1983 Documents postconciliaires 1312

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Puisque l'Eglise est le Corps du Christ et que le Christ est le "sauveur de son Corps" Ep 5,23, tous, pour être de dignes membres de ce Corps, doivent, par fidélité à leurs engagements de chrétiens, contribuer à le maintenir dans sa nature originelle de communauté de réconciliés, dérivant du Christ, notre paix Ep 2,14, qui "nous a établis dans la paix" (St JEROME In Epist ad Eph. 1,2). Une fois qu'on l'a reçue, en effet, la réconciliation est, comme la grâce et comme la vie, un stimulant, un courant qui transforme ses bénéficiaires, les poussant à agir pour elle et à la transmettre. Pour tout chrétien, elle est le critère de son authenticité dans l'Eglise et dans le monde: "Commence donc par toi l'oeuvre de paix, afin que, une fois devenu l'homme de paix, tu portes la paix aux autres" (St AMBROISE, In Luc 5,58)
Le devoir de promouvoir la paix concerne personnellement tous et chacun des fidèles; et si ce devoir n'est pas accompli, même le sacrifice cultuel que l'on veut offrir reste inefficace Mt 5,23 ss. La réconciliation réciproque participe en effet de la valeur même du sacrifice et constitue avec ce dernier une unique offrande agréable à Dieu (St JEAN CHRYSOSTOME In Matth Homil. 16,9; St ISIDORE de PELUSE, Epist 4, 111; NICOLAS CABASILAS, Explic div. Liturg. 26,2) Par ailleurs, pour qu'un tel devoir soit effectivement accompli et pour que la réconciliation, qui s'opère dans l'intimité du coeur, ait aussi un caractère public comme la mort du Christ qui la procure, le Seigneur a conféré aux Apôtres et aux pasteurs de l'Eglise, leurs successeurs, le "ministère de la réconciliation" 2Co 5,18. Ceux-ci, par conséquent, "assumant en quelque sorte la personne du Christ" (St CYRILLE D'ALEXANDRIE In Epist. II ad Cor.), sont mandatés de façon stable "pour élever leur troupeau dans la vérité et dans la sainteté" LG 27.
L'Eglise, parce que "monde réconcilié", est donc aussi, par nature et de façon permanente, réconciliante; en tant que telle, elle est présence et action de Dieu "qui, dans le Christ, se réconcilie le monde" 2Co 5,19. Cette présence et cette action s'expriment avant tout dans le baptême, dans le pardon des péchés et dans la célébration eucharistique, actualisation du sacrifice rédempteur du Christ et signe efficace de l'unité du Peuple de Dieu LG 11.

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II - L'Eglise, Sacrement d'unité

La réconciliation, sous son double aspect de paix retrouvée entre Dieu et les hommes et des hommes entre eux, est le premier fruit de la Rédemption; comme cette dernière, elle a des dimensions universelles aussi bien en extension qu'en intensité. En elle, par conséquent, est impliquée toute la création "jusqu'aux temps de la restauration universelle" Ac 3,21 lorsque toutes les créatures se retrouveront de nouveau avec le Christ, le premier-né d'entre les morts ressuscités Col 1,18.
Et puisque la réconciliation trouve une expression privilégiée et un caractère plus intense dans l'Eglise, celle- ci est en quelque sorte le "sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain" LG 1: autrement dit, le centre de rayonnement de l'union des hommes avec Dieu et de l'unité entre eux, centre qui, en s'affirmant progressivement dans le temps, trouvera son accomplissement dans la consommation des siècles.
Pour pouvoir exprimer pleinement une telle sacramentalité, à laquelle est liée sa propre raison d'être, il faut que l'Eglise, comme il est requis pour tout sacrement, soit un signe qui manifeste quelque chose; autrement dit, il faut qu'elle réalise et vérifie la concorde et la convergence de doctrine, de vie et de culte qui caractérisèrent ses premiers jours Ac 2,42 et qui restent pour toujours son élément essentiel Ep 4,4-6 1Co 1,10. Cette concorde - à l'inverse de toute division, qui porterait atteinte à l'unité de l'ensemble - ne peut qu'augmenter la force de son témoignage; elle révèle les raisons de son existence et rend plus claire sa crédibilité.
Il est nécessaire pour cela que tous les fidèles, afin de coopérer aux desseins de Dieu sur le monde, persévèrent dans la fidélité de l'Esprit-Saint, lequel unifie l'Eglise "dans la communion et le service" et, "par la vertu de l'Evangile, la rajeunit et la renouvelle sans cesse, l'acheminant à l'union parfaite avec son Epoux" LG 4. Cette fidélité ne pourra pas ne pas avoir d'heureuses répercussions oecuméniques sur la recherche de l'unité visible de tous les chrétiens, de la manière voulue par le Christ, en une seule et même Eglise, qui sera ainsi un ferment plus efficace de cohésion fraternelle dans la communauté des peuples.

