Messages 1975

LA PARTICIPATION DE LA FEMME À L’ACTION POUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA PAIX





Nous sommes heureux de saluer la Conférence Mondiale de l’Année Internationale de la Femme, qui va s’ouvrir prochainement à Mexico, en formant les meilleurs voeux pour ses travaux, qui pourront heureusement contribuer à l’avenir de l’humanité.

Nous avons déjà eu l’occasion, lors de la visite que vous nous avez rendue, de souligner l’attention et la sympathie avec lesquelles nous nous proposions de suivre l’Année Internationale de la Femme proclamée par les Nations Unies. Nous reconnaissions, en effet, dans le triple thème de l’Année : égalité, développement, paix, la synthèse d’une vaste problématique que les Institutions de la communauté mondiale doivent aujourd’hui affronter et qui exprime des aspirations dont l’Eglise est elle-même solidaire. La présente Conférence marque cependant une étape vraiment nouvelle dans ce cheminement des nations à la recherche de conditions de vie plus justes et plus humaines.

D’une part, il s’agit de rende justice à la femme qui trop souvent au cours de l’histoire, et de nos jours encore, s’est trouvée, ou se trouve, reléguée dans une situation d’infériorité par rapport à l’homme, et victime plus encore que lui des fléaux du sous-développement et de la guerre. Mais d’autre part, comme nous avons été heureux de le relever dans les buts assignés à l’Année Internationale, il s’agit aussi concrètement d’assurer la pleine intégration des femmes dans l’effort global de développement et de reconnaître et encourager leur apport au renforcement de la paix. Quel espoir pour l’humanité si, par l’effort concerté de toutes les bonnes volontés, les centaines de millions de femmes de toutes les régions du monde pouvaient enfin mettre à la disposition de ces grandes causes, et de la « réconciliation dans les familles et dans la société », non seulement leur force numérique mais l’apport irremplaçable de leurs dons d’intelligence et de coeur ! Cet espoir, nous l’évoquions, récemment encore, à l’occasion de la Journée mondiale de la Paix.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’Eglise Catholique appelle de ses voeux la réalisation de ces buts proposés pour l’Année Internationale de la Femme. Il y a près de vingt ans déjà — pour ne pas remonter plus loin — notre Prédécesseur, Pie XII, disait à des femmes catholiques du monde entier : « Vous pouvez et vous devez faire vôtre, sans restrictions, le programme de la promotion de la femme, qui soulève d’un immense espoir la foule innombrable de vos soeurs encore soumises à des coutumes dégradantes, ou victimes de la misère, de l’ignorance de leur milieu, du manque total de moyens de culture et de formation » (A l’Union Mondiale des organisations Féminines Catholiques, 29 septembre 1957, AAS 49, 1957, p. 907). Cette « promotion » devait se concevoir « en termes chrétiens, dans la lumière de la foi » ; mais ce n’était certes pas pour en diminuer la portée. Au contraire, car c’est dans cette lumière que ressort le mieux l’égalité véritable entre homme et femme, dotés, chacun selon son mode propre, de la dignité de la personne humaine, et créés à l’image de Dieu.

C’est ainsi que dans son Encyclique Pacem in terris le Pape Jean XXIII saluait comme un « signe des temps » le fait que la femme, « de plus en plus consciente de sa dignité humaine, n’admet plus d’être considérée comme un instrument ; elle exige qu’on la traite comme une personne aussi bien au foyer que dans la vie publique » (AAS 55, 1963, PP 267-268). En même temps, le Concile Vatican II, prenant conscience de la solidarité de toute l’Eglise avec « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses » du monde de ce temps, s’apprêtait à condamner les injustices d’une discrimination basée sur le sexe et à revendiquer pour la femme, avec le respect des droits et des devoirs correspondant à ses aptitudes propres, une participation responsable à part entière dans toute la vie de la société (cf. Constitution pastorale Gaudium et Spes, GS 29 paragr. 2 ; n. 60, paragr. 3).

Il ne peut être question de rappeler ici tous les efforts par lesquels l’Eglise Catholique cherche à contribuer efficacement à l’intégration des femmes dans les oeuvres du développement et de la paix. Qu’il nous suffise de mentionner un domaine seulement qui nous tient particulièrement à coeur : celui de la lutte contre l’analphabétisme, qui joue un rôle néfaste, surtout chez les femmes des régions rurales, faisant obstacle au développement et lésant des droits essentiels, car — nous l’avons rappelé dans notre Encyclique Populorum Progressio — « la faim d’instruction n’est pas moins déprimante que la faim d’aliments : un analphabète est un esprit sous-alimenté » (n. 35 : AAS 59, 1967, p. 274).

Souligner le besoin élémentaire d’instruction des masses déshéritées ne veut pas dire oublier l’importance, pour les buts de l’Année Internationale de la Femme, de l’éducation sous toutes ses formes — éducation des hommes aussi bien que des femmes — et de l’action à mener sur le plan de l’opinion publique. C’est d’ailleurs, par un sain effort d’éducation qu’on pourra faire opérer les discernements nécessaires afin que la « libération » n’aboutisse pas à de nouvelles et pires servitudes, et que la lutte contre la discrimination ne se réclame pas d’une fausse égalité « qui nierait les distinctions établies par le Créateur lui-même » (Octogesima adveniens, 13 ; AAS 63, 1971, p. 411), ou qui risquerait d’atténuer la vision exacte de la mission privilégiée de la femme.

