Discours 1972 74

LA PASSION DE L’EGLISE POUR LA PAIX S’ETEND LA OU LA PAIX EST EN PERIL





Le matin du vendredi 22 décembre, le Saint-Père a reçu, à 10h 30, dans la Salle du Consistoire, le Sacré Collège des Cardinaux, la Famille Pontificale Ecclésiastique et Laïque, ainsi que la Prélature Romaine à l’occasion des voeux de Noël et du Jour de l’An.

A l’audience, avec le Doyen du Sacré Collège, Monsieur le Card. Giovanni Amleto Cicognani et le Sous-Doyen, Monsieur le Card. Traglia, étaient présents : 33 Cardinaux de Curie appartenant aux 3 Ordres cardinalices des Evêques, des Prêtres et des Diacres ; le Substitut de la Secrétairerie d’Etat Mgr l’Archevêque Benelli avec les Officiels de la Secrétairerie d’Etat ; le Secrétaire du Conseil pour les Affaires Publiques de l’Eglise Mgr l’Archevêque Casaroli ; le Pro-Vicaire de Rome Mgr l’Archevêque Poletti, avec les Evêques Auxiliaires et Délégués, les Secrétaires des S. Congrégations avec les Officiels, les membres des Secrétariats et des Commissions Pontificales.

Le Souverain Pontife, répondant à l’adresse d’hommage de Monsieur le Card. Cicognani, a prononcé le discours suivant :



Nous accueillons avec une reconnaissance émue, Monsieur le Cardinal, les voeux aimables et pieux que la proximité de la sainte fête de Noël vous inspire. Ils veulent interpréter aussi ceux du Sacré Collège qui Nous honore encore une fois, en cette heureuse occasion, propice à l’effusion des sentiments qui rendent notre collaboration solidaire, forte et religieuse, et qui remplissent d’espérance notre commun labeur. Nous vous remercions de grand coeur pour ce précieux témoignage de communion spirituelle et, en retour, de grand coeur aussi Nous vous présentons le nôtre ; que de fois, pensant à votre travail, rendu plus intense et plus lourd par les conditions présentes de l’Eglise et du monde, Nous voudrions sur-le-champ vous manifester notre gratitude et encourager votre activité, alors que le harcèlement de nos obligations ne Nous en laisse ni le temps nécessaire ni la tranquillité convenable. Nous confions alors au colloque intérieur avec le Seigneur la parole du coeur que mériterait un aussi généreux service. Un moment d’entretien confidentiel comme celui-ci paraît donc tout indiqué pour dire au Sacré Collège, ainsi qu’à ses divers collaborateurs des Dicastères et des bureaux de la Curie romaine, combien. Nous apprécions hautement l’état d’esprit et l’oeuvre qui soutiennent notre humble et difficile mission pour le bien de la sainte Eglise comme pour celui de l’humanité où nous sommes insérés. Le moment présent serait favorable pour porter notre attention sur quelques considérations touchant les conditions actuelles de l’Eglise et le cours général des choses, vues de cet observatoire du Vatican, comme Nous avons cru déjà devoir le faire d’autres foie en pareille circonstance. Aujourd’hui, cependant, pénétré comme Nous le sommes d’un souci prédominant qui est celui de la paix, notre discours se limitera à ce dernier, et regroupera, condensera autour de lui, comme autour d’un point focal, diverses observations qu’il Nous paraît bon de vous exposer à vous, Messieurs les Cardinaux, et à tous ceux que peut atteindre l’écho de notre voix. Oui, c’est ce thème dominant que Nous traitons, la paix : d’une part la fête de Noël en pénètre le monde et les coeurs comme d’un message céleste, et d’autre part notre charge apostolique lui donne un relief particulier et une urgente actualité.

Que la paix soit donc, avant tout, notre souhait cordial pour vos âmes, et pour tous ceux, Frères et Fils, qui célèbrent avec une foi pleine d’amour la sainte fête de Noël : avec la gloire de Dieu, elle apporte à l’humanité l’annonce de la paix. Ce saint charisme de la paix, fruit du rétablissement d’un rapport vital entre nous et Dieu, conformément au dessein surnaturel de miséricorde et de bonté (cf. Ep Ep 2,4-7), émanation intérieure de l’Esprit (cf Ga 5,22), expérience qui surpasse toute connaissance (cf. Ph Ph 4,7), Nous pouvons l’espérer comme un trésor privilégié si, en véritables disciples du Christ, nous lui confions le soin de la faire jaillir en nos coeurs (cf. Col Col 3,15). Il y a ici et là, dit-on, et Nous en avons Nous-même des témoignages, une renaissance de vie contemplative et religieuse dans l’Eglise et aussi à côté d’elle : voilà déjà un signe du règne de la paix qui prend forme et se répand à l’intérieur et autour de la communauté mystique du Christ qu’est l’Eglise priante et vivante, Nous saluons avec joie, et de tous nos voeux, ce phénomène consolant.

