Discours 1977 63

FIDÉLITÉ À LA FOI



63 Le Pape reçoit les Evêques de France (Région du Centre-Est)

Le lundi 20 juin, le Saint-Père a reçu en audience les 16 Evêques français de la Région du Centre Est, venus à Rome pour leur visite « ad limina », entourant S.E. le Cardinal Alexandre RENARD, archevêque de LYON, primat des Gaules. Paul VI leur a adressé le discours suivant :



Chers Frères dans le Christ,



Nous remercions d’abord de Cardinal-Archevêque de Lyon d’avoir traduit les sentiments qui vous animent tous à l’égard du Successeur de Pierre, et d’avoir si bien synthétisé vos préoccupations et vos espérances de Pasteurs. Aux uns et aux autres, nous adressons un salut particulièrement affectueux, et, à travers vos personnes nous l’adressons à vos diocésains de Lyon, Chambéry, Saint Jean de Maurienne et Tarentaise, Annecy, Autun, Belley, Clermont, Grenoble, Le Puy, Saint-Etienne, Valence et Viviers ! Vos rapports quinquennaux, précis et vivants, nous ont permis de mieux mesurer les mutations considérables de votre région, mais d’évaluer également les forces apostoliques qui coopèrent activement à votre ministère de l’Evangile. Précisément, à votre retour, dites bien à vos prêtres des villes et des campagnes, aux religieux et aux religieuses qui s’adonnent à la vie active ou à la vie contemplative, aux laïcs jeunes et adultes qui font un vrai travail d’Eglise dans leurs milieux de vie, la joie, la confiance et les encouragements du Pape.

Vous avez évoqué la riche histoire chrétienne de votre région, depuis les célèbres martyrs que vous venez de fêter avec éclat. Oui, il est bon de s’appuyer aujourd’hui encore sur cette « foule immense de témoins », comme dit la préface des saints, dont la foi, la charité, le zèle apostolique ont été si inventifs, parce qu’ils étaient d’abord des fidèles. Il faut insister sur ce mot. Tout vivant, comme la science le montre de plus en plus, a dans son origine le principe de son développement, et ce dernier est d’autant plus harmonieux qu’il correspond plus fidèlement aux virtualités du germe initial. Il en est de même du chrétien : il mérite le beau nom de fidèle parce qu’il a reçu son être spirituel de l’Eglise. Elle vit certes avec son temps, mais sa tradition vivante intègre les nova et vetera dont parle l’Evangile, et elle assure notre union avec tous ceux qui furent, au cours des siècles, nos pères dans la foi. Il nous faut, non pas forcément copier les méthodes de nos devanciers, mais recueillir le secret de leur flamme. Les Evêques pensent naturellement à Saint Irénée le grand défenseur de la foi, ou à Saint François de Sales, modèle des Pasteurs, alliant la douceur à la fermeté. Les prêtres doivent demander au Saint Curé d’Ars la joie de se consacrer d’abord au salut des âmes. Les laïcs peuvent trouver dans Marius Gonin un pionnier de l’action sociale, dans Pauline Jaricot la passion des missions.

Et l’Eglise d’aujourd’hui, est capable, grâce à Dieu, de porter des fruits semblables. Vous relevez vous-mêmes un souci croissant de formation chrétienne, une soif de la prière dans de nombreux groupes, un désir d’assumer les responsabilités humaines dans un esprit de foi, une ouverture à l’Eglise universelle et aux peuples du Tiers-Monde, et vous saluez finalement, malgré les ombres, une réelle santé du Peuple de Dieu. Ces germes d’espérance sont peut-être encore discrets, en bien des régions, à côté des sujets de préoccupations que nous avons bien notés, et même des abandons ; mais ils existent : ce sont eux qu’il faut développer et renforcer.

Ce que nous croyons deviner, chez nombre de vos prêtres et de fidèles actifs, c’est la volonté tenace de chercher et de réaliser une pastorale rénovée, réfléchie, méthodique, adaptée, audacieuse parfois, pour rejoindre vraiment les personnes et leurs milieux de vie, afin que l’Evangile y ait un réel retentissement. Par exemple, nous savons les efforts déployés par les catéchistes bénévoles ou professionnels, par les centres de formation permanente, par les équipes liturgiques, par l’action catholique. Qui ne se réjouirait de cette vitalité !

Ce que Nous souhaitons avec vous, c’est que ces ouvriers apostoliques aient le souci de vérifier, avec leurs confrères et d’abord avec vous, la qualité évangélique et ecclésiale de leur engagement, en référence aux critères et aux normes que l’Eglise a sagement posés pour la garantir. La foi, certes, est bien personnelle, mais elle doit s’enraciner dans celle de l’Eglise-Mère. Les personnes, comme les communautés particulières, doivent donc éviter de sacraliser leurs méthodes, leurs options, leurs idéologies, en les confondant avec la foi ou avec l’Eglise. Enfin et surtout, qu’elles aient à coeur de vivre dans l’unité, non seulement avec des sentiments de bienveillance, dans des instances de collaboration, mais d’abord dans la cohérence doctrinale. Et c’est vous qui êtes le centre et le garant de cette unité, notamment du presbyterium, comme nous-même le sommes au profit de l’Eglise universelle. C’est une lourde tâche, nous en savons le poids, mais aussi le prix. Ah ! l’unité des fils de l’Eglise, n’est-ce pas le premier témoignage que nous demande le Seigneur ?

Pour ce qui est du rapprochement oecuménique, les initiatives n’ont pas manqué dans vos différents diocèses et cela aussi est méritoire et prometteur. La figure du Père Couturier en demeure le symbole. Et plusieurs centres oecuméniques sont actuellement très actifs chez vous. Il s’agit bien sûr de rapprocher les coeurs marqués par les divisions, de les unir dans la prière au même Seigneur, dans la méditation du même Evangile. Mais la prétention d’avoir résolu le drame de la division, serait fallacieuse, et l’Eucharistie partagée un abus, si l’on faisant fi de la recherche de la vérité et de l’adhésion à la même foi. C’est sur ce chemin qu’il faut progresser, avec résolution et en coordination avec notre Secrétariat pour l’Unité des chrétiens, dans « l’espérance qui ne déçoit pas ».

