Discours 1974



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Discours 1974

Eglise et documents Vol VI – Libreria editrice Vaticana




II. DISCOURS (ET HOMÉLIES) DU PAPE EN DIVERSES CIRCONSTANCES





À L’AMBASSADEUR DU ZAÏRE PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Lundi 7 janvier 1974




Monsieur l’Ambassadeur,

En ce jour où débute votre mission auprès du Saint-Siège, nos premières paroles seront pour vous souhaiter la bienvenue. Bienvenue franche, cordiale, symbolisant les excellents rapports que Nous souhaitons, ainsi que nos collaborateurs, entretenir avec vous pendant tout la durée de votre séjour romain.

Il Nous faut aussi vous remercier de vos sentiments déférents et de votre volonté d’oeuvrer à l’affermissement des liens entre le Saint-Siège et votre pays, votre grand pays. Car le Zaïre est bien l’une des plus vastes contrées d’Afrique, disposant de richesses humaines indéniables, l’une des plus anciennement chrétiennes. Autant de raisons pour attacher une valeur spéciale à la solution des problèmes communs, à la qualité des relations mutuelles, mieux, au renforcement de la compréhension basée sur le respect et la confiance. L’assurance que vous Nous donnez de poursuivre cet objectif, conformément aux instructions de Son Excellence le Général Mobutu Sese Seko, Nous donne aujourd’hui un motif de satisfaction et Nous permet d’augurer le meilleur pour tous vos compatriotes. Vous voudrez bien, en transmettant nos sentiments de gratitude au Président de la République du Zaïre pour ses voeux, lui faire part également de notre vif espoir.

Nous avons montré il y a un instant le prix que Nous attachons à la chrétienté zaïroise. Notre pensée rejoint plus particulièrement nos chers Fils catholiques du pays, dont le zèle et le dynamisme suscitent l’admiration. En bons citoyens, ils ont à coeur de travailler loyalement à l’entreprise nationale du développement, dans tous ses domaines. Encouragés par leurs Evêques, auxquels Nous rendons ici hommage, ils ont pleinement conscience du témoignage qu’ils peuvent donner: témoignage d’une foi qui ne leur est pas imposée comme une culture étrangère, puisqu’elle provient d’un don de Dieu les atteignant au plus profond d’eux-mêmes; témoignage d’une communauté de croyants, unie à l’Eglise universelle, mais qui, loin de renier le patrimoine humain et civil de ses membres, est fière au contraire de le promouvoir de tous ses moyens. Dans la liberté, dans le dialogue avec les responsables de l’Etat, il sera possible de progresser encore en ce sens.

Nos souhaits accompagnent donc Votre Excellence pour l’exercice de ses hautes fonctions. Ils s’étendent à votre famille, aux Autorités et à tous les habitants de votre pays. Sur tous et sur chacun, Nous invoquons les bienfaits de Dieu, ses grâces et sa protection.

2 *AAS 66 (1974), p.64-65.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XII, p.22-23.

L’Attività della Santa Sede 1974, p.14-15.

L'Osservatore Romano, 7-8.1.1974, p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.3 p.2.

La Documentation catholique n.1648 p.156.






DISCOURS DU PAPE PAUL VI AU CORPS DIPLOMATIQUE ACCRÉDITÉ PRÈS LE SAINT-SIÈGE*

12 janvier



PARTICIPATION ACTIVE, DIRECTE ET CONCRÈTE DE L’EGLISE À L’ÉQUILIBRE DU MONDE ET À LA SAUVEGARDE DE LA PAIX





Le samedi 12 janvier, à 11 h. du matin, le Saint-Père a reçu, dans la Salle du Consistoire, le Corps Diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège qui Lui a présenté ses voeux les plus ardents pour la nouvelle année.

