Discours 1977 14

INTEGRER LE TRANSCENDANT DANS L’EFFORT QUOTIDIEN



Le Pape reçoit les Évêques Espagnols de la province de Saint Jacques de Compostelle



Nous éprouvons une grande joie de vous voir ici, vénérables et chers frères dans l’épiscopat, vous qui nous apportez la proximité de vos fidèles de la province ecclésiastique de Santiago de Compostelle, auxquels nous unissons ceux du diocèse de Pampelune et de Cuenca.

Nous savons que cette rencontre, point central de votre visite ad limina, a été retardée par une nécessité : l’assistance pastorale des nombreux pèlerins de l’année « Saint Jacques de Compostelle ». C’est un événement ecclésial important dont l’écho résonne bien au-delà des frontières de la Galicie ou de l’Espagne.

Il s’agissait d’une manifestation de foi qui a honoré à juste titre la mémoire de l’apôtre Jacques lui qui a été si intimement associé à l’histoire religieuse et civile de l’Espagne catholique. Une fois de plus nous avons eu le spectacle consolant d’une religiosité profonde et du vif désir d’intégrer le transcendant dans l’effort quotidien tendu vers un progrès croissant. Puissent ainsi s’unir le respect d’une tradition séculaire qui a inscrit tant de gloires dans les annales de la vie religieuse et la vie d’une actualité pleine d’espérance. Dieu veuille encourager vos fidèles et faire d’eux non seulement les héritiers du passé mais encore les créateurs d’un avenir riche de spiritualité, dense des meilleures valeurs humaines, expression d’un homme nouveau dont le projet vise le plus parfait en regardant vers Dieu.

Ces moments sont trop brefs pour nous permettre de dire tout ce que nous voudrions. Mais il est au moins une recommandation que nous tenons à vous faire très chaleureusement : ayez un soin tout particulier de vos prêtres et des âmes consacrées, aidez-les a maintenir bien ferme leur identité et à les inciter à l’union en évitant scrupuleusement tout ce qui pourrait les diviser. Soyez aussi très attentifs à promouvoir des vocations.

Avec nos encouragements pour votre précieuse tâche d’Eglise, portez le souvenir cordial du pape, qui pense à vous, à tous les membres de vos communautés ecclésiales respectives ; Il prie également pour tous en les bénissant avec affection.






19 février



LE DROIT CANON EST UN INSTRUMENT PASTORAL



15 Paul VI aux participants du Congrès de l’Université Grégorienne

L’Université Grégorienne a célébré du 14 au 19 février le centième anniversaire de sa Faculté de Droit Canon. Le samedi 19, le Pape Paul VI a reçu en audience les participants à ce Congrès anniversaire auxquels s’étaient joints des étudiants de l’Université Grégorienne. Après avoir reçu une adresse d’hommage du Père Pedro Arrupe, préposé général de la Compagnie de Jésus, vice-grand chancelier de cette Université, le Pape s’est adressé aux congressistes en latin. Voici la traduction de son discours :



Chers Fils,



D’un coeur largement ouvert, nous recevons vos salutations et nous vous les rendons, dans la joie de vous voir rassemblés, en rangs serrés pour ainsi dire, dans cette bonne ville de Rome, vous, les experts en droit canon, qui venez pour rendre hommage à la Faculté de Droit, en pleine activité dans notre Université Grégorienne et qui fêtez le centenaire de son institution. Et nous ne voulons pas oublier ceux qui, comme enseignants ou comme étudiants — sous la conduite du Recteur Magnifique — vous ont accompagnés pour témoigner obéissance et considération au successeur du bienheureux Pierre.

Que votre initiative soit féconde et qu’elle réussisse, nous voulons parler de votre Congrès actuel qui vous permet de rappeler le souvenir anniversaire de cet événement et de vous efforcer de situer en pleine lumière l’oeuvre d’une investigation infatigable et plus profonde d’une doctrine d’où ont découlé tant d’applications utiles pour l’Eglise.

Bien que nous n’ayons pas à retracer complètement chacun des événements qui ont rempli l’histoire d’un seul siècle, car cela concerne la Faculté elle-même, qu’il nous soit cependant permis de proférer la louange d’une seule personne, c’est-à-dire de rappeler le nom de François Xavier Wernz qui a beaucoup contribué à la rédaction du droit canon, dont il a été pour ainsi dire le porte-drapeau par son oeuvre qui a pour titre Jus Decretalium.