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III - Obscurcissements de la sacramentalité de l'Eglise

Toutefois, "bien que l'Eglise, par la vertu de l'Esprit- Saint, soit restée l'épouse fidèle de son Seigneur et n'ait jamais cessé d'être dans le monde le signe du salut, elle sait fort bien que, au cours de sa longue histoire, parmi ses membres, clercs et laïcs, il n'en manque pas qui se sont montrés infidèles à l'Esprit de Dieu" GS 43
En réalité, "dans cette seule et unique Eglise de Dieu apparurent dès l'origine certaines scissions que l'Apôtre réprouve avec vigueur comme condamnables" UR 3. Quand, par la suite, survinrent les ruptures bien connues qu'on ne sut endiguer, l'Eglise surmonta la situation de dissension intérieure, en réaffirmant clairement, comme une condition essentielle de communion, les principes capables de maintenir intacte son unité constitutive, et permettant de la manifester "dans la profession d'une seule foi, dans la célébration commune du culte divin, dans la concorde fraternelle de la famille de Dieu" UR 2.

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Oppositions à la hiérarchie

Mais également périlleux, au point de requérir cette clarification et cette invitation à l'unité, apparaissent les ferments d'infidélité à l'Esprit-Saint qui se trouvent çà et là dans l'Eglise d'aujourd'hui et qui tentent, hélas! de la miner de l'intérieur. Les promoteurs et les victimes de ce processus, peu nombreux en réalité par rapport à l'immense majorité des fidèles, prétendent demeurer dans l'Eglise avec les mêmes droits et les mêmes possibilités d'expression et d'action que les autres, pour attenter à l'unité ecclésiale. Ils ne veulent pas reconnaître dans l'Eglise une réalité unique résultant d'un double élément humain et divin, analogue au mystère du Verbe incarné, qui la constitue "communauté de foi, d'espérance et de charité sur la terre, comme un tout visible", par laquelle le Christ "répand la vérité et la grâce à l'intention de tous" LG 8; et ils s'opposent par conséquent à la hiérarchie, comme si tout acte d'une opposition de ce genre était un moment constitutif de la vérité sur l'Eglise qu'il s'agirait de faire redécouvrir telle que le Christ l'aurait instituée. Ils mettent en cause le devoir de l'obéissance à l'autorité voulue par le Rédempteur. Ils mettent en état d'accusation les pasteurs de l'Eglise, moins pour ce qu'ils font ou pour la façon dont ils le font, que parce que tout simplement, comme ils l'affirment, ils seraient les gardiens d'un système ou d'un appareil ecclésiastique qui fait concurrence à l'institution du Christ. De cette façon, ils sèment la confusion dans la communauté entière, y introduisant le fruit de théories dialectiques étrangères à l'esprit du Christ. En utilisant les paroles de l'Evangile, ils en altèrent le sens. Nous observons avec peine cet état de choses, même si, comme Nous l'avons dit, il est le fait d'un bien petit nombre par rapport à la grande masse des chrétiens fidèles. Mais Nous ne pouvons pas ne pas Nous élever avec la vigueur de saint Paul contre ce manque de loyauté et de justice. Nous faisons appel à tous les chrétiens de bonne volonté, pour qu'ils ne se laissent pas impressionner ni désorienter par les pressions indues de frères qui ont, hélas! dévié et qui pourtant demeurent toujours présents à Notre prière et proches de Notre coeur.
Quant à Nous, Nous réaffirmons que l'unique Eglise du Christ, "comme société constituée et organisée en ce monde, se trouve dans l'Eglise catholique, gouvernée par le Successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité subsistent hors de ses structures" LG 8; Nous réaffirmons aussi que les pasteurs de l'Eglise, qui président au Peuple de Dieu en son nom, avec l'humilité des serviteurs, mais aussi avec l'assurance des Apôtres Ac 4,31 auxquels ils succèdent, ont le droit et le devoir de proclamer: "Tant que .. nous sommes sur ce siège, tant que nous présidons, nous avons l'autorité et la force, quand bien même nous serions indignes" (St JEAN CHRYSOSTOME In Epist ad Coloss. Homil. 3, 5)