Etaient présents à cette audience solennelle : S. E. Monsieur le Card. Jean Villot, Secrétaire d’Etat ; S. Exe. Mgr Giovanni Benelli, Substitut de la Secrétairerie d’Etat ; S. Exe. Mgr Agostino Casaroli, Secrétaire du Conseil pour les Affaires Publiques ; S. Exe. Mgr Eduardo Martinez-Somalo, Assesseur de la Secrétairerie d’Etat ; Mgr Achille Silvestrini, Sous-Secrétaire du Conseil pour les Affaires Publiques ; tous les Chefs de Mission, ainsi que les Conseillers Ecclésiastiques, Conseillers et Secrétaires des chacune des Ambassades, avec le Doyen du Corps Diplomatique près le Saint-Siège : S. Exe. M. Luis Amado-Blanco, Ambassadeur de Cuba. A l’adresse d’hommage du Doyen, le Souverain Pontife, qui avait à ses côtés le Préfet de la Maison Pontificale S. Exe. Mgr Jacques Martin, l’Aumônier Archevêque Mgr Antonio Travia, le Vicaire Général pour la Cité du Vatican S. Exe. Mgr Pierre Canisius Van Lierde et le Prélat d’Antichambre Mgr Oddone Tacoli, a répondu par le discours suivant :



Excellences et chers Messieurs,



Nous sommes vivement reconnaissant à votre digne interprète de ses paroles si bienveillantes, et nous vous remercions tous cordialement de votre présence ici et de l’hommage déférent que vous tenez à nous rendre ainsi, chaque année, au retour des fêtes de Noël et du Nouvel An.

3 Ce temps ramène naturellement devant notre esprit le thème à la fois ancien et nouveau de la paix ; et la rencontre avec le Corps Diplomatique l’impose à notre réflexion avec plus d’intensité encore : car pour vous, diplomates, il ne s’agit pas seulement d’un mot appelant des souhaits joyeux ou de tristes prévisions ; ni même simplement d’un sujet théorique de méditation et d’étude. C’est, peut-on dire, le centre et le but de votre « mission », avec toute la densité de signification qui s’attache à ce noble terme.

Vous n’êtes pas seulement spectateurs, bénéficiaires ou victimes des hauts et des bas de la paix dans le monde. Vous êtes, à un titre spécial et avec une responsabilité toute particulière, les protecteurs et les défenseurs de la paix.

Une opinion assez répandue aujourd’hui, basée sur des connaissances approximatives ou sur des souvenirs d’un passé révolu, semble ne vouloir retenir de la diplomatie que quelques aspects extérieurs, plus décoratifs que substantiels, ou certaines manifestations de mauvais aloi, formes dégénérées de la véritable action diplomatique, qui eurent cours peut-être, hélas ! à certaines époques du passé, mais que répudie aujourd’hui la conscience de ceux qui se consacrent à ce haut service, et qui, d’ailleurs, ne répondraient plus, présentement, aux exigences et aux finalités de ce service lui-même.

De nos jours, en effet, le développement des rapports de forces et d’intérêts a pour effet que le bien ou le mal de telle partie de la communauté internationale ne peuvent être considérés comme le mal ou le bien de telle autre partie ; et le monde se trouve heureusement presque obligé à chercher ensemble l’avantage commun, s’il veut éviter le dommage commun ou même la commune catastrophe.

Il est vrai que même parmi les plus hauts responsables de la vie des peuples, tous n’arrivent pas à saisir ou à garder présente à l’esprit, comme ils le devraient, cette vérité fondamentale. Et c’est pourquoi il n’est pas rare, surtout chez ceux qui sont ou croient être les plus forts, que l’un ou l’autre cède à la tentation de résoudre en sa faveur, par la force ou la violence, des situations de tensions ou de conflits.

Mais il n’est pas moins vrai que la réalité se venge de ces calculs erronés. Malheureusement, ceux qui en paient le prix sont le plus souvent d’innocentes victimes, parmi lesquelles figurent parfois ceux-là même qui s’étaient employés à en détourner les protagonistes.