Ce n’est pas non plus notre intention d’aborder les sujets dont vous avez discuté et qui, on le sait, sont d’une importance peu commune à notre époque. Mais nous voulons appeler votre attention sur un aspect qui regarde la nature du droit canon, c’est-à-dire sa dimension pastorale.

Nous-mêmes, en différentes occasions où nous avons eu à parler du droit de l’Eglise, nous remarquons que le Concile Vatican II, loin de rejeter la loi canonique, « bien au contraire, la réclame vigoureusement comme la conséquence qui provient nécessairement de la puissance que le Christ a confiée à son Eglise et comme l’élément qui correspond à la nature sociale et visible, communautaire et hiérarchique de cette Eglise » (Cf. Allocution adressée à ceux qui, à l’Université Grégorienne, ont pris part « au cours de renouveau canonique pour les juges et autres ministres des tribunaux », 14 décembre 1973 : AAS LXVI, 1974, p. 11.).

En outre, ce droit a un caractère surnaturel puisqu’il est propre à l’Eglise « qui se construit par la parole et les sacrements » (Allocution adressée à ceux qui, à l’Université Grégorienne, ont pris part « au cours de renouveau canonique pour les juges et autres ministres des tribunaux », 13 décembre 1972 : AAS LXIV, 1972, p. 781.) ; c’est dire qu’il a été élaboré par l’Eglise, avec l’aide de l’Esprit Saint, qui ne cesse de l’animer elle-même et ses institutions ainsi que sa vie et sa conduite.

« Car si — comme nous l’avons dit il y a quatre ans aux membres du Tribunal de la Sacrée Congrégation romaine de la Sacra Romana Rota — les lois canoniques s’appuient sur le Christ Jésus, Verbe incarné, comme sur leur fondement et sont ainsi les signes et les instruments du salut, cette opération doit être attribuée entièrement à l’Esprit Saint qui leur donne force et énergie. De cette façon, donc, il faut que les lois soient telles qu’elles manifestent la vie de l’Esprit, qu’elles reflètent l’image du Christ. C’est pourquoi elles sont un lien de communion, un droit missionnaire, un instrument de la grâce, le véritable droit de l’Eglise » (Cf. Allocution adressée aux Auditeurs et aux Fonctionnaires du Tribunal de la Sacra Romana Rota, 8 février 1973 : AAS LXV, 1973, p. 98.). C’est pourquoi la loi canonique, (outre le fait qu’elle est une sorte de manifestation, au point que, sans le droit canon, la communion elle-même ne pourrait pas se réaliser effectivement) est également l’instrument efficace et vital de l’Eglise pour qu’elle puisse remplir sa mission.

C’est justement dans cet ordre des choses que réside la considération de la fonction pastorale du droit canon ; « Le droit, en effet, est de sa nature, pastoral puisqu’il est la manifestation et l’instrument d’une fonction apostolique ainsi qu’un élément constitutif de l’Eglise du Verbe Incarné » (Cf. Allocution adressée aux prélats Auditeurs et Fonctionnaires du Tribunal de la Rota, 8 février 1973 : AAS LXV, 1973, p. 98.). La pastorale — si nous laissons de côté le mauvais usage que l’on peut faire de ce mot ou son usurpation défectueuse — n’est rien d’autre que le service salvifique qu’exercé l’Eglise, service qui s’appuie sur une volonté salvifique de Dieu. C’est en effet ce service que Dieu a confié à l’Eglise et il s’accomplit en elle, par l’action de l’Esprit Saint, comme une continuation de l’oeuvre pascale et eschatologique du Christ.

16 C’est pourquoi l’Eglise n’existe que pour être comme le sacrement, c’est-à-dire un signe efficace, par lequel les hommes peuvent s’unir à Dieu (Cf. Constitution dogmatique Lumen Gentium, LG 1 Lumen Gentium, ). Donc tout ce qui est en elle vise à ce que soit poursuivi ce but qui doit être considéré comme la loi suprême de tout l’ordre ecclésiastique ; pour cette raison les pouvoirs, les charges et les fonctions qu’il y a à exercer dans l’Eglise deviennent des services et des fonctions pastorales, et précisément « le soin habituel et quotidien des brebis » (Ibidem, 27.).

Donc, le droit canonique (qui bien souvent transcrit le droit divin) puisqu’il régit par ses normes les institutions qui visent le salut, dispose la juste ordonnance des pouvoirs, administre les secours de la grâce, définit et protège les droits et les devoirs des fidèles soit entre eux soit à l’égard de la communauté, il procure donc déjà, de notre temps, un terrain fécond de zèle apostolique c’est-à-dire un ordre social juste, dans lequel non seulement il est possible d’atteindre le but suprême mais où on l’atteint en vérité.

