Paul VI Homélies 19043

6 mai 1973

HOMÉLIE A L’OCCASION DU XVI° CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT ATHANASE

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La présence de Sa Sainteté Amba Shenouda III, Chef de l’Eglise Copte Orthodoxe, a donné un caractère oecuménique à la célébration liturgique célébrée par le Saint Père le dimanche 6 mai à la Basilique Vaticane à l’occasion du XVI° centenaire de la mort de Saint Athanase, le Grand Evêque d’Alexandrie et Docteur de l’Eglise. C’est a dit le Saint-Père un témoin de la foi « qui a donné une contribution extraordinaire à la vie de l’Eglise dans un moment décisif de son histoire, alors que les hérétiques niaient la consubstantielle divinité du Verbe et donc du Christ ».



Ceci est le jour établi par le Seigneur : exultons donc et réjouissons-nous ». Nous aimons répéter cette acclamation liturgique motivée par la fête de Pâques, aujourd’hui où la présence parmi nous du Patriarche Shenouda III — honoré lui aussi du titre de « Pape » de la vénérée et très antique Eglise copte qui a son siège à Alexandrie d’Egypte — emplit notre coeur d’une profonde émotion. Voici donc ici le Chef d’une Eglise, encore à présent séparée officiellement de nous, absente depuis des siècles de la célébration d’une prière en commun avec l’Eglise de Rome, mais Chef d’une Eglise qui fait remonter son origine à Marc l’Evangéliste que Pierre appela son fils (
1P 5,13) et qui eut en Saint Athanase, dont nous commémorons aujourd’hui le XVI° centenaire de la mort bienheureuse, le champion invincible de notre commune foi de Nicée, c’est-à-dire la foi en la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ ; cette foi fut proclamée par intuition divine par Simon, fils de Jonas, et Jésus lui-même l’a insufflée en Pierre qui établit cette même foi comme fondement de toute l’Eglise ; et le Chef de cette Eglise est ici, parmi nous, venu spontanément et tout exprès pour renouer le lien de la charité (cf. Col Col 3,14), heureux présage de cette parfaite unité de l’esprit (cf. Ep 4,3), qu’à la suite du récent Concile oecuménique Vatican II, nous essayons, humblement mais sincèrement, de recomposer; il est ici, au milieu de cette grande assemblée de fidèles, sur la tombe de l’Apôtre Pierre, ...oh ! comment pourrions-nous ne pas tressaillir de joie, ne pas vous inviter tous, vous les fils de cette Eglise Romaine et Catholique, à bénir avec nous le Seigneur en ce jour extraordinaire ? Ne nous rendons-nous pas compte que le livre de l’histoire de l’Eglise, dans lequel c’est principalement la main mystérieuse du Seigneur qui guide la main de l’homme pour y écrire nova et vetera (Mt 23,52), qui ouvre devant nous des pages chargées de siècles, et d’autres encore vierges qu’il nous offre, prêtes à enregistrer des événements — que Dieu le veuille — meilleurs, c’est-à-dire les fastes de la Providence miséricordieuse de Dieu dans les alternances de l’Eglise encore pèlerine dans le temps ? Comment pourrions-nous ne pas saluer notre grand et vénérable Frère lointain, aujourd’hui si proche de nous, notre visiteur, notre hôte, aujourd’hui ici, près de notre autel, uni à notre prière pontificale ? Et ne pas saluer aussi cette nombreuse et importante délégation qui compose sa noble suite ?

