Paul VI Homélies







IVème CENTEMAIRE DES CONGRÉGATIONS MARIALES: Jeudi 12 septembre 1963

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Très chers fils et filles!

Nous sommes heureux d'être parmi vous ce matin, d'offrir la sainte Messe pour vous et avec vous, et de Nous associer à l'hommage solennel que les Congrégations mariales désirent rendre à la Sainte Vierge, à l'occasion du quatrième Centenaire de la fondation de la Congrégation «prima primaria», ici même, à la place où cette pieuse association est née, où elle a formé à la piété et à la vie chrétienne tant de générations de la jeunesse romaine, et d'où a rayonné dans le monde entier la lumière de ses constitutions, de ses exemples, de ses expériences, que vient couronner le témoignage des plus hautes vertus et de la fidélité la plus sincère au Christ et à son Eglise.

Cette rencontre soulève dans Notre esprit un doux souvenir, celui de Notre appartenance pendant les années lointaines de Notre adolescence et de Notre jeunesse à la Congrégation mariale des Pères Jésuites, qui dirigeaient en ce temps-là le Collège Arici, à Brescia, et qui méritent toujours Notre affectueuse et dévouée reconnaissance.

Nous avons, en outre, l'heureuse occasion de saluer toute cette magnifique assemblée qui Nous entoure et qui est réunie sous le nom auguste et familier de la Vierge Marie. Quelle joie pour Nous de voir tant d'hommes et de femmes célébrer la gloire de la Mère de Dieu, quelle douce émotion pour Nous d'écouter vos voix retentissantes se fondre dans une même prière, dans un même chant à l'adresse de la Reine des cieux! Quel sujet d'admiration et de réflexion pour Nous, qui n'ignorons pas les problèmes de la vie des générations contemporaines, de savoir que la vôtre se polarise autour de la Bienheureuse Vierge qui nous a donné le Christ, et fait de la dévotion aux mystères et aux vertus de Jésus et de Marie le fondement magnifique de sa spiritualité. Nous ne pouvons pas vous cacher Notre intime satisfaction d'en être le témoin et Nous tenons à saluer, avee vous, toutes les Congrégations mariales auxquelles vous appartenez et que vous représentez.

Nous voulons tout d'abord arrêter un instant Notre attention et la vôtre sur l'efficacité pédagogique de la piété mariale dans l'oeuvre, si délicate et si difficile, de la formation de l'homme moderne à la vie chrétienne. Et, à ce sujet, il Nous semble qu'il faut avant tout souligner la richesse religieuse que le culte à Marie, si authentique et si sincère, qui est le vôtre, insère dans l'âme de l'homme aux prises avec les grandes expériences, voire les problèmes et les crises que la vie lui réserve. La dévotion à la Vierge n'engage-t-elle pas tout l'être humain à l'aete de foi, sur lequel repose tout l'édifice spirituel de la vie chrétienne, c'est-à-dire la connaissance exacte et concrète des vérités religieuses fondamentales de l'Evangile et du catéchisme, la volonté nourrie par l'amour filial qu'une telle Mère éveille facilement dans les coeurs, et tout le cortège des sentiments les plus simples, les plus doux, les plus purs, et les plus beaux, que le mystère de l'Incarnation Nous autorise à transporter de la sphère humaine à la sphère religieuse? Et la doctrine, c'est-à-dire la réalité religieuse foncière, de la piété mariale, n'est-elle pas la plus orthodoxe et la plus féconde de la spiritualité catholique, quand elle Nous met au contact de la pensée divine à l'égard de Marie, choisie pour être la Mère de notre Sauveur Jésus-Christ? De cette richesse religieuse du culte Marial découle une source inépuisable et magnifique de valeurs morales qui peut donner à l'homme d'aujourd'hui des forces et des expériences capables d'apporter à son existence une plénitude incomparable.

Qu'est-ce que les hommes, et surtout les jeunes, recherchent dans la vie?

Ils recherchent la beauté: or Marie est le sommet de la beauté. Les chefs-d'oeuvre ne sont jamais des beautés partielles, mais une synthèse du beau: Marie est la créature la plus transparente de la divine présence trinitaire: «Celui que les Cieux n'ont pu contenir, tu l'as renfermé dans ton sein». Présence humaine aussi: Marie est la nouvelle Eve, en qui se trouve le destin de tous les vivants.

La beauté est expression transparente, tous les arts ont cherché à l'exprimer et l'ont exprimée dans les chefs-d'oeuvre de tous les siècles. La beauté est un don reposant: Marie, au milieu des tourmentes de la vie, apaise toutes les inquiétudes de la chair, de l'esprit, et de la vie sociale.