Il est donc d’autant plus nécessaire qu’aux raisons de la force — qui sont fréquemment injustes et qui, aujourd’hui plus que par le passé, se montrent impuissantes à assurer l’avantage général et même l’avantage de ceux qui y ont recouru — il faut, disons-nous, qu’à ces raisons de la force, la communauté des nations sache opposer efficacement la force de la raison, de la justice, et d’une équitable et généreuse compréhension des droits et des intérêts de tous.

Il s’agit là d’un effort d’une telle ampleur, d’une telle noblesse — d’une telle difficulté aussi — qu’on ne saurait assez en souligner l’importance et qu’on ne peut dissimuler le sérieux de l’engagement qu’il requiert : effort dans lequel la diplomatie digne de ce nom est appelée à jouer un rôle de premier plan.

A ceux qui ont défini la diplomatie « l’art de faire la paix », on a cru pouvoir objecter une simplification excessive. De fait, bien d’autres activités rentrent dans le cadre de la diplomatie. Et comment ignorer celle des hommes politiques et des hommes de la pensée, qui contribuent à former la conscience des hommes et l’opinion publique des peuples ? On ne peut nier toutefois que la recherche de la paix ne soit, comme nous venons de le dire, le point central de la mission diplomatique dans la vie internationale. Et ce n’est pas là simplement distribuer un éloge, qui serait d’ailleurs souvent bien mérité. C’est reconnaître ce qui est pour vous l’essence même de votre mission, votre but, votre programme : faire la paix.

Cela veut dire d’abord la protéger et la défendre là où elle existe : ensuite la rétablir là où elle a cessé d’exister. Cela suppose qu’avec beaucoup de sagesse et une patience inlassable, on cherchera à résoudre selon la justice et l’équité les questions qui opposent Etats ou Gouvernements les uns aux autres ; que l’on fera tout pour éviter que les oppositions ne s’accentuent, que les positions en conflit n’arrivent à un point de rupture ; que l’on étudiera et proposera toutes les formules possibles d’honnête conciliation ; que l’on saura joindre à la juste défense des intérêts et de l’honneur de la partie qu’on représente, là non moins juste compréhension et le respect des raisons de l’autre partie et les exigences du bien général. Voilà la tâche spécifique — et combien noble ! — de la diplomatie.

Et dans cette tâche, la diplomatie des Etats a comme allié et collaborateur le Saint-Siège : un allié convaincu, chaque fois qu’est en question la sauvegarde ou le rétablissement d’une paix juste et solide ; un collaborateur qui, tout en ayant sa nature et ses moyens spécifiques, n’hésite pas à joindre son action à celle des Etats et de leurs représentants, pour favoriser des rapports pacifiques entre les nations, sur la base des principes qui doivent régir une vie en commun bien ordonnée, au plan international.

4 Nous nous demandions naguère, dans une circonstance analogue à celle-ci (Discours au Corps Diplomatique, 12 janvier 1970), si le Saint-Siège avait « raison de se servir de cette forme d’activité qui s’appelle la diplomatie ». Notre réponse, alors comme dans d’autres circonstances, a été affirmative, à condition qu’il s’agisse de la vraie diplomatie : celle qui se propose pour objectif la paix à l’intérieur de chaque peuple et dans ses relations avec les autres.

Cette demande, nous continuons à nous la poser. Et ce n’est pas seulement pour confirmer notre attitude responsable en face des doutes ou des contestations qui peuvent se présenter. C’est bien plutôt pour approfondir et préciser toujours davantage les motifs essentiels de la participation du Saint-Siège à la vie des peuples et aux problèmes de leurs rapports mutuels : participation qui entend bien ne pas se borner à renonciation de principes généraux, mais qui, dans les formes qui sont propres à notre mission morale et spirituelle, n’hésite pas à descendre, le cas échéant, à l’action concrète.

Cette attitude, vous le savez comme nous, n’est pas sans attirer des critiques. Certains y voient une sorte de « compromission » qui, bien loin d’élever le Saint-Siège, l’abaisserait, au contraire — et l’Eglise avec lui — au rang de « puissance » : une parmi tant d’autres, même si elle conserve ses traits distinctifs particuliers. Sans la détourner tout à fait de sa mission, cette attitude rendrait l’Eglise moins libre, moins « crédible » dans l’exercice de celle-ci, qui serait une mission « prophétique » consistant à annoncer et dénoncer, sans avoir peur de rompre avec une réalité mouvante et vieillie, qui doit bientôt céder le pas à un monde nouveau, encore en gestation.