Afin de promouvoir et d’orienter cette action pour un changement salutaire des mentalités, nous avons tenu à créer un Comité du Saint-Siège pour l’Année Internationale de la Femme. Nous avons proposé aussi aux Eglises locales, répandues dans le monde entier, de profiter de cette occasion pour s’interroger sur la participation effective des femmes à la vie de l’Eglise ainsi que sur la contribution des catholiques à tout effort visant la collaboration harmonieuse entre hommes et femmes dans les grandes tâches de la société humaine.

Nous souhaitons contribuer ainsi à ce que l’Année Internationale de la Femme soit réellement, selon l’idée heureuse de ses promoteurs, le point de départ d’une action à longue échéance.

Nous nous tournons enfin vers le Dieu Très-Haut. C’est Lui qui a créé la femme, comme l’homme, à son image (Gn 1,27) ; c’est Lui aussi qui a voulu appeler une femme, la Vierge Marie, pour qu’elle donne « son consentement actif et libre » (Marialis cultus, n. 37 ; AAS 66, 1974, p. 148), à l’événement décisif de la venue du Christ sur la terre, bonne nouvelle de la plénitude de la vie et de la vraie libération pour toute l’humanité. Qu’il bénisse les travaux de cette Conférence ; qu’il donne lumière et force à tous ceux et à toutes celles qui en portent la responsabilité au service de la famille humaine.



Du Vatican, le 16 juin 1975.



paulus P.P. VI






1er août



L’EUROPE À UN TOURNANT DANS L’HISTOIRE MILLÉNAIRE





Le 1er Août, avant le discours de clôture de la Conférence Internationale d’Helsinki pour la sécurité en Europe, discours que devait prononcer M. Mekonen, Président de la République Finlandaise, S.Exc. Mgr Casaroli, Représentant du Saint-Siège, a lu devant l’Assemblée, une Lettre que lui a adressée Sa Sainteté Paul VI. En voici le texte original :



A Monseigneur Agostino Casaroli

Secrétaire du Conseil pour les Affaires Publiques de l’Eglise



En juin 1973, nous avions voulu donner notre encouragement à une initiative qui, se présentant comme étant destinée à promouvoir le bien tellement souhaité, et inestimable de la paix, était de grande importance, non seulement pour les peuples de l’Europe, mais pour toute la famille des nations. C’est bien dans cet esprit, que nous avons accueilli l’invitation adressée au Saint-Siège pour prendre une part directe, dans les formes qui lui sont propres, à la Conférence projetée sur la sécurité et la coopération en Europe, dont la première phase se déroulait à Helsinki en juillet de la même année.

Après les négociations laborieuses de Genève qui ont duré presque deux ans, on va maintenant procéder à la troisième phase avec la signature de l’Acte final au niveau de hauts représentants des Etats ; elle aura lieu à Helsinki du 30 juillet au 1er août prochain. Nous avons décidé de vous charger d’y prendre part, en qualité de notre Délégué spécial.

En même temps nous vous prions de bien vouloir porter notre salut et exprimer nos voeux aux très hautes personnalités des pays représentés à la Conférence et aux autres membres distingués des Délégations respectives, les assurant de l’importance que nous attachons au travail accompli, comme aussi de la prière et des souhaits dont nous accompagnons l’attente que la Conférence a suscitée d’une façon bien compréhensible.

Cette Conférence se tient, peut-on dire, à un tournant de l’histoire millénaire du continent européen, histoire qui offre un caractère assurément singulier, aussi bien par l’étonnante abondance des richesses de l’esprit humain que par la densité d’événements significatifs.

Au sommet de cette histoire longue et souvent tourmentée, en vertu de la variété des apports que chaque peuple de ce continent, avec son génie propre, lui a conférée, l’Europe a un patrimoine idéal qui représente un héritage commun : celui-ci se base essentiellement sur le message chrétien, annoncé à toutes ses populations qui l’ont accueilli et fait leur ; il comprend, en plus des valeurs sacrées de la foi en Dieu et du caractère inviolable des consciences, les valeurs de l’égalité et de la fraternité humaines, de la dignité de la pensée consacrée à la recherche de la vérité, de la justice individuelle et sociale, du droit conçu comme critère de comportement dans les rapports entre les citoyens, les institutions, les Etats.

C’est vers ce patrimoine, unique et indestructible, que nous aimons tourner notre pensée comme vers une source de paix, au moment où les illustres représentants des Etats de l’Europe, des Etats-Unis d’Amérique et du Canada vont se rassembler, côte à côte, dans ce cher pays de Finlande. Instruits par la tragique expérience de deux guerres épouvantables qui, allumées en Europe en l’espace de trente années, consumèrent comme dans un brasier tant de millions de victimes, dévastant des régions étendues et florissantes et entraînant dans la lutte fratricide beaucoup d’autres peuples non européens, ces représentants veulent établir une entente qui repose sur les principes clairs et fermes de droit International et mettre l’Europe — et le monde — à l’abri de la menace de nouvelles expériences de destruction et de mort, infiniment plus terrifiantes. En même temps, ils veulent tracer les lignes d’un début de coopération dans les divers domaines de l’activité humaine, de façon limitée mais concrète ; ils espèrent ainsi qu’une telle coopération, en consolidant la paix, concourra à multiplier avec plus d’intensité les échanges des valeurs qui forment la force spirituelle de l’Europe.

