Discours 1973 61

61 Vous voici désormais, auprès du Saint-Siège, le porte-parole du Gouvernement et le représentant du peuple Rwandais. Vous mesurez, disiez-vous, l’honneur et les exigences de cette haute et noble tâche. Nous vous accueillons avec joie. Notre appui bienveillant vous est acquis, et nos collaborateurs feront tout pour faciliter votre mission.

Nous vous remercions de vos aimables paroles. Nous remercions aussi le Président de la République Rwandaise, qui, le mois dernier, Nous adressait déjà un message chaleureux, de ses souhaits très courtois. Nous saluons les autres Autorités de votre pays et vos chers compatriotes. Qu’il Nous soit permis en ce jour de leur dire l’attention avec laquelle Nous suivons leur vie, leur marche vers le progrès, leur recherche d’unse véritable justice économique et sociale, leur volonté de contribuer à la paix et à la détente internationale. La grandeur d’une nation ne tient pas en effet à l’étendue dle son territoire ni à la puissance de ses armements. Elle tient aux hommes, à leurs vertus, à leurs idéaux, à leur esprit d’égalité et de tolérance, à leur capacité d’oeuvrer pour le bien commun sans faire appel à la violence que vous avez justement dénoncée. Le Rwanda, en marchant dans cette voie, apport’era beaucoup aux autres Etats.

Nous ne cessons, pour notre part, d’exhorter les dirigeants du monde à suivre la ligne ici évoquée: chaque rencontre, chaque date marquante, chaque événement en fournit l’occasion. Nous encourageons aussi constamment les chrétiens, où qu’ils demeurent, à saisir les conséquences de leur action ou de leur inertie, afin que leur comportement s’inspire davantage de l’Evangile. Et Nous savons pouvoir compter spécialement sur nos chers Fils catholiques du Rwanda, dont la vitalité religieuse a fait ses preuves, mérite l’estime et constitue à beaucoup de titres un espoir pour le continent africain.

Nos voeux vous accompagnent, Monsieur l’Ambassadeur. Puisse l’exercice de votre charge vous procurer de nombreuses satisfactions et la joie de la mener à bien avec le sentiment du devoir accompli. De grand coeur, Nous invoquons sur Votre Excellence, sur tous les Rwandais et sur leurs gouvernants, les abondantes bénédictions du Tout-Puissant.



*AAS 66 (1973), p.15-16.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XI, p.1215-1216.

L’Attività della Santa Sede 1973, p.446-447.

L'Osservatore Romano, 21.12.1973 p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.52 p.12.




21 décembre



LES VOEUX DU SACRE COLLEGE A PAUL VI



A l’issue du Consistoire qui s’est tenu, dans la Chapelle Sixtine, le Pape Paul VI a reçu les voeux des cardinaux. Il appartient au Doyen du Sacré Collège de se faire l’interprète de ses collègues. Le Cardinal Traglia a lu l’allocution qui avait été préparée par le Cardinal Cicognani, récemment décédé. A cette allocution Paul VI a répondu en ces termes :



62 Monsieur le Cardinal,



Vous avez voulu exprimer vos voeux et ceux du Sacré Collège en faisant vôtres les paroles que le cher et vénéré Cardinal Amleto Giovanni Cicognani, qui vient de mourir, se proposait, en tant que Doyen du Sacré Collège, de Nous adresser en cette circonstance. Vous avez ainsi ravivé en Nous, et certainement chez vos éminents Collègues, la douleur provoquée par la disparition terrestre de cette personnalité vénérée et vénérable, mais vous avez aussi apporté à cette assemblée réunie pour les voeux, le réconfort d’entendre la voix, en quelque manière ressuscitée, du regretté vieillard. De la sorte, dans les paroles que Nous venons d’entendre, Nous avons reçu un ultime message de sa part, accueillant l’expression qui Nous est si chère et bien connue de ses sentiments de fidélité, de bonté, de piété, dans leur limpidité et leur force. Ces sentiments ne sont pas seulement orientés vers notre personne, qui avait avec lui des liens particuliers d’affection et de dévouement, mais surtout vers le Siège apostolique, au service duquel il s’est dépensé toute sa vie avec constance et sagesse, et vers l’Eglise catholique tout entière ; ce fut pour lui un titre de gloire que d’en être un prêtre exemplaire et zélé ; ce fut le but permanent de sa vie que d’en être le serviteur et le représentant très intègre dans les hautes charges qui lui furent confiées ; ce fut son mérite que d’en être le défenseur et l’apôtre en honorant et en répandant dans le monde sa mission de salut et de réconfort. C’est donc pour Nous un motif de satisfaction et de consolation que de relever combien ce message s’applique textuellement à celui qui succède au défunt Cardinal Cicognani, message qui, restant l’héritage du Sacré Collège, rend à sa mémoire l’éloge le plus parfait et mérite notre gratitude vive et émue.