Mais un autre phénomène bien différent s’est affirmé ces dernières années au sein de l’Eglise, comme chacun le sait : celui de la contestation. Ce n’est pas le moment d’en faire l’analyse. Il suffit de dire qu’il s’agit là avant tout, Nous semble-t-il, d’un phénomène provenant d’un processus contagieux de l’insatisfaction générale, on peut dire pathologique, qui a envahi la génération présente. Historiquement, un phénomène analogue arrive toujours comme un fait naturel dans la succession des cycles des divers âges, au niveau pédagogique et mental : le nouvel âge se détache du précédent moyennant la contestation et en se dirigeant vers de nouvelles formes de pensée et de moeurs. Ce phénomène a causé dans l’organisation de l’Eglise nombre de situations spirituelles et pratiques tout autres que pacifiques, et réductibles lé plus souvent à une catégorie unique et générique : une crise de l’obéissance. La formule, si chère à notre prédécesseur, le Pape Jean XXIII : “ oboedientia et pax ”, s’est rompue, en de nombreux cas et plus ou moins profondément, au préjudice, non seulement du premier terme, l’obéissance, mais aussi du second, la paix.

75 Mais, sur ce point, Nous trouvons un soutien dans l’admiration et le réconfort que Nous éprouvons à voir désormais réalisé ce binôme de l’obéissance et de la paix chez la grande majorité, aujourd’hui plus consciente, des ecclésiastiques, des religieux et des fidèles : à ceux-là, l’obéissance, imprégnée de l’esprit pastoral que le Concile a suscité de nouveau avec abondance, restitue — avec ce sens de la communion que la foi et la charité font coïncider avec le désir suprême du Christ, l’unité — la joie et de la paix (cf. Col Col 3,15).

Cette traité et cette paix selon le désir suprême du Christ, qui, il est vrai, visait directement et principalement le monde transcendant de l’esprit, doivent être aussi un bien et une conquête des membres de la famille humaine au cours de leur existence terrestre : tous frères, fils d’un même Père qui est aux cieux, participant à la même vocation naturelle et surnaturelle, en marche avec les menues droits et les mêmes devoirs d’aide mutuelle vers leur commune maison paternelle.

La mission, la “ passion ” de paix de l’Eglise déborde ainsi ses propres limites et s’étend, comme d’un mouvement spontané et nécessaire, à la société civile, dans chacune des nations et dans leurs rapports entre elles.

Passion de paix, avons-Nous dit ; passion surtout, au sens propre du terme, là où la paix, après laquelle soupirent les peuples, se trouve frappée et en péril : parfois à cause de situations conflictuelles objectivement graves, parfois aussi, au moins partiellement, à cause d’un manque d’effort — Dieu veuille que ce ne soit pas par manque de sincérité et de bonne volonté — de la part de ceux qui en portent la responsabilité.

A qui conserve le souvenir des conflagrations encore toutes proches, dont les cicatrices douloureuses qui en sont la conséquence sont aujourd’hui encore gravées dans la chair des peuples, il apparaîtra comme un résultat déjà suffisamment précieux que l’humanité ou des continents entiers aient été préservés, pendant un nombre désormais notable d’années, de la répétition d’aussi inhumaines tragédies.

Cette considération n’est certes pas négligeable. Qui ne se rend compte, cependant, que cette paix, appuyée en grande partie sur un équilibre de forces réel ou présumé, a un fondement trop fragile et périlleux ? Et qui ne tremble à la pensée que la prédominance des passions ou un calcul erroné peuvent mettre de manière imprévisible à la disposition d’une attaque l’arsenal que la peur conduit actuellement à accumuler pour se défendre ?

De cette anxiété, notre voix s’est encore fait l’écho dans notre récent message pour la prochaine journée mondiale de la paix. Message qui, dans son inspiration fondamentale d’optimisme positif, ne pouvait pas cependant ne pas regarder en face la complexité d’une réalité et d’une problématique riches de trop d’ambiguïtés, mais d’une évidence dramatique et sanglante.

