Discours 1977 45

LE TEMOIGNAGE DES CATHOLIQUES DANS LES PAYS DE TRADITION LUTHÉRIENNE



Le Pape reçoit les Evêques de Scandinavie

46 Le 2 mai, le Saint-Père a reçu les membres de la Conférence Episcopale Scandinave, venus à Rome pour leur visite canonique « ad limina ». Ont participé à la rencontre avec le Pape, Leurs Excellences NN. SS. Paul Verschuren, Evêque d’Helsinki, Président de la Conférence Episcopale Scandinave qui groupe la hiérarchie du Danemark, de Suède, de Norvège, de Finlande et d’Islande ; John W. Cran, Evêque d’Oslo et Vice-Président de la C.E.S.; Hendrik Hubert Frehen, Evêque de Reykjavik ; Gerhard Schwenzer, Vicaire Apostolique de la Norvège Centrale ainsi que les Administrateurs Apostoliques de Stockholm, Paul Glogowski et de la Norvège du Nord, Gerhardus Goebel et l’ancien Evêque de Copenhagen, S.Exe. Mgr. Johannes Theodor Suhr. Le Saint-Père a adressé à ses visiteurs un discours dont voici la traduction :



Vénérables et très chers Frères de la Conférence Episcopale de Scandinavie



Nous ne saurions taire la joie toute particulière que nous éprouvons à vous recevoir aujourd’hui en ce Siège Apostolique, une Maison que — nous n’en doutons pas — vous considérez comme la vôtre car elle est ouverte à tous et spécialement accueillante pour ceux venant de régions qui ont démontré une grande persévérance dans un témoignage catholique exigeant. En vous accueillant, nous embrassons également, dans le même élan d’affection, ces catholiques que vous représentez et qui sont dignes de vos sollicitudes, avec une pensée toute spéciale pour les prêtres et les religieuses qui collaborent avec générosité à vos responsabilités pastorales.

Comme nous aimerions parler familièrement avec vous de votre engagement pastoral, de vos joies, de vos amertumes et de vos espoirs pour vous dire que nous y prenons entièrement part, que nous entendons les seconder en les faisant totalement nôtres !

Du reste vous êtes venus en visite « ad limina Apostolorum », comme Saint Paul s’était rendu à Jérusalem pour « se rencontrer avec Pierre » (
Ga 1,18) et recevoir de lui garantie, et soutien pour son propre ministère apostolique. Et, comme dans cette étreinte, nos coeurs se fondent dans l’unique foi et dans l’unique amour envers le Christ et envers l’Eglise.

Vous provenez de pays où la quasi-totalité de la population est de confession luthérienne et, de ce fait, vous représentez une Eglise en forte diaspora : minoritaire donc, et dispersée comme peut l’être une goutte d’huile émulsionnée dans une cuvette d’eau.

Du reste, nous reconnaissons avec vous que la situation des Catholiques en Finlande, en Suède, en Norvège, au Danemark et en Islande est vraiment celle de ce « petit troupeau » évangélique qui a reçu cette rassurante et radieuse invitation de Jésus à « ne pas craindre car il a plu à Votre Père de vous donner le Royaume » (Lc 12,22).

Vos régions se caractérisent non seulement par une confession chrétienne différente, mais aussi par une condition historique et sociale déterminée : leur particulière tradition culturelle et politique a atteint des sommets très élevés de progrès humain, civil, social, économique qui font grand honneur à vos populations industrieuses, et attirent sur elles, à juste titre, l’admiration des autres peuples, suscitant leur émulation. Il faut ajouter cependant que ce niveau de vie, certes très noble, est également assorti des dangereuses formes de sécularisme et de matérialisme pratique inhérentes à toute expression de progrès avancé. Mais on constate aussi, par ailleurs, des signes réconfortants d’un réveil spirituel et moral, d’un appel aux plus hautes valeurs, d’une recherche, inquiète même, des « pourquoi » qui sont au fond de l’existence humaine et de la civilisation si elles sont leur propre fin. A ceci s’ajoute le fait indéniable, dû à divers facteurs, de l’expansion de la communauté catholique, un exemplaire engagement de témoignage chrétien, spécialement de la part des Ordres religieux. De même le récent projet, encore à l’étude, concernant le passage de vos communautés au fus commune de l’Eglise, qui insérera structurellement les Diocèses Scandinaves dans la vie religieuse et catholique d’Europe, vous oblige davantage à la confrontation avec un type de société qui tend aujourd’hui à devenir ordinaire, courant, dans tous les pays du Vieux Continent. Et tous ces phénomènes engagent à fond l’Eglise et, par conséquent, votre action pastorale.