Messieurs les Cardinaux,



Votre présence à ce Consistoire, qui précédé de peu les fêtes de Noël, Nous offre l’heureuse occasion de cet échange de souhaits dont la célébration des saints mystères de l’Incarnation de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ fait désormais une coutume et un devoir. Un tel échange est suggéré par les sentiments les plus purs de bienveillance humaine, et, ce qui compte davantage, par l’effusion de charité la plus intense et la plus joyeuse qui, précisément à cause du souvenir de la sainte fête de Noël et de sa liturgie qui la fait revivre, part des coeurs des croyants pour s’adresser aux coeurs des croyants avec spontanéité et vivacité, en donnant réciproquement à chacun une certaine expérience heureuse de notre communion chrétienne. En conséquence, Nous accueillons avec une reconnaissance émue les souhaits que vous Nous adressez comme interprètes qualifiés de tout le Sacré Collège cardinalice, de la Curie et de l’Eglise romaine, et même de toute l’immense et très chère Famille catholique répandue à travers le monde. Et en même temps, à vous-mêmes comme à tous ceux que vous représentez ici et dont vous interprétez les sentiments, Nous apportons en retour l’expression très cordiale de notre affection accompagnée de nos souhaits, en la traduisant en invocation au Seigneur avec les paroles de l’Apôtre Paul : « Que Dieu comble tous vos désirs, selon sa richesse, avec magnificence, dans le Christ-Jésus » (
Ph 4,19).

L’ouverture d’âme, à laquelle se prête ce moment, inviterait notre discours à s’étendre jusqu’à considérer globalement, de manière confidentielle et substantielle, la vie de l’Eglise telle qu’elle se présente à nous, si riche en événements, si complexe dans les phénomènes de son développement historique et spirituel, si envahie ultérieurement d’inquiétudes toujours nouvelles, non moins animée cependant par les influx de l’Esprit vivifiant et consolée par ses signes. Ce serait un tour d’horizon très intéressant, nous le savons tous ; mais il serait d’une étendue trop vaste, d’une variété d’aspects trop abondante, d’une analyse trop exigeante pour que Nous puissions envisager en ce moment d’en donner, même sommairement, une description adéquate.

Pensez, par exemple, à l’activité qui envahit tout l’organisme complexe de l’Eglise, aussi bien en son centre, le Siège apostolique, que dans les Conférence épiscopales qui se sont constituées en chaque nation après le Concile. Pensez au ministère accompli dans chaque diocèse, dans chaque famille religieuse et en général dans les diverses activités ecclésiales du laïcat catholique, et à une certaine ferveur dans l’action chez des groupes et des individus, qui les pousse vers des expressions de la culture, de la charité et de la piété, caractéristiques du Peuple de Dieu.