La Papauté, tout en étant investie d’une mission religieuse ouverte sur l’universel, a toutefois son siège en Europe ; par là même, elle est liée encore plus étroitement à l’histoire du continent. Aussi ne peut-elle s’empêcher de désirer ardemment que cette entreprise, poursuivie dans la fidélité aux engagements qui vont être signés, puisse produire des fruits prometteurs et tangibles. La reconnaissance de l’interdépendance de la sécurité entre les Etats, confiée aux engagements solennels du renoncement à l’emploi et à la menace de la force, du règlement pacifique des différends, de l’accomplissement en bonne foi des obligations internationales ; la résolution de développer des relations mutuelles correctes et amicales, basées sur le respect de la souveraineté légitime et des droits qui doivent être reconnus à chaque pays, de sa réalité humaine, politique, culturelle, sociale, en même temps que sur le respect de la libre volonté de son peuple pour déterminer ses propres institutions ; l’intérêt commun porté au développement de la coopération dans les domaines économique, scientifique, technique, social, culturel et humanitaire, tout cela suffirait par lui-même à donner le sens de l’engagement grave, délicat, difficile, dont veut s’inspirer la politique des Etats participants.

Nous disons des Etats, parce qu’ils sont la forme juridique des sujets des rapports internationaux, mais nous voudrions viser plus précisément les peuples qui forment la réalité vivante des Etats, leur raison d’être et le motif de leur action. Ces peuples de langues et de traditions diverses, qui composent l’Europe plutôt qu’ils ne la divisent, regardent avec une attention anxieuse les affirmations solennelles qui vont être souscrites. Il y a des centaines de millions d’hommes et de femmes, jeunes et vieux, qui aspirent à vivre des rapports toujours plus sereins, plus libres, plus humains, c’est-à-dire à jouir de la paix dans la justice ; ils désirent certainement se sentir rassurés par la garantie de la sécurité de chaque Etat, mais ils sont tout autant encouragés par la réaffirmation du respect des droits légitimes de l’homme et de ses libertés fondamentales. Parmi ces droits, le Saint-Siège se réjouit de voir soulignée de façon spécifique la liberté religieuse, tandis qu’il considère avec un intérêt non moins grand les chances de protection et de croissance humaine que de telles libertés signifient pour les individus, les communautés, les migrants, les groupes ethniques, les minorités nationales, les populations de toute région.

A juste titre on a pris particulièrement en considération la possibilité de faciliter les mouvements et les contacts entre les personnes et les institutions ou organismes. Puissent les personnes qui se déplaceront ainsi plus librement pour se rencontrer d’un pays à l’autre de l’Europe être toujours porteuses d’un message vivant et persuasif d’amitié et de paix, symbole et gage de la paix et de l’amitié entre leurs pays !

La paix en Europe, et la paix entre l’Europe et le monde entier ! Considérant leurs responsabilités historiques et celles qu’ils ont actuellement dans le contexte international, les pays d’Europe et, avec eux, les Etats-Unis d’Amérique et le Canada, se déclarent conscients du lien étroit qui existe entre la paix et la sécurité en Europe et celles du monde, avec une considération spéciale pour le bassin méditerranéen ; ils réaffirment aussi leur engagement de contribuer à résoudre, dans un esprit de vraie solidarité, les grands problèmes d’interdépendance et de coopération qui hantent la vie de la communauté internationale.

Tels sont nos espoirs, tels sont les souhaits que nous formons, au nom de Dieu, en vertu de la sollicitude que nous portons dans notre coeur pour la paix et pour la réconciliation entre tous les peuples.



Du Vatican, le 25 juillet 1975.



paulus PP. VI






29 août



MESSAGE DU SOUVERAIN PONTIFE AU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’UNESCO





A l’occasion de la IX° Journée Mondiale de l’alphabétisation, le St-Père a envoyé a M. Amadou Mahtar M’Bow, Directeur de l‘Unesco, le message suivant :



En cette dixième année après la Conférence de Téhéran qui a marqué le point de départ de l’action mondiale pour l’alphabétisation, Nous tenons à souligner d’une façon spéciale le rôle majeur joué en ce domaine depuis déjà de longues années par l’UNESCO, aussi bien dans la sensibilisation de l’opinion mondiale à la gravité de ce problème, que dans l’élaboration et la mise en oeuvre de programmes et moyens appropriés, efficaces et adaptés aux besoins de l’homme et du développement.

Nous vous redisons l’appui que le Saint-Siège ne veut cesser d’apporter à ces efforts. L’action pédagogique de l’Eglise tend en effet, à travers l’alphabétisation, à la formation intégrale de la personne et à sa promotion humaine et sociale, cherchant à intégrer ainsi l’individu, de manière consciente et responsable, dans la société à laquelle il appartient. De cette manière, il peut jouir de son droit à participer à la culture de son peuple, et il prend aussi conscience de sa propre mission dans la société.

Les instances responsables du monde catholique, en collaboration aussi avec leurs frères d’autres religions ou qui partagent d’autres convictions, ont déjà fourni une contribution de valeur au succès de cette noble campagne, grâce à des entreprises multiples, aussi variées qu’originales.

