Discours 1978



Discours 1978

1 Eglise et documents, vol. XI – Libreria editrice Vaticana







AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES D'ISRAËL*


Jeudi 12 janvier 1978




Monsieur le Ministre,

La visite que Votre Excellence et les personnes distinguées de votre suite nous rendent aujourd'hui, revêt une importance spéciale en raison des circonstances de l'actualité: une phase particulièrement intense d'initiatives et de discussions - à laquelle vous-même et vous tous prenez une part active - est en marche. Elle veut acheminer le long et douloureux conflit du Moyen Orient vers un règlement définitif.

Cette rencontre est donc pour nous une occasion propice de renouveler nos voeux fervents et de manifester une fois de plus notre espérance très chère que l'impulsion donnée à la négociation se révèle décisive pour une paix juste, grâce au courage et à la vision d'avenir des responsables engagés dans ces discussions et à la participation de toutes les parties intéressées.

Nous pensons donner ainsi une voix aux aspirations profondes de tous les peuples de cette région et de tous ceux qui considèrent le Moyen Orient, non seulement comme une zone de grande importance dans et pour le monde, mais aussi comme un réservoir d'immenses richesses spirituelles. Nous sommes également convaincu, en dépit des difficultés accumulées au cours de ces années hautement critiques, qu'il est possible de parvenir à des solutions qui unissent à la fois les demandes fondamentales de sécurité et celles de la justice pour tous les peuples dans cette région du monde et posent les bases d'un avenir de paix pour eux.

Comme Votre Excellence le sait bien, la question de Jérusalem et des Lieux Saints nous tient particulièrement à coeur, dans cette situation complexe du Moyen Orient. Nous attendons avec ferveur une solution qui puisse satisfaire non seulement les aspirations légitimes de ceux qui sont concernés mais qui tienne compte aussi du caractère religieux prééminent de la Cité Sainte. Nous avons donc confiance que la proposition présentée à plusieurs reprises par le Saint-Siège, en raison de la grandeur spirituelle de Jérusalem, sera accueillie comme une contribution positive à cette solution.

En terminant. Monsieur le Ministre, nous voulons vous prier de porter, au peuple d'Israël et à ses chefs, nos voeux chaleureux ,de paix. Nous les accompagnons de nos prières au Tout Puissant pour leur bien-être et leur progrès civil et spirituel.

*ORf n.3 p.2;

La Documentation catholique n.1735 p.107.





A S. EXC. M. GEOFFREY ALLAN CROSSLEY,


NOUVEL AMBASSADEUR DE GRANDE BRETAGNE


PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Vendredi 13 janvier 1978




2 Monsieur le Ministre,

C'est avec plaisir que nous recevons aujourd'hui les Lettres par lesquelles Sa Majesté la Reine Elisabeth II vous accrédite comme Envoyé extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire près le Saint-Siège. Nous vous souhaitons cordialement la bienvenue et nous aimerions vous prier de transmettre à Sa Majesté nos remerciements pour l'expression de sa considération et de son amitié, sentiments que nous lui manifestons chaleureusement en retour tout en l'assurant de nos prières.

En réponse à votre bienveillante référence à notre Message pour la récente Journée de la Paix, célébrée pour la onzième fois, nous ne pouvons qu'insister line fois de plus sur notre sincère désir que le monde en vienne le plus rapidement possible à se convaincre que le véritable destin de l'humanité et donc du monde dépend de l'inestimable don de la paix dans la justice. Le Saint-Siège ne saurait manquer de noter avec satisfaction tous les efforts et initiatives orientés vers l'instauration d'une paix solide ' et la suppression de la violence sous n'importe quelle forme; ce n'est que de cette manière-là que la dignité et les droits individuels de tout être humain peuvent être respectés et favorisés et qu'un monde meilleur peut être édifié pour la génération présente et pour celles futures, un monde inspiré par l'amour mutuel et l'empressement à pourvoir aux besoins d'autrui. C'est sous ce jour-là que nous voyons les efforts que votre pays exerce dans ce but.

De la même manière, une coopération majeure de votre pays avec les autres nations européennes ne peut manquer de consolider une véritable unité et une entente mutuelle entre les nations elles-mêmes et les individus qui les constituent.

Est également pour nous une source de satisfaction la mention que vous avez faite de la visite que nous a rendue l'an dernier l'Archevêque de Canterbury et d'autres personnalités de la Communion Anglicane. Nous prions sans cesse le Seigneur pour qu'il daigne hâter le jour où sera réalisée la pleine unité entre chrétiens, dans la foi et dans la discipline, exactement comme le Seigneur veut qu'elle le soit. En attendant, nous veillons et prions en toute confiance.

Excellence, en l'heureuse occasion présente, nous vous assurons que le Saint-Siège sera toujours prêt à vous assister dans la mission que vous êtes sur le point d'entreprendre et nous invoquons les bénédictions divines sur vous, sur votre famille et sur le Pays que vous représentez.

*ORf n.4 p.2.