Ce qui doit aujourd’hui nous préoccuper au premier chef, c’est la fidélité à la foi. Et en cela, l’Evêque Saint Irénée de Lyon demeure pour nous tous un modèle. D’une part, il a eu le souci d’instruire sans cesse le peuple chrétien avec précision, comme doit le faire aujourd’hui le ministère primordial de la catéchèse. Il lui fallait aussi défendre la foi, contre de multiples hérésies naissantes, contre les « gnoses » qui auraient pu, tout en gardant les paroles évangéliques, les vider de leur substance, en fonction des idéologies ambiantes, avides de rationaliser le mystère. C’est le sens, vous le savez, de son oeuvre magistrale Adversus haereses. Pour mener à bien ce travail Irénée s’est appuyé sur le témoignage commun des Eglises, sur la Tradition de Rome et de l’Orient, dont il était le témoin privilégié, sur la continuité apostolique. Grâce à son courage, à sa lucidité, la fidélité à la foi a été maintenue, elle a progressé. Voilà ce qu’il nous faut réaliser aujourd’hui, devant la menace de « gnoses » qui pourraient dissoudre la foi, ou devant une fausse conception du pluralisme en matière de foi. C’est l’oeuvre des Evêques unis au Successeur de Pierre, c’est l’oeuvre aussi des théologiens.

Précisément vous vous posez la question de savoir comment établir une harmonie entre le Magistère et la fonction théologique. Ce problème capital est celui de toute l’Eglise et la Commission théologique internationale l’a naguère étudié ; il vous apparaît peut-être d’autant plus crucial que votre région comporte, grâce à Dieu, plusieurs centres théologiques qui se livrent à la recherche, donnent un enseignement de niveau universitaire, offrent de nombreuses sessions aux prêtres, religieux laïcs, avec un large rayonnement.

64 Il y a là une richesse pour l’Eglise. La tâche des Docteurs est toujours complémentaire de celle des Pasteurs. A ceux-ci, qui ont reçu la plénitude du sacerdoce et la juridiction, il incombe d’assurer avec autorité l’authenticité chrétienne et l’unité en matière de foi et de morale. Mais l’Eglise a également besoin de ses théologiens, et particulièrement dans une époque de profonde mutation comme la nôtre. Face au développement des sciences, de l’histoire, de la philosophie, il leur revient de répondre aux questions actuelles à la lumière de la Révélation. Attentifs à la vie des fidèles, ils peuvent contribuer à faire le tri entre l’humain qui peut être assumé par l’Eglise et ce qui lui est irréductible. Ils peuvent beaucoup aider les Evêques dans leur mission d’annoncer la foi, offrant aux esprits souvent en désarroi le stimulant et le réconfort d’un enseignement qu’ils puissent entendre, et une synthèse qui leur fait mieux comprendre le dynamisme de la Révélation et l’articulation de la doctrine. Avec vous, nous rendons hommage au courage, à la lucidité et au zèle apostolique de nombre de théologiens, à l’amour de leurs frères croyants et « mal croyants » auxquels ils veulent ouvrir plus largement le chemin de Jésus-Christ.

Encore faut-il que, conscients de leurs responsabilités, les théologiens le soient aussi de la nature du service auquel ils sont appelés. La théologie mérite le nom de science au titre de la nature et de la rigueur de ses méthodes et de la qualité de ses instruments de travail sans cesse tenus à jour. Mais elle se distingue de toute autre science, en ce qu’elle reçoit son objet de la Foi et que ses démarches épousent le rythme de la vie de l’Eglise, objet de la vigilance de ceux qui en sont les Pasteurs. Il appartient donc aux théologiens d’approfondir et d’illustrer le Donné de la Foi et l’interprétation qu’en dégage le Magistère, en dogme comme en morale. C’est l’observance de ces normes qui confère aux théologiens le droit d’être écoutés et leur vaut le beau nom de « Maître en la discipline de Dieu », « professer sacri numinis » antienne de la fête de Saint Thomas d’Aquin, dans l’ancien bréviaire dominicain Leur travail comporte comme exigences propres que la démarche rationnelle s’inscrive dans une soumission à la vérité de la foi, dans un climat de prière et un grand amour de l’Eglise.

Il ne faut pas oublier non plus que c’est l’ensemble des actes du Magistère qui sont normatifs de la doctrine : si leur enseignement peut être complété ou présenté ou avec des accents nouveaux, il ne saurait être négligé, encore moins contredit. Il serait gravement dommageable que, dans la recherche, dans l’enseignement ou dans les publications, on omette de se référer à ces documents de la Tradition, dans lesquels a été proposée la foi commune du Peuple de Dieu, ou que l’on ignore tout le développement dogmatique qui a explicité la Révélation à travers toute une histoire guidée par l’Esprit Saint, pour ne retenir que certaines phases, principalement celle des origines. Si l’on compare ce développement à un grand arbre, on peut certes l’élaguer, mais sans le réduire continuellement au tronc ou aux racines.

Le Concile Vatican II, pour sa part, a procédé à un « aggiornamento » lumineux de l’enseignement traditionnel. Réunis en Concile dans la communion avec le Pape, les Pères, après avoir largement bénéficié de l’aide des experts théologiens, avaient eux-mêmes grâce d’état pour se prononcer au niveau où ils l’ont fait et pour exprimer, dans des termes renouvelés, le Message chrétien à l’adresse des hommes de ce temps. C’est gravement méconnaître le sens de l’événement conciliaire que de s’en autoriser pour instaurer une soi-disant méthode théologique qui permettrait, au nom de la créativité et de la liberté de recherche, d’interpréter au gré de chacun le texte scripturaire, le contenu de la Tradition, et de s’ériger en juge de l’enseignement et des directives de l’Autorité Suprême de l’Eglise. Sans aucun doute, doit-on appliquer aux documents conciliaires et à l’ensemble des énoncés du Magistère, les notes élaborées par le traité des lieux théologiques. Mais si de telles règles définissent le degré d’assentiment dû à chaque assertion, il n’en est aucune qui dispense de la docilité qui convient, et moins encore qui ouvre la porte aune critique sans retenue. Le respect du Magistère est un élément constitutif de la méthode théologique. Et également le respect du Peuple de Dieu : celui-ci a droit à ne pas être troublé inconsidérément par des hypothèses ou des prises de position aventureuses, qu’il n’a pas la compétence de juger ou qui risquent d’être simplifiées ou manipulées par les mouvements d’opinion. Le théologien est un homme libre et responsable mais de la liberté du chrétien, celle qui s’exerce dans une ouverture aux lumières qu’assuré la Foi et que garantit la fidélité à l’Eglise.