Ils ne manqueront pas, à l’occasion de cette neuvième Journée internationale de l’Alphabétisation, de redoubler d’efforts, avec un dévouement renouvelé, pour que l’alphabétisation soit reconnue comme une condition fondamentale de tout développement humain authentique et de tout progrès économique et social. Qu’il Nous soit aussi permis d’insister sur un aspect, particulier sans doute, mais d’importance croissante, de ces efforts : l’alphabétisation des travailleurs migrants.

Des travailleurs en nombre important se trouvent contraints, pour des raisons économiques, de quitter pour longtemps leur pays. Des mesures urgentes s’imposent pour leur permettre de participer pleinement d’abord à leur propre culture d’origine, ensuite pour s’insérer dans la vie sociale et professionnelle du pays hôte. Un réel effort d’alphabétisation sera souvent nécessaire pour atteindre l’un et l’autre de ces objectifs, faute de quoi les travailleurs migrants risquent de se trouver désemparés et à la merci des exploitations les plus diverses. Nous savons combien de générosités se sont déjà mobilisées dans ce domaine, mais il reste encore beaucoup à faire.

Certes, c’est aux nations elles-mêmes qu’il appartient de définir et de promouvoir l’alphabétisation par une politique appropriée. C’est avec une grande satisfaction que Nous voyons se développer en ce sens de multiples réalisations qui peuvent servir d’exemple et de modèle. Toutefois, le problème est vaste et nécessite la collaboration de tous, par delà les frontières culturelles et territoriales. La solidarité internationale invite à apporter, en particulier aux pays les moins favorisés, toute aide utile, qu’il s’agisse d’appuyer directement la réalisation de programmes bien déterminés, ou de partager des expériences permettant une amélioration des méthodes ou une évaluation exacte de leur mise en oeuvre. Nous connaissons et Nous apprécions l’action persévérante poursuivie en ce sens par l’UNESCO, et c’est pourquoi Nous suivons avec un intérêt particulier la réalisation des projets et des programmes établis pour les prochaines années afin de chercher à résoudre dans son ensemble le grave problème de l’alphabétisation dans le monde.

A l’occasion de la célébration de cette Journée internationale de l’Alphabétisation, Nous vous redisons nos voeux pour cette noble tâche qui s’inscrit si bien dans la mission spécifique de l’UNESCO et qui, par delà tant de douloureuses divisions, manifeste le souci commun de l’humanité d’assurer un plus authentique épanouissement de l’homme.



Du Vatican, le 29 Août 1975.



paulus PP. VI






20 septembre



LE MESSAGE DU SOUVERAIN PONTIFE POUR LA JOURNÉE MISSIONNAIRE MONDIALE





Missionnaires, hommes et femmes,



C’est à vous que nous adressons cette année notre habituel message de la « Journée Missionnaire », assuré que nous sommes d’être, ce faisant, l’interprète de toute l’Eglise catholique et très certain que vous, bien chers Fils et Filles dispersés sur toute la terre à cause de votre vocation, de votre « mission », qui est de diffuser dans le monde l’Evangile de Jésus-Christ, la religion de la Vérité et du salut, nous écouterez volontiers.

Notre message n’est pas seulement pour vous, Missionnaires hommes et femmes, mais à vous !



1. Nous voulons avant tout vous rappeler que cette année est l’Année Sainte, l’année du Jubilé, l’année de la pénitence, de la conversion, du pardon, de la purification, du retour à Dieu, de la conscience chrétienne, de la force des bonnes résolutions, de la paix intérieure. Pour résumer le sens et le but de cette année particulière et sainte, nous lui avons assigné une double finalité à la fois large et très simple, en la définissant l’année du renouveau et de la réconciliation ; renouveau voulons-nous dire, au sens religieux, spirituel, moral, idéal ; et réconciliation, c’est clair, avec Dieu, avec le Christ, avec l’Eglise et, autant que possible, avec tous les hommes, c’est-à-dire avec notre prochain, avec les personnes hostiles ou antipathiques, avec les ennemis de toute sorte (chose difficile, certes, mais voulue du Seigneur — cf Mt Mt 5,44 Mt 6,12 Mt 18,35 Rm 12,14 1Co 4,12 Ac 7,60 etc. ). Eh bien ! nous désirons que vous aussi, Fils éloignés dans l’espace mais d’autant plus proches à notre coeur, soyez spirituellement associés a cet événement de réveil religieux conscient et vigoureux, dans la foi et dans la grâce ; nous vous considérons tous comme étant présents.



2. Oui ! et aussi parce que, parmi les Pèlerins accourus à Rome pour le Jubilé de l’Année Sainte, nous avons vu, avec un immense plaisir et une grande émotion, des foules et des foules de Fidèles de vos missions. O quelle joie, quelle espérance nous ont apportées ces nouveaux Chrétiens, témoins vivants de votre intense labeur missionnaire. Nous avons béni le Seigneur, qui a étendu son règne à vos régions, ô braves et valeureux Missionnaires ; et nous vous félicitons et remercions pour ces fruits de votre apostolat ; que le Seigneur vous réconforte et vous bénisse !