Chers Frères, dans le climat de ces réflexions, nous nous permettons de vous rappeler quels sont les devoirs élémentaires et fondamentaux non seulement de votre ministère épiscopal, mais aussi de tous ces baptisés qui sont en communion avec ce Siège Apostolique.

En premier lieu, nous désirons souligner le devoir d’une persistante fidélité à tout ce qui vous est propre en tant que Catholiques. Il importe de considérer toujours le fait que, dans tous les pays Scandinaves, l’Eglise est née catholique et est demeurée telle jusqu’à la fin du XVI° siècle, donnant origine à une florissante vie chrétienne, sans partage, et riche de fruits. Adhérez donc avec ténacité à votre tradition dans le sens le plus noble, vital et dynamique du terme : vos Saints — comment ne pas évoquer au moins Sainte Brigitte ? — vos rites, vos coutumes religieuses et populaires, vos trésors d’art chrétien doivent être une raison de grande fierté et donner des ailes à votre zèle, parce qu’ils représentent la matrice du Christianisme en Scandinavie.

En second lieu, nous vous exhortons à persévérer dans une forme toujours plus cordiale de coexistence avec votre milieu. Ceci doit se réaliser déjà au niveau des simples relations civiles et sociales, comme nous le rappelle Saint Paul: ne pas prendre part à ce monde ne signifie pas « sortir du monde », mais seulement ne pas en faire partie (1Co 5,9-11). Mais vous, avec vos communautés, vous avez surtout le problème délicat, des relations religieuses avec les frères chrétiens séparés de nous. Vous trouver coude à coude avec eux, ne doit pas être un empêchement maïs au contraire un stimulant à nouer des liens de sincère amitié au nom de notre unique Sauveur et Seigneur Jésus-Christ ; ceci est possible, sans toutefois tomber dans un oecuménisme équivoque, défaitiste, renonçant à notre originalité propre et disposé à se laisser absorber. Dans vos pays, les Catholiques ont des valeurs propres à garder : la richesse du doctrinal, la fidélité à celui-ci soumis au juste aggiornamento voulu par le Concile, le devoir de l’évangélisation dans la conviction et dans la joie, la communion avec l’Eglise universelle et l’union à son ministre qui garantit l’unité ecclésiale, le respect des saines valeurs de la culture, la fraternité sincère et constructive ; ce sont toutes les parties d’une mosaïque resplendissante qui, dans vos terres, donne du catholicisme une image extraordinairement belle et persuasive qui, sur la voie de la recomposition de l’unité dans le Seigneur Jésus peut entraîner un rapprochement fécond avec les autres frères de dénomination chrétienne. Quel que puisse être le contexte sociologique dans lequel l’Eglise est appelée à opérer au sein des divers peuples, sa vocation, sa hantise, son orgueil, c’est d’être au service de la société, telle qu’elle est : en Scandinavie, l’Eglise est par conséquent au service de cette précise, concrète, vivante société avec toutes ses limites, mais aussi avec toutes ses richesses. Et là, elle veut contribuer, de toute sa volonté, à la croissance des valeurs éternelles de l’homme, dans ses rapports avec Dieu, et servir, humblement et dans la joie, satisfaite simplement de répondre ainsi à sa propre vocation.

47 Par conséquent, en troisième lieu, nous vous invitons à un témoignage clair et ferme, celui que l’Apôtre nous propose à tous : « vous devez briller comme des foyers de lumière, en présentant la Parole de vie » (Ep 2,15). Les images évangéliques du sel, de la lumière, du levain, s’adaptent à vous peut-être mieux qu’à tout autre (cf. Mt Mt 5,13-15 Mt 13,33), si l’on considère la disproportion existant entre leur quantité minime et l’effet bénéfique qu’ils peuvent produire autour d’eux. Alors, ce sera surtout de la vie quotidienne, de l’exemple concret des catholiques, de leur culte vécu (cf. Rm Rm 12,1), de leurs bonnes initiatives qu’il dépendra que les autres « voyant vos bonnes oeuvres, en rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5,16). Nous voudrions particulièrement insister sur le problème des vocations sacerdotales et religieuses : ayez soin, de manière pressante, de détecter et d’encourager, avec l’aide du Seigneur, l’éclosion des charismes spirituels qui assurent également à l’Eglise de demain la poursuite des services ministériels.