Nous avons dit ailleurs: « Les institutions de l’Eglise, qui sont perfectibles, doivent tendre à communiquer la grâce divine et, selon le don et la fonction de chacun, à promouvoir le bien des fidèles qui est la fin première de l’Eglise. Et cette fin sociale, le salut des âmes, est proposée comme fin suprême aux institutions, au droit, aux lois (Cf. L’Osservatore Romano, 17-18 septembre 1973 : AAS LXV, 1973, p. 97.). Il s’ensuit qu’une action pastorale vraiment efficace ne peut être offerte que si elle trouve un appui solide dans la sage ordonnance des statuts juridiques » (Allocution adressée à ceux qui, à l’Université Grégorienne, ont pris part « au cours de renouveau canonique pour les juges et autres ministres des tribunaux », 14 décembre 1973 : AAS LXVI, 1974, p. 12.).

Cependant le caractère pastoral du droit canon ne peut en aucune façon être limité par cette seule considération ; selon les cas, par conséquent, la médiation salvifique, confiée à l’Eglise, doit être également attentive aux conditions concrètes, socio-culturelles et spatio-temporelles, comme on dit, dans lesquelles vivent les hommes. D’ailleurs la loi, de sa nature propre, « ne considère que les généralités ».

C’est pourquoi, en droit canonique, la question pastorale se présente et ceci par équité ; Hostensius définit cette qualité par les mots suivants qui ont reçu la plus large approbation : « la justice tempérée par la douceur de la miséricorde » (Summa Aurea, libre V De disp.). Et en effet l’équité, en droit canonique, préside aux normes à appliquer aux cas concrets — le regard toujours fixé sur le salut des âmes — et se change en bonté, en miséricorde, en une charité pastorale qui ne réclame pas une rigide application de la loi mais qui cherche le véritable bien des fidèles. C’est vraiment cet esprit qui oriente la loi canonique et qu’il n’est pas difficile de déceler dans les très larges facilités qui sont accordées aux pasteurs et aux juges pour les exercer selon leur discrétion et leur jugement. En ce qui concerne la révision du Code, ce principe ou norme directrice est d’un grand poids : « Dans les lois du Code de droit canon doit briller un esprit de charité, de tempérance, d’humanité et de modération ; ce sont autant de vertus surnaturelles qui distinguent nos lois d’un quelconque droit humain ou profane » (Communicationes, 1, 1969, p. 79.).

C’est ce désir et cette inclination de l’esprit que nous remarquons chez un expert en droit canon, droit qui de son temps était une discipline classique, selon l’appellation admise, nous voulons parler de Jean André, un laïc, dont nous rapportons volontiers les paroles : « Le droit canon est une sorte d’explication du droit divin, il importe donc que l’un et l’autre tendent à la même fin. Le bien commun, pourtant, ainsi acquis ne peut être nourri, conservé ou promu par la justice légale seule... mais ce bien requiert, en plus, une sorte d’amitié céleste sans laquelle il est impossible à un homme de tendre vers Dieu ». Et cet auteur conclut : « C’est pourquoi de même que la principale vertu à laquelle le droit civil s’efforce de conduire est la justice légale elle-même, ou l’amitié civile, ainsi la principale vertu vers laquelle tend le droit canonique est cette amitié céleste que nous appelons la charité » (In fit. de reg. iuris. Commentarii (vulgairement insignes) ; édité à Lyon 1551, f. 165 ra.).

Mais cependant l’accent, mis à juste titre sur la charité, qui est la fin et l’esprit du droit, ne doit pas amener à concevoir une fausse notion qui énerverait et viderait les lois de toute force. Le premier service pastoral, qu’on appelle diaconia juris, la diaconie du droit, consiste en ce que le droit soit un véritable droit. C’est seulement s’il est tel qu’il pourra répondre aux désirs pastoraux, dans son propre domaine.