Si Nous avons tenu cependant à rappeler au monde que la paix est toujours possible, ce n’est pas seulement pour donner quelques lueurs d’espérance aux souffrances actuelles ou aux angoisses qui se font jour, mais pour rappeler tous les hommes, ensemble, au sens de leurs responsabilités ; pour que personne ne soit tenté de rechercher dans une prétendue fatalité historique un alibi moral qui dispenserait de la recherche pleine de bonne volonté et inlassable des chemins, difficiles mais non point bouchés, qui conduisent à la paix.

De ce point de vue il Nous plaît, et c’est pour Nous un devoir, de rendre de nouveau témoignage à tous ceux qui, à la tête des différents Etats ou de grandes Organisations internationales, mettent leurs efforts, souvent bien pénibles et pas toujours suffisamment reconnus, ni toujours couronnés des succès souhaitables, au service de la grande cause de la paix.

Nous leur adressons notre cordiale reconnaissance et nos encouragements ; pour eux aussi monte notre prière afin que le Seigneur leur donne la sagesse et la fermeté nécessaires à cette noble et difficile entreprise.

Limitation et contrôle des armements, et particulièrement des moyens de guerre plus dangereux et qui répugnent davantage à ce sens de l’humain, qui ne devrait jamais manquer même au cours des conflits les plus âpres ; préparation et réalisation progressive d’un désarmement véritable et généralisé ; recherche de nouvelles formes, mondiales ou régionales, pour prévenir et régler les différends qui mettent en péril la paix et la sécurité des peuples : tous ces efforts ne peuvent pas ne pas recueillir l’approbation, l’appui et — dans la mesure consentie par leur nature et notre mission — la collaboration du Saint-Siège et de l’Eglise.

76 Ne croyons pas qu’il soit permis de céder au sentiment de désespérance qui envahit l’humanité chaque fois que, voyant se faner les espérances de paix stable qui surgissent après la fin de chaque conflit, on assiste à la résurgence graduelle de nouvelles rivalités et de nouvelles tensions, annonciateurs de périls plus menaçants encore.

C’est un devoir, en outre, pour ceux qui en ont la responsabilité et les moyens, même dans une modeste mesure, de ne négliger aucun effort pour que les situations conflictuelles puissent, trouver, au fur et à mesure qu’elles se présentent et lorsqu’elles sont encore limitées, une solution juste et rapide : ceci implique la prise en considération et le respect des droits et intérêts légitimes réciproques, en recherchant toujours, en même temps, l’intérêt universel et supérieur de la paix.

Et là notre discours doit s’arrêter un peu, ou mieux doit revenir sur quelques situations de ce genre au sujet desquelles, si souvent ces dernières années, nous avons dû parler et qui finissent, aussi pour cette raison, par donner l’impression qu’il n’y a plus pour elles de possibilité de solution, sauf peut-être celle, déplorable et illusoire, de la force.

Conscient des difficultés qui s’interposent et reconnaissant avec équité la somme des efforts déjà accomplis, Nous ne voudrions pas toutefois qu’un sentiment dangereux de mécontentement et d’impuissance fasse diminuer, chez les parties en cause, le courage et la volonté de recourir aux voies de la négociation loyale et tenace.

Si nos paroles, humbles mais sincères et sans passion, peuvent servir à quelque chose, que ce soit à stimuler et à encourager tous ceux qui portent sur leurs épaules, devant les peuples et devant l’histoire, le poids d’aussi difficiles décisions. L’attention et la compréhension des hommes de bonne volonté les poussent à ne pas se donner pour battus dans la noble bataille de la paix.

Nous avons manifesté ces sentiments tout dernièrement, quand l’attente de la suspension tant souhaitée des hostilités au Viêt-nam s’est trouvée déçue, sans que soient apparus de manière suffisante les motifs de l’interruption des négociations ; et Nous avons exprimé le souhait et l’espoir que ce retard douloureux serve, non pas à mettre en danger la réalisation de la paix dans ces régions martyrisées, mais à l’ancrer sur un fondement plus stable et plus solide.

La précipitation imprévue des événements a ensuite aggravé dans l’opinion mondiale l’amertume et la préoccupation. C’est pourquoi notre prière s’élève encore plus fervente pour que le dur conflit puisse trouver au plus vite une conclusion juste e satisfaisante.