Ils recherchent la grandeur: leur bi est de grandir, leur fièvre est de dépasser toute limite: Or Marie a dépassé toutes les limites ordinaires, mais dans le sens de la grandeur, et c'est pourquoi elle est devenue la seule créature humaine qui a pu dire: «toutes les générations me proclameront bienheureuse» (
Lc 1,48).

Ils recherchent la joie: «Ta naissance, ô Marie, a été pour le monde entier une occasion de joie», le passage d'une «économie» plutôt de malédiction à une «économie» de bénédiction, d'un monde où les fautes succèdent aux fautes à un monde où l'on respire en plénitude la liberté des fils d'adoption.

Ils recherchent l'amour, c'est-à-dire une communion totale entre deux êtres, selon le plan créateur de Dieu, qui destine la femme à donner la vie, et à être la compagne de l'homme, le chef du foyer. Marie, qui à Cana a voulu que rien ne fût enlevé à l'exaltation de l'amour, montre aux hommes où ils peuvent contempler le plus haut idéal féminin: dans la virginité et dans la maternité imprégnées de sa beauté et de la plénitude de la grâce.

Marie est donc pour tous la source de la vraie beauté, de la vraie grandeur, de la vraie joie, et du véritable amour, Mais où trouverez-vous Marie? Ce n'est certes ni dans les exagérations, ni dans le sentimentalisme, ni dans les abus de déductions à la recherche de l'emphase et de l'hyperbole, ni dans les nouveautés. Comme le rappelait le Pape Jean XXIII, Notre Prédécesseur de douce mémoire: «Tous les catholiques sont par conséquent les fils de Notre Dame et leur piété pour Marie se doit se refléter cette commune appartenance à la famille des enfants de Dieu, en s'exprimant toujours par les manifestations habituelles du culte séculaire voué par l'Eglise de Jésus-Christ à la Mère du Sauveur. Aussi, chers fils, fuyez tout ce qui singularise, recherchez au contraire la dévotion mariale la plus assurée par la tradition, telle qu'elle nous est transmise depuis les origines à travers les formules de prières des générations successives des chrétiens de l'Orient et de l'Occident. Une telle piété envers la Très Sainte Vierge est la marque d'un coeur vraiment catholique» (Radio Message au Congrès Marial de Lisieux, A.A.S. 1961, PP 505-506).

Chers fils et filles, c'est dans l'histoire du salut, dans l'Evangile, que vous trouverez Marie, comme dans les trésors de la liturgie qui transmet le grand patrimoine de la pensée et de la prière de l'Eglise. Vous la trouverez aussi dans les humbles traditions familiales des familles chrétiennes, en particulier dans le chapelet. Vous la trouverez encore dans votre effort quotidien pour voir toujours, dans chaque femme, la Sainte Vierge Marie, - et donc, loin de l'obsession inhumaine et exaspérée des sens, la plus haute collaboration au plan de Dieu.

La plus belle tâche des congrégations mariales sera d'établir ce rapport essentiel et transformateur avec la réalité quotidienne de l'homme moderne. Vous trouverez Marie, en définitive, si vous avez le scrupuleux souci de la placer dans l'ensemble du mystère chrétien: car le culte de Marie n'est pas une fin en lui-même, mais la voie maîtresse qui vous conduit au Christ, et, en lui, a la gloire de Dieu et à l'amour de l'Eglise.

C'est là, chers fils et filles, le voeu que Nous formons de tout coeur, pour vous-mêmes et pour toutes les congrégations mariales que vous représentez. Soyez de fidèles dévots de Marie, qui fera de vous de bons Fils de l'Eglise et de vrais Apôtres du Christ.

C'est à cette intention que Nous appelons sur vous de tout coeur l'abondance des divines grâces, en gage desquelles Nous vous donnerons tout a l'heure Notre paternelle et affectueuse Bénédiction Apostolique.





AU CORPS DIPLOMATIQUE PENDANT LA MESSE DE MINUIT*: Mercredi 25 décembre 1963

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Le mystère de cette sainte nuit, Excellences et chers Messieurs, invite surtout au recueillement, à la contemplation, au silence. La grandeur même de l’événement qui y est commémoré est impossible à décrire avec des mots humains, et il semble qu’on ne puisse en parler qu’à Dieu, dans le secret d’une prière silencieuse.

Et pourtant, selon l’heureuse formule d’un Père de l'Eglise, il est aussi difficile d’en parler dignement qu’il est impossible de n’en rien dire: inde oritur difficultas fandi, unde adest ratio non tacendi(S. Leo, Sermo IX de Nativitate). Comment ne pas communiquer aux autres, même de façon imparfaite, les joies et les émotions que l’on ressent soi-même?

Vous Nous permettrez donc de vous exprimer bien simplement les pensées et les voeux qui remplissent Notre esprit et Notre coeur à votre intention, et que Nous élevons vers Dieu dans le langage sacré du rite religieux.