Comme chacun sait, entre l’esprit et le devoir, entre l’amour et la loi, il naît parfois des discordances — on appelle cela d’un mot nouveau une polarité — qui alors peuvent même se transformer en une tension. Ceci n’est pas une réalité étrangère à l’Eglise qui chemine sur la terre. Mais si cela s’aggrave ou — ce qui est pire — si l’on cherche une fausse solution qui fait que l’on abolit la loi pour, de cette façon, obtenir, pense-t-on, une plus grande efficacité, il faut imputer cela à l’ignorance selon ce qu’a proclamé Hostiensus, que nous avons déjà cité : « Beaucoup... réprouvent et blasphèment ces lois, la loi humaine et la loi canonique, car, selon Boethius, les ennemis de l’art sont aussi nombreux que ceux qui l’ignorent » (Commentaria in quinque decretalium libros (commentaires sur les cinq livres des Décrétales), édités à Venise, 1581, vol. 1, f. 11 Orb, n. 7.). Le droit, en effet, n’est pas un obstacle, mais un instrument de la pastorale ; il ne tue pas, il donne la vie. Sa principale fonction n’est pas de réprimer ou d’écraser, mais de stimuler, de promouvoir, de protéger et de garantir un espace de vraie liberté, comme l’a enseigné autrefois un sage de l’antiquité : « Nous sommes tous les serviteurs des lois pour pouvoir être libres » (M. Tullius Cicéron, Pro Cluentio, I.).

Chers Fils ! Nous vous proposons ces quelques considérations, qui, nous le savons bien, n’ont pas examiné le sujet dans toutes ses dimensions ; celui-ci est ouvert à une recherche plus profonde puisque notre temps semble être fertile en études du droit canon; et c’est grâce à ce labeur actif, constant, caché mais fructueux que naît le nouveau Code.

C’est donc vous, qui vous appliquez à cette discipline du droit canon comme à un art spécifique, que nous exhortons paternellement à porter votre attention sur l’essentiel que nous avons exposé : c’est ainsi que, dans le respect du service de l’Eglise, le droit canon apparaîtra dans toute son ampleur et dans toute sa fécondité.

Avec amour, nous vous accordons à tous et à chacun notre Bénédiction Apostolique.






21 février



GARDER CONFIANCE MÊME DANS LES SITUATION DIFFICILES



17 Le Pape reçoit les Evêques de la Campanie (Italie)



Monsieur le Cardinal et Vénérés Confrères de la Campanie.



Bénissons et remercions de tout coeur le Seigneur qui nous fait aujourd’hui le don de cette rencontre, et qui nous fait voit ici réunis devant nous les très dignes pasteurs de la région de la Campanie. Votre présence nous rappelle le souvenir d’une terre qui, en plus des merveilleuses beautés et des ressources dont elle a été privilégiée par la nature — cette « Campanie heureuse » des anciens — peut se vanter d’un très riche patrimoine de traditions morales et religieuses ; c’est ce patrimoine que vous êtes tenus de conserver, de défendre, de renouveler et d’élargir.

Nous sommes donc heureux de vous exprimer personnellement notre gratitude et de vous dire la satisfaction avec laquelle nous suivons l’oeuvre pastorale que vous accomplissez dans un esprit de collaboration fraternelle exemplaire.

Nous connaissons les difficultés et les graves problèmes que votre zèle doit affronter au moment où votre région, comme d’ailleurs les autres régions d’Italie, subit le choc provoqué par la rapide transformation des anciennes structures économiques et sociales. Comme vous le savez, ces mutations ne concernent pas seulement l’aspect extérieur de la Campanie et elles ne s’opèrent pas sans provoquer de douloureux déséquilibres dans les coutumes et dans la vie religieuse de vos populations, avec également, des répercussions négatives sur la discipline ecclésiastique elle-même. Ceci indique combien lourde est devenue aujourd’hui la masse des responsabilités qui pèsent sur l’évêque qui peut dire avec saint Paul : « Qui est faible, que je ne sois faible ? Qui vient à tomber qu’un feu ne me brûle ? (
2Co 11,29). Ceci dit assez, chers confrères « associés dans l’épreuve » que vous avez grand besoin d’être encouragés, d’être exhortés à la confiance.

Oui, la confiance. Celle qui n’ignore ni les difficultés du temps présent, ni les déceptions qui peuvent toucher notre optimisme. Mais ce serait ne pas voir ou mal interpréter les nombreux « signes des temps » si l’on ignorait tous les ferments généreux et les nobles aspirations de la génération présente qui se révèlent au milieu du tumulte des inquiétudes et des agitations actuelles, et qui semblent annoncer un avenir meilleur; certes nous ne serions pas de fidèles disciples du divin Maître si nous n’étions pas capables, « espérant contre toute espérance » (Rm 4,18) de garder confiance même dans les situations les plus difficiles.

Confiance donc. Et ainsi nous passons des choses aux personnes pour nous arrêter un instant sur certains secteurs qui réclament le plus vos efforts.