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IV - Secteurs d'obscurcissement de sacramentalité de l'Eglise

Le processus que Nous avons décrit prend la forme d'une dissension doctrinale, qui se veut patronnée par le pluralisme théologique, et qui est fréquemment poussée jusqu'au relativisme dogmatique, lequel réduit de diverses manières l'intégrité de la foi. Et même lorsqu'il n'est pas poussé jusqu'au relativisme dogmatique, ledit pluralisme se trouve parfois considéré comme un "lieu théologique" légitime, qui amène à des prises de position contre le magistère authentique du Pontife romain lui-même et de la hiérarchie épiscopale, seuls interprètes autorisés de la Révélation divine contenue dans la Tradition et dans l'Ecriture. DV 10

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Pluralisme légitime et esprit de clan

Nous reconnaissons au pluralisme de recherche et de pensée qui explore et expose le dogme de façons différentes, mais sans en éliminer l'identique signification objective, un droit de cité légitime dans l'Eglise, en tant que composante naturelle de sa catholicité, et signe de richesse culturelle et d'engagement personnel de ceux qui en font partie. Nous reconnaissons aussi les valeurs inestimables qu'il introduit dans le domaine de la spiritualité chrétienne, des institutions ecclésiales et religieuses, comme des expressions liturgiques et des normes disciplinaires: valeurs se retrouvant dans cette "variété convergeant dans l'unité", "qui montre avec plus d'éclat la catholicité de l'Eglise indivise" LG 23
Bien plus, Nous admettons qu'un pluralisme théologique équilibré trouve son fondement dans le mystère même du Christ, dont les insondables richesses Ep 3,8 transcendent les capacités d'expression de toutes les époques et de toutes les cultures. La doctrine de la foi, qui dérive nécessairement de ce mystère - puisque, par rapport au salut, "le mystère de Dieu n'est rien d'autre que le Christ" (St AUGUSTIN, Epist, 187, 11, 37) -, réclame donc toujours de nouvelles investigations. Les perspectives de la Parole de Dieu sont en réalité si nombreuses, et si nombreuses les perspectives des fidèles qui l'étudient (St EPHREM DE SYRIE, Comment Evang. concord. 1, 18), que la convergence dans la même foi n'est jamais exempte de particularités personnelles dans l'adhésion de chacun. Toutefois, les accents divers mis dans la compréhension de la même foi ne préjugent pas de son contenu essentiel, car celui- ci trouve son unité dans l'adhésion commune au magistère de l'Eglise. Ce même magistère qui, comme norme prochaine, est déterminant de la foi de tous, garantit en même temps chacun contre le jugement subjectif de toute interprétation divergente de la foi.