C’est dans cet esprit que nous vous encourageons à maintenir où à rétablir des rapports confiants et convergents entre Magistère et théologiens. Ils sont délicats, certes, car la tâche des uns et des autres est difficile. Mais si des tensions existent, elles doivent se situer à l’intérieur de cette conscience ecclésiale commune qui permet à chacun de tenir sa juste place. L’« imprimatur », par exemple, demeure un signe de ce sens ecclésial : pourquoi des théologiens seraient-ils si réticents à la demander, à leur Evêque ou à leur Supérieur religieux, pour leurs publications de sciences religieuses, lorsque cet « imprimatur » est prescrit ou recommandé ? D’ailleurs, même l’exercice spéculatif de la théologie ne peut ignorer les finalités pastorales et missionnaires. Tous, Pasteurs et Docteurs, ont le devoir de manifester la certitude de la foi et de faire vivre les hommes de la vérité du Christ. Il y a diversité de ministères, mais c’est le même Esprit qui doit inspirer les uns et les autres. Nous souhaitons, entre les théologiens et vous-mêmes, entre les théologiens et le Saint-Siège, cette collaboration confiante et fructueuse dont l’Eglise a tant besoin.

De tout coeur, nous vous bénissons, vous et tous ceux qui coopèrent avec vous pour l’annonce de l’Evangile.






20 juin



FIDELITE ABSOLUE À JESUS-CHRIST



Le Pape reçoit des Cardinaux et des Evêques Américains

Le Saint-Père a reçu le 20 juin les Cardinaux Joseph Lawrence Shehan, José Clément Maurer, John Joseph Krol, John Patrick Cody, John Carberry, Terence Cooke, Timothy Manning et Humbert Medeiros et près de 80 Archevêques et Evêques des divers diocèses américains, parmi lesquels le Président de la Conférence catholique américaine, l’Archevêque Joseph Bernardin de Cincinnati. A l’adresse d’hommage du Cardinal Krol, le Saint-Père a répondu par un discours en langue anglaise, dont voici la traduction :



Vénérables Frères, chers Evêques d’Amérique,



Nous bénissons la Providence de Dieu qui nous a accordé la joie de ce jour : la célébration commune de notre communion ecclésiale à l’occasion de la canonisation de l’Evêque John Neumann.

65 Nous avons pu voir une fois de plus comme la puissance de la Résurrection du Christ garde éternellement son efficacité dans l’Eglise de Dieu et comment, par l’action du Saint-Esprit et pour la gloire du Père, elle continue à produire dans chaque génération ses fruits de sainteté de vie.

Et, grâce à un nouveau Saint — un Evêque américain — nous sommes tout spécialement heureux de l’occasion qui nous est ainsi offerte de vous exprimer toute notre affection dans le Seigneur, et de réfléchir avec vous sur la fonction épiscopale que vous êtes appelés à exercer au nom de Jésus-Christ, le « Chef des Pasteurs » (
1P 5,4) de l’Eglise.

Comme Vicaire du Christ, nous vous remercions pour votre association dans l’évangélisation, pour tout le travail et la peine que vous dépensez afin de porter le nom du Christ et le message salvifique de l’Evangile à votre peuple.

En vertu de notre propre charisme de Successeur de Pierre, nous ressentons comme un devoir de vous adresser quelques mots d’exhortation et d’encouragement. Permettez-nous de vous ouvrir notre coeur. Nos sentiments sont des sentiments d’estime, d’intérêt et d’amitié.

Chers Frères, nous avons été choisis pour continuer l’oeuvre du Bon Pasteur dans le monde. Nous avons été appelés à présider à ce que le Concile Vatican II appelle « la table de la Parole de Dieu comme celle du Corps du Christ » (Dei Verbum, DV 21). En vertu de sa nature même, notre ministère de parole et de sacrement est placé sous le signe de la fidélité à Jésus Christ — d’une fidélité totale à Jésus Christ. Nous avons été investis d’une charge sacrée en fonction d’un dessein qui dépasse de manière infinie toute sagesse humaine. Notre vocation est de leadership spirituel et de responsabilité pastorale : guider le Peuple de Dieu « sur les sentiers de la justice en vertu de son nom » (Ps 23,3).

La Parole de Dieu est le message que nous proclamons; elle est le critère de notre prédication; elle est la lumière et la direction pour la vie de nos fidèles. Nous n’avons nul espoir hors de la Parole de Dieu. A part elle, il n’existe aucune solution valable aux problèmes d’aujourd’hui. La prédication fidèle de la Parole de Dieu — dans toute sa pureté, avec toutes ses exigences, dans toute sa force — constitue la charge primordiale, la charge la plus élevée de notre ministère, car c’est d’elle que tout le reste dépend. Conscient de son importance croissante aujourd’hui, nous n’hésitons pas à répéter l’adjuration qu’avec simplicité et confiance, Paul adressa à Timothée : « Je t’adjure devant Dieu et devant le Christ Jésus (...) : proclame la Parole, insiste à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte, avec une patience inlassable et le souci d’instruire » (2Tm 4,1-2). Et, conscient qu’il y a aujourd’hui certaines questions que l’enseignement catholique doit considérer de manière très réaliste, et notamment celles de la morale sexuelle, nous n’hésitons pas à ajouter : « Car un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine mais au contraire, au gré de leurs passions, et l’oreille les démangeant, ils se donneront des maîtres en quantité et détourneront l’oreille de la vérité pour se tourner vers les fables. Pour toi, sois prudent en tout, supporte l’épreuve, fais oeuvre de prédication de l’Evangile, acquitte-toi à la perfection de ton ministère » (ibid. 4, 3-5).