La lecture de l’Evangile (Lc 24,35-48) que nous venons d’écouter, nous invite à réfléchir sur un des sujets fondamentaux de notre foi, le thème de la résurrection du Seigneur, notre Jésus. Saint Paul n’a-t-il pas dit : « Si tu confesses de vive voix que Jésus est le Seigneur et si tu crois de tout ton coeur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé » ? (Rm 10,9). Et la narration évangélique de la Sainte Messe, que nous célébrons en ce moment, semble vraiment vouloir nous attester la réalité du fait de la résurrection du Christ, réalité objective, historique, démontrée même par l’expérience directe et tangible des sens, bien qu’elle appartienne à un ordre surnaturel ; elle semble également vouloir nous stimuler à ancrer notre foi, irrésistible et plus vive que jamais, dans cette réalité inouïe et, comme Saint Thomas, l’homme de la critique, du doute, de la vérification, elle nous invite à crier ces paroles encore vibrantes aujourd’hui : « Mon Seigneur et mon Dieu » (Jn 20,28).

Et comme elle est propice, cette méditation liturgique d’aujourd’hui qui célèbre, comme nous l’avons dit, la glorieuse mémoire de Saint Athanase, fier et impavide héraut de la foi ! Saint Athanase est Père et Docteur de l’Eglise universelle, et voilà pourquoi il mérite notre souvenir commun.

Le meilleur moyen de rappeler le souvenir d’un Saint qui a contribué d’une manière si extraordinaire à la vie de l’Eglise à un moment décisif de son histoire, au moment où les hérétiques niaient la consubstantialité divine elle-même du Verbe, et par conséquent de Jésus, nous semble être de réfléchir sûr l’héritage qu’il nous a laissé : le témoignage de foi dans sa vie et dans sa pensée.

Quand nous méditons sur son aventure humaine, nous rencontrons un croyant solidement fondé sur la foi évangélique, un partisan et un défenseur convaincu de la vérité, prêt à subir n’importe quelle calomnie, persécution ou violence. De ses 46 années d’épiscopat, il en passa bien une vingtaine en exils successifs; notre propre ville de Rome elle-même l’accueillit, sous le Pontificat de Saint Jules I (337-352), et il y passa les trois années de son deuxième exil (avril 339 à octobre 346).

Toujours présent partout et faisant front à tous, aux puissants et aux errants, il professa la foi dans la divinité de Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, tant et si bien que la tradition liturgique orientale le définit « colonne de la vraie foi » (Apolytikion du 2 mai), tandis que l’Eglise catholique le place parmi les Docteurs de l’Eglise.

Il fut en effet un homme d’Eglise; pasteur vigilant et attentif, il consacra sa vie tout entière à son service exclusif : non seulement au service de son Eglise d’Alexandrie, mais de l’Eglise tout entière, portant de toutes parts avec lui la chaleur de sa foi, l’exemple édifiant de sa vie — cohérente avec intransigeance —, l’appel à la prière qu’il avait apprise parmi les moines du désert, auprès desquels il avait dû bien souvent se réfugier.

La divinité du Christ est le noyau central de la prédication de Saint Athanase aux hommes de son temps, tentés par la crise arienne. La définition du premier concile de Nicée (325) selon laquelle Jésus est le fils de Dieu, de la même substance que le Père, vrai Dieu issu du vrai Dieu, constitue le point de référence constant de sa doctrine. C’est uniquement si l’on accepte cet enseignement que l’on peut parler de rédemption, de salut, de rétablissement de la communion entre l’homme et Dieu. Seul le Verbe de Dieu rachète l’homme parfaitement ; sans l’incarnation, l’homme resterait à l’état de nature corrompue, dont la pénitence elle-même ne pourrait le libérer (cf. De Incarnatione, , 144, 119).

Délivré de la corruption par le Christ, sauvé de la mort, l’homme renaît à une vie nouvelle et acquiert de nouveau la véritable image de Dieu, selon laquelle il a été créé à l’origine et que le péché avait corrompue. « Le Verbe de Dieu — affirme Saint Athanase — est venu lui-même, afin que, étant, Lui, image du Père, il puisse à nouveau créer l’homme à l’image de Dieu » (De Incarnatione, ibid.).

Saint Athanase développa cette théologie, la centrant sur la participation de l’homme racheté à la vie même de Dieu, moyennant le baptême et la vie sacramentelle, arrivant à affirmer avec une expression hardie que le Verbe de Dieu « s’est fait homme pour que nous fussions divinisés » (De Incarnatione, ibid.).