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Mais que dire d'un pluralisme qui considère la foi et son énoncé non pas comme un héritage commun, et donc ecclésial, mais comme une redécouverte individuelle de la libre critique et du libre examen de la Parole de Dieu? En effet, sans la médiation du magistère de l'Eglise, auquel les Apôtres confièrent leur propre magistère DV 7 et qui, par conséquent, n'enseigne "que ce qui fut transmis" DV 10, le rattachement certain au Christ par l'intermédiaire des Apôtres, c'est-à-dire de "ceux qui transmettent ce qu'ils ont eux-mêmes reçu" DV 8, reste compromis. Pour cette raison, une fois compromise la persévérance dans la doctrine transmise par les Apôtres, il advient que, peut-être en voulant éluder les difficultés du mystère, on cherche des formules à la compréhensibilité illusoire qui en dissolvent le contenu réel; on construit ainsi des doctrines qui n'adhèrent pas à l'objectivité de la foi ou qui lui sont directement contraires, et qui vont jusqu'à se cristalliser dans la coexistence de conceptions opposées même entre elles.
Il ne faut pas non plus se cacher que chaque fléchissement en ce qui concerne l'identité de la foi entraîne aussi une baisse dans l'amour du prochain.
En effet, ceux qui ont perdu la joie que donne la foi Ph 1,25 sont poussés à tirer leur gloire les uns des autres et à ne pas chercher celle qui vient du seul Dieu Jn 5,44, au détriment de la communion fraternelle.
Au sens de l'Eglise, qui fait reconnaître à tous la même dignité et la même liberté des enfants de Dieu LG 9, on ne peut pas substituer l'esprit de clan qui porte à des choix discriminatoires, et prive ainsi la charité même de son support naturel qui est la justice. Vaine serait l'intention de transformer en mieux la communion ecclésiale en fonction de ce que l'on vit au niveau du groupe.
Ne devons-nous pas, au contraire, nous perfectionner tous à travers l'Evangile? Et où manifeste-t-il comme entièrement opérante sa vertu divinement connaturelle, sinon dans l'Eglise, par l'apport de tous les croyants indistinctement?

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En fin de compte, un tel esprit de clan se reflète également de façon négative dans la nécessaire convergence de culte et de prière, et se traduit par un isolement dicté par un esprit de présomption qui n'est certes pas évangélique et qui exclut la justification aux yeux de Dieu Lc 18,10-14.
Nous Nous efforçons de comprendre cette situation dans ses racines, et Nous la rapprochons de la situation analogue dans laquelle vit la société civile d'aujourd'hui, fractionnée en groupes opposés l'un à l'autre. Malheureusement, l'Eglise semble subir un peu, elle aussi, le contrecoup de telles circonstances: mais elle ne doit pas assimiler ce qui constitue plutôt un état pathologique. L'Eglise doit conserver son originalité de famille unifiée dans la diversité de ses membres; bien plus, elle doit être le levain qui aide la société à réagir, comme on disait des premiers chrétiens: "Voyez comme ils s'aiment!" (TERTULLIEN Apolog. 39, 7). Ayant devant les yeux ce tableau de la première communauté - tableau non certes idyllique, mais portant la marque d'une maturité conquise dans l'épreuve et la souffrance - Nous demandons à tous de dépasser les diversités illégitimes et dangereuses, pour se reconnaître des frères que l'amour du Christ unit.

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V - Polarisation de la dissension

Les oppositions internes qui affectent les divers secteurs de la vie ecclésiale aboutissent, lorsqu'elles en viennent à se stabiliser en un état de dissidence, à opposer à l'unique institution et communauté de salut une pluralité "d'institutions ou communautés de la dissension" qui ne sont pas conformes à la nature de l'Eglise: cette dernière, s'il venait à se créer des fractions opposées et des factions rivées sur des positions absolument inconciliables, perdrait en effet son propre tissu constitutionnel. Survient alors la "polarisation de la dissension", en vertu de laquelle tout l'intérêt est concentré sur les groupes respectifs, pratiquement autocéphales, chacun d'eux estimant rendre honneur à Dieu. Cette situation porte en elle-même et introduit dans la communion ecclésiale, pour autant qu'elle le peut, les germes de la désagrégation.
Nous souhaitons vivement que la voix de la conscience conduise les individus à un processus de réflexion qui les porte à un choix plus conscient. Nous conjurons tous et chacun d'entreprendre cette démarche: "Scrute le secret le plus intime de ton coeur et pénètre, en explorateur diligent, dans tous les replis de ton âme". (St LEON LE GRAND, Tract. 84 bis, 2) Nous voudrions réveiller en chacun la nostalgie de ce qu'il a perdu: "Rappelle-toi d'où tu es tombé, repens-toi, reprends ta conduite première" Ap 2,5. Nous voudrions aussi exhorter chacun à reconsidérer le prodige divin qui s'est accompli en lui et à en saisir devant le Seigneur les exigences qui le conditionnent: "Il n'y a rien que le chrétien ne doive craindre davantage que d'être séparé du corps du Christ. Car s'il est séparé du corps du Christ, il n'en est pas membre; s'il n'en est pas membre, il n'est pas animé par son Esprit. Mais, dit l'Apôtre, celui qui n'a pas l'Esprit du Christ, celui-là n'est pas de lui (St AUGUSTIN In Joann. Tract 27, 6).