Frères, voilà exactement le programme de la charité apostolique. Ces conseils sont une expression de l’amour, et s’ils sont suivis, ils assurent un grand service pastoral à nos populations. Ces paroles ont inspiré Jean Neumann; elles sont aujourd’hui un défi à tout évêque, quel que soit le lieu où il vit ; elles représentent la fidélité à Jésus-Christ et à sa Parole « qui est esprit et qui est vie » (n. 6, 63). C’est seulement dans la fidélité à la Parole de Dieu que peut exister la compréhension pastorale la plus profonde et la compassion humaine la plus vive. Il n’y a ni division, ni dichotomie, ni opposition entre les commandements de Dieu et notre service pastoral. Si nous ne prêchons pas toutes les exigences du Message chrétien, notre charité apostolique n’est pas complète.

Comme Evêques de l’Eglise de Dieu, nous devons tâcher d’être forts, pour ne pas nous « laisser ballotter et emporter à tout vent de doctrine » (Ep 4,14). Parlons haut, proclamons le Message des Béatitudes ; exerçons personnellement, avec toujours plus d’énergie, notre mission d’enseigner, enseigner comme le Christ.

Compréhension ? Oui. Compassion ? Oui. Sensibilité ? Oui. Mais une sensibilité surnaturelle, et une fidélité absolue à Jésus-Christ à sa Croix, et à sa Résurrection. Répétons sans cesse, comme Jean Neumann : « Passio Christi conforta me ! »

Et n’oublions jamais que l’Esprit Saint est avec nous pour nous permettre de rendre avec plus d’aisance cet amoureux service à nos peuples, pour nous rendre capables — dans la communion de vie de l’Eglise — de discerner et de prêcher les exigences véritables de la vie chrétienne. Une fois de plus, rappelons cet avertissement de Paul à Timothée : « Ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi » (2Tm 1,7). Et avec cette force, avec cet amour, avec cette maîtrise de soi, nous devons affronter tous les défis de notre ministère. C’est le vrai bien du saint peuple de Dieu qui est en jeu. Notre vocation doit inciter chacun de nous à dire avec Paul : « Moi, j’ai été établi héraut, apôtre et docteur au service de l’Evangile » (2Tm 11).

Et, sur la base de la Parole de Dieu, nous devons, comme Jean Neumann, consacrer notre vie au service continuel de nos frères. Et ainsi, toutes les souffrances, toutes les anxiétés et tous les problèmes du Peuple de Dieu doivent réellement nous toucher, parce qu’ils touchent des frères de Jésus et parce que nous entendons sans cesse Jésus dire à son Père : « Ils étaient à Toi, et tu me les as donnés... et je gardais en ton nom ceux que tu m’as donnés » (n. 17, 6 et 12). Pour remplir ce rôle, il faut que toutes les actions de notre vie et de notre ministère sacramentel s’accomplissent en stricte relation avec la Parole de Dieu.

66 En conclusion, vénérables Frères, nous vous supplions de veiller scrupuleusement sur le contenu de la Foi catholique et apostolique. Parlez-en souvent avec vos fidèles ; discutez-en avec vos prêtres, vos diacres et les religieux. Nous vous demandons aussi de répondre avec une vive attention personnelle, riche d’amour à votre grande responsabilité pastorale à l’égard de vos séminaristes : tenez-vous au courant du contenu de leurs cours, encouragez-les à aimer la Parole de Dieu et à ne jamais avoir honte de l’apparente folie de la Croix.

Il y a pas mal d’autres sujets que nous aimerions aborder avec vous. Ils concernent tous votre ministère qui doit servir de modèle à vos peuples ; la fidélité absolue que vous devez démontrer à l’égard de Jésus-Christ ; le service pastoral authentique que vous devez rendre au Peuple de Dieu. Mais en attendant, nous vous recommandons pieusement à l’intercession de Jean Neumann et nous proposons son ministère comme un modèle pour le vôtre et pour celui de tous les évêques du monde. Et, pour conclure, nous voudrions vous redire ce que nous vous avons écrit il y a un an, à l’occasion de la célébration du deuxième centenaire de votre pays :

« Et sur cette voie, Frères, allons de l’avant — allons de l’avant tous ensemble, au nom du Seigneur, au nom de Jésus. C’est Jésus lui-même qui nous a dit : ‘Que votre coeur cesse de se troubler. Croyez en Dieu, et croyez aussi en moi’ (
Jn 14,1) ».

Avec la grâce de Dieu il n’est d’épreuve que nous ne sachions endurer, de difficulté que nous ne sachions surmonter, d’obstacle que nous ne sachions franchir pour le triomphe de l’Evangile de Notre Seigneur Jésus Christ et pour la .gloire de son nom. Et en son nom, Frères, — au saint nom de Jésus — nous vous donnons ainsi qu’à tous vos fils et filles en Amérique notre spéciale Bénédiction Apostolique.







À L’ASSOCIATION DES JOURNALISTES CATHOLIQUES DE BELGIQUE


Mercredi 22 juin 1977




Mesdames, Messieurs,

Cette année encore, vous avez exercé votre responsabilité de journalistes catholiques pour contribuer à recueillir les traditionnelles «Etrennes pontificales», parmi vos compatriotes belges. Nous vous en sommes très reconnaissant, et Nous félicitons vivement l’Association des journalistes catholiques de Belgique que vous représentez. Nous apprécions votre souci de promouvoir «une presse pour l’homme», qui réponde à ses besoins les plus profonds, et donc à sa soif des valeurs spirituelles. Et vous voulez aussi l’éduquer à la solidarité: de cet effort témoigne votre démarche d’aujourd’hui. A une heure où certains se laissent gagner par un esprit critique à l’égard des institutions chrétiennes, et où d’autres s’enferment dans leurs propres soucis ou ceux de leur entourage immédiat, vous n’avez pas hésité a réveiller dans l’opinion publique les sentiments de confiance filiale et d’entraide à l’égard de l’Eglise et du Pape, à sensibiliser vos lecteurs aux besoins effectifs du Saint-Siège, à susciter souscriptions et offrandes qui Nous permettront de mieux faire face à nos lourdes charges, au service de l’Eglise universelle. La réponse généreuse de vos compatriotes confirme le bien-fondé de votre zèle et de votre confiance. Vous trouverez l’occasion de leur exprimer notre vive gratitude. Dites-leur que Nous sommes fiers de la charité de nos fils de Belgique, comme l’Apôtre Paul l’était de ceux qui participaient à sa collecte en faveur de l’Eglise-Mère (Cfr. 1Co 8,24). A vous-mêmes et à ceux qui vous sont chers, Nous donnons de grand coeur notre Bénédiction Apostolique.