La prolongation de fait de la suspension quasi complète des hostilités au Moyen-Orient doit être reconnue sans aucun doute comme un fait positif. Mais cette prorogation de l’état de guerre, sans progrès effectifs vers la recherche de solutions pacifiques, tandis que reste inchangé l’effort direct pour, augmenter le potentiel militaire de guerre respectif, constitue dans une zone aussi sensible et délicate, un danger permanent et grave qui menace, outre la tranquillité et la sécurité de ces populations, des valeurs chères, pour divers motifs, à une grande partie de l’humanité. Sans compter que le renforcement progressif de situations privées d’un fondement juridique clair, internationalement reconnu et garanti, ne pourra que rendre plus difficile ensuite, au lieu de le faciliter, un compromis équitable et acceptable qui tienne dûment compte des droits de tous : nous pensons ici en particulier à la Cité Sainte, Jérusalem, vers laquelle se dirige plus intensément ces jours-ci le souvenir des disciples du Christ et où ils doivent pouvoir, eux aussi, se sentir pleinement “ citoyens ”.

Nous renouvelons par conséquent notre souhait, notre exhortation fervente à un effort sincère et volontaire pour une paix juste et rapide. C’est ce que demandent entre autres avec Nous, mais avec une urgence encore plus grande et plus justifiée, les fils du peuple palestinien qui attendent depuis tant d’années et qui revendiquent la juste reconnaissance de leurs aspirations, non pas en opposition, mais dans l’harmonie nécessaire avec les droits des autres peuples.

Notre pensée affectueuse et profondément douloureuse se tourne maintenant vers une autre région qui ne Nous est pas moins chère : l’Irlande du Nord. Fasse le Seigneur que les sentiments de compréhension entre citoyens et de charité chrétienne l’emportent finalement chez tous — comme Nous savons que c’est déjà le cas pour la majeure partie de ces laborieuses et fidèles populations — sur les ressentiments, même justifiés, et sur les tentations de rancoeur et de vengeance. Qu’une fois dépassés tous les motifs issus des vieilles rivalités, apparaissent à tous avec clarté quelles sont aujourd’hui les exigences de la justice — fondement irremplaçable de toute paix véritable — et d’une vie en commun pleine de respect et de cordialité.

D’autres situations, hélas, se présentent à Nous, dans le vaste panorama de la vie internationale, qui ne sont pas des situations de paix, même si elles ne semblent pas constituer un péril imminent de conflits plus larges ; elles sont toutes douloureuses, pourtant, et déplorables, à la fois parce qu’elles sont causes de deuils et de souffrances sans nombre, et parce qu’elles sont le fruit pour la plupart de conditions injustifiables d’oppression, de rivalités raciales, politiques, tribales, ou du manque de reconnaissance dû aux légitimes aspirations des individus ou des peuples.

77 Nous ne voudrions pas cependant laisser de côté sans y faire au moins allusion, les signes réconfortants et prometteurs qu’il Nous est donné de relever ici et là, consacrés à panser les blessures laissées par les conflits ou à rétablir les rapports interrompus. Nous voudrions rappeler, à titre d’exemple, les conversations entreprises au cours de l’année écoulée entre les Croix-Rouge des deux Corées, celle du Nord et celle du Sud, ainsi que les récents échanges de prisonniers — militaires ou civils — entre le Pakistan d’une part, l’Inde et le Bangladesh d’autre part. Il s’agit de gestes encore limités, mais qui démontrent une bonne volonté au sujet de laquelle Nous exprimons notre satisfaction. Veuille Dieu qu’ils soient aussi le prélude au prompt retour des milliers et des milliers de personnes qui demeurent encore éloignées par force de leur propre terre ! Nous savons que le problème est complexe, mais Nous faisons confiance à la magnanimité et à la générosité de ces peuples, auxquels la géographie aussi bien que tant de liens anciens conseillent d’avancer ensemble sur le chemin du bien-être et du progrès.



Annonciatrice de paix, toujours prête à encourager et à donner, en toute loyauté, sa propre collaboration à l’oeuvre de paix, l’Eglise peut bien demander la paix pour elle-même, aux Etats sur le territoire desquels elle vit et travaille. Une paix qui lui assure, non des privilèges, mais le respect des droits qui lui appartiennent par nature, et aussi de ceux qui — même en vertu des principes sanctionnés par des actes solennels des pouvoirs civils, telle que la Déclaration universelle des Nations Unies sur les Droits de l’Homme — doivent être reconnus aux citoyens qui se proclament ses fils. Une paix qui lui permette de mener une existence sereine, dans une légitime liberté, d’enseigner sa doctrine, d’exercer ses activités qui ne visent que le bien. Une paix qui la fasse considérer et traiter, non comme une étrangère et comme une ennemie à laquelle il faudrait s’opposer, ou un péril à combattre, mais comme une force alliée pour tout ce qui est bon, noble et beau.