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VI Ethique et Dynamique de la Réconciliation

Il est donc d'une nécessité vitale que tous dans l'Eglise, évêques, prêtres, religieux, laïcs, prennent une part active à un effort commun de pleine réconciliation, afin qu'en tous et entre tous soit reconstruite la paix, "qui nourrit l'amour et engendre l'unité" (St LEON LE GRAND Serm. 26, 3). Que chacun se montre donc un disciple toujours plus docile du Seigneur, qui fait de la réconciliation entre nous la condition pour obtenir le pardon du Père Mc 11,26, et de la charité mutuelle la condition pour être reconnus comme ses disciples Jn 13,35. C'est pourquoi, quiconque se sentirait de quelque façon impliqué dans cette situation de division doit se remettre à écouter la voix du Christ qui le harcèle de manière irrésistible, même lorsqu'il se dispose à prier: "Va d'abord te réconcilier avec ton frère" Mt 5,24.
Que tous, en même temps, dans des mesures et selon des formes diverses en fonction de la position et de la situation de chacun, en reconsidérant l'oeuvre rédemptrice de Dieu à notre égard, s'emploient à créer le climat adapté pour que la réconciliation devienne effective. Puisque nous avons été réconciliés avec lui par la seule initiative de son amour, que notre comportement soit empreint de bienveillance et de miséricorde, nous pardonnant mutuellement comme Dieu nous a pardonné dans le Christ Ep 4,31-32. Et puisque notre réconciliation dérive du sacrifice du Christ mort volontairement pour nous, la croix, plantée comme un grand mât dans l'Eglise pour la guider dans sa navigation dans le monde (St MAXIME DE TURIN, Serm. 37, 2), doit être l'inspiratrice de nos relations réciproques, pour qu'elles soient toutes vraiment chrétiennes. Toutes ces relations doivent comporter un certain renoncement personnel. Il s'ensuivra une ouverture fraternelle aux autres, permettant de faire volontiers reconnaître les capacités de chacun et permettant à tous d'apporter leur propre contribution à l'enrichissement de l'unique communion ecclésiale, "en sorte que le tout et chacune des parties s'accroissent par un échange mutuel universel et par un effort commun vers une plénitude dans l'unité" LG 13. En ce sens, on peut s'accorder sur le fait que l'unité bien comprise laisse à chacun la possibilité de développer sa propre personnalité.

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Correction fraternelle

Cette ouverture aux autres, étayée par une volonté de compréhension et de capacité de renoncement, assurera, de façon stable et ordonnée, l'efficacité de l'acte de charité commandé par le Seigneur, qu'est la correction fraternelle Mt 18,15. Etant donné que cette dernière peut être le fait de n'importe quel fidèle à l'égard de n'importe quel frère dans la foi, elle peut être le moyen normal pour mettre fin à de nombreuses dissensions ou pour empêcher qu'il ne s'en forme II-II 33,4. A son tour, elle pousse celui qui s'y livre à ôter la poutre de son oeil Mt 7,5, afin que l'ordre de la correction ne soit pas dénaturé (St BONAVENTURE In IV Sent. Dist 19, dub. 4). La pratique de la correction fraternelle se résume donc en un principe de marche vers la sainteté, qui seule peut donner à la réconciliation sa plénitude celle-ci consiste non pas en une planification opportuniste qui masquerait la pire des inimitiés (St JEROME Contra Pelagian. 2, 11), mais dans la conversion intérieure et dans l'amour unifiant dans le Christ qui en dérive, et qui s'accomplit principalement dans le sacrement de la réconciliation, la Pénitence, grâce à laquelle les fidèles "reçoivent de la miséricorde de Dieu le pardon de l'offense qu'ils lui ont faite, et du même coup sont réconciliés avec l'Eglise que leur péché a blessée" LG 11, pourvu que "ce sacrement de salut... pénètre dans toute leur vie comme des racines et les pousse à un service plus fervent de Dieu et de leurs frères" (Ordo Paenitentiae Praenotanda n. 7)