27 juin



LES CONSISTOIRES, SECRET ET PUBLIC



Le Pape, comme une sentinelle vigilante, a, sous ses yeux, l’Eglise du Christ



Au Consistoire secret.



Nous remercions de tout coeur le Cardinal Vice-Doyen pour les paroles qu’il vient de nous adresser, inspirées par une fidélité et un attachement exemplaires. Elles expriment bien les sentiments de vous tous, vénérables Frères qui nous entourez en ce Consistoire. Et elles interprètent, à coup sûr, les sentiments que nous savons bien être ceux du vénéré Cardinal-Doyen, Luigi Traglia : nous avons pour lui une pensée affectueuse et nous prions le Seigneur de lui demeurer proche et de le réconforter dans sa grave infirmité.

67 Aujourd’hui, de nouveaux membres, serviteurs de choix de l’Eglise, assumant divers ministères de grande importance, seront agrégés au Sacré Collège: une joie sincère unit nos coeurs à cause de ce signe éloquent de vitalité et de fidélité.

Le Consistoire est une circonstance solennelle dans la vie de l’Eglise : les Cardinaux, étroitement unis au Pape, expriment de façon visible l’unité qui la fait vivre. C’est, en effet, un moment privilégié dans la vie de l’Eglise, parce que le Successeur de Pierre se trouve au milieu de ses plus proches collaborateurs et conseillers, ce qui est une expression de la collégialité épiscopale ; il leur confie ses soucis pastoraux, universels, et traite avec eux des problèmes ecclésiaux qui lui tiennent le plus à coeur.



I. Avant tout, nous exprimons à Dieu une profonde action de grâces que l’accomplissement d’une nouvelle année de pontificat rend encore plus sensible. Le Pape se sent soutenu par l’affection, la prière, la collaboration de tous ceux qui composent l’Eglise : évêques, prêtres, religieux et religieuses, familles, associations catholiques, fidèles de toute catégorie. C’est un grand courant de foi et de communion qui ne peut manquer de faire réfléchir même ceux qui sont distraits et lointains, et il nous inspire des sentiments de confiance, de sérénité, d’optimisme, fondés sur les paroles du Christ : « C’est moi, ne craignez pas » (
Mt 14,27). « Ayez confiance ! » (Mc 6,50 cf. Jn Jn 16,33). « Je suis avec vous » (Mt 28 Mt 20).

Avant de jeter un regard sur des problèmes plus vastes, il nous plaît de rappeler un événement qui intéresse de près le diocèse de Rome, ce Siège qui nous lie par une disposition divine au gouvernement et à la responsabilité de l’Eglise universelle. Nous vous en parlons encore, à vous, vénérables Frères, parce que, à un titre tout à fait direct, vous êtes membres de cette Eglise de Rome, incardinés à elle en vertu de ce Titre qui, par excellence, vous fait participer au presbyterium romain et, comme tels, fait de vous « ma joie et ma couronne » () ! Nous voulons faire allusion à la réforme du Vicariat, réalisée le 6 janvier dernier par la Constitution apostolique Vicariae Potestatis. Comme nous le disions dans le cadre splendide de la cathédrale de Rome, lors de la promulgation de la réforme du Vicariat, celle-ci ne constitue pas seulement un acte de pleine confiance dans nos collaborateurs directs, à commencer par notre Cardinal Vicaire : elle a voulu « mettre plus clairement en lumière le lien naturel qui existe entre la personne du Pape, Evêque de Rome, et son diocèse, avec, comme conséquence, la nécessité de la communion doctrinale et pastorale de toute la communauté diocésaine avec lui » (AAS 69, 1977, p. 55). La participation de toutes les instances de notre diocèse a ensuite été définie et précisée avec soin en ce qui concerne leurs tâches de collaboration, de coordination, de coresponsabilité ; chacune a été stimulée, dans son propre domaine, à s’engager soit dans l’animation chrétienne de la Cité, selon les orientations nées du Concile et de l’après-Concile, soit dans la promotion humaine que le gigantesque développement de la Ville requiert à tous les niveaux. On n’a pas manqué non plus de réorganiser les Tribunaux selon une conception plus adaptée aux exigences modernes.

Nous attendons beaucoup de cette réforme pour revigorer constamment la pastorale dans la Cité qui est nôtre à un titre particulier et qui doit briller à la face de toute l’Eglise comme un centre actif, fervent et ordonné de vie chrétienne authentique.



II. Nous sentons aussi en cet instant le besoin de jeter un regard sur l’ensemble de l’Eglise que le Christ nous a confiée en gage suprême de son amour : « Pais mes agneaux... Pais mes brebis » (Jn 21,15 ss.). Le Pape, comme une sentinelle vigilante, a sous les yeux l’Eglise du Christ, vivante dans la foi, unie dans la louange de Dieu, ardente dans la charité.

L’Eglise est toujours le « signal dressé pour les nations lointaines » (cf. Is Is 5,26 Is 11,12 en voici quelques témoignages éloquents ,

1. présence opérante dans le monde, surtout là où les besoins réclament l’intervention de sa charité ;

2. l’effort missionnaire, que nous n’avons pas manqué de souligner et de stimuler en diverses occasions ;

3. accroissement des vocations, assez sensible en certains pays, qui doit éveiller l’attention de nos prêtres et leur faire accueillir les signes de la vocation dans l’esprit des adolescents et des jeunes, pour faire briller devant eux la beauté à la fois attirante et exigeante d’une vie consacrée totalement, sans partage, à Dieu et au prochain ;

4. le témoignage de la cohérence et du levain évangélique au sein des problèmes les plus brûlants que l’individualisme et l’hédonisme d’aujourd’hui posent à ses yeux comme un défi ;

68 5. l’oeuvre de secours et de promotion sociale accomplie à l’occasion de cataclysmes naturels et de souffrances humaines, spécialement en faveur des justes — et urgentes — exigences des pays en voie développement; nous sommes heureux de mentionner à ce sujet le dixième anniversaire, qui vient de s’accomplir, de l’Encyclique Populorum progressio, et nous exprimons notre gratitude pour ce qui a été fait afin de rappeler la signification, la portée, les intentions de ce document, dont la mise en pratique nous tient tant à coeur ;

6. les contacts inlassables avec les Autorités civiles pour garantir, confirmer et accroître la liberté, pour les épiscopats, d’annoncer l’Evangile dans chaque pays, et la sphère d’action de l’Eglise : c’est sous cet éclairage que se placent les continuelles rencontres du Pape avec les hommes d’Etat et les responsables de la vie internationale, comme aussi le fait de recevoir des Ambassadeurs accrédités auprès du Siège Apostolique.