1) Noël, c’est d’abord l’annonce de la paix: Pax hominibus bonae voluntatis! Certes, ce n’est ni le lieu ni le moment de vous commenter longuement la doctrine des Papes sur la paix, de vous décrire son origine, sa nature, la manière de la faire naître, vivre et durer. Nous en avons dit un mot dans Notre radiomessage au monde, et du reste ce sont des choses qui vous sont bien connues.

Mais Nous adressant à des diplomates, autant dire à des artisans, à des spécialistes de la paix du monde, il Nous faut souligner la grandeur de votre mission, telle qu’elle Nous apparaît dans la lumière de Noël.

Si cette fête est considérée à juste titre comme la fête de la paix par excellence, c’est d’abord parce que le Christ, en unissant dans sa Personne la divinité à l’humanité, réconcilie le Ciel et la terre, et pose par là même le fondement le plus profond et le plus solide à l’édifice de la paix du monde.

Il n’apporte pas seulement la paix par son enseignement, mais selon l’énergique expression de S. Paul, il est lui-même notre paix: ipse enim est pax nostra. Des deux mondes, poursuit l’Apôtre, - le monde juif et le monde païen - «il en a fait un seul, renversant le mur qui les séparait.. . Et il est venu vous annoncer la paix, à vous qui étiez loin, la paix aussi à ceux qui étaient proches» (
Ep 2,14 Ep 2,17).

Votre mission n’est-elle pas, Messieurs, de travailler à renverser les murs qui séparent les peuples, n’est-elle pas d’annoncer la paix aux proches et aux lointains? Les paroles ne suffisent pas pour cela, l’Enfant de la crèche nous le témoigne par son exemple, et l’expérience quotidienne, hélas! le confirme: il faut engager toute sa personne; il faut être des hommes de paix; entièrement pénétrés, s’il était possible, des pensées et des sentiments qui sont ceux de Dieu, et qui ont poussé le Christ à s’incarner. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut efficacement annoncer la paix aux autres et la faire entrer dans les coeurs.

2) Ce mystère de Noël projette encore sur votre mission, Nous semble-t-il, une autre lumière. C’est un mystère d’abaissement et de patience, un mystère d’humilité. Le Christ accepte, pour réconcilier les hommes avec Dieu et entre eux, de franchir l’infinie distance du Ciel à la terre.

Pour faire régner la paix parmi les hommes, vous en savez quelque chose, il faut parfois savoir sacrifier une partie de son prestige ou de sa supériorité, accepter, pour un bien supérieur, de franchir des distances, d’engager et de poursuivre des dialogues qui peuvent paraître, à certains égards, humiliants: il faut traiter, traiter sans se lasser, pour éviter cette humiliation suprême, qui serait en même temps, dans les conditions présentes, la suprême catastrophe: le recours aux armes. Ici encore, quelle lumière projettent sur votre mission de pacificateurs, chers Messieurs, les abaissements de l’Enfant-Dieu!

3) Un mot encore, si vous le permettez. Il n’y a d’union entre les âmes que par l’amour. Si le mystère de Noël est un mystère de paix et d’humilité, c’est qu’il est avant tout un mystère d’amour. Aimer tout l’homme et aimer tous les hommes: c’est la grande leçon que nous donne le Dieu incarné; et c’est en même temps la condition du succès de l’action des diplomates au service de la paix. Une diplomatie qui ne serait pas animée par l’estime et l’amour des hommes ne saurait créer dans le monde une paix stable. Votre mission n’a-t-elle pas pour fondement la conviction que l’amour est plus fort que la haine, qu’il doit à la fin triompher et imposer la paix?

Ici dans la paisible Cité du Vatican, et dans une solennité sereine comme celle-ci, on touche du doigt, pourrait-on dire, cette victoire de l’amour et de la paix. Jamais ils ne s’effaceront de Notre souvenir, ces Noëls de guerre où, autour du Pape Pie XII, Notre grand et inoubliable Prédécesseur, venaient s’agenouiller et prier ensemble les représentants des Pays belligérants. Au dehors, les combats faisaient rage, les bombardements meurtriers accumulaient des destructions et des ruines effrayantes, le ressentiment montait dans les âmes. Ici, autour du Vicaire du «Prince de la Paix», les âmes se retrouvaient dans une prière commune, l’entente triomphait sur la discorde, l’amour sur la haine.

Puisse, Messieurs, cette évocation être un présage et le gage de la paix apportée au monde par le Christ en cette sainte nuit. Nous le demandons à Dieu, tandis que Nous Lui présentons les voeux de vraie et complète prospérité que Nous formons pour. vos personnes et pour vos patries, en invoquant sur vous et sur elles la paix promise aux hommes de bonne volonté.