De l’examen de la vie de l’Eglise, en cette heure que Nous n’hésitons pas à appeler historique à la fois parce qu’elle suit l’impulsion qui lui a été donnée par le Concile et parce qu’elle se développe en même temps que les métamorphoses du monde contemporain, Nous pouvons relever deux points. Le premier est le mouvement qui envahit la vie de l’Eglise sous toutes ses formes ; l’autre est la difficulté que rencontre parfois l’Eglise, aussi bien au plus profond des âmes que dans les obstacles extérieurs qui s’opposent à son activité normale et traditionnelle. Nous vivons des temps forts, des temps instables, caractérisés par une grande vivacité et en même temps par de grands problèmes. Le germe de la contestation cherche à s’insinuer même au sein du Peuple de Dieu, avec son impétueuse capacité de transformation, devenue synonyme de progrès et de libération, avec sa rupture violente d’avec la tradition qui est pour nous racine, à laquelle nous ne pouvons renoncer, non seulement de cohérence historique et d’honneur victorieux sur le temps qui dévore ses fils, mais racine également de tout ce que le catholicisme possède d’original, de vital, d’immortel et de divin ; mais en même temps le souffle vivifiant de l’Esprit est venu réveiller dans l’Eglise des énergies assoupies, susciter des charismes en sommeil, infuser ce sens de vitalité et d’allégresse qui, à chaque époque de l’histoire, définit l’Eglise elle-même comme jeune et actuelle, prête à annoncer encore son éternel message aux temps nouveaux, et heureuse de le faire.

Ainsi le fait saillant de la vie de l’Eglise s’est exprimé dans une formule bien connue, mais enrichie d’expressions neuves et originales : l’Année Sainte. Oui, l’Année Sainte, qui sera officiellement célébrée à sa date normale, en 1975, dans cette ville de Rome, mais qui a déjà été inaugurée dans les Eglises locales, afin que le bénéfice en soit plus large, et même universel, la préparation plus efficace, le programme plus dense et plus actuel.

Il Nous semble que les deux points proposés par ce programme : renouveau et réconciliation, peuvent résumer les espérances et les orientations pour la vie de l’Eglise que Nous voudrions souhaiter pour les années de cette fin de siècle qui s’offrent encore à nous.

Et cela, non seulement pour la vie de l’Eglise, mais aussi pour celle du monde : si l’Eglise se distingue de ce dernier et doit le servir sans pour autant se laisser pénétrer par un esprit qui n’est pas sien, elle n’en vit pas moins au milieu de lui et elle doit s’efforcer de l’imprégner de son propre esprit, celui du Christ ; elle est également au service du monde et fait rayonner sur les événements humains la lumière des événements humano-divins qu’elle-même, l’Eglise, vit au cours des siècles.

Le jubilé, oeuvre de renouveau et de réconciliation à laquelle l’Eglise du Christ est invitée, ne peut pas, ne doit pas demeurer sans influence bénéfique sur la famille humaine tout entière.

63 Quel meilleur programme, quel voeu plus nécessaire et plus apprécié pourrions-Nous présenter au monde en cette attente de Noël, pour l’année qui vient et pour la période historique qui s’ouvre sous tant de signes de mutations radicales dans les rapports de forces et dans la conception même du bien-être et du progrès ? Quel meilleur programme et quel meilleur voeu que celui-ci : qu’aux changement imposés par les circonstances extérieures corresponde un renouveau positif dans les esprits ; et que ce renouvellement conduise à des résolutions tendant non pas à l’aggravation des contrastes par la recherche de dominations dangereuses et instables, mais à la réconciliation entre les classes, les pays, les continents, dans une oeuvre commune pour un cheminement commun sur les voies de la civilisation et du juste bien-être.

Ainsi, le thème de la paix, revenant comme une exigence naturelle à chaque retour de la fête de Noël, prend cette année un relief particulier et assume comme une tâche nouvelle : non pas tellement pour le coup d’oeil que Nous avons l’habitude de jeter en pareille circonstance sur l’année écoulée afin de rappeler les espoirs satisfaits et ceux qui ont été déçus, les efforts généreux et les résistances tenaces, afin aussi de mentionner la participation et l’oeuvre du Siège apostolique ; mais surtout pour envisager ce qu’il Nous est donné de souhaiter pour l’avenir et ce que Nous devons nous proposer de faire.

Le panorama mondial, au cours des douze mois qui se sont succédés depuis notre dernière rencontre de fin d’année, se trouve devant nos yeux à tous, avec ses lumières et ses ombres. Voyons-en quelques-unes.