3. Ainsi s’est ravivé en nous la pensée de votre activité missionnaire, bien plus de la situation missionnaire, nouvelle et difficile, dans laquelle vous vous trouverez souvent. Jadis, la grande difficulté qui faisait obstacle à l’oeuvre missionnaire était la pénétration au sein de régions, chez des peuples, dans des conditions d’extrême difficulté, de méfiance, d’hostilité, de périls devant les pas audacieux et inexpérimentés du Missionnaire; aujourd’hui, à ces obstacles s’en est ajouté un autre, peut-être encore plus grave, c’est la permanence en ces régions qui, réveillées à la conscience de la civilisation, de leur propre tradition indigène, quelle qu’elle soit, n’apprécient plus la présence et l’activité du Missionnaire étranger venu d’autres Pays et qui souvent est suspecté de colonialisme, regardé comme exploiteur, comme porteur d’une civilisation étrangère et dominatrice. Une conscience nationale est également née en beaucoup de territoires où travaillent les Missionnaires et où leur qualification n’est plus appréciée, comme si elle était contraire à ce qu’on appelle l’authenticité .des coutumes et de la religion, traditionnelles de la Population locale. D’où la grande objection, la grande opposition:! le Missionnaire n’est pas nécessaire, il n’est plus nécessaire. Cet obstacle revêt les formes les plus insidieuses, les plus radicales et, pour le Missionnaire, les plus pénibles, c’est-à-dire les formes de préjugés et de doctrines : souvent elles se traduisent en un langage païen et hérétique; plus souvent ingrat et hostile. L’Evangile ne nous re garde pas, disent en certaines régions les Indigènes ; il n’est pas indispensable, il n’est pas pour notre tradition, notre race ; l’époque des Missions est révolue !

Le Missionnaire pleure. Non pas tant pour le refus qu’on lui oppose à lui, mais au Christ. C’est le doute sur l’inutilité du sacrifice qu’il a fait de toute sa personne vie, famille, amour, profession, santé, patrie — tout serait inutile et tout est déprécié, tout est vain et rejeté ! La Mission est contestée dans son principe fondamental, dans sa raison d’être, dans son caractère de nécessité absolue, d’annonce heureuse et indispensable de la bonne nouvelle.



4. Nous voudrions, en ce retour de la Journée Missionnaire, avec la même conviction que vous — Missionnaires, hommes et femmes — avez déjà au coeur, vous confirmer dans la certitude de votre vocation : la Mission, c’est-à-dire l’annonce de l’Evangile à tous les peuples, n’est pas dépassée, n’est pas de soi facultative ; elle est fondée sur la théologie du salut, sur l’autorité perpétuellement affirmée de l’Eglise et sur la documentation récente et solennelle du Concile Vatican II. Non, hérauts chers et vénérés de l’Evangile auprès des Peuples non encore associés au Corps mystique du Christ qui est l’Eglise, votre choix n’est pas erroné, votre effort n’est pas vain, votre sacrifice, quel qu’en soit le résultat, n’est pas une faillite.



5. Nous voulons aussi vous dire, Fils et Filles, tous très chers dans le Christ, que vous n’êtes pas seuls. L’Eglise est avec vous. Oui, nous voulons espérer que toute l’Eglise catholique, en prenant connaissance de notre parole, voudra l’honorer en y adhérant. Nous sommes certain que notre voix aura un écho dans le coeur de chaque fidèle, au profit de nos Missions très aimées. C’est pourquoi nous nous adressons maintenant à nos Prêtres, spécialement à ceux qui ont charge d’âmes, aux Curés, aux Fidèles, à ceux qui réfléchissent davantage et comprennent mieux le mystère de la sainte Eglise de Dieu, aux contemplatifs, à ceux qui souffrent, aux âmes innocentes, pour implorer leur solidarité à l’égard de la cause missionnaire, leur compréhension, leurs sens des responsabilités, leur communion avec vous, Frères et Soeurs, qui, pour porter aux Peuples lointains le nom et le salut du Christ, vous êtes faits les agents de transmission, au nom de toute la communauté ecclésiale, d’une activité surprenante et gratuite, ignorée et héroïque, qui vous coûte un don de soi sans nulle réserve, l’activité missionnaire.



6. Aux Evêques, nos Frères dans la charge pastorale, nous nous adressons de façon spéciale, nous faisant l’avocat, humble mais autorisé, de votre cause, Missionnaires hommes et femmes, afin que, grâce à leur prière efficace, avec le sens de leur responsabilité universelle, avec les charismes de leur doctrine et de leur charité et aussi avec leur aide économique et matérielle généreuse, ils viennent toujours plus à votre secours. Eux connaissent et comprennent le moment actuel des Missions ; c’est un moment grave et urgent, comme l’est chaque moment de l’histoire de l’Eglise et de la civilisation, mais aujourd’hui le moment est particulier et peut-être décisif pour la vie et l’expansion de nos Missions ; oui, à celles-ci s’opposent de nouveaux et parfois insurmontables obstacles, mais en même temps s’ouvrent et même toutes grandes de nouvelles portes pour une présence missionnaire consacrée à l’éducation et à l’assistance, présence qui d’elle-même constitue un témoignage évangélique et pourra devenir demain un ministère religieux.

Et voici que notre exhortation se dirige, avec une paternelle instance, vers les Supérieurs et Supérieures des Familles religieuses, pour qu’ils veuillent conserver et intensifier leur intérêt pour les Missions, visant particulièrement à vous prodiguer, à vous Missionnaires hommes et femmes qui êtes déjà dans les lignes les plus avancées de l’évangélisation, ce qu’ils ont, eux et elles, de plus précieux, à savoir: de nouvelles vocations, de nouveaux Frères et de nouvelles Soeurs, qui viendront soutenir et étendre l’efficacité de votre labeur.