Cette « nouvelle création » comporte le rétablissement de ce que le péché avait compromis : la connaissance de Dieu et un changement radical des moeurs.

Jésus-Christ nous révèle, et nous rend possible, la connaissance du Père : « Le Verbe de Dieu s’est rendu visible avec un corps afin que nous puissions nous faire une idée du Père invisible » (De Incarnatione, ibid.).

De cette nouvelle connaissance de Dieu découle l’exigence d’une rénovation morale, que Saint Athanase réclame avec vigueur : « Celui qui veut comprendre le discours au sujet de Dieu, doit se purifier dans sa façon de vivre, se rendre pareil aux Saints par la similitude de ses propres actions, afin que, uni à eux dans la conduite de sa propre vie, il puisse comprendre ce qui leur a été révélé par Dieu » (De Incarnatione, ibid.).

Nous sommes ainsi transportés au coeur de l’événement chrétien : la rédemption par l’opération de Jésus Christ, le renouveau radical de l’homme avec sa restauration à l’image et à la ressemblance de Dieu, le rétablissement de la communion de vie entre l’homme et Dieu, qui s’exprime également en un profond changement éthique.

C’est là le message sublime qu’aujourd’hui encore nous adresse Saint Athanase : être forts dans la foi et cohérents dans la pratique de la vie chrétienne, même au prix des plus grands sacrifices ; il nous appartient de recueillir ce message, de le méditer, de l’approfondir et de le réaliser dans notre vie.

Par les prières de Saint Athanase, Père et Docteur de l’Eglise, que Dieu nous concède de pouvoir, nous aussi, confesser dignement, à notre époque, que Jésus Christ est le Seigneur et le Sauveur du monde !

Et pour finir, qu’il nous soit permis d’adresser quelques mots aux fidèles que nous voyons ici présents.

Fidèles de la paroisse romaine de Saint Athanase ! Nous sommes heureux de vous voir participer à cette grande cérémonie. Nous vous saluons tous et nous vous prions de porter notre salut et notre bénédiction à tous les membres de votre communauté paroissiale. C’est à vous qu’il est tout spécialement recommandé d’honorer la mémoire du grand patron de votre paroisse : Saint Athanase. Comment l’honorer ? Avec le souvenir de sa vie et la profession de sa foi. Avec l’amour envers le Christ, Verbe éternel de Dieu, Fils de Dieu, et Fils de l’homme, notre Maître et notre Sauveur. Et avec l’adhésion franche et fidèle à l’Eglise du Christ, et avec la charité agissante à l’égard de notre prochain. Nous sommes-nous bien compris ? Recevez tous, avec votre curé, notre spéciale Bénédiction Apostolique.

Puis : nous avons ici toute une belle et chère multitude de « Jeunes amis du Rosaire ». Chers jeunes gens et enfants ! A vous tous, nous vous disons merci pour cette visite. Ne croyez pas que le caractère particulier de cette cérémonie nous ait fait oublier votre présence. Nous vous disons « bravo ! » pour votre manifestation en l’honneur de la Très-Sainte Vierge et pour la dévotion que vous professez envers son saint Rosaire. Sachez parvenir jusqu’au Christ sous la conduite de sa Mère Marie qui est notre Mère. Et encore, Bravo ! Bravo ! Soyez persévérants et recevez tous, vous et vos parents, vos éducateurs et vos amis notre paternelle Bénédiction Apostolique.