*Insegnamenti di Paolo VI, I, p. 433-435.
La Documentation catholique 1964, n°1416, col.109-111.



MESSE POUR LES MISSIONNAIRES MORTS AU CONGO: Vendredi 26 février 1965

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Chers Fils, Membres du Sacré Collège, de la Hiérarchie, des Instituts Missionnaires, et vous tous qui êtes venus prier avec Nous ce soir dans cette basilique, soyez les bienvenus! Hier, sur le tombeau du Prince des Apôtres, au cours d’une émouvante cérémonie, Nous imposions la barrette aux nouveaux Cardinaux, dont l’entrée dans le Sacré Collège constitue un éclatant témoignage de l’universalité de l’Eglise.

Aujourd’hui, cette même pensée de l’universalité de l’Eglise Nous invite à tourner Nos regards vers les pays de mission, et c’est sur le tombeau de l’Apôtre Saint Paul, le Docteur des Nations (
1Tm 2,7), que Nous sommes venu faire à Dieu l’hommage de Notre sollicitude pour les âmes innombrables auxquelles l’Eglise envoie, depuis des siècles, les meilleurs et les plus courageux de ses fils.

Cet hommage, Nous avons voulu lui donner une expression concrète et vivante, en baptisant de Nos mains, en confirmant et en admettant au banquet eucharistique un groupe de néophytes venus d’une des nations d’Afrique les plus éprouvées en ces derniers temps.

C’est donc à vous d’abord que Nous Nous adressons, chers Fils, avec les expressions enthousiastes d’un grand Africain, Saint Augustin, qui appelait ceux qui venaient de renaître comme vous de l’eau et de l’Esprit Saint «nouvelle semence de sainteté, enfants de la grâce, jeune phalange, fleuron de notre honneur, fruit de notre labeur, ma joie et ma couronne: novella germina sanctitatis, germen pium, examen novellum, flos nostri honoris et fructus laboris, gaudium et corona mea» (S. Aug. Sermo 1 in octava Paschae, 157 de Tempore). Quelle source de fierté pour vous d’avoir été admis à l’honneur d’entrer dans l’Eglise au centre de la catholicité! C’est à vous que le Pape confie sa sollicitude et ses espoirs pour le Congo. Il vous dit, comme le Christ au miraculé de l’Évangile: «Retourne chez toi, et raconte tout ce que Dieu a fait pour toi» (Lc 8,39). Retournez dans votre Patrie, y répandre la «bonne odeur du Christ» (2Co 2,15) parmi vos frères. Dites-leur ce que vos yeux ont vu à Rome. Dites-leur surtout combien l’immense continent africain est présent à l’esprit et au coeur du Pape, et combien d’espoirs Il place dans tant de jeunes et ferventes chrétientés.

Le geste que Nous allons accomplir veut être comme une reconnaissance symbolique des admirables moissons que l’Eglise a fait mûrir dans les territoires de mission, et qui ont resplendi d’un éclat singulier lors de la récente Canonisation des Martyrs de l’Uganda. Vous ne serez pas étonnés que. Nous ayons voulu vous y associer, chers Fils et chères Filles des Congrégations missionnaires, afin de mieux attester la gratitude que l’Église professe hautement envers ceux et celles qui, partout dans le monde, aujourd’hui comme hier, sont les précieux et irremplaçables artisans de la tâche ardue et sublime à laquelle vous avez consacré votre vie. Mais une raison spéciale Nous a poussé à vous demander d’unir en ce jour votre prière à la Nôtre. Les derniers mois ont enregistré, dans plusieurs des territoires dont Nous parlions, bien des événements douloureux. L’occasion ne Nous a pas manqué de les déplorer publiquement; mais Nous avons estimé nécessaire qu’une ample et solennelle cérémonie religieuse rendît manifestes aux yeux de tous le deuil et la prière de l’Eglise.

Nous sommes donc venu aujourd’hui parmi vous avant tout afin d’offrir le saint sacrifice pour tous ceux qui ont été victimes de la violence en diverses régions, et particulièrement au Congo, au cours des mois écoulés. Car la violence s’est déchaînée, hélas! et le sang a coulé. Sang de très nombreux fils de la terre africaine, massacrés au cours de luttes fratricides, souvent en violation des lois les plus élémentaires de l’humanité; sang aussi d’hommes et de femmes originaires d’autres pays, catholiques et non catholiques, et parmi eux bon nombre de pacifiques missionnaires, venus sur le continent africain pour y apporter, avec l’Evangile du Christ, l’amour fraternel et la véritable paix. Les uns ont été brutalement expulsés des territoires où ils exerçaient leur ministère au service des âmes. D’autres ont été arrêtés, incarcérés et pris comme otages contre tout droit humain. Devenus l’objet de la haine la plus injustifiable et d’une cruauté qu’on voulait croire à jamais bannie des annales de l’humanité après les horreurs de la dernière guerre mondiale, ces hommes et ces femmes, et parmi eux un évêque, l’Evêque de Wamba, ont été outragés, torturés et finalement massacrés de la façon la plus inhumaine.