Nous ne sommes pas fermé à ces voix qui nous arrivent de différents côtés, ni offensés par leur ton parfois pressant et quasi impétueux. Nous sommes toujours disposé à réfléchir à nouveau, avec une conscience sérieuse et sereine, sur nos attitudes et sur les modalités de notre action, afin qu’elles répondent toujours mieux, pour autant que cela dépend de nous, aux exigences du ministère apostolique et aux nécessités anciennes et nouvelles des temps où nous vivons.

Mais, si nous ne nous trompons, ce que l’on reproche ici à l’Eglise et au Saint-Siège, c’est de ne pas prendre une attitude nette et active, en proclamant et en accélérant le déclin d’un ordre mondial jugé dépassé et gâté, pour hâter la rapide instauration, à sa place, d’un ordre nouveau, qu’on imagine avec les traits messianiques de la justice, de la liberté, de l’égalité parfaite, sans discrimination de droit ni de fait.

On estime que l’Eglise et le Saint-Siège, dans la mesure où ils appuient des initiatives visant à pacifier des états de tension ou à guérir des plaies sociales, dans la mesure où ils favorisent la cessation des conflits en cours ou cherchent à en prévenir d’autres, font le jeu de la « conservation », empêchent ou retardent le jour de la révolution libératrice, que certains n’hésitent pas à proposer comme le schème répondant à la maturation des temps, aux aspirations des peuples — surtout des peuples opprimés — et même, ajoute-t-on, à la vision chrétienne de l’histoire, ce pour quoi on se met en quête de démonstrations et de preuves même d’ordre théologique.

En face de critiques de ce genre, la première considération qui nous vient à l’esprit, c’est que certains radicalismes non seulement sont bien souvent inexacts et injustes par leur façon partiale ou unilatérale de juger la réalité et les responsabilités qui y répondent, mais qu’ils sont, par surcroît, dangereux, tant par ce qu’ils voudraient voir réalisé que par ce qu’ils ne veulent pas voir réalisé ou dont ils réussissent à empêcher la réalisation. En d’autres termes, en poussant à des bouleversements radicaux — qui sont loin, bien souvent, de respecter les frontières du licite — il n’est pas exclu qu’on n’arrive à des situations moins justes et moins stables que celles qu’on a voulu modifier. Et il arrive facilement, surtout, qu’on gaspille, en des tentatives velléitaires, des énergies et des efforts, qui pouvaient être employés bien plus utilement pour des réalisations moins rapides, peut-être, et moins voyantes, ni entièrement satisfaisantes, sans doute, mais qui représentaient néanmoins un réel progrès au profit de l’humanité.

Ce qui nous semble plus en harmonie avec notre mission, et avec ce que l’Eglise peut et doit faire en faveur du monde, dont, tout en étant distincte, elle partage le cheminement, c’est que l’Eglise soit, certes, une voix prophétique, et comme le cri de la conscience de l’homme ; mais qu’en même temps elle comprenne la réalité humaine, avec ses âpretés, ses insuffisances, ses résistances à se conformer aux idéaux que l’humanité devrait et doit poursuivre avec courage et ténacité, pour être digne d’elle-même et à la hauteur de ses responsabilités devant Dieu et devant l’histoire.

Au lieu de nous borner à déplorer ou à dénoncer des insuffisances, nous estimons que notre devoir en ce domaine est de rappeler et de clarifier les principes, d’encourager les hommes à les appliquer fidèlement, et de ne pas refuser notre collaboration aux tentatives concrètes de solution des problèmes que cette application comporte : non certes en ce qui concerne les aspects techniques, qui échappent à notre compétence, mais pour ce qui est des aspects moraux et humains de justice et d’équité, qui ne sont pas moins importants que les premiers.