Qu’au-dessus de toute chose, règne souverainement la joie de la foi commune, cette joie à laquelle invite l’Apôtre (cf. Ph Ph 4,4 et 1Th 5,16) et qui est le fruit mûr et inaliénable de l’Esprit Saint (cf. Ga Ga 5,22 Jn 16,22).

Nous concluons cet entretien en vous confirmant une fois de plus notre estime et plus encore notre fraternelle affection, sur laquelle vous pouvez toujours compter, car elle est telle que jamais elle ne vous laissera seuls. De cette totale et prévenante disponibilité à vos besoins pastoraux, nous voulons que soit le gage la Bénédiction Apostolique que nous vous donnons de grand coeur à vous et à tous les chers membres de vos communautés.






5 mai



ALLEZ DE L’AVANT ET VEILLEZ



Evêques de France (Région Provence-Méditerranée)

Ce sont les Evêques français de la région Provence-Méditerranée qui étaient, ces jours-ci, à Rome pour leur visite « ad limina », où ils ont pris contact collectivement avec les divers organismes (congrégation, comités ou secrétariats) de la Curie romaine. Le Saint-Père les a reçus en audience privée le jeudi 5 mai et leur a adressé, en français, le discours que nous publions ci-dessous. Le Président de la région apostolique est Mgr Eugène Polge, archevêque d’Avignon. Il lui est revenu de s’adresser au Pape Paul VI pour lui présenter les Evêques, exprimer les travaux et affirmer l’attachement de l’épiscopat de Provence-Méditerranée au Pape et à l’Eglise. Avec Mgr Polge, étaient présents NN. SS. Charles de Provenchères, archevêque d’Aix-en-Provence et Raymond Bouchex son auxiliaire, Roger Etchegaray, archevêque de Marseille, président de la Conférence épiscopale française, J. Ch. Thomas, évêque d’Ajaccio, Bernardin Collin, évêque de Digne, Gilles Barthe, évêque de Fréjus et Toulon, Pierre Chague, évêque de Gap, Louis Boffet, évêque de Montpellier, Jean Mouisset, évêque de Nice, Pierre ROUGE, évêque de Nîmes, et Jean Cadilhac, évêque auxiliaire d’Avignon.



Chers Frères dans le Christ,



La joie que nous éprouvons à vous recevoir s’accompagne de sentiments de vénération pour les Eglises dont vous êtes les Pasteurs. L’implantation précoce de la foi chrétienne dans les villes gallo-romaines de Marseille et d’Arles, le rayonnement du monachisme à partir de Saint Victor ou de Lérins, le séjour des Papes en Avignon, et tant d’autres faits religieux ont fortement lié l’histoire

de votre région Provence-Méditerranée à celle de l’Eglise. Certes, bien d’autres évolutions ou des bouleversements sociaux — nous pensons au matérialisme pratique ou même à l’athéisme pénétrant, aux phénomènes des migrations et du tourisme — ont changé le visage de ces chrétientés d’hier. Mais si l’Eglise doit toujours repartir avec le souci des lendemains, grâce à l’Esprit novateur de Pâques et de Pentecôte, elle n’a point à renier son enracinement, ni son expérience historique, encore inscrite dans les lieux sacrés vénérables, dans les coutumes traditionnelles, dans la culture profondément humaine, que vous évoquez, dans les coeurs aussi où demeure ancré un certain sentiment religieux populaire, difficile à évaluer. Il est bon de cultiver en nous-mêmes, dans le clergé et dans le peuple, la mémoire et la fierté de ces témoignages, d’en méditer le sens, d’en renouveler prudemment l’expression, d’y puiser inspiration et raison d’espérer, pour aborder le nouveau champ apostolique avec la même vigueur que vos devanciers.

La place de la prière





C’est d’abord à un ressourcement personnel, spirituel, que vous êtes appelés : cette visite « ad limina » peut le fortifier. Donnez la première place à la prière, une prière simple, proche des traditions locales, évangélique, ardente pour demander l’Esprit de Dieu qui seul fait fructifier l’oeuvre de l’Eglise. Renouvelez aussi en vous-mêmes le sens de la grandeur du ministère épiscopal qui vous a été confié dans la succession apostolique. Certes, « vos » forces peuvent vous paraître disproportionnées, face à l’immense travail à accomplir, mais « votre » force s’appuie sur celle du Christ ressuscité qui vous envoie. Méditez souvent les exhortations lumineuses de l’Apôtre Paul à Timothée, à Tite. Continuez à bien observer les réalités pastorales, avec l’intelligence des besoins de notre temps. Prenez du recul : ne vous laissez pas absorber dans les méandres des situations immédiates. Retracez avec clarté, sûreté et fermeté, les grandes voies et les profondes exigences de l’évangélisation, celles de l’Eglise universelle, celles que vous avez rappelées récemment à Lourdes, dans votre lettre aux catholiques de France, qu’il s’agit de reprendre et d’appliquer. Vous insistez vous-mêmes à juste titre : « redonner l’assurance de la foi ».