Et avant tout la question des prêtres. Ils sont vos premiers et indispensables collaborateurs ; ils sont, avec vous, les plus directs « dispensateurs des mystères de Dieu » (2Co 4,1), c’est-à-dire de la parole, de la grâce, de la charité pastorale. Il faut que vous les aimiez toujours plus, toujours mieux. Il n’y a aucune autre occupation de l’évêque qui permette un plus fructueux emploi du temps, du coeur, de l’activité que la formation, l’assistance, l’écoute, l’orientation, les conseils, l’encouragement de son clergé. Efforcez-vous donc le plus possible de rendre les Conseils presbytéraux consistants et fonctionnels, comme le veut le Concile ; c’est par la prudence, la charité et une compréhension paternelle qu’on peut le mieux prévenir toute attitude indisciplinée du clergé. Occupez-vous de leurs besoins spirituels et matériels ; mettez tous vos soins dans le recrutement et la formation des élèves de vos séminaires ; veillez également à associer selon leurs aptitudes et leurs possibilités les religieux et les religieuses à l’action pastorale. Tout cela ne manquera pas de donner les fruits voulus quand le moment sera venu.

Puis, frères vénérés, nous signalons à votre zèle pastoral les organisations catholiques. C’est un point d’une urgence extrême et vous en êtes tous, du reste, parfaitement conscients. En particulier nous désirons que l’Action catholique reprenne vigueur, qu’elle acquière une nouvelle capacité d’attraction pour les âmes généreuses, les esprits jeunes et forts, les hommes et les femmes de pensée et d’action, tous ceux qui désirent pouvoir animer chrétiennement la société. Aujourd’hui plus que jamais, l’Action catholique est appelée à apporter son irremplaçable contribution à la défense et à la promotion des valeurs chrétiennes.

Il faut toutefois donner aux membres des ces organisations catholiques une formation spirituelle authentique, forte, profonde, sereine. Il ne faut pas, à ce propos, avoir peur d’exagérer car ces caractéristiques ont toujours été les leurs et c’est de là que découle leur force. Vous ne pourrez jamais avoir dans vos associations des chrétiens forts, fidèles et actifs si vous ne leur assurez pas l’importante nourriture de l’instruction religieuse, une généreuse communion avec le Christ dans la prière personnelle et liturgique, une abondante plénitude de vie intérieure qui est la source inépuisable des énergies surnaturelles.

Nous aurions encore bien d’autres choses à vous dire sur la famille, la catéchèse, la formation liturgique, le monde du travail, les vocations et d’autres sujets. Que ces allusions suffisent à vous faire comprendre que ces problèmes nous sont présents ; nous avons confiance en votre collaboration, nous sommes unis à vous tous dans l’affection et la prière et nous demandons à Dieu sa lumière et son réconfort pour correspondre à ces besoins. Nous y joignons notre Bénédiction apostolique que nous vous donnons de tout coeur à vous tous ainsi qu’à vos familles diocésaines respectives.




18
À L’OCCASION DU XXXème ANNIVERSAIRE DE L’ORDINATION DE PRÊTRES DE BELGIQUE

Lundi 21 février 1977




Chers Fils en Jésus-Christ,

C’est une très grande joie pour Nous de vous accueillir aujourd’hui, vous qui avez tenu à venir jusqu’à Rome pour célébrer le trentième anniversaire de votre Ordination sacerdotale et rendre grâce au Seigneur d’avoir fait de vous ses prêtres. Car c’est bien lui qui vous a choisis, comme il le rappelait à ses Apôtres la veille de sa mort. C’est lui qui vous a institués pour que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et un fruit qui demeure (Cfr. Io
Jn 15,16).

Nous le répétons souvent, en effet, il n’est pas question d’inventer le sacerdoce aujourd’hui, mais de le recevoir comme un don incommensurable de Dieu. Ne vous laissez pas troubler par tous les mouvements d’opinion publique ou les recherches incessantes de pseudo-théologiens qui vous feraient douter de l’identité du prêtre que vous êtes, et des exigences normalement rattachées à votre sacerdoce. Ce n’est pas une profession, ce n’est pas un ministère passager: c’est une consécration de toute votre personne au service du Seigneur, à la suite des Apôtres. Vous êtes devenus, volontairement et par amour, hérauts de la Parole de Dieu, ministres de la réconciliation, instruments de la grâce, médecins des âmes, éveilleurs de vocations et formateurs de laïcs chrétiens. Quel don merveilleux! Quelle responsabilité! Vous ne pouvez l’exercer qu’en communion étroite avec l’Eglise qui vous a ordonnés au nom du Seigneur.