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Que la diversité ne dégénère pas en divisions

Il reste toutefois que, "dans le travail d'édification du Corps du Christ, règne également une diversité de membres et de fonctions" LG 7, et que cette diversité provoque d'inévitables tensions. On peut en constater même chez les saints, mais "pas de celles qui suppriment la concorde, pas de celles qui tuent la charité" (St AUGUSTIN, Enarr in Ps. 33,19). Comment empêcher qu'elles ne dégénèrent en divisions? C'est de cette même diversité de personnes et de fonctions que découle le principe sûr de la cohésion ecclésiale. De cette diversité, en effet, une composante primordiale et irremplaçable est constituée par les pasteurs de l'Eglise, établis par le Christ ses ambassadeurs auprès des autres fidèles, et dotés dans ce but d'une autorité qui, transcendant les positions et les options des individus, les unifie toutes dans l'intégrité de l'Evangile qui est précisément la "parole de la réconciliation" 2Co 5,18-20. L'autorité avec laquelle ils proclament cet Evangile est contraignante non pas en fonction de son acceptation par les hommes, mais parce qu'elle est conférée par le Christ Mt 28,18 Mc 16,15-16 Ac 26,17-20. Puisque, donc, qui les écoute ou les rejette écoute ou rejette le Christ et Celui qui l'a envoyé Lc 10,16, le devoir d'obéissance des fidèles à l'autorité des pasteurs est une exigence ontologique de leur être chrétien lui-même.

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Les prêtres et les religieux qui ont manqué aux exigences de leur vocation

Les pasteurs de l'Eglise, d'autre part, forment constitutionnellement un unique corps indivis avec le Successeur de Pierre et en dépendance de lui; c'est pourquoi, de l'unanimité avec laquelle ils accomplissent leur ministère et de l'acceptation fidèle de ce ministère, dépend l'unité de foi et de communion de tous les croyants DS 3050 LG 18, manifestation pour le monde de la réconciliation réalisée par Dieu dans son Eglise. Qu'elle se voie donc exaucée, l'invocation que tous adressent au Sauveur: "Assiste toujours le collège des évêques unis à notre Pape; accorde-leur les dons d'unité, de charité et de paix" (Liturgia Horarum IV). Que les pasteurs, de même qu'ils représentent le Christ lui-même et tiennent sa place d'une façon éminente et visible LG 21, imitent ainsi et infusent dans le Peuple de Dieu l'amour qui l'a fait s'immoler: "Il a aimé l'Eglise et s'est livré pour elle" Ep 5,25. Et que cet amour renouvelé soit un exemple efficace pour les fidèles, en premier lieu pour les prêtres et religieux qui auraient manqué aux exigences de leur ministère et de leur vocation propres, de sorte que tous dans l'Eglise, d'un seul coeur et d'une seule âme Ac 4,32, s'emploient de nouveau "à propager l'Evangile de la paix" Ep 6,15.
L'Eglise notre Mère regarde avec tristesse l'abandon de certains de ses fils revêtus du sacerdoce ministériel ou, à un autre titre particulier, consacrés au service de Dieu et de leurs frères. Elle éprouve cependant soulagement et joie dans la persévérance généreuse de tous ceux qui sont restés fidèles à leurs engagements vis-à-vis du Christ et d'elle-même; appuyée et réconfortée par les mérites de cette multitude, elle veut même transformer la douleur qui lui a été infligée en un amour qui peut tout comprendre et qui, dans le Christ, peut tout pardonner.