Samedi 14 janvier



LE RESPECT DES DROITS DE L’HOMME : LIBERTÉ RELIGIEUSE, ÉGALITÉ RACIALE, INTÉGRITÉ PHYSIQUE ET PSYCHIQUE





Le Pape au Corps Diplomatique



Excellences et chers Messieurs,



Avec joie nous accueillons ces voeux chaleureux. Nous sommes très touché des paroles pleines de bienveillance et de confiance que votre Doyen vient de Nous adresser en votre nom à tous, en évoquant des initiatives ou des événements personnels et ecclésiaux qui nous sont chers. Nous vous remercions aussi de votre présence. Veuillez agréer les souhaits très cordiaux qu’à notre tour nous sommes heureux de vous offrir : au delà de vos personnes, ils vont à vos familles, à vos Ambassades, aux Etats que vous représentez auprès du Saint-Siège. Que Dieu les garde dans la paix tout au long de l’année nouvelle !

3 Cette rencontre traditionnelle du mois de janvier pour l’échange des voeux nous permet, chaque année de nous entretenir avec vous. Nous voudrions choisir aujourd’hui, comme sujet de réflexion, le thème si important et si actuel des droits humains.

Les droits de l’homme, on en parle et on en discute beaucoup aujourd’hui. On le fait avec passion, parfois avec colère, presque toujours en ayant en vue une plus grande justice, effective ou présumée. Ces revendications ne semblent pas toutes raisonnables car elles sont parfois inspirées par des emballements individualistes ou une utopie anarchique ; quelques-unes sont même moralement inadmissibles. Mais, dans l’ensemble, en tant qu’aspiration et tension vers une plus haute espérance, cet intérêt accru pour un espace de liberté et de responsabilité plus favorable à la personne est un fait positif qu’il faut encourager ; l’Eglise le suit et veut continuer à le suivre avec sympathie, tout en lui apportant, selon sa propre mission, la lumière et les éclaircissements nécessaires.

Parmi l’ensemble fort vaste et complexe des thèmes qui touchent les droits de la personne humaine, il nous a paru utile d’évoquer d’une façon particulière la liberté religieuse, l’égalité raciale, et le droit de l’homme à l’intégrité physique et psychique. Ce choix nous a été suggéré par le fait que ces trois valeurs se situent dans la sphère des rapports entre les personnes et les pouvoirs publics : et nous vous avons justement aujourd’hui comme auditeurs, vous qui représentez les Gouvernements de tant de pays.



La liberté religieuse





L’une des caractéristiques de notre société sécularisée est, sans aucun doute, la tendance à reléguer la foi religieuse au rang d’option privée. Et pourtant, jamais comme à notre époque, partout où elle est opprimée ou limitée, la liberté de religion, de conscience n’a été invoquée et revendiquée avec autant d’insistance, voire de passion, comme une valeur de l’existence, qui réclame une dimension extérieure et communautaire. Il suffit de voir les appels qui nous parviennent continuellement de personnes et de groupes, même non catholiques, d’hommes et de femmes de toute conviction, et aussi le large consensus que rencontrent les initiatives du Saint-Siège lorsqu’il demande devant les instances internationales le respect pour la liberté religieuse de tous.

Quelques idéologies diffuses veulent aussi cataloguer la foi en Dieu parmi les signes de la faiblesse et de l’aliénation humaine. Et pourtant, rarement autant qu’en ces dernières décennies, les croyants ne se sont montrés davantage des hommes libres, indépendants dans leur jugement moral, résistants dans les privations, intrépides sous les pressions et les oppressions, et devant la mort. Nous en avons pour preuve les témoignages de ceux qui ont partagé avec eux la prison ou l’internement, et aussi les sacrifices que savent supporter sereinement, sur le plan de la vie civile, du travail, des études, de la carrière, une multitude de croyants qui acceptent de subir des discriminations pour eux ou pour leurs enfants, pourvu que cela n’atteigne pas leurs propres convictions.

On doit reconnaître que toutes ou presque toutes les Constitutions du monde, sans parler de plusieurs documents internationaux de portée solennelle, contiennent des garanties — souvent amples et circonstanciées — en faveur de la liberté de religion et de conscience, et de l’égalité des citoyens sans distinction de foi religieuse. Mais on ne peut s’empêcher de constater les limitations et les interdictions auxquelles sont soumises dans divers pays, au plan législatif et administratif, ou simplement dans les faits, de nombreuses manifestations de la vie religieuse : la profession de foi individuelle, l’éducation des jeunes, l’action pastorale de prêtres ou d’évêques, l’autonomie interne des communautés religieuses, la faculté d’évangéliser, l’utilisation de la presse, l’accès aux mass média, etc. Il faut donc en conclure que les croyants sont encore considérés comme des citoyens suspects, que l’on doit surveiller tout particulièrement.

Nous voudrions que notre discours ici soit franc, respectueux de la vérité, et aussi amical et constructif. Il est exact que la personne qui croit sincèrement en Dieu et s’efforce, malgré sa faiblesse et ses péchés, de vivre en communion d’amour avec Lui, se sent forte et libre. La force n’est pas la sienne : c’est celle de l’Autre, auquel elle se confie. La liberté lui vient du fait qu’elle ne craint pas les puissances « qui tuent le corps » (Lc 12,4). « C’est un curieux paradoxe », disait malicieusement Sir Thomas More, humaniste et homme d’Etat, à sa fille Margaret avant de mourir, « qu’un homme puisse perdre la tête sans en subir de dommage ».