7. Pourtant, les problèmes missionnaires ne sont pas ainsi épuisés, ni les vôtres à vous qui militez aux frontières de l’Eglise, ni les nôtres à nous des lignes arrières qui formons le champ de l’Eglise déjà constituée et vivante de la tradition.

Voulons-nous être attentifs aux deux situations, la vôtre et la nôtre, avec un regard ouvert et courageux ? Les deux situations ont un besoin commun : celui de la conscience missionnaire, que l’Eglise a développé ces derniers temps et que le Concile a traduit en termes théologiques et modernes. Il s’agit maintenant d’approfondir cette doctrine missionnaire pour y découvrir la racine même du plan divin de salut ; c’est la doctrine essentielle et vitale, non seulement complémentaire et facultative c’est l’effort normal et infatigable que le Peuple de Dieu, l’Eglise, doit accomplir pour réaliser le programme qui la définit : être apostolique et universelle.

Puis les tâches se différencient: la vôtre, celle de la Mission locale est un problème complexe de méthode pour savoir comment fonder, faire croître la jeune communauté ecclésiale ; la nôtre, destinée au soutien des Missions, est principalement un problème d’hommes et de moyens : comment recruter et former des Missionnaires ? comment subvenir à leur besoins, leur donner les possibilités d’action et de développement ? Eh bien ! vous, nous, l’Eglise tous ensemble avons conscience des énormes problèmes qu’il nous faut ainsi résoudre ; mais ces problèmes, vus dans la lumière du Christ en laquelle ils se posent et croissent jusqu’à l’invraisemblance, loin de nous épouvanter, nous remplissent d’énergie et d’imagination pour les résoudre, quand la confiance en la Providence nous soutient, quand votre exemple, Frères et Soeurs dans les Missions, nous exhorte et nous stimule et quant ici, dans les communautés ecclésiales constituées, dans nos l’Eglises, résonne la prodigieuse parole du Seigneur : « Toutes les fois que vous avez fait du bien à l’un de ces plus petits de mes frères (...Jésus parle ainsi de vos fidèles possibles), c’est à Moi-même que vous l’avez fait » (Mt 25,40).

Chers Missionnaires hommes et femmes ! ce sont ces paroles (ou d’autres équivalentes) que dans toutes nos Eglises, à l’occasion de la « Journée Missionnaire » nous ferons encore retentir par fidélité au Christ Seigneur et à cause de l’affection que nous vous portons en son Nom.

Ayez confiance ! L’Eglise est avec vous !

Et à vous tous va la bénédiction du Pape, votre ami, votre serviteur.



paulus PP. VI






18 octobre



LES VÉRITABLES ARMES DE LA PAIX





C’est à vous, les hommes d’Etat !



A vous, les représentants et les promoteurs des grandes institutions internationales !



A vous les hommes politiques ! A vous, les experts des problèmes communautaires internationaux, à vous, les publicistes, les artisans, les sociologues et les économistes des rapports entre les peuples !



A vous, les citoyens du monde, fascinés par l’idéal d’une fraternité universelle, ou déçus et sceptiques quant à la possibilité d’établir des relations d’équilibre, de justice et de collaboration entre les nations !



Et à vous pour finir, les disciples de religions génératrices d’amitié entre les hommes ; à vous, les chrétiens, et à vous, les catholiques, qui faites, de la paix dans le monde, un principe de votre foi et un terme pour votre amour universel !



C’est a vous qu’en cette année 1976 Nous osons respectueusement Nous présenter comme les années passées, avec notre message de paix.

Une invitation précède ce message : écoutez-le, soyez courtois, soyez patients. La grande cause de la paix mérite votre écoute, votre réflexion, même s’il peut sembler que Nous nous répétons sur ce thème qui revient à l’aube de l’an neuf ; et même si vous, qui en ces choses êtes bien instruits par vos études et peut-être davantage encore par vos expériences, vous pensez tout savoir désormais au sujet de la paix dans le monde.

Il vous intéressera sans doute néanmoins de connaître nos sentiments spontanés, appuyés sur les leçons de l’histoire dans laquelle nous sommes tous immergés, à propos de ce thème lancinant de la paix.

Nos premiers sentiments en la matière sont de deux ordres, et ils discordent l’un de l’autre. Par-dessus tout, Nous voyons avec satisfaction et avec espérance progresser l’idée de la paix. Elle grandit en importance et en dimension dans la conscience de l’humanité ; avec elle se développent les structures nécessaires à l’organisation de la paix ; les célébrations qui engagent et les célébrations plus académiques en sa faveur se multiplient ; les moeurs évoluent dans le sens indiqué par la paix : voyages, congrès, réunions, échanges commerciaux, études, amitiés, collaborations, secours... La paix gagne du terrain. La Conférence d’Helsinki, en juillet-août 1975, est un événement qui donne des espoirs dans ce sens.

Mais dans le même temps Nous voyons malheureusement se manifester des phénomènes contraires au contenu et au but de la paix. Ces phénomènes progressent eux aussi, même s’ils en restent souvent à l’état latent. Ils recèlent les symptômes indubitables de conflagrations naissantes ou à venir. Ainsi renaît par exemple, avec le sens national qui est une expression légitime et souhaitable de la communion polyvalente d’un peuple, le nationalisme : en accentuant le sens national jusqu’à des formes d’égoïsme collectif et d’antagonisme exclusiviste, il fait ressurgir dans la conscience collective des germes dangereux et même explosifs de rivalités et de compétitions bien probables.