Tout cela se ramène au fameux binôme dans lequel l’Eglise se sent aujourd’hui particulièrement engagée : évangélisation et promotion humaine.



III. Un point particulier de la vie de l’Eglise attire de nouveau, actuellement, l’attention du Pape : les fruits indiscutablement bénéfiques de la réforme liturgique. Depuis la promulgation de la Constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium s’est réalisé un grand progrès, qui répond aux prémisses posées par le mouvement liturgique de la fin du XIX° siècle et en a accompli les aspirations profondes pour lesquelles tant d’hommes d’Eglise et tant de chercheurs ont travaillé et prié. Le nouveau rite de la Messe, promulgué par nous après une longue préparation réalisée d’une façon responsable par les organismes compétents, et dans lequel ont été introduits, à côté du Canon romain resté substantiellement inchangé, d’autres prières eucharistiques, a porté d’heureux fruits : participation plus grande à l’action liturgique ; conscience plus vive de l’action sacrée ; connaissance plus ample, des trésors inépuisables de la Sainte Ecriture; accroissement du sens communautaire de l’Eglise.

Les dernières années montrent que nous sommes dans la bonne voie. Mais il y a eu aussi, hélas — même au sein de la très grande majorité des forces saines et bonnes du clergé et des fidèles — des abus et des libertés dans l’application. Le moment est maintenant venu de laisser tomber définitivement les ferments de discorde, également pernicieux dans un sens comme dans l’autre, et d’appliquer intégralement, selon les justes critères qui l’ont inspirée, la réforme que nous avons approuvée pour répondre aux souhaits du Concile.

— Aux contestataires qui, au nom d’une liberté et d’une créativité mal comprises, ont causé tant de dommage à l’Eglise avec leurs improvisations, leurs banalités et leurs légèretés — et parfois avec de déplorables profanations —, nous demandons sévèrement de s’en tenir aux normes établies : si elles n’étaient pas respectées, cela pourrait mettre en cause l’essence même du dogme et de la discipline ecclésiastique, selon la règle d’or : « Lex orandi lex credendi ». Nous demandons la fidélité absolue pour sauvegarder la « regula fidei ». Nous sommes certain que, dans cette oeuvre, nous avons le soutien de l’inlassable, clairvoyante et paternelle action des Evêques, responsables de la foi et de la prière catholique dans leurs propres diocèses.

— Mais avec la même force, nous invitons les contestataires qui se raidissent dans leur refus — au nom d’une tradition qui s’avère être plutôt l’étendard de leur insubordination opiniâtre que le signe d’une fidélité authentique — nous les invitons à écouter, comme c’est leur strict devoir, la voix du Pape et des Evêques, à comprendre la signification bénéfique des modifications accidentelles introduites dans les rites sacrés (qui représentent une véritable continuité, et même bien souvent une reprise de l’ancien en l’adaptant au nouveau), à ne pas s’obstiner dans une fermeture préconçue et incompréhensible qui ne peut absolument pas être approuvée. Nous les conjurons au nom de Dieu : « Nous vous en prions au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (
2Co 5,20).



IV. Ces recommandations qui jaillissent de notre coeur veulent souligner la nécessité que nous ressentons de l’unité de l’Eglise dont nous avons parlé au début de cette allocution.

Nous pensons avant tout à l’unité dans la chanté. A la veille de l’Année Sainte, nous avons lancé un appel pressant à la réconciliation à l’intérieur de l’Eglise (cf. Exhortation apostolique Paterne cum benevolentia, du 8 décembre 1974 : AAS 67, 1975, PP 5-23). Nous croyons nécessaire d’insister à nouveau sur cet appel, car il nous semble que le troupeau tend parfois à se diviser, et les membres de l’Eglise subissent la tentation du monde qui les pousse à s’opposer entre eux. Or c’est à leur ardeur dans la recherche de l’unité que se reconnaissent les vrais disciples du Christ ; c’est dans l’harmonie des sentiments fraternels, inspirés par l’humilité, le respect mutuel, la bienveillance, la compréhension, que les communautés chrétiennes reflètent le véritable visage de l’Eglise, alors qu’au contraire le spectacle des divisions nuit à la crédibilité du message chrétien. Nous nous adressons donc à tous nos fils afin que soient bannis du sein de la communauté ecclésiale ces motifs de critique corrosive, de division des esprits, d’insubordination à l’égard de l’autorité, de soupçon réciproque, qui ont pu souvent paralyser des énergies spirituelles très riches et entraver le mouvement de conquête de l’Eglise pour l’extension du Royaume de Dieu. Nous désirons que tous se sentent à leur aise dans la famille ecclésiale, sans exclusives ni isolement nuisibles à l’unité dans la charité, et qu’on ne cherche pas à faire prévaloir les uns au détriment des autres. Formant « un seul coeur et une seule âme » (Ac 4,32), comme les chrétiens de la première communauté-mère de Jérusalem, à l’ombre de Pierre, nous devons travailler, prier, souffrir, lutter pour rendre témoignage au Christ ressuscité, « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8).

Mais le Christ a voulu que cette unité dans la charité ne soit jamais séparée de l’unité dans la vérité, sans laquelle la première pourrait s’allier à un pluralisme insoutenable ou à un indifférentisme mortel. La « règle de la foi », à laquelle nous avons déjà fait allusion, exige cette cohésion parfaite dans la fidélité à la parole de Dieu, sans que soit jamais voilée la source pure de vérité, jaillissant de la Très Sainte Trinité et communiquée aux hommes par le Christ, Fils de Dieu et Fils de l’Homme, Pierre angulaire sur laquelle est fondée l’Eglise ; sans que ne soit jamais interrompue la continuité qui a transmis cette Révélation au cours des siècles avec une immuable fidélité, et en a tiré les trésors qui y étaient cachés, par un continuel approfondissement, mais « eodem sensu eadentque sententia » (St Vincent de Lérins, Commonitorium, 23).