48 Croyez bien que Nous réalisons, par ailleurs, la multiplicité et la complexité de vos tâches pastorales actuelles. Mais, nous le soulignons également, votre redoutable mission est simple : annoncer l’Evangile, et revigorer ou susciter, si possible en chaque cité, en chaque milieu, en chaque nouveau regroupement humain, une communauté de foi, de prière, de charité, qui soit missionnaire. C’était, vous le savez, la méthode de l’apôtre Paul.

Parmi les besoins traditionnels, c’est-à-dire ceux qui sont inhérents à toute communauté chrétienne, signalons d’abord le souci de vos collaborateurs immédiats, les prêtres. Nous avons parlé avec vos Confrères des autres régions des rapports à établir avec eux : proximité, confiance, encouragement, discernement. Nous apprécions votre désir de relancer plus hardiment l’appel des vocations : faites-en prendre conscience aux laïcs, faites-les prier pour cela. Et voyez comment assurer le mieux possible la formation des séminaristes, une formation spirituelle et théologique avant tout ; vos maisons d’Avignon et de Marseille doivent préparer des hommes de Dieu et des apôtres. Quant au problème des vocations de jeunes ou même d’enfants, nous souhaiterions qu’une grande attention lui soit accordée, car Dieu appelle parfois très tôt, et ces vocations sont étouffées si on ne les soutient pas avec bienveillance et discernement.

La catéchèse des enfants





Nous sommes témoin, aussi, de vos méritants efforts et de vos préoccupations concernant la catéchèse des enfants. Certes, à elle seule, elle serait insuffisante, et vous craignez qu’elle ait trop peu de suite à l’âge adolescent ou adulte, dans le climat d’indifférence ou d’incroyance qui marque les jeunes de façon précoce. Mais ce serait une erreur de relâcher cet effort. L’enfant est capable d’entendre l’Evangile de façon privilégiée, d’y accorder sa vie ; s’il n’a reçu aucun écho et n’a fait aucune expérience de ce message évangélique, exigeant et enthousiasmant, alors que son esprit et son coeur s’ouvraient au monde, à l’amour filial des parents, à l’amitié, à l’action, pensez-vous que sa vie d’adulte intégrera facilement le dynamisme de la foi ? La première empreinte demeure capitale, ou pour mieux dire, le premier appel de la grâce, sera susceptible d’un réveil. Mais il est évident qu’il faut replacer cette pastorale dans un ensemble : y associer les parents, oui, ou plutôt inviter les parents à redécouvrir pour eux-mêmes la beauté, la profondeur, la vérité, la source d’espérance que représente la foi chrétienne. Vous constatez heureusement leur faim en ce domaine. Les familles, telles qu’elles sont, ne suffisent cependant pas : mettez beaucoup de soin à former, à leur service, des éducateurs spécialisés de la foi, car la catéchèse ne s’improvise pas ; elle risquerait de tourner court, de s’en tenir à un message vague, pâle par rapport aux courants de pensée actuels, de manquer de lien avec la prière ou la charité active, ou encore de ne susciter qu’un sentimentalisme éphémère, ou un moralisme humain coupé d’une perspective théologale. C’est dire qu’il faut assurer, même dans le tout jeune âge, une formation de qualité, dans un langage adapté certes, mais au contenu simple et précis : il s’agit de donner le goût de l’Evangile et le sens d’une vie en Eglise. On peut espérer qu’un tel appel retentira dans le coeur de l’adolescent et de l’adulte, à condition de les accompagner eux aussi et de les faire vivre avec de vrais témoins de la foi accueillants et compréhensifs de la psychologie des jeunes d’aujourd’hui.

L’importance de la presse catholique





Parmi les moyens qui ont beaucoup d’influence, en plus de la catéchèse et de l’école, vous savez l’importance de la presse catholique.