Certes, l’évangélisation est difficile: elle l’a toujours été. Mais soyez humblement disponibles, tout confiants dans l’Esprit du Seigneur qui vous a été donné, qui agit puissamment en vous et peut vous inspirer l’audace apostolique nécessaire dans un monde en partie incroyant. A une double condition, toutefois: demeurez intimement liés au Seigneur par la prière, et soyez de fidèles collaborateurs de vos Evêques qui président à l’unité. Alors, oui, soyez dans la paix, dans la joie, même au milieu de vos tribulations, comme l’Apôtre saint Paul. De tout coeur, Nous vous bénissons.


24 février



ENGAGEMENT PASTORAL DANS UN STYLE MISSIONNAIRE



Le Pape reçoit les Evêques du Latium



Chers et vénérés confrères de la conférence épiscopale du Latium.



Il est superflu, nous semble-t-il, de rappeler ce que vient, du reste, d’évoquer notre dévoué cardinal vicaire dans son adresse, c’est-à-dire les liens multiples et particuliers qui unissent notre personne à vous tous, pasteurs des Eglises de la région entière et supérieurs d’abbayes illustres.

Le territoire du Latium conflue vers son chef-lieu, Rome, en une sorte d’interland et ceci également du fait des circonstances historiques ; ainsi la vie chrétienne y fleurit au niveau des simples fidèles et des différentes structures et institutions, mais surtout en tant qu’elle repose là sur le principe et le fondement de l’unité de la foi qui est Pierre (cf. Constitution Lumen Gentium LG 18) ; c’est dans cette ville bénie qu’est centrée cette vie qui a été engendrée par le Christ dans le sang de ses apôtres et dans « la foule immense » des fidèles qui ont rendu témoignage sur cette colline même (cf. Tacite, Annales XV, 44, 15). Les Eglises que vous représentez sont comme le premier des cercles concentriques qui idéalement dessinent la carte de l’Eglise universelle ; et ce fait postule nécessairement une communion plus directe et plus accentuée qui, ressentie en profondeur, se révèle d’une importance vitale pour nous et a valeur d’édification pour « ceux qui partagent notre foi » (Ga 6). Et c’est pourquoi la rencontre d’aujourd’hui, inscrite au calendrier des visites périodiques ad limina, revêt un aspect particulier et un caractère distinct avec, sur le plan affectif, le reflet d’une charité plus vibrante.

19 Oui, parce que vous êtes les évêques les plus proches de Rome et du Saint-Siège, c’est cette circonstance, locale dirons-nous, qui non seulement a orienté vos relations, pour d’évidentes raisons pratiques, mais aussi les a multipliées, comme ceux de vos prédécesseurs, à l’égard de l’évêque de Rome, métropole de cette région apostolique.

Ces contacts se sont instaurés dès la plus haute antiquité, puisque de nombreux sièges remontent aux premiers siècles du christianisme ; puis petit à petit ils sont devenus plus fréquents et ont donné lieu à de fructueux échanges d’aide et de contribution. La collaboration pastorale privilégiée qui s’est établie au Moyen-Age se manifeste avec certains évêques de la Région dont les sièges prennent le nom de suburbicaires ; aujourd’hui encore on voit que les circonscriptions ecclésiastiques ont modifié la répartition classique des trois secteurs Latium vetus, Latium novum et Etruria meridionalis et que Rome nous est présentée couronnée de ces diocèses suburbicaires.

Quant à Nous cependant, ce ne sont pas seulement les liens historiques ou leur continuation dans le présent qui nous intéressent ; mais plutôt, si nous avons voulu évoquer ces faits, c’est pour vous inviter à considérer de nouveau l’incomparable patrimoine religieux dont vous êtes et dont nous sommes les héritiers, les gardiens et les fidèles. Nous savons que vous avez conscience de cela et que loin de sous-estimer ces valeurs, elles sont pour vous un stimulant continuel dans la peine quotidienne que vous prenez pour remplir dignement votre fonction et pour accroître un héritage spirituel, pastoral et ecclésial que l’on peut, sans rhétorique, qualifier de précieux. A première vue nous pourrions être portés à faire une distinction entre deux cadres différents (d’une part Rome, et d’autre part la Région), mais les liens éprouvés depuis des siècles, la croissante mobilité des habitants, un projet civil de programmation régionale en cours, nous suggèrent de réunir les deux points de vue en un seul et d’étudier l’ensemble du problème pastoral complexe que nous avons aussi sous les yeux au cours de cette rencontre.