Mais qui, selon l’enseignement même du Christ et selon la constitution immuable de l’Eglise, est responsable du jugement qui doit être émis au sujet de la fidélité au dépôt de la foi, au sujet de la conformité d’une doctrine ou d’une règle de conduite avec la Tradition vivante de l’Eglise ? C’est le Magistère authentique qui provient du Siège Apostolique et de l’ensemble des Pasteurs en communion avec lui. Telle a toujours été, depuis les origines, la pierre de touche de la vérité, qu’il s’agisse de la foi ou de la morale, de la discipline, des sacrements, des orientations les plus importantes de la pastorale pour l’annonce de l’Evangile dans le monde.

69 II est vraiment nécessaire aujourd’hui de le rappeler, étant donné que certaines interprétations de la doctrine mettent en péril la foi des croyants insuffisamment adultes ou formés. Comme nous l’avons déjà dit, à propos des abus commis dans la liturgie, nous sommes certain que les Evêques veillent sans cesse sur ce point. Et nous invitons chaleureusement tous les Evêques, prêtres, religieux et fidèles, à collaborer pour l’unité dans la vérité.

Et maintenant nous exprimons une fois de plus, le coeur rempli de tristesse, la souffrance que nous causent les ordinations illégitimes qu’un de nos Frères dans l’Episcopat s’apprête à conférer très prochainement et en récidive. Nous le déplorons avec la plus grande fermeté. Il accentue, de cette manière, son opposition personnelle à l’Eglise et son action de division et de rébellion sur des questions d’une extrême gravité, malgré nos patientes exhortations et la suspense encourue avec interdiction formelle de persister dans ses desseins contraires aux normes canoniques. Ainsi des jeunes sont établis en dehors du ministère authentique de l’Eglise, et donc empêchés de l’exercer par la loi très sainte de l’Eglise. Et les fidèles qui les suivront sont entraînés dans les attitudes de trouble, sinon même de révolte, fortement préjudiciables à eux-mêmes et à la communauté ecclésiale. Quels qu’en soient les prétextes, cela constitue une blessure faite à l’Eglise, une de celles que Saint Paul condamnait si sévèrement. Nous supplions notre frère de se rendre compte de la rupture qu’il opère, de la désorientation qu’il provoque, de la division qu’il introduit, avec une très grave responsabilité. Nos Prédécesseurs, à la discipline desquels il ose faire appel, n’auraient pas toléré aussi longtemps que nous l’avons fait avec patience, une désobéissance aussi obstinée que nuisible. Nous vous demandons de prier l’Esprit-Saint avec nous, afin qu’il éclaire les consciences.

Le Christ a voulu son Eglise une, sainte, catholique et apostolique. Mais si l’on brise l’unité, d’un côté ou de l’autre, une ombre s’étend sur la réalité ecclésiale tout entière dans ses notes constitutives. Pour cette unité le Christ a prié (cf. Jn
Jn 17,20-26) ; pour cette unité, Il a donné sa vie : « Jésus devait mourir pour rassembler dans l’unité les fils de Dieu dispersés » (Jn 11,51-52). Jésus a confié cette unité à l’Eglise naissante, afin qu’elle soit le témoin unanime de la Parole et du Salut de Dieu, dans le monde et pour le monde.

Cette unité, que l’Eglise catholique garde intacte, nous la recommandons instamment à tous nos Frères et Fils. A la veille de la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul, colonnes de l’Eglise pour laquelle ils ont donné leur vie, nous leur en confions la garde.

Nous invoquons à cette intention l’intercession de la Vierge Marie, Mère de l’Eglise. Et en sollicitant la coopération active, lucide et généreuse de tous nos Frères et Fils, nous leur accordons, pour soutenir leurs fermes et salutaires résolutions, une particulière Bénédiction Apostolique.

Au Consistoire public.

Eloge de la fidélité





Le Consistoire célébré ce matin dans le Palais apostolique, selon la tradition ancienne, trouve dans cette salle sa continuation et son couronnement. Dans quelques instants, nous imposerons la barrette aux nouveaux Cardinaux, et nous saluons cordialement ceux-ci, qui appartiennent désormais au Sacré Collège.

Nous saluons également les délégations ici présentes : Evêques, Autorités civiles et militaires, membres du clergé et fidèles, venus entourer les nouveaux élus pour représenter leurs pays d’origine et les diocèses dont trois d’entre eux sont les Pasteurs. Tous, nous les remercions d’être venus assister à cet important événement ecclésial.

Mais nos remerciements s’adressent ici, avant tout, au nouveau Cardinal Giovanni Benelli, Archevêque de Florence, qui a si bien su interpréter les sentiments que lui-même, et ses confrères dans l’Episcopat comme dans la dignité cardinalice à laquelle ils ont été appelés, éprouvent dans leur coeur en ce moment de leur vie.

Le caractère particulier de cette phase finale du Consistoire nous suggère quelques réflexions sur un thème qui nous paraît fondamental et spécifique de cette cérémonie : la fidélité.

70 C’est précisément ce que nous avons voulu souligner en intimant le Consistoire de cette année, Les ecclésiastiques très dignes et vénérés que nous venons d’agréger au nombre des Cardinaux se distinguent effectivement, tous et principalement, par cette qualité : la fidélité absolue dont ils ont fait preuve en cette période postconciliaire, riche de ferments sains, mais aussi d’éléments de division, avec une disponibilité continue, dans un service de tous les instants, un dévouement total au Christ, à l’Eglise et au Pape, qui n’a ni fléchi, ni vacillé, ni transigé. En vous acquittant de charges très délicates, vous que dès aujourd’hui, nous appelons Nos Vénérés Frères avez offert devant l’Eglise entière un témoignage incomparable de fidélité.