La fonction de représentant du Prince de la Paix (cfr. Is 9,6), que Nous exerçons malgré Notre indignité, Nous fait un devoir, vous le comprenez, de stigmatiser de tels crimes et de les porter devant la conscience du monde. Car c’est la conscience du monde, et non seulement l’Église Catholique, comme chacun le voit, qui est blessée par ces atteintes aux règles les plus élémentaires de l’humanité.

Il ne s’agit plus seulement, en effet, du cas de religieux ou de religieuses persécutés pour leur foi. Il s’agit d’otages qui sont tués, de prisonniers qui sont passés par les armes sans jugement; il s’agit d’une brutale violation du droit à la vie, qui Nous oblige à rappeler solennellement le grand précepte gravé au coeur de tout homme et inscrit aux premières pages de la Bible: Tu ne tueras pas.

N’est-il pas douloureux de constater qu’en une période de l’histoire où l’ensemble du genre humain est plus sensible que jamais aux droits de l’homme, en un temps où ces droits ont été proclamés par les plus hautes autorités et codifiés dans une charte d’une portée universelle, le plus fondamental, le plus élémentaire de ces droits, le droit à la vie, soit ainsi publiquement ignoré, méprisé, foulé aux pieds?

N’est-il pas humiliant pour notre génération qu’il faille rappeler que le meurtre direct d’un innocent est un crime, un crime qui offense Dieu, qui offense le prochain, qui offense la société?

Déjà le droit romain avait stigmatisé comme injustes les représailles exercées en temps de guerre contre des citoyens privés. Quoi de plus injuste, en effet, et de plus déraisonnable que la prise unilatérale d’otages, qui punit sur de tierces personnes, innocentes et étrangères au conflit, des délits imputés à l’une des parties en cause? Les Pouvoirs publics eux-mêmes le reconnaissent, puisqu’une Convention internationale prohibe de façon générale la prise d’otages en tous lieux et en tous temps. Mais quoi qu’il en soit de l’observance de cette règle, que la personne de l’otage, au moins, soit pour tous sacrée et inviolable! Par quelle aberration pourrait-on tenter d’en justifier le meurtre? Et le prisonnier? N’est-il pas - comme le blessé - hors de combat et dès lors protégé par les lois communes du droit des gens?

Faudra-t-il donc dire que les fils d’un peuple jeune et plein de promesses, arrivé au seuil de l’indépendance, ont marqué l’entrée de leur Pays dans la vie internationale par le sang injustement versé?

Nous savons que ces déplorables excès ne sont le fait que d’une minorité d’hommes et de jeunes gens, exaspérés peut-être par certaines situations politiques et sociales. Nous voudrions Nous adresser à ces hommes, leur dire avec toute la conviction que Nous inspire Notre amour pour eux: ne souillez pas vos mains par des crimes qui resteront dans les siècles futurs comme une tache sur l’histoire de l’Afrique! Montrez, au contraire, que cette indépendance dont vous êtes justement fiers, vous étiez dignes d’y accéder, capables d’en porter le poids et l’honneur, dans le respect des droits sacrés de la personne humaine et des lois de la vie en société. Car Nous avons confiance dans la bonté foncière de votre peuple, lorsqu’il ne se laisse pas entraîner par de mauvais bergers, confiance dans sa vocation chrétienne, attestée par tant de réponses généreuses à l’appel du Seigneur: Nous pensons à vos prêtres, à vos religieux et religieuses, à vos si zélés catéchistes, qui donnent le meilleur d’eux-mêmes à l’évangélisation de leurs frères. Ne sont-il pas tous la vivante illustration des vertus de leur race, l’exemple des hauteurs auxquelles elles peuvent atteindre au service d’un grand et bel idéal?

Et c’est pourquoi Nous voulons croire que Notre supplication ne sera pas vaine, et que les énergies qui s’égarent aujourd’hui dans une folie de meurtre et de destruction sauront s’employer bientôt à nouveau dans des tâches constructives.

O Congo! Écoute Notre voix, car c’est la voix d’un père, qui n’a sur les lèvres que des paroles de pardon et de paix, la voix d’un ami, que n’inspire aucun intérêt personnel, aucune visée d’ordre temporel, et qui n’a en vue que le véritable bien de chaque nation et de toute la grande famille humaine.