A ce propos des questions se posent, et c’est normal; mais, comme pasteurs, nous ne pouvons ignorer les difficultés énormes qui dérivent d’une série de causes auxquelles s’intéresse de près la sociologie religieuse moderne. Il suffit de penser, entre autres, à l’afflux incessant de populations nouvelles dans notre région, ce qui signifie des coutumes nouvelles et la diffusion d’autres mentalités. S’il s’agissait de favoriser un simple amalgame et de réaliser une simple coordination sur le plan administratif, les questions religioso-pastorales seraient certainement faciles à résoudre. Mais il n’en est malheureusement pas ainsi parce que l’introduction de coutumes et de moeurs nouvelles intervient, non pas conformément, mais en opposition, souvent intentionnellement, avec la tradition catholique. Il en résulte que l’oeuvre d’évangélisation ne peut se satisfaire en suivant scrupuleusement le sillage des techniques du passé, si appréciables soient-elles. Il faut bien réfléchir et ne pas craindre de s’engager sur la voie d’innovations hardies, s’inspirant souvent de l’audace de la première annonce missionnaire. Qui peut ignorer, du reste, que la mutation culturelle de ces dernières années et dont nous sentons encore les effets, a définitivement confirmé cette formule; au début du siècle, ceci pouvait sembler une attitude pragmatique, mais c’est désormais une acquisition de l’action pastorale. Hier encore c’était la population qui venait à l’Eglise et à l’évêque, aujourd’hui — et c’est la norme — c’est l’Eglise, c’est le pasteur qui doit aller à la recherche du troupeau et appliquer à la lettre la recommandation évangélique (cf. Mt
Mt 12,11 Mt 18,12 Lc 15,4-6 Jn 10,1-6).

Et c’est pour cela, très chers frères, que notre engagement pastoral est devenu si grave et si urgent qu’il nous impose un style authentiquement missionnaire : déjà ce premier fait nous invite à resserrer et à consolider nos relations de solidarité mutuelle. Notre apostolat est avant tout un apostolat de fidélité qui, tout en tenant compte des exigences nouvelles, non seulement n’oublie jamais la tradition dans ses valeurs foncières, mais garde toujours le regard tourné vers elle pour la conserver et, de la manière la plus concrète possible, transmettre les us et coutumes religieux dans ce qu’ils ont de meilleur. En même temps notre apostolat doit être un apostolat de renouvellement c’est-à-dire inventif et courageux. Il s’agit de promouvoir de nouvelles initiatives inspirées par le Concile, par les besoins immédiats, par le climat social en évolution, par les forces disponibles, de manière à percer la cuirasse de l’indifférence et de l’incrédulité qui — tout au moins en apparence — devient de plus en plus épaisse, de moins en moins perméable.

Une fois déterminée cette double orientation qui cherche à équilibrer l’ancien et le nouveau avec une prudence pastorale, quels sont les points saillants et les éléments les plus importants que nous voulons vous indiquer ? Nous n’en relèverons que quelques-uns qui vous tiennent déjà à coeur mais qui — nous l’espérons — prendront plus de poids et de relief si nous y insistons. Tout d’abord le problème des vocations, surtout sacerdotales. Il faut suivre les jeunes qui se montrent disponibles à l’écoute de l’appel de Dieu ; et, d’autre part, il faut pourvoir à une meilleure répartition du clergé qui exerce le ministère.

Quant à la question des jeunes en général, nous ne devons pas négliger les graves problèmes que posent leur emploi, leur orientation, leur insertion dans la société et surtout leur éducation morale et chrétienne. Nous avons encore présentes à la mémoire les récentes manifestations universitaires. Que pouvons-nous proposer, nous pasteurs ? Que faut-il que nous fassions pour offrir à la jeunesse ce qu’elle réclame généralement à juste titre bien que trop souvent d’une manière inacceptable ? Cette question demanderait un vaste développement et une réponse longuement méditée ; nous nous limiterons pour le moment à recommander une sollicitude toute spéciale pour les associations catholiques et les groupes d’Eglise d’une fidélité éprouvée qui peuvent être des lieux de rencontre de formation, de croissance dans la foi et dans l’esprit chrétien. Ne nous laissons pas arrêter par l’objection qui, quand on parle d’associations, a l’impression que l’on privilégie excessivement les structures extérieures. Non ce n’est pas exact, car nous ne pensons pas aux mouvements organisés comme à une fin en soi, mais seulement comme à un moyen qui vise une fin qui le transcende. Il s’agit, en premier lieu, de l’Action Catholique, puis des écoles des institutions si nombreuses qui existent déjà, mais qu’il est nécessaire d’animer et, le cas échéant, de ranimer selon des vues ouvertes et renouvelées ; certes, il faut les maintenir dans l’axe de l’inspiration originelle, mais en leur infusant ce que les temps actuels ou mieux les jours — si grande est la rapidité des mutations — réclament sans échappatoire possible.