La dotation en armements de tout genre croît jusqu’à la démesure dans chaque pays, et cet exemple fait frémir. Nous soupçonnons non sans raison que le commerce des armes arrive souvent au premier rang sur les marchés internationaux, grâce à ce sophisme obsédant selon lequel la défense, même envisagée comme simplement hypothétique et potentielle, exige une course toujours plus disputée aux armements qui, seulement dans leur équilibre d’opposition, peuvent assurer la paix.

Mais cette énumération des facteurs négatifs qui corrodent la stabilité de la paix n’est pas complète. Pouvons-Nous appeler pacifique un monde radicalement divisé par des idéologies irréductibles, puissamment et férocement organisées, qui se partagent les peuples et, lorsque la liberté leur en est laissée, les subdivisent à l’intérieur de leurs entités en factions, en partis, qui trouvent raison d’être et d’agir dans le fait d’intoxiquer leurs troupes par la haine invincible et la lutte systématique à l’intérieur même de ce tissu social ? Le caractère apparemment normal des situations politiques semblables ne parvient pas à cacher la tension exercée par le bras de fer qui est derrière, prêt à briser l’adversaire à peine celui-ci trahira-t-il un signe de faiblesse fatale. Est-ce cela la paix ? Est-ce cela la civilisation ? Est-ce bien un peuple, cet agglomérat de citoyens opposés les uns aux autres jusqu’aux conséquences extrêmes ?

Et où est la paix, dans les foyers de conflits armés, ou de conflits à peine contenus par l’impuissance d’explosions plus violentes ? Nous suivons avec admiration les efforts en cours pour éteindre ces foyers de guerre et de guérilla, qui depuis des années désolent la surface du globe, et qui à tout moment menacent de dégénérer en des luttes gigantesques à l’échelon des continents, des races, des religions, des idéologies sociales. Mais Nous ne pouvons pas Nous cacher la fragilité d’une paix qui n’est qu’une trêve à ces conflits futurs évoqués plus haut, ni l’hypocrisie d’une tranquillité dont l’aspect pacifique ne se définit que par de froides paroles de réciprocité simulée et respectueuse.

La paix, Nous le constatons, dans la réalité historique demande des soins constants ; par nature sa santé est précaire, car il s’agit de l’établissement de rapports entre des hommes violents et volubiles ; elle demande un effort continu et sage de cet art créatif supérieur que l’on appelle diplomatie, ordre international, dynamique des pourparlers. Pauvre paix ! Quelle sont alors tes armes ? La peur de conflagrations inouïes et fatales qui pourraient décimer, voire anéantir l’humanité ? La résignation à un certain état de domination subie, comme le colonialisme, l’impérialisme ou la révolution qui, de violente, est devenue inexorablement statique et terriblement auto-conservatrice ? Les armements préventifs et secrets ? Une organisation capitaliste, c’est-à-dire égoïste, du monde économique, obligé par la faim à se contenir dans la soumission et la tranquillité ? L’enchantement, fait de narcissisme, d’une culture historique présomptueuse et persuadée de la pérennité de son destin triomphant ? Ou bien les magnifiques structures établies en vue de rationaliser et d’organiser la vie internationale ?

Une paix bâtie uniquement sur de tels fondements est-elle suffisante, est-elle sûre, est-elle féconde, est-elle heureuse ?

Il faut plus que cela. Tel est notre message. Il faut avant tout donner à la paix d’autres armes que celles destinées à tuer et à exterminer l’humanité. Il faut surtout les armes morales, qui donnent force et prestige au droit international, à commencer par l’observation des pactes. Pacta sunt servanda ; cet axiome conserve toute sa valeur pour qui veut la solidité des rapports entre les Etats, la stabilité de la justice entre les nations, la conscience honnête des peuples. La paix en fait son bouclier. Et si les pactes ne reflètent par la justice ? Voici alors l’apologie des nouvelles Institutions internationales, médiatrices de consultations, d’études, de délibérations, qui doivent absolument exclure ce qu’on appelle les voies de fait, c’est-à-dire le déchaînement de forces aveugles qui entraînent toujours des victimes humaines innocentes et des ruines sans nombre tandis qu’elles atteignent rarement le vrai but : revendiquer effectivement une cause vraiment juste. Les armes, les guerres en un mot, sont à exclure des programmes de la civilisation. Le désarmement judicieux est une autre armature de la paix. Comme le disait le prophète Isaïe : « Il exercera son autorité sur les nations et sera l’arbitre de peuples nombreux, qui de leurs épées forgeront des socs, et de leurs lances des faucilles » (2, 4). Ecoutons aussi la parole du Christ : « Rengaine ton glaive; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive » (Mt 26,52).

Utopie ? Pour combien de temps encore ?