Il est difficile de présenter aujourd’hui le message chrétien. Vous le savez et vous en êtes très justement préoccupés. Les moyens de communication sociale ont en effet tendance, dans les rubriques religieuses comme dans les autres, à choisir les informations qui feront choc, à souligner parfois tel fait mineur, à développer tel courant, en réalité peu significatif, sinon dans l’esprit du rédacteur et dans la volonté d’une minorité agissante qui veut peu à peu imposer tel projet. Et l’on dira que l’Eglise ne s’intéresse qu’à cela ! Et surtout, on forgera peu à peu l’opinion dans un sens jugé irréversible, et cela est grave. Même sous couvert de publier des « libres opinions », il n’est pas rare de présenter telle ou telle thèse de manière que le lecteur non averti évoluera progressivement dans le sens désiré. Que pouvons-nous y faire ? Au moins souhaiter que la presse et l’information catholiques, sans échapper aux pesanteurs professionnelles, tranchent par leur souci de donner une vision plus objective et d’apporter des éléments de formation du jugement. Evêques, vous devez susciter la préparation d’hommes compétents et équilibrés, insister sur les exigences de leur noble métier qui comporte un véritable pouvoir. Vous devez encourager les publications objectives, l’objectivité ne consistant d’ailleurs pas forcément à tout publier sur le même plan sans commentaire ; il y a une neutralité proclamée qui n’a de neutralité que le nom. La presse catholique doit comprendre qu’elle n’a pas seulement un rôle d’information, comme les autres, mais de formation, avec un amour réel de l’Eglise, et une loyauté vis-à-vis de la foi, de toute la foi. Nous vous encourageons, chers Frères, à donner à l’Eglise les meilleurs outils d’évangélisation, dans le domaine des moyens de communication sociale, écrits ou visuels. Nous apprécions d’ailleurs les efforts méritoires que vous faites pour présenter les problèmes de foi au grand public, et par exemple dans les bulletins diocésains dont nous avons connaissance.

Le tourisme et sa fonction apostolique





Parmi les besoins nouveaux, nous tenons à nous attarder sur une réalité caractéristique de vos diocèses. Vous le soulignez dans vos rapports : « grâce à son climat ensoleillé et à la beauté de ses sites, la Région Provence-Méditerranée exerce une attraction indéniable ». Nous pensons au tourisme massif, continu et très diversifié : campings et résidences secondaires, festivals artistiques et voyages organisés, sports d’hiver et vacances estivales, modifient considérablement le visage et la densité des villes et des villages de votre région. Vous avez même parfois l’impression d’être écrasés par ce phénomène extraordinaire et à la limite insaisissable ! Mais c’est un fait, et un fait qui ne fera que s’amplifier. Vous avez raison d’en prendre acte. La vocation de votre région est une vocation d’accueil. Votre mission est donc d’aller de plus en plus à la rencontre de ces habitants de passage, à la rencontre de cette nouvelle civilisation des loisirs. Vos rapports nous disent vos efforts et vos réalisations face à ce phénomène irréversible. En vous félicitant, nous vous encourageons à stimuler dans vos diocèses respectifs la pastorale du tourisme, qui ne doit pas être considérée comme un travail supplémentaire, épisodique, mais bien comme un élément de la pastorale habituelle. Nous avons noté avec satisfaction les diverses sessions de réflexion, qui se déroulent à Nice, sur une anthropologie chrétienne du loisir. Prêtres et laïcs y trouveront des lumières et des énergies pour passer d’une pastorale d’attente à une pastorale plus missionnaire. Nous comptons — avec vous — sur le dynamisme et sur le réalisme des laïcs, des religieuses et des pasteurs animés de l’Esprit Saint pour susciter — sans jamais négliger le rassemblement paroissial — de nouveaux lieux et nouveaux moyens d’évangélisation. Nous pensons, par exemple, au Centre « Culture et Foi » d’Avignon. Et nous savons qu’un peu partout des espaces de silence et de prière sont ouverts, des hauts lieux artistiques et religieux sont remis en valeur, des équipes de chrétiens se rendent disponibles pour un travail d’approche et de dialogue, et même pour un témoignage directement missionnaire. Certes, il n’est pas toujours simple d’en trouver les animateurs. Mais que de personnes et de talents n’ont pas encore été sollicités pour une pastorale cohérente et persévérante du tourisme ! Dans vos diocèses et bien au delà, tant de prêtres et de chrétiens qualifiés pourraient conjuguer le temps de leurs légitimes vacances avec les immenses besoins des foules qui viennent quêter le bonheur ou refaire leur santé, et qui souffrent, plus qu’elles ne peuvent l’exprimer, du matérialisme pesant et angoissant de la civilisation moderne. Nous vous encourageons enfin à tenter davantage encore, tous ensemble et individuellement, le dialogue avec les instances responsables du tourisme surtout soucieuses de réussite économique. Dans le respect de leur compétence, vous pouvez et vous devez les sensibiliser à la réussite humanitaire du tourisme, qu’il s’agisse d’améliorer les loisirs ou d’aménager les conditions de vie de ceux qui travaillent à leur service. L’évangélisation ne peut se contenter de parer au plus pressé. Elle doit être globale, et toucher les centres vitaux de cette civilisation des loisirs.