Moins enclin à la suggestion, le croyant est ouvert à la vérité et à la justice, il a le coeur disponible pour ses frères, il ressent le devoir impératif d’être fidèle aux responsabilités assumées. On peut tout lui demander pour les autres hommes et pour la société, sauf ce que sa conscience lui interdit.

Que les chrétiens sachent puiser dans la foi une force morale particulière qui les engage, au moins autant et même plus que d’autres, en faveur d’une société plus humaine et plus juste : c’est ce que commencent à reconnaître même ceux qui, autrefois, avaient l’habitude de qualifier la foi religieuse d’une sorte de fuite du réel. Il semble permis de se demander alors : un Etat peut-il solliciter avec fruit une confiance et une collaboration entières alors que, par une sorte de « confessionnalisme en négatif », il se proclame athée et, tout en déclarant respecter dans un certain cadre les croyances individuelles, il prend position contre la foi d’une partie de ses citoyens ? Comment penser qu’un père ou une mère aient l’espoir d’une société qui se voudrait nouvelle et plus juste, quand une éducation idéologique totalisante est privilégiée dans les écoles, et quand il reste difficile pour les familles, même dans l’intimité du foyer, de communiquer, à leurs enfants les valeurs de l’esprit qui sont le fondement de la vie ? Comment peuvent se sentir tranquilles l’Eglise et ces Pasteurs qui nourrissent pourtant, à l’égard de l’autorité civile, un respect sincère et motivé, selon le mot de Saint Paul, « non par crainte du châtiment mais par raison de conscience » (Rm 13,5), quand on s’oppose encore à l’ouverture de lieux de culte ou à l’envoi de prêtres là où leur présence est réclamée par les fidèles, ou quand on limite l’accès au sacerdoce ou à la consécration religieuse ?

Pour notre part, nous avons toujours encouragé Pasteurs et fidèles à faire preuve d’une patience persévérante, à être loyaux envers les pouvoirs légitimes, à s’engager généreusement dans le domaine civique et social pour tout ce qui sert le bien de leur pays. Nous en avons donné publiquement la preuve, récemment encore, à l’occasion des visites déférentes et courtoises de hautes Autorités civiles. Depuis longtemps, à l’exception de quelques pays pour lesquels cela ne nous a pas été permis jusqu’ici, nous avons entamé un dialogue franc et ouvert, que l’on ne peut pas considérer comme sans résultat, et que nous souhaiterions plus approfondi, élargi aussi à des points difficiles non encore abordés. Nous voudrions maintenant, faisant place à une perspective plus étendue et parlant non seulement pour les catholiques mais en faveur de tous les croyants, formuler une question. Cette question la voici : les temps ne sont-ils pas mûrs désormais, l’évolution historique n’est-elle pas suffisamment avancée pour que certaines raideurs du passé soient surmontées, que soit accueillie la supplication de millions de personnes, et que tous — dans la parité de condition entre concitoyens et dans le concours solidaire de tous au bien civique et social de leur pays — puissent bénéficier du juste espace de liberté pour leur foi, dans ses expressions personnelles et communautaires ? N’y a-t-il pas dans les vicissitudes des peuples, même après les bouleversements les plus radicaux, une maturation naturelle des événements, une détente des esprits, un cheminement des générations abordant une nouvelle étape plus ouverte et plus humaine, dans lesquels se consume et se dissout ce qui oppose et divise, dans lesquels aussi renaît et s’affirme ce qui accueille, fait fraterniser et réunifie ? Il nous semble à nous que justice, sagesse et réalisme convergent pour étayer l’espérance fondée et le souhait cordial qu’un tel moment, capable de procurer le bonheur à tant de coeurs, ne soit pas remis à plus tard ni éludé.



L’égalité entre les hommes





A l’égalité sans distinction d’origine ou de race sont consacrés des documents internationaux solennels, comme la Convention des Nations Unies du 21 décembre 1965 contre toute forme de discrimination raciale, à laquelle le Saint-Siège lui aussi a adhéré. Plus que sur son aspect juridique et politique, nous voudrions ici attirer l’attention sur le sens religieux et moral de la dignité égale de tous les hommes. Pour qui croit en Dieu, tous les êtres humains, même les moins favorisés, sont les fils du Père universel, qui les a créés à son image et guide leurs destinées avec un amour prévenant. Paternité de Dieu signifie fraternité entre les hommes : c’est un point fort de l’universalisme chrétien, un point commun aussi avec d’autres grandes religions et un axiome de la plus haute sagesse humaine de tous les temps, celle qui a le culte de la dignité de l’homme.

4 Pour un chrétien, aucun homme n’est exclu de la possibilité d’être sauvé par le Christ et de jouir d’une même destination du Royaume de Dieu. Il est donc inconcevable pour qui accueille le message évangélique, même en tenant compte de diversités physiques, intellectuelles ou morales, de nier l’égalité humaine fondamentale au nom de la prétendue supériorité d’une race ou d’un groupe ethnique. Nous nous souvenons encore avec émotion des fortes expressions utilisées par notre grand prédécesseur Pie XI, de vénérée mémoire, dans la Lettre encyclique qu’il publia il y a quarante ans, pour condamner ceux qui voulaient porter atteinte à l’universalité de la Rédemption chrétienne par la soi-disant « révélation » d’un « mythe du sang et de la race ».