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Conclusion

Nous qui sommes dans l'Eglise, en tant que Successeur de Pierre, non certes en raison de Notre mérite personnel mais en vertu du mandat apostolique qui Nous a été transmis, le principe visible et le fondement de l'unité des pasteurs comme de la multitude des fidèles LG 23, Nous lançons un appel au rétablissement complet du bien suprême qu'est la réconciliation avec Dieu, à l'intérieur de nous et entre nous, afin que l'Eglise soit dans le monde signe efficace d'union avec Dieu et d'unité entre toutes ses créatures.
C'est une exigence de notre foi dans l'Eglise même, "que. dans le symbole, nous proclamons une, sainte, catholique et apostolique" LG 8. De l'aimer, de la suivre, de l'édifier, Nous vous conjurons tous instamment par cette exhortation, en faisant Nôtres les paroles de saint Augustin: "Aimez cette Eglise, restez dans cette Eglise, soyez cette Eglise" (St Augustin Serm. 138, 10)

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Voilà l'invitation qu'à tous Nos fils, particulièrement ceux qui ont la responsabilité de guider leurs frères, Nous adressons par cette exhortation. Nous l'avons voulue pastorale et pleine de confiance, dictée par un esprit de paix. Peut-être pourra-t-elle paraître sévère à certains. Mais elle résulte d'un regard profond sur la situation de l'Eglise d'une part, et sur les exigences imprescriptibles de l'Evangile d'autre part. Elle jaillit spécialement de Notre coeur: Nous avons le devoir d'aimer l'Eglise en nous inspirant de l'allégorie de la vigne qui a besoin d'être émondée pour porter davantage de fruit Jn 15,2 Cette exhortation enfin est soutenue par une grande espérance que le lourd fardeau de Notre mandat apostolique n'a jamais altérée. Nous rendons grâce à la fidélité de Dieu. Nous espérons que l'Esprit-Saint suscitera un écho irrésistible à Nos paroles: il est déjà présent et agissant dans le secret du coeur de chaque fidèle, capable de les conduire tous, dans l'humilité et dans la paix, sur les chemins de la vérité et de l'amour. C'est lui Notre force. Nous savons que l'immense majorité des fils de l'Eglise attendaient un tel rappel, et sont préparés à le recevoir avec fruit. Nous souhaitons ardemment que le Peuple de Dieu tout entier se mette en route avec Nous comme dans la marche biblique, qu'il entreprenne avec Nous les étapes de sanctification du Jubilé et ne fasse qu'un avec Nous, afin que le monde croie. Puisse-t-il se laisser guider par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par l'amour de Dieu le Père, par la communion de l'Esprit-Saint!
Nous confions ces voeux à l'intercession de la Vierge Immaculée, "modèle des vertus qui rayonne sur toute la communauté des élus... et, par sa participation étroite à l'histoire du salut, rassemble et reflète en elle-même d'une certaine façon les requêtes suprêmes de la foi" LG 65. Et Nous encourageons la volonté commune de sanctification et de réconciliation, en accordant de grand coeur à tous Notre Bénédiction apostolique.





"CONSTANS NOBIS"

Constitution Apostolique

Nouvelle Congrégation pour les Sacrements et le Culte Divin

(11 juillet 1975)

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Voici la traduction française de la constitution apostolique "Constans Nobis" supprimant la Congrégation pour la Discipline des sacrements et la Congrégation pour le Culte divin, et érigeant la nouvelle Congrégalion pour les Sacrements et le Culte divin.


Nous Nous sommes toujours empressé et assidûment soucié, spécialement dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, de prendre des dispositions pour que les organismes de la Curie romaine, qui Nous permettent de pourvoir au bien et au développement de l'Eglise universelle, restent des instruments efficaces dans l'accomplissement des tâches importantes qui leur sont demandées et répondent par conséquent toujours mieux aux exigences croissantes de l'activité pastorale. C'est ce qui a amené avant tout la constitution apostolique Regimini Ecclesiae universae: par elle, suivant les indications du Concile CD 9, Nous avons établi une nouvelle organisation générale, plus riche de possibilités, concernant les congrégations, les tribunaux, les bureaux, les secrétariats et les autres organismes de la Curie Regimini Ecclesiae Universae . Tout en transformant avec prudence les formes ou les structures anciennes, cette organisation n'allait pas jusqu'à exclure la possibilité ni la façon d'introduire, au besoin, d'autres formes, ou même d'en abolir.