Cet effort de contact avec les problèmes concrets, que les hommes d’Etat et les diplomates affrontent quotidiennement, nous aide à nous rendre toujours mieux compte de la complexité des choses et des difficultés à surmonter. Gela ne nous amène certes pas à excuser ce qui n’est pas excusable — abus de pouvoir, excès dans la répression, usage de la torture, pressions économiques indues, etc. — ou à nous contenter facilement de résultats minimes ou insuffisants; mais cela nous porte à prendre des attitudes conscientes et responsables dans l’appréciation, généreuses dans la coopération.

Tout cela vous dit, Excellences et chers Messieurs, l’esprit sur lequel peuvent compter, de notre part et de la part du Saint-Siège, vos personnes et vos Gouvernements, vos peuples et leurs communautés, comme toute la communauté internationale : un esprit d’amitié, qui, même s’il exclut une indulgence hors de propos, tend toujours à encourager et à aider les responsables dans les justes, nobles et difficiles entreprises que la vie de leurs nations et celle de la famille des peuples présentent comme des défis à leur sagesse et à leur bonne volonté.

5 Et comme notre parole vise avant tout ce qui constitue plus spécifiquement votre mission, nous voulons dire les relations des peuples entre eux, nous vous dirons que c’est dans cet esprit d’amitié que nous suivons les problèmes de la paix. Et nous concevons celle-ci non seulement, selon son acception première et plutôt négative, comme absence de conflit, mais dans sa signification plus ample et plus complète de bonnes et amicales relations.

L’invocation de la paix revient fréquemment sur nos lèvres, avec l’exhortation à la poursuivre et l’invitation à prier pour l’obtenir. Mais nous n’entendons pas que s’arrête là notre intérêt pour une cause si grande et si fondamentale. Vous êtes témoins de nos persévérants efforts, vous qui êtes aussi, en quelque sorte, parmi les collaborateurs les plus directs du Saint-Siège en ce domaine. C’est à vous, en effet, qu’il s’adresse le plus souvent — comme il s’adresse à ses propres représentants dans vos pays — pour avoir des informations, pour recueillir et confronter données et opinions, discuter des situations, se concerter avec vous, parfois, pour des initiatives de paix.

Vous connaissez, par exemple, l’intérêt que le Saint-Siège continue à manifester pour un des problèmes essentiels qui sont à la base d’une paix sûre et durable: l’établissement de rapports et d’échanges conformes à l’équité entre les pays ayant atteint un haut degré de développement, et ceux qui, avec élan, mais souvent au prix de grands sacrifices, s’efforcent d’y parvenir.

Ce problème a fait l’objet de nos déclarations répétées, en particulier dans l’encyclique « Populorum progressio », et il reste un des points qui retiennent très spécialement l’attention du Saint-Siège. Aussi avons nous suivi avec le plus vif intérêt, à ce sujet, les récentes prises de contacts entre la Communauté européenne des Neuf et les Pays d’Afrique, pour l’élaboration d’un modèle possible de coopération organique ou d’association économique, technique et commerciale. Cette négociation, tant par le nombre et la qualité des Pays participants que par l’ampleur et l’importance des buts qu’elle se propose, peut vraiment constituer un test de ce que la sagesse et le courage des Gouvernements, leur capacité de vision et d’imagination politique, leur esprit de collaboration enfin, sont capables de faire pour répondre à des exigences objectives d’importance capitale pour l’avenir de la famille humaine.

On ne peut manquer de relever le caractère hautement moral d’initiatives de ce genre et souhaiter qu’elles se multiplient. Que les responsables ne se laissent pas décourager par les difficultés ! Qu’ils sachent harmoniser les raisons de la prudence avec celles de la générosité, sans oublier qu’aujourd’hui, plus encore que par le passé, l’avantage général est finalement la condition du vrai et stable bien-être de chacune de leurs nations.