A tous Nos fils d’Afrique, qui ont noblement, au fond de leurs coeurs ou publiquement, désapprouvé et condamné les excès que Nous venons de déplorer, Nous voudrions adresser un appel à réfléchir sur la grave leçon qui se dégage de ces tragiques événements. Le sang appelle le sang. Un désordre engendre un autre désordre. Il n’est qu’une voie qui conduise à la paix et à la prospérité, c’est celle du respect de la loi naturelle, du droit d’autrui, et avant tout du droit à la vie.

Et quant à vous, chers Missionnaires qui Nous écoutez, que l’exemple de vos frères et de vos soeurs, bien loin de vous assombrir et de vous décourager, soit pour vous le stimulant le plus exaltant. Ils ont été jugés «dignes de souffrir pour le nom de Jésus» (Ac 5,41), et nous pouvons légitimement nourrir la confiance qu’ils sont désormais constitués au Ciel les intercesseurs de vos familles religieuses et les protecteurs de ces champs d’apostolat qu’ils ont baignés de leurs sueurs et de leur sang. C’est donc à leur intercession que Nous vous confions en terminant, à celle de Marie, Mère de l’Église, à celle de Saint Paul, l’incomparable modèle des Missionnaires de tous les temps. Qu’ils gardent et protègent vos personnes, et qu’ils ramènent bientôt à leurs pacifiques travaux ceux d’entre vos frères que la violence de l’ouragan en a pour un temps écartés. Tels sont Nos voeux, telles sont les intentions que Nous confions ce soir à votre prière. Nous vous demandons de l’étendre, cette prière, afin qu’elle soit vraiment catholique, aux dimensions du monde: qu’elle aille dans toutes les terres de Mission, partout où l’on souffre, où l’on aspire à la paix, à la justice, à la liberté.

Et à vous tous qui êtes ici présents, Éminentissimes Cardinaux, Évêques, Prêtres, Religieux et Religieuses, représentants du laïcat à vous tous, chers Fils de Rome et du monde, qui, de près ou de loin, vous êtes associés à cette cérémonie propitiatoire, Nous accordons de grand coeur, en gage des grâces que Nous invoquons sur tous et chacun d’entre vous, une très paternelle Bénédiction Apostolique.

Terminata la Messa, si svolge una commovente manifestazione. Il Santo Padre, al canto della Salve Regina, si reca dinanzi all’altare papale di fronte alla grande navata, preceduto dai neofiti nelle loro candide vesti, a presentarli alla «plebs sancta Dei» della quale sono entrati a far parte.

Cari fedeli della Chiesa di Roma, abbiamo portato davanti a voi questi nuovi figli della Chiesa perché anche voi li conosciate, li abbracciate con la vostra carità e anche perché possiate meglio comprendere quel che il Signore compie ogni giorno nell’umanità mediante il ministero della Chiesa. Questi giovani e queste figliuole che ho ai miei lati, sono diventati fïgli di Dio, membri del Corpo mistico di Cristo, cittadini della Chiesa e vostri fratelli. Salutateli, vogliate loro bene e fate che essi sentano, nel vostro plauso, la comunione di spirito che si è stabilita fra loro e voi. Comprendano, inoltre, quanto è vasto il regno della carità e come tocca a noi, umili ministri ed umili figli del Regno di Dio, lavorare perché esso si stabilisca, si estenda, trionfi in mezzo alla umanità intera.

Gesù ha voluto che fosse affidata a Noi la sorte del suo Regno in questa terra. Dobbiamo realmente e con ogni impegno metterci a disposizione di questo pensiero del Signore e di essere tutti fedeli alla nostra Religione, nel ringraziare Dio del grande beneficio che ci ha largito, e nell’essere convinti che ciascuno di noi deve fare qualche cosa per comunicare agli altri il dono celeste. Ciascuno di noi deve essere missionario, ciascuno di noi deve avere il cuore grande quanto il mondo. Ed ora che vedete in questi nuovi nostri fratelli un segno visibile, poiché sono i rappresentanti di questo disegno divino sull’umanità, confermate i propositi di buona, fedele, esemplare vita cristiana; e consegnate a questi neo-cristiani, che ritorneranno alla loro terra, il messaggio di Roma, che vuol essere messaggio di fedeltà forte, serena, fraterna, saldissima a Nostro Signor Gesù Cristo.

Daremo a vostro nome, figliuoli, una piccola croce da appendere al collo di ciascuno di questi neofiti. Così il ricordo di averla ricevuta dalle Nostre mani, e quasi dal vostro cuore, renderà loro più caro questo simbolo e soprattutto confermerà, nei loro cuori, propositi e sentimenti, che certamente in questo momento hanno formulato.

Daremo loro, inoltre, la corona del Rosario, perché possano sempre conservare sentita e profonda devozione alla Madre della Chiesa, alla Madonna; al patrocinio della quale li affidiamo.