1. La réalité des faits n’a pas répondu pleinement à la grande espérance de paix en Indochine qui était née à la suite des Accords de Paris en janvier dernier. La pacification authentique n’est malheureusement pas encore réalisée aujourd’hui. De nouvelles victimes et de trop nombreuses souffrances sont venues s’ajouter, ces derniers mois, à celles qui s’étaient tragiquement accumulées au cours des années de guerre. Nous formons des voeux ardents pour que de nouvelles hostilités ne se produisent pas au Vietnam, malgré certains symptômes menaçants qui, malheureusement, font craindre le contraire à quelques-uns ; la déception de tous serait bien pénible, et bien graves aussi les conséquences. En raison de l’estime et de l’affection que Nous portons à cette terre tourmentée, Nous nous permettons de prier les Gouvernements responsables de Saigon et d’Hanoi de bien vouloir poursuivre loyalement les négociations en vue de la paix, tandis que Nous formons le voeu que soit assurée à la population du Vietnam du Sud la possibilité de s’exprimer en toute liberté lors de la prochaine consultation sous un contrôle efficace de l’ONU.

Nous souhaitons également que la paix s’établisse dans les pays voisins, le Cambodge et le Laos. Nous pensons à toutes les familles séparées, à tous les prisonniers qui tardent à recouvrer la liberté et qui parfois souffrent durement du traitement qui leur est infligé.



2. En Irlande du Nord, de récentes ententes intervenues sur le plan politique ouvrent des perspectives de développement positif ; elles ont été saluées avec satisfaction par tous ceux qui, depuis longtemps, souhaitent que la situation difficile et complexe évolue de façon décisive vers une solution pacifique et juste. Toutefois, les manifestations déplorables de violence, qu’il serait injuste d’attribuer à l’une seulement des parties en conflit, ne sont pas pour autant terminées ; elles entretiennent encore un climat d’insécurité et continuent à répandre le sang et a susciter rancoeurs et souffrances parmi ces populations qui Nous sont toujours si chères et auxquelles Nous souhaitons de tout coeur de savoir trouver, dans le nom de chrétien qu’elles ont en commun, les raisons et la force leur permettant d’en arriver enfin à une vraie réconciliation des esprits.



3. Mais d’autres situations de conflit, ou tout au moins d’agitations — pour ne pas parler du Moyen-Orient sur lequel Nous nous arrêterons plus longuement tout à l’heure — demeurent ou sont récemment apparues, que ce soit en Afrique ou en Amérique Latine.

En observant de telles situations si complexes et sur lesquelles, bien souvent, il est fort difficile d’émettre un jugement exhaustif, qu’il s’agisse de la vérité ou de l’exactitude des faits dénoncés, des droits revendiqués ou des raisons invoquées par les diverses parties en lutte, Nous ne pouvons pas, à la place où Nous sommes et dans la perspective déjà évoquée de l’Année jubilaire, ne pas élever la voix, en un avertissement solennel, pour rappeler au monde les exigences de la justice et de l’amour : de la justice, qui impose à tous, individus, gouvernants et peuples, le respect des droits de chacun ; de l’amour, indispensable pour promouvoir, vivifier et compléter l’oeuvre de la justice, dans la compréhension, la générosité, la collaboration de frères avec leurs frères.

Ce sont des paroles chrétiennes, et en même temps humaines, que Nous répétons d’autant plus volontiers au moment précis où la communauté des Nations commémore le XXV° anniversaire de la Déclaration de l’ONU sur les Droits de l’Homme.

Oui, tant que les droits de tous les peuples, et notamment le droit à l’autodétermination et à l’indépendance, ne seront pas dûment reconnus et respectés, il ne pourra pas y avoir de paix véritable et durable, même si la prépondérance des armes peut avoir momentanément raison de la réaction des opposants. Tant que, à l’intérieur de chaque communauté nationale, ceux qui détiennent le pouvoir ne respecteront pas avec noblesse les droits et les légitimes libertés des citoyens, la tranquillité et l’ordre — même si on réussit à les maintenir par la force — ne seront qu’un simulacre trompeur et sans sécurité, indignes d’une société d’êtres civilisés.