Le Saint-Siège a à coeur, vous le voyez, d’être présent dans le concert de la vie internationale. Il l’est, grâce au réseau de relations que le Corps Diplomatique présente et réalise ici même, relations qu’entretient et favorise également le Corps de nos représentants dans vos divers Pays. Laissez-nous vous dire, en terminant, à quoi tend cette présence du Saint-Siège dans la vie internationale. Elle tend d’abord à promouvoir des contacts honorables et pacifiques entre les Peuples à un niveau de responsabilités ; ensuite à encourager la méthode du dialogue humain et courtois, à le substituer, si possible, à celui de l’affrontement ruineux et meurtrier des armes et de l’équilibre précaire d’intérêts inconciliables, toujours prêts à surgir avec des revendications unilatérales ; elle tend enfin, cette présence du Saint-Siège, à créer non seulement la trêve dans les conflits entre nations, mais le goût, l’honneur, la stabilité de la paix, de telle sorte que les insurmontables différences ethniques, géographiques, économiques, culturelles, ne soient plus des causes de rivalités et de luttes fratricides, mais deviennent au contraire des motifs d’entente fraternelle et d’activé complémentarité, en un hommage unique et supérieur à la justice. En disant cela, nous nous référons — assez clairement, nous semble-t-il — aux situations qui, au seuil de cette année nouvelle, apparaissent comme des cas pathologiques de la concorde entre les hommes, cas qui s’offrent à la sage, à la persévérante, ajoutons encore, à la chrétienne thérapie d’une paix véritable et dynamique.

Si ces abcès douloureux persistent, malgré tant d’efforts déployés au cours de l’année écoulée, s’ils à continuent à retenir l’attention inquiète du monde entier, combien plus la vôtre, Messieurs : les diplomates ne sont-ils pas, en quelque sorte, les médecins du corps social, lorsqu’il est atteint ou menacé par le virus de la discorde et de la guerre ?

Mais nous savons tous que la bonne volonté et les moyens humains ne suffisent pas. Aussi, pour que votre action, celle des diplomates et des hommes d’Etat du monde entier, soit efficace et couronnée de succès au cours de l’année qui s’ouvre, nous invoquerons sur elle, et sur l’aide — modeste, mais généreusement offerte — que le Saint-Siège sera toujours heureux de vous apporter, l’abondance des bénédictions du Dieu tout-puissant.



*Version originale française dans:

AAS 66 (1974), p.66-73;

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XII, p.30-38;

6 L’Osservatore Romano, 13.1.1974, p. 1, 2;

ORf n.3 p. 1, 11;

La Documentation catholique, n.1647 p.105-108.



AU PREMIER AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE HAUTE-VOLTA PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Jeudi 24 janvier 1974




Monsieur l’Ambassadeur,

Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui, en la personne de Votre Excellence, le premier Ambassadeur de la République de Haute-Volta auprès du Saint-Siège, et de vous adresser des voe ux particulièrement fervents pour le succès de votre mission.

Cette mission commence, on peut le dire, sous des auspices favorables, l’Eglise locale, sous la responsabilité de la Conférence épiscopale voltaïque et de son président, le cher et vénéré Cardinal Paul Zoungrana, a toujours pratiqué le dialogue avec les Autorités de l’Etat, notamment lorsque se présentaient certains problèmes d’actualité; elle continuera de le faire avec loyauté. Nous-même gardons le meilleur souvenir de la visite que Nous rendit, il y a sept mois à peine, Son Excellence le Général Sangoulé Lamizana, qui vous envoie maintenant poursuivre au Vatican, de façon permanente et solide, ces relations prometteuses. Dans ce contexte, en vous remerciant des très aimables paroles que vous venez de prononcer, Nous nous devions de marquer notre confiance en l’avenir.

Nous espérons, en effet, en la sagesse de votre pays et de ses dirigeants. Comme d’autres nations en plein essor, mais aux prises avec de sérieuses difficultés économiques - l’exemple cruel de la sécheresse vient à tous les esprits -, comme d’autres nations qui ont assumé récemment la maîtrise de leur propre destin et se trouvent affrontées, dans la conjoncture mondiale, à l’urgence de développer toutes leurs ressources, Nous souhaitons que la Haute-Volta devienne un modèle d’équilibre, de mesure, de maturité politique, de progrès harmonieux pour toutes les couches de la population, de justice sociale, d’ouverture aux valeurs spirituelles, de liberté religieuse impartiale.