AU CORPS DIPLOMATIQUE PENDANT LA MESSE DE MINUIT*: Noël 25 décembre 1965

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Cette sainte nuit ramène devant nos esprits la méditation toujours nouvelle, toujours suggestive, et à vrai dire inépuisable, du mystère fondamental de tout le christianisme: Dieu s’est fait homme! «Si quelqu’un, assure S. Thomas, d’Aquin, considère avec attention et piété le mystère de l’Incarnation, il y trouvera une profondeur de sagesse telle, qu’elle dépasse toute connaissance humaine» («Si quis diligenter et pie incarnationis mysteria consideret, inveniet tantam sapientiae profunditatem quod omnem humanam cognitionem excedat» [Summa contra Gentiles,
SCG 4,54]).

En effet, dire: Dieu, c’est dire la grandeur, la puissance, la sainteté infinie. Dire: l’homme, c’est dire la petitesse, la faiblesse, la misère. Entre ces deux termes, la distance semble impossible à franchir, le fossé impossible à combler. Et voici que dans le Christ ces deux ne font plus qu’un. La même personne vit à la fois dans la nature divine et dans la nature humaine du Christ. Le Père du Ciel peut dire: «Celui-ci est mon fils bien-aimé» (Mt 17,5), comme le peut dire à son tour la Vierge Mère, en s’adressant à l’Enfant de la crèche, qu’elle vient de mettre au monde.

Ineffable mystère d’union : ce qui était séparé est réuni, ce qui semblait incompatible se rapproche, les extrêmes se fondent en un: deux natures distinctes - l’humaine et la divine - en une seule personne, celle de l’Homme-Dieu. Voilà toute la théologie de l’incarnation, le fondement et la synthèse de tout le Christianisme.

Le prodige initial réalisé dans le Christ, a sa continuation mystérieuse dans ce qui est ici-bas, jusqu’à la fin des temps, le «Corps mystique» du Christ, la grande famille de tous ceux qui croient en lui. Car c’est chaque homme qui doit être uni à Dieu: «Dieu s’est fait homme, dit magnifiquement S. Augustin, afin que l’homme devînt Dieu». Tel est bien le dessein divin, révélé dans le mystère de Noël. Et l’histoire de l’Eglise à travers les siècles, est l’histoire de la réalisation de ce dessein.

Dans l’Incarnation, Dieu s’est attaché l’homme par des liens si forts, qu’ils vont se révéler capables de dépasser tous les autres, même ceux qu’ont formés la chair et le sang, même ceux qui rattachent l’homme à ce qu’il a de plus précieux en ce monde: la vie. Tout ne nous parle-t-il pas, ici à Rome, du courage des martyrs chrétiens des premiers siècles? Des hommes, des femmes, jusqu’à des enfants témoignent devant le bourreau que se séparer de Dieu par une abjuration serait pour eux un bien plus grand malheur que de perdre la vie. Ils la sacrifient, pour rester unis à Dieu.

Quand le glaive du persécuteur romain a cessé de sévir, c’est dans la solitude que de grandes âmes chrétiennes vont chercher Dieu. On quitte sa famille, on renonce à en fonder une, pour mieux s’unir à Dieu. L’auréole de la virginité est ambitionnée avec la même ferveur que l’était celle du martyre. L’offrande quotidienne de soi-même dans la vie monastique est venue prendre le relai du sacrifice sanglant offert en une fois. Et dans les mille formes de la vie consacrée, cette union de l’homme à Dieu, aimé par-dessus toute chose, continuera à se manifester à travers les siècles et jusqu’à nos jours. L’Eglise suscitera aussi des légions de saints dans le monde; à côté de ses martyrs, de ses vierges, docteurs, pontifes et confesseurs, elle aura l’immense famille de ses saintes femmes, mères de famille et veuves; à toutes les époques et dans tous les pays, elle suscitera nombre de fidèles exemplaires, et tant de foyers chrétiens qui tous témoigneront de ce que peut faire l’homme pour s’unir à Dieu, quand il a compris ce qu’a fait Dieu pour s’unir à l’homme.

Modèle sublime et principe de l’union de l’homme à Dieu, l’incarnation s’est révélée aussi un merveilleux facteur de civilisation. Qui plus que les apôtres du Dieu incarné, a contribué au cours des âges à élever les peuples, et à leur révéler, outre la grandeur de Dieu, leur propre dignité?