L’Eglise catholique, c’est-à-dire universelle de par sa mission et sa diffusion, de même qu’elle souffre de chaque recrudescence de nationalismes antagonistes, est préoccupée aussi par l’aggravation de rivalités raciales et tribales qui fomentent divisions et rancoeurs entre les hommes et les peuples, et peuvent aller jusqu’à affecter même des frères dans la foi. Nous nous proposons ici d’attirer plus spécialement l’attention sur le conflit racial plus général qui, dans l’histoire africaine des dernières décennies, a revêtu un caractère paradigmatique, parce que lié à la décolonisation et à l’accession des peuples d’Afrique à l’indépendance : il s’agit de la tentative de créer des assises juridiques et politiques en violation des principes du suffrage universel et de l’autodétermination des peuples, que précisément la culture européenne et occidentale a contribué à affermir et à diffuser dans le monde.

L’Eglise comprend les justes raisons pour lesquelles les populations africaines refusent de telles situations. Certes, elle ne peut encourager ni justifier la violence qui répand le sang, sème la destruction, donne à la haine des proportions démesurées et déchaîne les représailles et les vengeances. Mais l’Eglise ne peut taire son enseignement, à savoir que toute théorie raciste est contraire à la foi et à l’amour chrétiens ; précisément, l’horreur que les chrétiens ont de la violence doit les pousser à réaffirmer l’égale dignité de tous les hommes avec plus de netteté et de courage. En rappelant les approbations que suscita, voici quelques années, notre formule lancée pour la Journée de la Paix : « Tout homme est mon frère », nous voudrions que s’exprime toujours plus fortement et avec plus de conviction, de manière légitime mais efficace, la solidarité effective de tous en faveur d’une solution de justice, particulièrement dans l’Afrique Australe, solution vainement tentée jusqu’à présent par des initiatives et des propositions diverses.



L’intégrité physique et psychique des personnes





Pour qui croit en Dieu, la vie humaine est un don qui vient de Lui, un dépôt sacré qu’il faut conserver dans son intégrité. L’Eglise se sent engagée à en enseigner le respect en toute circonstance et à toute étape de l’existence, depuis l’instant de la conception où la vie commence à se former dans le sein maternel, jusqu’au rendez-vous avec notre « soeur la Mort ». Du berceau à la tombe, tout être humain, même le plus faible et le plus dépourvu, diminué ou laissé pour compte, possède un élément de noblesse qui est l’image de Dieu et la ressemblance avec Lui. Et Jésus a enseigné à ses disciples que dans la personne de ces pauvres et de ces petits est représentée, avec une évidence particulière, sa propre Personne.

L’Eglise et les croyants ne peuvent donc demeurer insensibles et inertes face à la multiplication des dénonciations de tortures et de mauvais traitements pratiqués en divers pays sur des personnes arrêtées, interrogées ou bien mises en état de surveillance ou de détention. Alors que Constitutions et législations font place au principe du droit à la défense à toutes les étapes de la justice, alors que sont avancées des propositions pour humaniser les lieux de détention, on constate néanmoins que les techniques de torture se perfectionnent pour affaiblir la résistance des prisonniers, et que l’on n’hésite pas parfois à leur infliger des lésions irréversibles et humiliantes pour le corps et pour l’esprit. Comment ne pas être troublé quand on sait que de nombreuses familles angoissées adressent en vain des suppliques en faveur de ceux qui leur sont chers, et que même les demandes d’information s’accumulent sans recevoir de réponse ? Pareillement on ne peut faire silence sur la pratique, dénoncée de tant de côtés, qui consiste à assimiler les coupables — ou présumés tels — d’opposition politique, aux personnes qui ont besoin de soins psychiatriques, ajoutant ainsi à leur peine un autre motif, peut-être plus dur encore, d’amertume.

Comment l’Eglise, comme elle l’a fait pour le duel et le fait encore pour l’avortement, ne prendrait-elle pas une position sévère face à la torture et aux violences analogues infligées à la personne humaine ? Ceux qui les ordonnent ou les pratiquent commettent un crime, vraiment très grave pour la conscience chrétienne, qui ne peut pas ne pas réagir et s’employer, dans la mesure du possible, à faire adopter des remèdes adéquats et efficaces.

Telles sont en bref, Excellences et chers Messieurs, les réflexions que nous désirions vous exprimer, certain de vous y trouver sensibles et accueillants. Nous les confions, avec nos voeux de prospérité et de paix pour les Autorités et les Pays que vous représentez, à Celui qui préside au destin des hommes et des peuples, et ouvre les coeurs à la vérité, à la justice, à l’amour. Puisse l’année qui vient de commencer être enrichie par un nouveau don de Dieu, celui d’un progrès considérable en faveur des droits de l’homme !

Nous ajoutons ce voeu à tous ceux que nous formons pour vous-mêmes et pour les vôtres, en priant le Seigneur de vous combler de ses Bénédictions.



*Version originale française dans:

AAS 70 (1978), p.168-174;

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XVI p.26-33;

5 L’Attività della Santa Sede 1978 p. 15-20;

L’Osservatore Romano, 15.1.1978, p.1, 2;

ORf n.3 pp.1, 2;

La Documentation catholique, n.1735 p.101-103.





AUX DIRIGEANTS


DE LA RADIO-TÉLÉVISION SUISSE ITALIENNE


Mercredi 18 janvier 1978






Nous sommes heureux de nous rencontrer avec le groupe des distingués responsables de la Radio-télévision suisse italienne de Lugano.