Nos Associations doivent fonctionner (ici encore nous ne craignons pas d’utiliser ce verbe, mais en dépassant — bien entendu — son sens platement bureaucratique), elles doivent mieux correspondre à la motion intérieure de l’Esprit et au dynamisme stimulant de la foi. Enfin, parmi les moyens d’apostolat, nous mentionnerons celui de la bonne presse : ainsi, par exemple, les journaux catholiques qui déjà font une place à l’information religieuse locale, mais dont il faut favoriser la diffusion et l’accroissement pour que ne vienne pas à manquer, au milieu des problèmes quotidiens et dans le désordre des opinions et des jugements, l’opportunité de faire connaître la pensée et les directives des pasteurs.

Mais au delà de ces points particuliers, il est une préoccupation qui doit toujours inspirer votre action apostolique : le souci de demeurer très proche de vos populations, de les comprendre, de les aider, de les fortifier par la Parole de Dieu et par les sacrements, avec une préférence pour ceux qui sont pauvres, sans travail ou qui souffrent. Qu’à votre action soient toujours associés les prêtres, les religieux, les laïcs les plus généreux. Mais toujours et plus que tout votre exemple personnel, c’est-à-dire la sainteté de votre vie constituera le premier et le plus efficace des moyens pastoraux.

Voici, frères, ce qui, à l’occasion de cette visite, attendue avec plaisir, du coeur nous est monté aux lèvres ; nous sommes conscients, en effet, non seulement du caractère particulier de cette rencontre, mais aussi et plus encore de la valeur exemplaire que le saint ministère tel qu’il est rempli, à Rome et dans la région qui l’entoure, revêt en face des autres Eglises dans le monde. Votre fonction n’est ni ordinaire, ni habituelle, ni routinière, et donc ni lassante ni banale, mais plutôt il convient qu’elle soit — du fait de son lien avec l’évêque de Rome et de son exemplarité aux yeux de ceux qui la regardent — une fonction emblématique et hardie: disons mieux, c’est une « fonction pilote » que la vôtre. Mais alors que dire des difficultés et des obstacles ? S’il est vrai qu’ils existent et durent, ils ne peuvent jamais compromettre cette fonction qui, comme la vraie vertu, doit se renforcer à mesure qu’elle réussit à surmonter ces obstacles mêmes. Vous devez, selon une constante de la vie de l’esprit, que l’on peut transférer à juste titre au plan du labeur ministériel, raffermir chaque jour votre projet de messagers de l’Evangile à l’intérieur des communautés ecclésiales qui vous sont confiées. Et cette reprise quotidienne ne pourra jamais être séparée de sa référence : la confiance dans votre mission, qui est la cause même de Dieu ; c’est Lui qui donne le vouloir et qui produit également, selon son bon plaisir, le faire (cf. Ph 2,13).

L’exemple que vous êtes appelés à donner, prend force et vigueur dans celui qu’ont laissé les fondateurs de l’Eglise de Rome. Certes, les difficultés qu’ont dû affronter les apôtres Pierre et Paul n’étaient pas mineures ; quand ils ont mis le pied sur cette terre fatidique, ils venaient de l’Orient à Rome et humainement ils étaient destinés à l’échec ! Après leur arrivée se sont-ils arrêtés ? Le terme que le martyre a mis à leur vie mortelle a-t-il été le sceau de la fin ou de la dissolution de leur oeuvre ? Rome et le Latium ont été seulement une étape, fondamentale et providentielle, de leur mission ; mais celle-ci, très vite, s’est étendue d’ici au monde entier, pour obéir à la consigne formelle du Christ : « jusqu’aux confins du monde » (Ac 1,8).

20 Il doit en être ainsi, encore aujourd’hui : offrez votre loyale et fidèle collaboration au plan de salut de Dieu : « Faites paître le troupeau de Dieu qui est chez vous, non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu, non pour un gain honteux mais avec ardeur, non en exerçant votre domination sur ceux qui vous sont échus en partage, mais en vous montrant les modèles du troupeau » (1P 5,2-3). S’il en est ainsi, le cheminement de la foi chrétienne se poursuivra et confirmera Rome et sa région dans ce primat de service et d’amour qui y a été établi par le premier chef du collège apostolique. Avec ce souhait, nous vous accordons de tout coeur à vous et à votre communauté notre Bénédiction en gage de réconfort.






5 mars




Discours 1977 14