Si les puissants de ce monde ont le grave devoir de fournir à tous les pays l’aide désirée pour la réalisation de ces objectifs, l’Eglise, qui tire sa seule richesse de la Révélation chrétienne, ne demande également qu’à les favoriser. En des termes qui Nous ont vivement touché, vous avez vous-même évoqué cette contribution: ses appels à la solidarité et à la coopération internationales, la fondation de nombreux centres de promotion et d’assistance, et ses oeuvres en faveur de la formation des jeunes, sans aucune distinction.

Ce service désintéressé est bien dans son rôle. Elle sait que les hommes n’ont pas faim seulement de pain, ni même d’instruction, mais d’éducation à la responsabilité et à la fraternité, de sagesse, de dialogue avec l’Invisible.

Nous saisissons cette occasion pour saluer les courageux efforts de nos Fils catholiques de Haute-Volta. Avec enthousiasme, ils souhaitent pouvoir continuer leur magnifique témoignage. Nous demandons au Seigneur de les bénir et de veiller aussi sur l’ensemble du peuple voltaïque, sur ses gouvernants, et sur la personne de Votre Excellence, que Nous assurons de tout notre appui dans l’exercice de ses hautes fonctions.

7 *AAS 66 (1974), p.76-77.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XII, p.62-63.

L’Attività della Santa Sede 1974, p.34-35.

L'Osservatore Romano, 25.1.1974, p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.5 p.2.






31 janvier



LA MISSION SPIRITUELLE ET MORALE DU JUGE ECCLÉSIASTIQUE





Le 31 janvier dernier le Saint-Père a reçu les membres du Tribunal de la S. Rote Romaine à l’occasion de l’ouverture de l’année judiciaire. Il leur a adressé un discours dont voici notre traduction :



Très Vénéré Monseigneur le Doyen,



Nous avons une fois de plus le plaisir de vous recevoir officiellement à l’occasion de l’ouverture, en pratique déjà faite d’ailleurs depuis un certain temps, de la nouvelle année judiciaire de notre Tribunal de la S. Rote Romaine ; de vous recevoir, disons-nous, en compagnie de l’éminent Collège des Prélats Auditeurs qui le composent, des nombreux Officiels qui y apportent leur concours, des Avocats et des Procureurs qui y exercent leurs fonctions. A la satisfaction que nous procure cette rencontre s’est ajouté le plaisir d’entendre les nobles et franches paroles que vous avez bien voulu, Monseigneur, nous adresser en nous présentant le Saint Tribunal ; elles ont mis en relief, plutôt que les graves, complexes et pressants problèmes que soulève actuellement l’activité judiciaire du barreau canonique, l’esprit qui préside à l’exercice de ce ministère, — car c’est bien d’un ministère qu’il s’agit — un ministère accompli avec le souci de la perfection et, malgré la conscience des difficultés et dans l’attente de la révision législative annoncée qui ne fait que rendre l’administration de la justice plus difficile, et, par le fait même, plus méritoire.

C’est sur cet esprit que nous concentrons notre attention, c’est-à-dire nos éloges et nos encouragements, voulant, d’une part indiquer à quel point nous plaît l’expression de ces sentiments et de ces intentions et, d’autre part, désirant exalter la personne même de ceux qui ont voulu consacrer leur propre vie à la magistrature, avant même de considérer les problèmes objectifs de sa profession.