Illustres Messieurs, votre présence à Rome sur invitation de notre Commission pour les Communications Sociales exprime, avant tout, l'intérêt du Saint-Siège pour l'importance que la radio et la télévision peuvent et doivent avoir dans la vie spirituelle, morale et religieuse de l'homme moderne. Elle dit également que votre centre de radio-télévision est conscient du fait que, pour être témoins des valeurs culturelles authentiques et durables dans la société moderne, il faut s'ouvrir à l'apport des ferments religieux.

Le Concile OEcuménique Vatican II a prescrit comme un devoir d'apporter un soutien efficace aux émissions radiophoniques et télévisées moralement saines, surtout aux émissions familiales (DécretInter Mirifica art. 14 c; cf. également l'article 19); quant à nous, tout en affirmant la disponibilité de l'Eglise à offrir sa propre contribution en temps opportun et selon ses moyens, nous profitons volontiers de la présente rencontre pour vous inviter à faire valoir les puissants et merveilleux moyens techniques dont vous disposez, mais surtout vos ressources de sensibilité humaine et de créativité artistique, inspirées par les appels suggestifs de l'Evangile, pour répondre à la noble tâche d'éducateurs qui vous est confiée.

Nous vous savons sensibles à cet appel. Nous savons que vous êtes conscients des possibilités dont disposent la radio et la télévision pour la croissance culturelle des citoyens, pour le dépassement des incompréhensions et des barrières qui existent encore entre générations, classes sociales et nations.

La construction durable de ces valeurs n'est pas possible sans l'apport de la vie religieuse; d'où l'importance des émissions religieuses. Nous sollicitons votre aide principalement pour que les informations sur la vie de l'Eglise reflètent toujours la vérité; et pour que les transmissions liturgiques soient préparées avec un soin particulier, dans le respect des normes établies à cet égard et sans manquer de faire appel à l'aide des personnes compétentes mises à votre disposition.

Nous ne nous cachons pas la difficulté de votre profession, nous dirons même mieux, de votre vocation et c'est précisément pour cette raison que nous élevons nos prières vers Dieu pour qu'il vous comble de sa réconfortante assistance, tandis que nous vous bénissons de tout coeur, vos personnes, vos familles et votre importante activité.



À L’AMBASSADEUR DU BURUNDI


PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


6
Vendredi 27 janvier 1978




Monsieur l’Ambassadeur,

Vous avec su trouver, pour exprimer vos sentiments en ce jour de présentation de vos Lettres de Créance, des paroles pleines de noblesse, des pensées au sujet de l’Eglise catholique que Nous avons hautement appréciées. De cela, des souhaits aussi que vous Nous apportez de la part des Autorités de votre pays et de l’ensemble du peuple burundais, soyez remercié de tout coeur.

Nous vous accueillons avec joie au moment où débute officiellement la mission que vous a confiée Son Excellence le Colonel Jean-Baptiste Bagaza. C’est une mission d’amitié et de paix. Y a-t-il tâche plus bénéfique et plus exaltante que de s’employer à renforcer encore les liens mutuels, la compréhension des points de vue et la confiance? Vous découvrirez en tout cas auprès de Nous-même et de nos collaborateurs la volonté d’oeuvrer dans cette ligne, afin que les questions d’intérêt commun soient étudiées dans une atmosphère de grand respect, et que les solutions adéquates soient progressivement dégagées et mises en pratique. Ainsi, dans un climat de coopération et de sympathie réciproque, les relations entre le Saint-Siège et la République du Burundi porteront-elles des fruits toujours nouveaux qui sont bien le but recherché.

Votre allocution, disions-Nous, Nous a été agréable à plus d’un titre. Nous relèverons particulièrement ce que vous a suggéré le thème de la paix, de la réconciliation et de l’égalité entre les hommes, sans aucune barrière idéologique ou religieuse: un thème que d’aucuns auraient tendance à estimer usé, tel un vieux refrain, mais dont les vicissitudes du monde rappellent l’actualité. Il n’est pas jusqu’au continent africain qui ne soit, hélas, le théâtre d’affrontements révélateurs. Nous évoquions ce douloureux problème il y a quelques jours en recevant vos confrères du Corps diplomatique. Comment lutter? Comment promouvoir la cause de la fraternité? Avec la force ou la pression des armes? Certes non! La voie qui s’ouvre aux artisans de paix passe au contraire par la solidarité, et aussi par le développement culturel, économique et social. Nous Nous félicitons de l’assurance que vous Nous donnez que tel est le programme élaboré par votre Gouvernement, et Nous nourrissons le ferme espoir que votre cher pays, au centre de l’Afrique, serve d’exemple et soit une véritable oasis de tranquillité.

Nos fils catholiques sont nombreux chez vous. Ils ne demandent qu’à poursuivre et même à intensifier leur effort personnel et collectif pour le bien de la nation. Ils ne forment pas, c’est évident, une entité à part. Ce sont des citoyens comme les autres et aussi, Nous le croyons, de bons patriotes, respectueux de l’autorité civile. Leurs Evêques et leur clergé, autochtone ou missionnaire, ne cessent de les encourager à se montrer loyaux en toute chose. C’est peut-être l’un des secrets de la valeur de leur contribution passée - qui fait notre admiration - et du témoignage qu’ils donneront demain encore.