Votre activité s’étend bien au-delà des problèmes évoqués. En d’autres circonstances, nous avons nous-même parlé en faveur des immigrants : puissent-ils trouver toujours davantage, près de vos communautés chrétiennes, l’accueil bienveillant et l’entraide qui facilitent leur insertion et leurs propres responsabilités dans vos cités. Vous avez également le souci louable d’ouvrir vos Eglises, comme le Bienheureux Monseigneur de Mazenod, à la mission universelle; de participer aux efforts de développement.

A lire la description détaillée de vos rapports, c’est plutôt nous qui apprenons de vous la valeur des efforts pastoraux entrepris, la pertinence de vos questions. Franchement, nous vous félicitons de ce qui est mis en oeuvre. Vous le faites en collaboration avec la Conférence épiscopale française et comment en serait-il autrement quand le Président est des vôtres ! Nous sommes très heureux de l’encourager dans ses lourdes tâches, en formant aussi des voeux pour le complet rétablissement de Monseigneur Gabriel Matagrin, Evêque de Grenoble et Vice-Président de cette Conférence. Mais vous tenez aussi à resserrer votre collaboration locale, et vous avez raison, car vous avez des responsabilités particulières, et certains de vos diocèses ont une physionomie bien spécifique, qu’il suffise d’évoquer l’île de Corse.

49 En bref, comme le Bon Pasteur dont la liturgie nous parlait dimanche dernier, allez de l’avant, et veillez. Soyez d’une part soucieux d’accompagner chaque catégorie de fidèles, d’examiner chaque besoin, pour encourager ou redresser. Mais cherchez en même temps à entraîner l’ensemble par des paroles hautes et claires, sur le chemin libérateur de la vérité, de la charité, de la sainteté. Courage, courage : c’est la parole de Jésus à ses disciples (cf. Jn Jn 16,33). Nous n’avons pas reçu un esprit de crainte, si nous sommes fidèles. Que le Seigneur coopère avec vous (cf. Mc Mc 16,20). Avec notre affectueuse Bénédiction Apostolique.






6 mai



POURSUIVRE L’OEUVRE D’EVANGELISATION



Le Pape reçoit les Evêques de Madagascar

Le vendredi 6 mai, le Pape Paul VI a reçu un groupe d’Evêques malgaches, venus à Rome pour leur visite « ad limina », où ils ont pu rendre visite aux divers organismes de la Curie Romaine.

Les Evêques présents à l’entretien étaient NN.SS. Albert Tsiahoana, archevêque de Diego-Suarez, Fr. Xavier Rajaonarivo évêque de Miarinarivo, Bernard Ratsimamotoana, évêque de Morandava et René Rakotondrabe, évêque de Tuléar. C’est en français que le Saint-Père s’est adressé à eux dans le discours suivant :



C’est avec une vive satisfaction que nous vous accueillons ce matin, vous, chers Amis, nos Frères dans la plénitude du sacerdoce.

Que cette rencontre soit placée sous le signe de la joie ! En vos personnes, ce sont en effet quatre Eglises malgaches qui saluent l’Eglise de Rome, lointaine par la distance bien que toujours proche par le coeur, et viennent, ce faisant, resserrer leur communion avec elle pour manifester l’unité de la famille catholique. Instant solennel, peut-être, par certains aspects, mais il semble plus exact de dire : intime, empli d’émotion, d’intensité spirituelle, d’une profonde charité. Instant qui restera gravé en vos mémoires pour vous aider à poursuivre, avec un élan nouveau, la tâche magnifique et exigeante des pionniers de l’Evangile qui est celle des Evêques.