Pour sa part, le Siège Apostolique s’emploie depuis longtemps à mener une action loyale, patiente, mettant sa confiance dans l’assistance divine et dans la force de la vérité et du droit, pour établir ou rétablir partout — même au milieu des difficultés créées par certains systèmes particuliers d’idéologie ou de gouvernement — des rapports clairs et honnêtes, qui garantissent à l’Eglise, comme on dit, l’espace vital suffisant.

Nous n’avons pas l’intention de dresser ici des bilans. Nous ne pouvons cependant passer sous silence telle ou telle partie de l’Eglise du Christ, à laquelle semble encore aujourd’hui réservée la paix, non pas seulement de la souffrance silencieuse, mais, pourrait-on dire, de la mort.

Laissez-Nous vous ouvrir notre coeur sur la désolation que Nous éprouvons en pensant à une Nation, petite quant au territoire, mais riche de glorieuses traditions, civiles et religieuses, notre voisine par la géographie et plus encore par le respect affectueux que Nous lui portons, mais tenue à distance de Nous par des barrières qui la font apparaître comme séparée par l’immensité de l’océan : l’Albanie. Nous n’en avions jamais donné publiquement le nom ; non par oubli, mais plutôt, comme il arrive pour d’autres situations analogues, à cause d’un sentiment d’égard pénétré d’amour, et pour ne pas aggraver peut-être les conditions de vie qui y sont déjà extrêmement pénibles, pour l’Eglise catholique comme du reste pour les autres confessions religieuses. Les Pasteurs étant frappés et le troupeau dispersé, on ne voit pas quelle espérance humaine reste encore là-bas à l’Eglise. Mais Nous voulons espérer encore, même “ contre toute espérance ”, tandis qu’au peuple albanais, confiné sur le territoire de sa patrie ou vivant au dehors, Nous désirons exprimer le respect, l’admiration, l’amitié que Nous dictent, son histoire et les présentes vicissitudes. Nous voulons l’assurer aussi que Nous sommes toujours prêt à reprendre également avec leurs Pays de bons rapports d’amitié et que Nous sommes impatient de pouvoir le faire.

Il y a aussi d’autres régions immenses où la vie de l’Eglise catholique est pratiquement étouffée, non seulement parce qu’elle y serait représentée par des minorités statistiquement faibles, qui ne sont pas pour autant négligeables, mais parce qu’elle est effectivement empêchée d’exercer sa mission religieuse et de se maintenir en relation avec sa propre communion hiérarchique. Nous préférons toutefois ne pas insister aujourd’hui sur ces situations : elles sont suffisamment éloquentes en elles-mêmes, et elles non plus n’éteignent pas en Nous la confiance dans la profonde richesse spirituelle de ces populations et dans leur immortelle vocation à la vérité universelle du christianisme.

Nous avons parlé de la passion de la paix. L’insistance avec laquelle Nous revenons sur des thèmes qui n’ont, semble-t-il, aucun rapport direct avec l’objet et la responsabilité de notre charge apostolique pourra même paraître excessive à certains.

N’est-ce pas là, pourtant, une manifestation essentielle de cette Charité du Christ qui, comme autrefois saint Paul, Nous pousse et Nous presse, et ne Nous laisse aucun répit tant que l’un de nos frères — et le Christ à travers lui — souffre dans son esprit et dans son corps ? Ne répond-elle pas à la volonté du Seigneur qui a voulu marquer du souhait de la paix aussi bien le commencement que l’achèvement de sa vie terrestre ?

L’obéissance à une Volonté qui est pour nous une loi et un exemple Nous rend inébranlable, qu’il s’agisse de parler ou de travailler en faveur de la paix ou d’espérer qu’elle peut devenir une réalité, en surmontant les obstacles multiples et tenaces qu’elle rencontre sur son chemin.

Telle est l’espérance, patiente et active, que Nous voudrions donner à l’Eglise et au monde, en cette anxieuse vigile de Noël.

Avec notre Bénédiction.









Discours 1972 74