Il Nous reste, Monsieur l’Ambassadeur, à vous offrir nos voeux les plus fervents pour votre Personne, votre famille et le succès de votre mission. Nous sommes très heureux de le faire, et d’adresser à travers Votre Excellence nos salutations au Chef de l’Etat et au peuple burundais, sur qui Nous invoquons l’assistance et la protection du Tout-Puissant.

*AAS 70 (1978), p.179-181;

Insegnamenti di Paolo VI, p.64-65;

L’Attività della Santa Sede 1978, p.29-30;

OR 28.1.1978, p.1;

ORf n.5 p.8.




28 janvier



DILIGENCE, CÉLÉRITÉ, DISPONIBILITÉ : LE DROIT CANON AU SERVICE DE LA FOI





7 Discours de Paul VI à la S. Rote Romaine

Le 28 janvier le Saint-Père a reçu en audience le Tribunal de la S. Rote Romaine, à l’occasion du début de l’année judiciaire. Y ont pris part, avec le Doyen de la S. Rote Romaine, S. Exe. Mgr Charles Lefebvre et les Auditeurs, les Promoteurs de Justice, les Défenseurs du Lien, les Avocats Consistoriaux, les Procureurs des S. Palais, les Avocats de Rote, et les membres de la Chancellerie. Etait également présent le Doyen des Avocats du S. Consistoire, M. G. Torre.

A l’adresse d’hommage du Doyen S. Exe. Mgr Ch. Lefebvre, le Saint-Père a répondu par un discours dont voici la traduction :



Très chers Fils, Auditeurs, Officiaux et Collaborateurs de la S. Rote Romaine,



En vous recevant ce matin, selon une coutume désormais traditionnelle qui relie l’inauguration de l’année judiciaire près votre Tribunal à la rencontre avec notre personne, nous sommes animé de vifs sentiments d’estime et de reconnaissance pour la remarquable activité que vous exercez dans le cadre et au service du Saint-Siège, et nous percevons clairement que de tels sentiments acquièrent maintenant un plus grand relief et se définissent de manière plus concrète après le déférent discours de votre Doyen, qui, également, en la présente circonstance, a assumé remarquablement la mission d’être votre fidèle porte-parole.

Oui, nous avons à vous manifester un sincère remerciement qui signifie également satisfaction et encouragement pour les résolutions que le Doyen a exprimées en votre nom et qui nous offrent une base sérieuse pour développer quelques réflexions. Comment, pourrions-nous, en effet, ne pas donner du poids et de l’importance aux qualités morales qu’il a rappelées et desquelles, plus et mieux encore que par le passé, vous vous inspirez dans votre service ecclésial ?

Parler de diligence dans le devoir; confirmer la disponibilité à suivre les directives du Magistère ; veiller à une convenable célérité dans la procédure : ce sont des choses qui pourraient sembler évidentes et, quasi escomptées, principalement dans le contexte de la circonstance présente ; mais il n’en est pas ainsi et non seulement parce que Monseigneur le Doyen s’est soucié de leur donner de la substance au moyen d’exemples appropriés qui équivalent à autant d’engagements, mais également parce qu’il s’agit, en réalité, d’éléments dans lesquels la mission du Juge ecclésiastique trouve une réelle qualification. Essayons d’éprouver ces données : d’abord la diligence n’est pas seulement le soin scrupuleux mis à remplir son propre office, mais elle exprime — comme il ressort du sens étymologique diligere — un attachement tel qu’il implique un sentiment d’affection. Elle signifie encore, se sentir soutenu par la conscience de la mission que l’on a reçue. Il s’agit d’une conscience lucide devant des responsabilités qui touchent si souvent, et en profondeur, à la sphère personnelle et conjugale. S’il est vrai que votre mission est largement orientée vers l’étude des causes matrimoniales, il est évident que ceci comporte et postule, à cet égard, une telle diligence.

Un autre élément est la célérité au sujet de laquelle il nous paraît opportun de dire quelques mots parce qu’elle est certainement souhaitable et doit être recherchée, mais toujours en tant que méthode subordonnée à l’objectif primordial de la justice vers lequel elle doit s’orienter. La célérité sera ainsi une nouvelle expression de la susdite diligence et elle signifiera sollicitude dans l’examen et dans la définition de la cause, de manière à éviter les deux écueils opposés de la précipitation et de la lenteur, celles-ci privent les parties en cause d’une réponse en temps utile à leurs problèmes, souvent angoissants et qui demandent une prompte solution.