De cette fidélité, nous sommes heureux de donner maintenant une attestation publique : d’abord à vous, Cardinal Benelli, qui nous avez été si proche depuis des temps lointains, et surtout pendant les dix années au cours desquelles, comme Substitut de la Secrétairerie d’Etat, vous avez exécuté notre volonté de manière active, sans épargner ni votre temps ni vos énergies, de façon ininterrompue, inlassablement. Et s’il nous a tellement coûté de nous priver de votre collaboration, nous avons pensé au bien qu’il en résultera pour l’Eglise de Florence, à laquelle nous faisons le don de vos qualités, de votre abnégation, de votre esprit de sacrifice.

Nous donnons également acte de cette fidélité à vous, Cardinal Gantin, qui, après avoir servi de façon exemplaire votre archidiocèse natal de Cotonou, au Bénin (comme s’appelle aujourd’hui l’ancien Dahomey), avez été dans un premier temps Secrétaire du Dicastère chargé de promouvoir l’évangélisation dans le monde, et présidez maintenant la Commission « Iustitia et Pax » que nous avons instituée pour la valorisation de la bonne cause de la justice et de la paix, surtout en faveur des pays en voie de développement.

Nous attestons aussi votre fidélité, Cardinal Ratzinger, dont l’important magistère théologique, dans de prestigieuses chaires universitaires de votre Allemagne et dans des publications nombreuses et de valeur, a manifesté comment la recherche théologique — dans la voie maîtresse de la « fides quaerens intellectum » — ne peut et ne doit jamais se détacher de l’adhésion profonde, libre, créatrice, au Magistère qui interprète et proclame authentiquement la Parole de Dieu ; et maintenant, à la tête de l’archidiocèse de Munich et Freising, vous guidez avec toute notre confiance un peuple élu sur les voies de la vérité et de la paix.

Et nous vous donnons acte à vous, Cardinal Ciappi, d’une fidélité qui a toujours été pour vous comme une seconde nature, qui a inspiré votre enseignement à l’Angelicum, en tant que Doyen de la Faculté de Théologie, et ensuite comme très apprécié, humble et autorisé Théologien de la Maison Pontificale, déjà sous nos Prédécesseurs de vénérée mémoire Pie XII et Jean XXIII, puis au cours de ces quatorze années de notre Pontificat. Notre geste veut être une récompense pour ce service très précieux, et aussi une nouvelle marque de gratitude pour l’Ordre dominicain dont vous êtes un fils exemplaire.

Quelle n’a pas été, enfin, la fidélité du Cardinal Tomasek, que nous nous réjouissons de voir ici avec nous, après avoir publié son nom resté « in pectore » depuis le Consistoire du mois de mai de l’an dernier ! Son long et généreux ministère de prêtre et d’Evêque, dans cette Tchécoslovaquie si aimée, exercé toujours avec droiture et cohérence évangéliques, nous nous devions de le signaler ainsi devant l’Eglise et la société civile, en gage d’un avenir serein et constructif.

Nous vous remercions publiquement, Frères vénérés, de l’exemple de cette fidélité méritoire et bénéfique. Mais si, de cela, nous vous avons donné publiquement le témoignage, nous ne voulons certainement pas oublier les mille et mille vies qui se consument dans le silence, dans la prière, dans la fatigue, pour la gloire de Dieu et pour le bien des frères ; nous pensons à la jeunesse saine et héroïque qui reste fidèle à la Loi divine et aux impératifs de la conscience, au milieu de périls de tous genre ; nous pensons aux pères et aux mères de famille qui continuent d’être fidèles aux engagements du sacrement de mariage et font de leur foyer une « petite Eglise », un creuset d’éducation, une école d’apostolat ; nous pensons aux très chers séminaristes qui se préparent au sacerdoce dans la fidélité à un programme austère et joyeux de vie intérieure, d’étude et d’autodiscipline : nous pensons à ces prêtres généreux qui, dans la monotonie d’une vie obscure et cachée, se prodiguent dans la prédication de la Parole de Dieu, dans le ministère de la réconciliation, dans le soin des malades, dans la formation des adolescents, dans les oeuvres diverses et multiples de l’apostolat. A tous, notre gratitude : oui, qu’ils le sachent, nous leur sommes reconnaissant, nous les bénissons, nous ne les oublions pas ! Ce jour, qui nous parle à tous de fidélité, est une occasion exceptionnelle pour reconnaître et encourager la fidélité qui, pour une très grande part, se vit dans l’Eglise sans se laisser influencer par les nouveautés des idéologies, par le goût de la faveur du monde, ni par la recherche de l’intérêt propre.

Voici, Frères et Fils, le sens que revêt la cérémonie d’aujourd’hui. Et c’est pourquoi le serment que les nouveaux Cardinaux vont prêter maintenant n’est rien d’autre qu’un nouvel engagement de fidélité plus vaste encore. Nous allons les entendre répéter : « Je promets et je jure que je serai, dès maintenant et tant que je vivrai, constamment fidèle au Christ et à son Evangile, et que j’obéirai au bienheureux Pierre et à la sainte Eglise apostolique romaine ». La fidélité que vous jurez aujourd’hui qualifiera toujours davantage votre activité, votre vie : soit comme membres élus du presbyterium romain, auquel les titres qui vous sont assignés vous lieront visiblement aussi ; soit comme nos collaborateurs dans les différents Dicastères de la Curie romaine, et donc en étant particulièrement voués au service du Siège Apostolique et des exigences de la famille ecclésiale tout entière; soit comme responsables des diocèses confiés à certains d’entre vous, et dans lesquels vous exercerez le triple devoir pastoral du magistère, du ministère et du gouvernement, en qualité de Maîtres, de Liturges et de Pasteurs, en communion avec cette chaire de Pierre, qui compte sur vous et sur vos Eglises. Ainsi que nous le disions déjà en ce lieu, à l’occasion du Consistoire de l’Année dernière, « c’est comme un courant de vie qui s’écoule du centre vers chacun des points de l’horizon, et qui de là retourne au centre, dans un échange, unique de vitalité et d’amour, qui manifeste la fécondité et l’unité intimes de l’Eglise du Christ » (AAS 68, 1976, p. 388).

Que nous aide, en cela, la Madone Virgo fidelis, toujours attentive à la Parole de Dieu, et qu’elle nous aide à en vivre et à l’approfondir ! Et que la grâce du Seigneur, auquel nous nous confions avec une immense espérance et une totale confiance, protège l’engagement de tous !





Discours 1977 63