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Nous n'estimons pas nécessaire de rappeler aujourd'hui de telles dispositions qui furent établies en leur temps et régulièrement promulguées Sacra Rituum Congregatio 8.5.1969 ; Apostolicae caritatis 19.3.1970 ; Quo aptius 27.2.1973 ; (Lettre au Cal Villot Amoris officio 15.7.1971). Il est intéressant de noter plutôt le fait que dans les nombreuses modifications qu'on enregistre actuellement dans le gouvernement de l'Eglise, on observe, d'une part, l'évolution très rapide de la société moderne tandis que, d'autre part, apparaît évidente la grande sollicitude de l'Eglise elle-même: en se servant opportunément de structures appropriées, elle s'efforce de voir dans le phénomène en question un signe des temps, pour accomplir comme il convient la mission que lui a confiée son divin Fondateur. Ce qui Nous pousse à agir, c'est précisément le désir que lesdites structures puissent servir à tous les membres du Peuple de Dieu, parce que leur nature consiste, à proprement parler, dans un service.
L'expérience faite depuis 1969 - c'est-à-dire depuis que Nous avons institué la Congrégation pour le Culte divin Sacra Rituum Congregatio 8.5.1969 - a montré que les rapports entre cette Congrégation et celle de la Discipline des sacrements ont été si fréquents et si étroits qu'ils ont tout d'abord fait naître l'idée, puis emporté la conviction qu'il est non seulement utile mais nécessaire de confier les affaires des deux dicastères à un nouvel et unique organisme. Il s'agit, en effet, en un certain sens, d'une seule réalité théologique dont les aspects liturgique, culturel et pastoral sont indissolublement liés à l'aspect juridique et disciplinaire. Nous sommes donc convaincu que le fait d'unifier les matières qui étaient jusqu'à maintenant de la compétence de deux dicastères favorisera mieux encore cette réforme liturgique décidée avec sagesse par le Concile Vatican II et déjà bien avancée, ainsi que l'exécution ordonnée d'une si grande entreprise dans laquelle Nous Nous sentons encore constamment engagé et qui a déjà produit dans le Peuple de Dieu des fruits si abondants de vie spirituelle.

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En conséquence, après avoir étudié avec soin l'ensemble de la question et pris l'avis de personnes autorisées et expertes en la matière, considérant - comme il a déjà été dit - l'utilité de réunir en une seule organisation ce qui a trait soit à la discipline des sacrements soit au culte divin, Nous avons décidé de substituer un nouveau dicastère aux deux Congrégations susdites. A cette fin, Nous décrétons ce qui suit
1) - La Congrégation pour la Discipline des sacrements et la Congrégation pour le Culte divin cessent d'exister sous leur forme actuelle.

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2) - Une nouvelle Congrégation est instituée sous le nom de Sacrée Congrégation pour les Sacrements et le Culte divin.

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3) - La nouvelle Congrégation, qui est présidée par le cardinal-préfet, aidé du secrétaire, se divise en deux sections, l'une pour la discipline des sacrements, l'autre pour le culte divin; à chaque section est assigné un sous- secrétaire.

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4) - La première section aura pour compétence celle de l'ancienne Congrégation pour la Discipline des sacrements, telle qu'elle est fixée par la constitution apostolique Regimini Ecclesiae universae, Nos 54-57 ; la seconde section aura pour compétence celle de l'ancienne Congrégation pour le Culte divin, telle qu'elle est établie par la constitution apostolique Sacra Rituum Congregatio, Nos 1- 4 .

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5) - Les dispositions contenues dans la présente Constitution apostolique entreront en vigueur le 1er août prochain.

Nous voulons que tout ce que Nous avons établi et prescrit soit pleinement valide et de façon stable, nonobstant, le cas échéant, toute constitution ou ordonnance apostolique contraire émanant de Nous ou de Nos prédécesseurs et de toute autre prescription, même digne de mention très spéciale.





1983 Documents postconciliaires 1312