhait. L’Eglise vous estime, l’Eglise vous encourage dans votre mission difficile, mais si précieuse pour vos frères de l’humanité souffrante. De grand coeur, Nous prions le Seigneur de vous assister et de vous bénir, vous et tous ceux qui vous sont chers.




Discours 1973 13