La société où pénètre le ferment chrétien voit peu à peu s’élever son niveau moral, et son horizon s’élargir aux dimensions du monde: car ce qui semblait ne devoir concerner que les rapports de l’homme avec Dieu se révèle le plus puissant facteur d’union entre les hommes eux-mêmes. La vertu unifiante de la foi chrétienne agit au sein des familles, et des peuples. Elle abat les barrières de castes, de races, de nations. La foi qui unit l’homme à Dieu unit l’homme à l’homme dans un commun idéal, un commun effort, une commune espérance. La foi au Dieu incarné pénétrant, au long des siècles, les différentes cultures, les purifiant, les enrichissant, les transformant, quel sujet de méditations sans fin! C’est l’intelligence humaine élevée au-dessus d’elle-même, c’est la philosophie humaine recevant le complément des lumières divines comme une plus vive lumière sur son chemin. Et n’est-ce pas la foi, elle aussi, qui a inspiré à Michel-Ange les chefs d’oeuvre inscrits au plafond de cette chapelle, et qui font l’admiration des hommes, de génération en génération?

Or cet enrichissement de la culture est en même temps un étonnant principe d’union : une civilisation chrétienne qui mûrit dans un pays, c’est l’entrée de ce pays dans la grande famille où une même foi fait communier les intelligences, les coeurs et les volontés. On n’en finirait pas si l’on voulait détailler ces merveilleux développements qui jalonnent l’histoire de la civilisation. Et qu’est-ce que tout cela, en définitive, sinon la conséquence de l’Incarnation?

De ces vastes fresques que pourrait évoquer à l’esprit l’histoire de l’Eglise, il faut revenir à l’homme, qui en est le sujet et l’artisan. C’est au dedans de l’homme, dans son âme, dans sa psychologie, qu’il faut essayer de saisir les harmonies de la foi et de l’intelligence.

L’Incarnation peut sembler d’abord un poids trop lourd à porter pour l’intelligence humaine. Saint Thomas le dit sans ambages: de toutes les oeuvres divines, c’est celle qui dépasse le plus la raison humaine: car on ne peut, dit-il, rien imaginer de plus admirable («Incarnationis mysterium inter divina opera maxime rationem excedit : nihil enim mirabilius excogitari potest» [Summa contra Gentiles, SCG 4,27]). A qui en effet serait-il venu à l’idée, que Dieu pût un jour se faire homme?

Mais cette vérité sublime n’éblouit pas l’esprit qui l’accueille humblement; elle l’éclaire d’une lumière nouvelle et supérieure. Dans cette lumière, l’homme comprend son destin, il voit la raison de son existence, la possibilité de sortir de sa misère, d’atteindre le but de ses efforts. Il voit aussi la valeur des créatures, l’aide ou l’obstacle qu’elles peuvent constituer pour lui dans sa marche vers Dieu. Ici aussi, ici d’abord, le mystère de Noël exerce son action unifiante. Et, en le scrutant plus profondément, le croyant y trouve, non pas une explication entre d’autres du destin de l’homme, mais l’explication définitive: il n’y a qu’un Christ, il n’y a qu’un salut! Et ce salut, loin d’être réservé à une nation privilégiée, est proposé à tous. L’âme du croyant se sent alors pénétrée par un sentiment de fraternité universelle; elle comprend en quoi réside la véritable unité de destin de l’humanité, telle qu’elle est dans le dessein de Dieu que nous manifeste l’Incarnation. Elle saisit le principe fondamental d’union de l’homme avec Dieu et des hommes entre eux; Noël est devenu pour elle ce qu’il est: plus que mystère d’union, mystère d’unité.

Et ce mystère, d’où procède-t-il, où a-t-il sa source? Disons-le d’un mot qui explique tout: il est l’effet de l’amour. Ce moyen divin d’unifier l’homme en lui-même et d’unifier le genre humain autour du Dieu fait homme, ce n’est pas, ce ne peut pas être une détermination imposée par la force, à laquelle on ne pourrait se soustraire. Aussi la foi est-elle proposée, et non imposée. Dieu respecte trop sa créature, qu’il a faite libre, et non esclave. Si la foi et l’intelligence sont amies, combien plus la foi et la liberté! Que pourrait valoir un amour qui serait de contrainte et non de choix?

Ainsi l’Enfant de la crèche-nous révèle le dernier mot du mystère: Dieu s’est incarné parce qu’il a aimé l’homme et qu’il a voulu le sauver. On peut accepter ou refuser l’amour. Mais si on l’accepte, il apporte au coeur une paix et une joie indescriptibles: Pax hominibus bonae voluntatis! Daigne le Dieu fait homme ouvrir en cette nuit nos esprits et nos coeurs, afin que «connaissant Dieu visiblement, nous soyons par lui entraînés à l’amour des choses invisibles»: ut dum visibiliter Deum cognoscimus, per hunc in invisibilium amorem rapiamur!» (Missel Romain, Préface de Noël). Amen.

*AAS 58 (1966), p. 83-87.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. III, p. 810-813.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n. 53 p.2.

La Documentation catholique, 1966 n. 1463 col. 161-164.




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