Nous entrons ici dans le domaine futuriste de l’humanité idéale, de l’humanité nouvelle à engendrer, à éduquer; de l’humanité débarrassée de ses lourdes et meurtrières armatures militaires, mais d’autant plus revêtue de principes moraux qui sont devenus comme une seconde nature et la fortifient. Ces principes existent déjà, à l’état théorique ; mais ils sont pratiquement infantiles, faibles et encore délicats ; ils ne font que commencer à pénétrer dans la conscience profonde et opérante des peuples. Leur faiblesse, qui paraît inguérissable au diagnostic dit réaliste des études historiques et anthropologiques, vient spécialement du fait que le désarmement militaire devrait être commun et général pour ne pas constituer une erreur impardonnable, conséquence d’un optimisme impossible et d’une naïveté aveugle, tentation pour la violence d’autrui. Ou bien le désarmement est le fait de tous, ou bien c’est un délit de manque de défense : dans l’exemple de la communauté humaine historique et concrète, le glaive n’a-t-il pas sa raison d’être, pour la justice, pour la paix (cf. Rm Rm 13,4) ? Si, Nous devons bien l’admettre. Mais le monde n’a-t-il pas vu naître en lui une force transformatrice, une espérance qui n’est plus invraisemblable, un progrès nouveau et effectif, une histoire future et rêvée qui peut se faire présente et réelle, depuis que le Maître, le Prophète du Nouveau Testament a proclamé la décadence d’un mode de vie archaïque, primitif, instinctif, et a annoncé, avec des paroles qui ont en elles-mêmes le pouvoir non seulement de dénoncer et d’annoncer, mais aussi d’engendrer, à certaines conditions, une humanité nouvelle : « N’allez pas croire que je sois venu abolir, mais accomplir... Vous avez appris qu’il a été dit aux ancêtres : Tu ne tueras point ; et si quelqu’un tue, il en répondra au tribunal. Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal... » (Mt 5,17 Mt 5,21-22) ?

Ce n’est plus une simple utopie, naïve et dangereuse. C’est la nouvelle Loi de l’humanité qui progresse et qui arme la paix d’un principe inouï : « Tous vous êtes des frères » (Mt 23,8). Si la conscience de la fraternité universelle arrive à pénétrer vraiment le coeur des hommes, auront-ils encore besoin de s’armer au point de devenir assassins aveugles et fanatiques de leurs propres frères, innocents en soi, et de perpétrer, en hommage à la paix des massacres d’une violence incroyable comme à Hiroshima le 6 août 1945 ? Notre époque, d’ailleurs, n’a-t-elle pas eu un exemple de ce que peut faire un homme faible, armé seulement du principe de la non-violence, Gandhi, pour faire accéder une nation de centaines de millions d’êtres humains à la liberté et à la dignité de Peuple nouveau ?

La civilisation avance à la suite d’une paix armée seulement d’un rameau d’olivier. Et derrière elle suivent les Docteurs, avec les lourds volumes sur le droit évolutif de l’humanité idéale ; puis les hommes politiques, experts non pas tant dans l’art de calculer les forces armées nécessaires pour gagner des guerres et dominer des hommes vaincus et humiliés, mais experts quant aux ressources de la psychologie du bien et de l’amitié. La justice, elle aussi, suit le cortège serein ; elle n’est plus fière ni cruelle, mais cherche uniquement à défendre les faibles, à punir les violents, à assurer un ordre, extrêmement difficile certes, mais l’unique qui puisse porter ce nom divin : l’ordre dans la liberté et dans le devoir conscient.

Réjouissons-nous : ce cortège, même s’il est troublé par des attaques obstinées et par des incidents inattendus, avance sous nos yeux, en ces temps tragiques, d’un pas peut-être un peu lent mais sûr et bénéfique pour le monde entier. C’est un cortège décidé à employer les véritables armes de la paix.

Ce Message doit avoir aussi sa conclusion pour les disciples de l’Evangile, au sens propre et au service de ce dernier. Une conclusion qui nous rappelle combien le Christ notre Seigneur est explicite et exigeant sur ce thème de la paix, une paix qui se passe de tout instrument, armée seulement de bonté, d’amour.

Le Seigneur en arrive à des affirmations, comme chacun sait, qui semblent paradoxales. N’ayons pas peur de retrouver dans l’Evangile les règles d’une paix que nous pourrions dire « renonciatrice ». Rappelons par exemple : « A qui veut te citer en justice et te prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau » (Mt 5,40). Et puis, cette interdiction de se venger n’affaiblit-elle pas la paix? Bien plus, n’aggrave-t-elle pas, au lieu de la défendre la condition de l’offensé ? « Quelqu’un te gifle-t-il sur la joue droite, tends-lui encore l’autre » (Mt 5,39). Par conséquent pas de représailles, pas de vengeance (surtout si elles sont accomplies à titre préventif, allant au devant d’offenses non reçues !). Que de fois dans l’Evangile nous est recommandé le pardon, non pas comme un acte de lâche faiblesse ou d’abdication devant les injustices, mais comme un signe de charité fraternelle, érigée en condition du pardon de Dieu, pardon bien plus généreux et pour nous nécessaire (cf. Mt Mt 18,23 et ss. ; 5, 44 ; Mc 11,25 Lc 6,37 Rm 12, 14, etc. ) !

Rappelons l’engagement pris par nous à l’indulgence et au pardon, que nous demandons à Dieu, dans le « Notre Père », en posant nous-mêmes la condition et la mesure de la miséricorde désirée : « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » (Mt 6,12).

Ainsi pour nous aussi, qui sommes à l’école du Christ, voilà une leçon à méditer encore, à appliquer avec un courage confiant.

La paix s’affirme seulement par la paix, celle qui n’est pas séparable des exigences de la justice, mais qui est alimentée par le sacrifice de soi, par la clémence, par la miséricorde, par la Charité.






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