Et maintenant, plaçons-nous également sous le signe de la foi, en tournant nos regards vers Celui qui nous a choisis et mis là où nous sommes, et dont nous voulons être les humbles ministres. Un jour, nous aurons tous à lui rendre compte de ce mandat reçu pour le service de son peuple. Qu’avons-nous fait de sa Parole, de ses dons ? Comment accentuer nos efforts pour qu’il soit connu et aimé d’un plus grand nombre, et pour que se lèvent de nouveaux témoins de son Amour ?

Il n’est pas facile de répondre à de si graves questions. La lumière peut jaillir parfois, cependant, des échanges fraternels et des réflexions qu’ils suscitent. C’est pourquoi nous n’hésitons pas à vous remercier très sincèrement de votre contribution. N’en soyez pas étonnés ! Rien de ce que vous avez exposé ces temps-ci à vos divers interlocuteurs du Saint-Siège, rien de ce que vous nous dites à nous-même, ne sera perdu ou oublié. Votre témoignage, apporté au nom de beaucoup de chrétiens de Madagascar, enrichit dès à présent l’ensemble du peuple de Dieu, car il est très profitable de voir comment la foi chrétienne, identique dans toute l’Eglise, trouve chez vous une expression appropriée, dans la sagesse et dans l’expérience locales.

De notre côté, et dans le même esprit d’assistance mutuelle, conscient aussi du rôle spécifique qui est celui du Successeur de Pierre, nous ne craignons pas de vous donner deux conseils, ou plutôt deux encouragements, qui nous paraissent susceptibles de répondre à vos préoccupations pour les temps à venir. Bien d’autres sujets seraient à retenir, mais vous nous permettrez de nous limiter à ceux-là.

Le premier conseil est lié au domaine de l’enseignement. L’Eglise a beaucoup apporté jusqu’ici à votre pays en cette matière. Elle continue, à travers l’évolution de la situation, à remplir sa mission d’éducatrice de l’homme pour que, fidèle à l’héritage reçu des Ancêtres, il soit ouvert au monde d’aujourd’hui sans y perdre son âme ; pour que, s’il est chrétien, il soit un ferment dans la société nouvelle qui s’instaure.

50 Nous formons donc le souhait que les énergies déjà si bien déployées pour la formation initiale et permanente des enseignants catholiques soient dépensées de manière accrue, afin de parfaire l’oeuvre commencée. L’enjeu est de taille. Madagascar peut déjà compter sur nombre de maîtres dont la vocation et le désintéressement sont méritoires. Il leur faut être toujours plus compétents, se souvenir qu’ils sont avant tout des éducateurs, et n’oublier jamais que l’avenir du pays et de l’Eglise dépend d’eux pour une grande part. Voilà un objectif qui nous semble tout à fait essentiel.

Le deuxième domaine auquel nous voudrions nous arrêter avec vous est celui de l’action caritative et sociale, parce que c’est le témoignage de l’Amour du Christ envers tous surtout envers les plus déshérités. Frappée par divers malheurs, et notamment par des cyclones qui causent de grands ravages, la Grande Ile doit, presque chaque année, panser des plaies et venir au secours des sinistrés. L’Eglise est présente dans cette entraide nationale et cette action en faveur de la justice ; attentive plus particulièrement aux besoins des pauvres, elle participe généreusement aux aides par sa campagne annuelle de partage ; elle s’efforce de redonner des raisons de vivre et d’espérer aux personnes les plus défavorisées par les circonstances ; par ses multiples activités au service des malades, elle soulage aussi bien des misères.

Continuez, chers Frères, à stimuler un tel courant d’entraide ! Nous serons tous jugés sur notre attention au prochain (cf. Mt
Mt 25,31-64). Aidez l’Eglise à rester attentive aux vrais besoins des populations, en formant sans relâche des animateurs, en lançant des réalisations concrètes, en collaborant à des tâches communautaires. Ainsi apportera-t-elle une contribution plus efficace et plus évangélique au développement du pays, en visant toujours à une promotion humaine intégrale et solidaire qui fait que chacun et tous deviennent les artisans de leur propre promotion.

Il nous semble que les laïcs de vos diocèses, les jeunes surtout, peuvent comprendre l’appel que vous ne cessez de leur lancer au service de la communauté malgache et de l’Eglise, et y répondre avec enthousiasme parce que le Christ les attend sur cette route. Ils ne doivent pas se cacher qu’ils trouveront parfois l’épreuve au détour du chemin, mais un chrétien qui porte sa croix sait que l’épreuve n’est pas forcément un échec; bien au contraire, c’est une source prometteuse d’un avenir meilleur. Et ils répondront, nous n’en doutons pas, à la voix du sacrifice et du don de soi pour Dieu et pour les autres.