Dignité et autorité de la fonction judiciaire





Et qu’il nous suffise, en la circonstance présente, de nous attacher à cette considération préalable de l’ordre judiciaire qui concerne la personne même du juge, dans l’intention de rendre hommage au caractère sacré de celui qui en possède l’autorité et en exerce, plus encore que la fonction, la mission, car, dans l’exercice de votre activité, on ne saurait manquer de relever son caractère religieux inhérent. Nous vous disons là des choses que vous connaissez parfaitement et qui ont pénétré dans l’intimité et dans les profondeurs de votre conscience ; mais, en tout cas, il n’est jamais inutile de le rappeler quand, d’une part, l’origine et la nature d’un tel caractère sacré touchent aux frontières du divin, et de ce fait, du transcendant et du mystérieux, et que, d’autre part, la mentalité moderne tend à réduire à des dimensions purement rationalistes le domaine du droit, et à des tâches purement professionnelles, nullement différentes de celles des activités normales communes, l’exercice de l’autorité judiciaire.

8 Votre mission est sacrée parce qu’elle provient de notre autorité apostolique qui vous l’a confiée. C’est de l’investiture de notre pouvoir sacerdotal et pontifical que dérive, pour vous, la magistrature qui vous fait juges, c’est-à-dire, maîtres, gardiens, interprètes, agents de la loi divine et humaine qui gouverne l’Eglise, c’est-à-dire le Peuple de Dieu. Si grande est la dignité, si grande l’autorité du juge ecclésiastique, que, comme chacun s’en souvient, Saint Paul, à l’aube de la législation constitutionnelle ecclésiastique, réclame presque avec emphase l’existence et l’action du « saint », c’est-à-dire du membre de la communauté chrétienne appelé à participer à l’autorité même du Christ et de l’Apôtre (1Co 5,4) pour juger un membre indigne de la communauté chrétienne, ou, mieux, pour être élevé un jour à la dignité de décider avec le Christ, à qui le Père a donné tout pouvoir de juger (Jn 5,22 et 27), même sur les anges (1Co 6,3). Avoir conscience de cette très haute dignité, de cette association au pouvoir du Christ, Juge suprême, la méditer, la revivifier, comme chaque ministre « dispensateur des mystères de Dieu » (cf. 1Co 4,1 2Co 6,4) est invité à le faire pour alimenter sa propre spiritualité, voilà comment doit agir le Juge ecclésiastique, non pas par vaine fatuité, mais par respect du caractère divin du pouvoir qui lui est confié, et tout en se repliant, pour ainsi dire, dans la plus profonde humilité intérieure, afin d’y puiser la force d’être ensuite égal à la périlleuse grandeur de son mandat surhumain. Du reste, dans tout le processus historique de la civilisation, le sens sacré de la fonction judiciaire n’a jamais fait défaut à ceux qui ont exercé de telles fonctions ou qui en ont sagement discuté. Comme preuve, faisons allusion à une savante citation d’Ulpien — qui certes vous est bien connue — et que notre vénéré Prédécesseur le Pape Pie XII a rappelée dans un mémorable discours sur la profession de juriste et rapportée, certes, à la jurisprudence, mais avec quelle répercussion religieuse sur ceux qui la cultivent ! Voici : divinarum atque humanarum rerum notifia, iusti atque iniusti scientia (Discours, XI, 261). Et pour fortifier ce sens religieux qui doit s’ancrer dans la conscience du magistrat, nous pouvons nous prévaloir du témoignage d’un maître illustre du barreau civil italien, récemment disparu, Piero Calamandrei : « Je suis de plus en plus convaincu qu’entre le rite judiciaire et le rite religieux existe une parenté historique infiniment plus étroite que ne l’indique la similitude des mots... A l’origine, la sentence était un acte surhumain, le jugement de Dieu ; les défenses étaient des prières... ». Puis : « Jadis, de l’Université affluaient dans l’ordre judiciaire les juges les meilleurs, attirés non pas par l’espoir de gains importants... mais par la haute considération dont la magistrature jouissait dans l’opinion publique ; et surtout, ils subissaient l’attrait qu’a toujours exercé sur certains esprits religieux l’austère intimité de cet office dans lequel le pouvoir de juger les autres implique à chaque instant le devoir de faire les comptes avec sa propre conscience » (Elogio, PP 249-251).




Discours 1974