Or, pour garantir aux juges le climat nécessaire pour procéder à un examen serein, attentif, médité, complet et exhaustif de la question, pour assurer aux parties la possibilité réelle de développer leurs propres raisons, la loi canonique prévoit un « iter » marqué par des normes précises — le procès, justement — qui est comme une voie d’écoulement dont l’axe est précisément la recherche de la vérité objective et dont le point terminal est l’administration correcte de la justice. Cette ligne bien définie de normes et de formes, serait-ce quelque chose de vide et de stérile où le schéma extérieur tendrait à prévaloir sur la substance ? Est-ce pur formalisme ? Non, assurément, car rien de tout cela n’a sa propre fin en soi, mais tout cela constitue un sage moyen visant un but plus élevé. Vous savez parfaitement que le droit canonique, en tant que tel, et par conséquent le code de procédure qui en est une partie, rentre, par les motifs qui l’inspirent, dans le plan de l’économie du salut, la salus animarum étant la loi suprême de l’Eglise. C’est pourquoi, également, les lois qui règlent la procédure ont, dans le système ecclésial, une intrinsèque raison d’être. Elles sont le fruit d’une expérience éprouvée et elles doivent donc être observées et respectées. Garantie de recherche pondérée pour le juge et de définition des problèmes qui — comme cela a été dit — touchent dans le vif la conscience des hommes et l’ordre des familles, dans le cadre plus vaste du bien commun de la Communauté ecclésiale, la procédure canonique doit être, en conséquence, accueillie avec le respect qui lui est dû et suivie avec grande attention sans s’abandonner à la facilité qui finirait par favoriser la permissivité, au détriment de la loi de Dieu et au préjudice du bien des âmes. C’est selon cette perspective qu’il y a également lieu de considérer les innovations que nous avons nous-même introduites, il y a quelques années, avec le Motu Proprio Causas Matrimoniales, pour obtenir un plus rapide déroulement des procès dans les causes de nullité matrimoniales (cf. AAS 1971,
PP 441-446), de manière analogue à ce qui a été fait pour d’autres procès comme celui de dispense en cas de mariage ratifié et non consommé (Instructions de la S. Congrégation pour la Discipline des Sacrements ; cf. AAS 1972, LXIV, PP 244-252). Or, toutes ces dispositions, même si elles contiennent des simplifications méditées et de prudents assouplissements de la procédure, ont été étudiées et promulguées en plein respect des fins essentielles de l’Activité judiciaire et permettent, en conséquence, un consciencieux examen des causes de manière à ce qu’il soit toujours possible d’émettre des prononcés conformes à la vérité objective solum Deus prae oculus habendo (en ayant Dieu seul sous les yeux).

D’autre part, nous devons enregistrer avec douleur la tendance à se servir de certaines concessions, motivées par des situations bien circonscrites, pour parvenir également à une évasion de la loi de procédure canonique à laquelle on est tenu, ceci souvent moyennant la création artificieuse de domiciles fictifs ou demeures stables. Il faut tout autant réprouver la tendance à créer une jurisprudence non conforme à la juste doctrine, telle qu’elle est proposée par le Magistère ecclésiastique et illustrée par la jurisprudence canonique.

Une innovation d’un genre différent qui touche, pourrait-on dire, non à la procédure mais aux structures, et tendant elle aussi à rendre plus fonctionnelle, plus rapide et digne l’administration de la justice est celle réalisée par l’Autorité compétente qui a pourvu à d’opportunes fusions et réorganisation des Tribunaux pour les causes de nullité matrimoniale dans les différents pays, faisant en sorte que les centres mineurs unissent leurs efforts entre eux. De cette manière, on peut supposer que chaque Tribunal a effectivement la possibilité de disposer de personnel compétent et de moyens appropriés pour exercer sa délicate et importante mission spécifique.

8 Mais l’élément le plus important de ceux qui ont été cités demeure votre disponibilité, confirmée, à suivre les indications du Magistère : à ce propos, le Décret promulgué en mai 1977 par la S. Congrégation pour la Doctrine de la Foi et que nous avons explicitement approuvé, se présente comme un test particulièrement significatif (cf. AAS 1977, LXIX, p. 426). Vous en connaissez bien l’origine, la valeur et les motivations : précédé d’études longues et attentives (comme le rappelle une brève introduction), étayé par l’avis autorisé de la Commission Pontificale pour la Révision du Code de Droit Canon, il se divise en deux importantes réponses, qui auront de fréquentes applications spécialement dans votre travail même. Nous sommes certain que dans l’élaboration de vos jugements vous vous laisserez orienter et guider par ces principes de doctrine et nous aurons ainsi une nouvelle démonstration de l’adhésion ponctuelle au Magistère que votre renommé Tribunal du Saint-Siège a professé tout au long de son existence séculaire.

Ceci, par ailleurs, n’est pas un problème indépendant, dans le cadre si complexe de l’éthique et du droit matrimonial. C’est pourquoi, il est du devoir de votre Tribunal, en exécution du mandat à lui conféré par l’Eglise, d’approfondir toutes les questions qui lui sont soumises et, — pour rester dans le thème des jugements en matière matrimoniale — il a le devoir extrêmement important de considérer avec la plus grande prudence (comme il a été opportunément rappelé) les questions relatives à la formation du liber concenso, celui-ci seul donnant origine au mariage, de sorte que personne ne puisse se soustraire aux exigences d’un lien que Dieu seul peut briser ni doive, vice-versa, être tenu par un lien qui n’a jamais existé. Il est très juste, à propos d’un thème aussi décisif, d’observer que ceci est également un moyen de s’opposer à la violence qui, à notre époque, commence malheureusement à revêtir des aspects multiformes. Disons : — toujours par rapport au domaine matrimonial — la violence de celui qui voudrait plier la loi de Dieu à ses désirs ou à ses caprices et la violence dont est victime celui qui n’a pas pu émettre un libre consentement.