Puissent nos paroles toutes simples vous réconforter et vous assurer de la sympathie avec laquelle nous regardons votre apostolat, comme celui de vos collaborateurs dans le saint ministère ! Nous pensons souvent à vous, à votre clergé, à vos religieux, à tous vos fidèles. A votre tour, en rentrant chez vous après avoir « vu Pierre » et reçu sa Bénédiction, vous prierez et ferez prier à ses intentions de Pasteur universel Nous vous en remercions de tout coeur.








9 mai



INTERPRÉTER LES « SIGNES DES TEMPS » À LA LUMIÈRE DE LA TRADITION



Le Pape reçoit les Evêques de Toscane (Italie)

Le 9 mai le Saint-Père a reçu en audience, à l’occasion de leur visite « ad limina » les Evêques de la Conférence Episcopale Régionale de la Toscane. Etaient présents le Cardinal Florit, Archevêque de Florence, ainsi que les Archevêques de Sienne, de Pisé et les Evêques de Livourne, de Fiesole, de Voilera, de Arezzo, et Sansepulcro, de Sovana-Pitigliano, de Pontremoli, de Prato, de Cortone, de Apuania, de Grosseto, de Chiusi, Pienza et Montepulciano, de San Miniato, de Pi-stoia, de Peseta, de Massa Marittima. Assistaient également à l’audience l’Abbé de Monte Oliveto Maggiore et les Auxiliaires de Florence, d’Arezzo de Montalcino et de Grosseto. Le Saint-Père a adressé à ses visiteurs un discours dont voici la traduction :



Soyez les bienvenus dans notre Maison, vénérables Frères. Dans votre groupe nombreux nous sentons vibrer la foi pure et la dévotion sincère des glorieuses Eglises toscanes, que vous gouvernez avec un généreux dévouement et une inlassable ardeur, apostolique. Et notre très cordial salut est un témoignage de louange, de confiance, d’espérance, et aussi de « communion » dans cette charité que l’Esprit du Christ répand dans nos coeurs (Rm 5,5).

Vous vous trouvez, aujourd’hui ici pour satisfaire au devoir canonique de la visite ad limina qui offre une occasion propice de rencontre, pour notre encouragement réciproque dans la laborieuse activité quotidienne du ministère apostolique. Parmi les diverses raisons de la visite ad limina il y en a une qui prime toutes les autres : celle d’examiner ensemble les conditions des Eglises confiées aux soins pastoraux de chacun, en comparant la situation actuelle aux traditions héritées du passé, en interrogeant les normes canoniques qui président à la « praxis » pastorale et, en même temps, en se laissant interpeller par les besoins spirituels qui émergent de la réalité historique du moment. En d’autres mots, il s’agit d’établir une confrontation entre l’Eglise idéale et l’Eglise réelle, entre la communauté avec laquelle votre ministère vous met chaque jour en contact et cette communauté vers laquelle l’Esprit vous pousse et vous stimule inlassablement.

Et alors, dans le cas présent, quelles sont les impressions que suggère instinctivement une semblable confrontation ? Nous avons examiné le rapport concernant l’activité collégiale de votre Conférence au cours de la période quinquennale qui vient de se terminer et nous croyons pouvoir affirmer que, grâce à vos mérites, la situation religieuse générale de la Toscane est toujours bonne. Malgré de compréhensibles tensions et inconvénients dus soit à la rencontre de la culture traditionnelle avec la société industrielle, soit aux transformations apportées à la vie ecclésiale par le providentiel événement du Concile Vatican II, la population conserve un fond chrétien bien solide et une pratique religieuse satisfaisante. On note, de plus, des ferments de réveil liturgique, catéchistique, pastoral qui entraînent des minorités, spécialement des jeunes, à un engagement apostolique toujours plus conscient et vif. Si le mérite de cette promesse de nouvelle floraison va au Seigneur à Celui « qui incrementum dat » (cf. 1Co 3,6-7), il importe cependant d’adresser quelques mots de reconnaissance et de louanges aux collaborateurs volontaires de Dieu qui ont « planté et irrigué » (cf. ib. 9). Continuez, vénérables Frères, à construire, avec une confiance inébranlable, en architectes savants (cf. ib. 10), sur le fondement sûr qu’est le Christ, Notre Seigneur.


Discours 1977 45