La psychologie des hommes est ainsi faite que, tout en étant prêts à s’émouvoir devant l’apparition de nouvelles situations de ce genre — et l’émotion n’est pas toujours proportionnelle à la réalité, qui est parfois présentée artificiellement par une propagande habile et organisée — ils deviennent ensuite presque insensibles devant la permanence des situations elles-mêmes, comme si cette prolongation dans le temps, malgré la révolte impuissante de ceux qui en sont victimes, leur servait de justification, spécialement lorsqu’elles sont couvertes, comme il arrive malheureusement dans un nombre non négligeable de cas, par une sorte de conspiration du silence.

64 Nous voudrions, en cette circonstance, en Nous référant précisément au motif humain de la commémoration de la Déclaration de l’ONU citée plus haut, et au motif spirituel de l’Année Sainte qui commence, adresser à tous notre appel à un renouvellement et à une réconciliation basés sur le solide fondement de la justice et de l’amour : fondement qui doit servir aussi à favoriser une paix sincère et une réconciliation entre les classes et les groupes sociaux, si facilement divisés et opposés les uns aux autres pour des raisons d’intérêt particulier compréhensible, mais qui ne sait pas toujours tenir compte comme il faut des droits et des intérêts légitimes des autres, ni s’inspirer de la perspective du bien commun.



4. Le Moyen-Orient !

Pour tous, il est le berceau de civilisations très anciennes et très nobles. L’humanité vit et profite encore de son souvenir et de ses richesses. Pour l’homme religieux, il est à l’origine de grands mouvements spirituels qui, divisés et différents entre eux, ont en commun la croyance en un Dieu unique, Créateur et Seigneur de l’univers et de ses destinées. Pour les chrétiens, il est la terre dans laquelle Dieu a tissé la trame initiale de son mystérieux dessein de salut, et qui contient en son coeur — devenu ainsi le coeur du monde — les lieux où le divin Sauveur, dont nous nous apprêtons à commémorer de nouveau la naissance dans le temps, a passé les années de sa vie terrestre, est mort pour la vie des hommes et ressuscité pour notre espérance et pour notre joie.

Cette Terre est depuis longtemps, depuis trop longtemps, le théâtre d’un conflit affligeant, qui met en péril la paix même de pays plus éloignés, et peut-être la paix du monde ; conflit qui a apporté luttes et souffrances sans fin à tant de populations désarmées et innocentes, qui fait un objet et un mobile de haines et de rivalités, d’une Terre et d’une Cité qui devraient être symbole et appel à l’unité des coeurs pour des millions et des millions d’hommes qui regardent vers elle comme vers un phare de foi et d’amour.

La situation ambiguë et discontinue de non-paix et de non-guerre, qui se prolongeait depuis plus de six ans, a été rompue, en octobre dernier, par l’éclatement de nouvelles hostilités belliqueuses.

Un travail intense et courageux, pour lequel Nous avons déjà eu l’occasion de manifester notre satisfaction, a conduit tout d’abord à un cessez-le-feu, et maintenant à une Conférence de paix qui s’ouvre justement aujourd’hui à Genève sous les auspices des Nations Unies, et qui, tout en étant pour le moment au moins incomplète quant au nombre de ses participants, ouvre la voie à des négociations qui permettent d’espérer des développements positifs pour le règlement définitif de ce conflit endémique.

Ces espérances, accompagnées de voeux fervents pour l’heureux succès de cette grande initiative, Nous les avons exprimées dans un Message au Secrétaire général de l’ONU, et Nous voudrions les formuler à nouveau ici, en invitant le monde catholique à unir sa prière pour la paix au Moyen-Orient au souhait qui monte — Nous en sommes sûr — du coeur de tous les hommes de bonne volonté.

Le Saint-Siège, comme il l’a déjà fait dans le passé, continuera de suivre avec grand soin les développements de la situation, en continuant de garder contact avec ses protagonistes et ceux qui ont un titre et un désir de contribuer à la résoudre dans la justice. Le Saint-Siège est toujours prêt à collaborer de bon coeur pour que les efforts en cours soient couronnés de succès dans des accords qui puissent garantir de manière satisfaisante, à toutes les parties intéressées, une existence sûre et tranquille et la reconnaissance de leurs droits respectifs.