Il reste enfin le devoir d’étudier et de méditer, pour votre secteur spécifique, comme cela doit se faire et se fait dans de nombreux autres secteurs de la vie ecclésiale (liturgique, théologique, missionnaire, oecuménique, etc.), les diverses « implications » directes des enseignements conciliaires, et de les traduire ensuite en pratique. N’est-il pas vrai, qu’en fait il y a encore beaucoup à faire à cet égard ? S’ils n’ont pas manqué ceux qui n’ont pas accueilli avec pleine disponibilité le Concile, et s’il en est d’autres qui ont voulu l’interpréter selon leurs préférences personnelles ou selon des critères herméneutiques, et au détriment de l’Eglise, il y a eu, toutefois — et ils sont les plus nombreux — ceux qui ont cherché à se conformer, avec l’esprit et le coeur, aux saints décrets que le Concile Vatican II a providentiellement promulgués.

Parmi ces derniers, nous voulons nommer les Juges qui cherchent dans leurs sentences à évoquer et à appliquer, le cas échéant, les principes élevés du Magistère conciliaire, par exemple les importants paragraphes, dûment compris dans l’esprit du Concile, de dignitate matrimonii et familiae fovenda contenus dans la constitution pastorale Gaudium et Spes (cf. n. 46-52). Nous y joignons ensuite les Juristes ecclésiastiques et laïcs qui, dans leurs réunions d’étude et dans leurs rencontres nationales et internationales ont examiné des thèmes de grande importance à la lumière des directives et des orientations du Concile Vatican II.

Tout ceci doit vous dire, chers Fils, avec quel intérêt nous suivons les questions relatives au développement du droit dans l’Eglise et, spécifiquement, les problèmes inhérents à votre travail, tandis que nous vous assurons que seront examinées avec attention les propositions destinées à rendre possible un travail toujours plus profitable. Nous avons trop à coeur, en effet, le service que vous rendez à la justice et, par le fait même, à la paix. Nous avons toujours présent à l’esprit la nature de votre fonction qui, désormais, dure depuis des siècles dans l’Eglise. C’est pourquoi ce que nous vous avons dit, chers Fils, qui nous écoutez, constitue un paternel et nouvel encouragement à ce que vous continuiez à servir d’exemple aux autres Tribunaux ecclésiastiques, tant pour l’esprit pastoral qui vous anime que pour la valeur scientifique de vos études périodiques et, surtout, pour le haut sens sacerdotal et humain qui vous guide dans l’administration de la justice.

Devons-nous rappeler que vos décisions et la jurisprudence qui en découle font autorité et, pour nous en tenir au seul plan technique, qu’elles sont pour d’autres (spécialistes, Facultés universitaires, Sièges judiciaires) un point de référence et un sujet d’étude ? Puis, sur un plan plus général, votre activité mérite d’autant plus de considération qu’elle s’exerce actuellement dans un contexte social difficile, parcouru et secoué par des courants idéologiques sécularisants et désacralisants qui ont fait que votre Doyen s’est demandé s’il n’y avait pas lieu de craindre un nouveau ferrea aetas.

Nous voulons écarter la seule pensée d’une si triste perspective. Nous souhaitons que la civilisation juridique, à laquelle l’Eglise a porté d’amples contributions, avant tout avec la lumière transcendante de l’Evangile qui est la base de la dignité de l’homme, puis avec la médiation qu’elle a exercée comme intermédiaire historique du patrimoine du Droit Romain, et encore avec la monumentale élaboration canoniste, que cette civilisation historique, donc, continue à fleurir toujours plus abondamment dans le monde.

Puissent donc nos paroles vous aider à maintenir votre esprit toujours vigilant et décidé dans l’accomplissement généreux et fidèle de la haute mission que vous a confiée la Sainte Eglise. Etant consacré au Christ-Seigneur, chacun de vous unit au sacerdoce proprement ministériel un autre ministère, sacré lui aussi, parce qu’il concerne tant l’administration de la justice qui est une vertu cardinale sublimée par la charité que les âmes qui peuvent, grâce à votre ministère, retrouver paix intérieure, sérénité et vie. Vous, les Auditeurs, vous possédez certes, un double exercice du sacerdoce ; soyez-en toujours dignes, mieux encore, par votre comportement d’irréprochable cohérence, soyez-en toujours plus dignes !

En lisant de vieilles publications traitant de sujets ecclésiastiques, il est facile de se rendre compte de ce qu’a été, au cours des siècles, la renommée et l’excellence de votre Tribunal. A part les compétences diverses qu’il eut selon les époques, à part les transformations, les réorganisations plusieurs fois intervenues, nous le trouvons bien souvent désigné sous des appellations singulièrement honorifiques qui en disent long sur le prestige dont le Saint Tribunal a joui dans l’histoire de l’Eglise. Aussi est-ce votre tâche, moyennant l’exercice des qualités morales que nous avons recommandées, par la droiture de votre vie, l’excellence de votre doctrine, l’équilibre de vos jugements éclairés, de vous maintenir toujours à la hauteur de cette tradition même.

Que vous renforce en ceci notre bénédiction apostolique, gage de la supérieure assistance du Sauveur Jésus, auquel, lors du récent Noël, nous avons répété avec le Prophète, la triple invocation de notre foi : « Dominus judex noster, Dominus legifer noster, Dominus rex noster » (
Is 33,22).








10 février




Discours 1978