A l’intérêt général et très vif pouf la pacification de ces régions tourmentées s’ajoute en Nous la préoccupation particulière pour les conditions de vie et la destinée de ceux qui ont davantage souffert et souffrent encore du fait des vicissitudes qui se sont produites de 1947 à nos jours. Nous pensons spécialement aux centaines de milliers de personnes qui ont fui leurs terres et sont réduites à des conditions désespérantes d’existence, ou du moins contrariées dans leurs légitimes aspirations. Même si leur cause est parfois soumise à l’attention du monde et même compromise par des actes qui répugnent à la conscience des peuples et ne sauraient se justifier en aucun cas — hélas, nous en avons eu un nouvel exemple tragique ces jours derniers, et tout près de notre Cité épiscopale — il s’agit toujours d’une cause qui exige une considération humaine et appelle, par la voix de masses abandonnées et innocentes, une réponse juste et généreuse.

Nous n’allons pas nous attarder à rappeler le devoir, plus encore que le droit, qui Nous incombe de tout mettre en oeuvre pour que toute résolution éventuelle touchant le statut de Jérusalem et des Lieux Saints de Palestine réponde aux exigences du caractère particulier de cette Cité unique au monde, et aux droits et légitimes aspirations des adeptes des trois grandes religions monothéistes, lesquels possèdent, en Terre Sainte, des sanctuaires parmi les plus précieux et les plus chers à leur coeur.

L’intérêt déjà manifesté de façon courtoise de bien des côtés pour connaître la pensée du Saint-Siège sur ces questions, et la déférence dont ont fait preuve les Autorités d’Israël, Nous donnent la certitude de pouvoir faire entendre notre voix de façon opportune lorsque ces problèmes seront soumis à une discussion effective.

65 Vous le voyez, l’évocation du pays de Jésus Nous ramène comme naturellement à la raison profonde de notre entretien : le renouvellement des esprits, la réconciliation exigée par une authentique compréhension du sens et des objectifs de l’Année Sainte. Jésus n’est-il pas venu pour renouveler tous les hommes et toutes choses : « Voici que je fais l’univers nouveau » (Ap 21,5) ? N’est-ce pas Lui notre Paix et notre Réconciliation (cf. Ep Ep 2,14-16) ?

Assurément, sa doctrine-est encore lumineuse, neuve et continuellement novatrice, comme au temps où pour la première fois les rives du lac de Génésareth, les collines de Galilée et de Judée, les rues et les places de Jérusalem l’entendirent, saisies d’étonnement. Dans cet enseignement, mais aussi dans l’exemple et l’élan entraînant de son amour pour l’homme, l’humanité peut trouver un enthousiasme et des énergies suffisantes pour reprendre avec décision, au seuil du Nouvel An, le chemin de la difficile recherche d’un ordre qui, à l’intérieur de chaque communauté, nationale et de la communauté internationale, fonde en justice, en équité, en généreuse collaboration, les relations pacifiques qui sont en même temps un devoir et une nécessité pour la famille humaine.

C’est de courage, de décision, d’énergique sagesse que le monde a effectivement besoin pour ne point perdre espoir dans une pacification qui, même si elle est rendue plus urgente que jamais du fait de la terreur engendrée par la puissance destructive des armes nouvelles, pourrait apparaître comme un objectif presque impossible à atteindre, une utopie.

Quant à Nous, Nous ne nous lasserons pas de rappeler qu’un profond renouveau moral est indispensable pour réaliser ce que le seul équilibre des forces et de la peur réussit mal à établir.

Puisse l’Année Sainte que le monde catholique est appelé à célébrer donner à un tel renouveau la contribution décisive qui fait partie de nos voeux !

Et que la Nativité du Seigneur, que nous sommes sur le point de commémorer, augmente chez tous les hommes cette bonne volonté qui détient les promesses de la véritable paix. Avec Notre Bénédiction.









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