29 juin 1973

ORDINATIONS EPISCOPALES

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Le 29 juin, fête solennelle des Saints Apôtres Pierre et Paul, à 18h. 30, dans la Basilique Vaticane, le Saint-Père a célébré la Sainte Messe au cours de laquelle il a conféré l’Ordination épiscopale aux Prélats suivants : S. E. Mgr Mario Pio Gaspari, Archevêque tit. de Numida, Délégué Apostolique au Mexique ;

S. E. Mgr Jérôme Hamer, O.P., Archevêque tit. de Lorium, Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ;
S. E. Mgr Paul Perera, Evêque de Kandy (Sri Lanka );
S. E. Mgr François Morvan, C.S.Sp., Evêque de Cayenne (Guyane Française) ;
S. E. Mgr Filippo Franceschi, Evêque tit. de Silli, Administrateur Apostolique de Tarquinia et Civitavecchia ;
S. E. Mgr Antonio Mazza, Evêque tit. de Velia, Secrétaire Général du Comité Central pour l’Année Sainte ;
S. E. Mgr Francis Kofi Anani Lodonu, Evêque tit. de Mascula, Auxiliaire de S. E. Mgr Anthony Konings, Evêque de Keta (Ghana).

Voici l’homélie prononcée par le Saint-Père :



Chers Fils et Filles,



Nous lisons cet avertissement dans le « Pontifical » : considérez avec attention le degré de dignité dans l’Eglise auquel vont être promus nos frères. C’est Nôtre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, envoyé par le Père pour sauver le genre humain, qui a envoyé les Apôtres dans le monde, et ceux-ci, pleins de la vertu de l’Esprit-Saint, avaient pour mission de prêcher l’Evangile et de sanctifier et gouverner les nations, les réunissant en un seul troupeau. Et afin qu’une telle mission puisse durer jusqu’à la fin des temps, les Apôtres se choisirent des collaborateurs et leur transmirent le don de l’Esprit-Saint au moyen de l’imposition des mains qui confère la plénitude du Sacrement de l’Ordre. Et ainsi, à travers la succession ininterrompue des Evêques, la tradition apostolique a été conservée de génération en génération et l’oeuvre du Seigneur s’est poursuivie et développée jusqu’à nos jours.

En la personne de l’Evêque, entouré de ses Prêtres, Jésus-Christ lui-même est présent parmi vous, Jésus Notre Seigneur, constitué Pontife pour toute éternité. C’est Lui, en effet, qui, dans le ministère de l’Evêque, ne cesse de prêcher l’Evangile et de dispenser aux croyants les mystères de la foi. C’est lui qui, au moyen du charisme paternel de l’Evêque, ajoute et agrège de nouveaux membres à son corps. C’est Lui qui, grâce à la sagesse pastorale de l’Evêque, vous conduit, durant le pèlerinage terrestre, vers la béatitude éternelle.

Accueillez, donc, d’une âme reconnaissante et joyeuse, les nouveaux frères que nous, les Evêques, appelons à faire partie de notre collège épiscopal par l’imposition des mains. Honorez-les comme ministres du Seigneur et dispensateurs des mystères de Dieu, parce que c’est à eux que sont confiés le témoignage de l’Evangile de vérité et le ministère de la sanctification. Rappelez-vous les paroles du Christ qui a dit à ses Apôtres : « Celui qui vous écoute, m’écoute ; et celui qui vous méprise me méprise et méprise Celui qui m’a envoyé ».

Voilà les paroles que l’Eglise propose à la méditation des Fidèles, du Clergé et des nouveaux Elus à l’ordre épiscopal.

Ces paroles restent gravées dans notre mémoire. Elles constituent une synthèse dense et précieuse du mystère sacramentel que nous sommes en train de célébrer; elles nous reportent à l’institution divine de la hiérarchie apostolique, nous faisant remonter à sa source même dans la Très Sainte Trinité : Dieu, le Père, engendre en lui-même, et dépêche dans le monde, le Verbe, Fils de Dieu fait homme, Jésus-Christ; et Celui-ci va proclamer la ligne souveraine de l’économie de notre salut : « Comme mon Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (
Jn 20,21 cf. Jn 6,57 Jn 7,29 Jn 17,18). Cette dérivation de l’Episcopat des profondeurs de la Vie divine, et de l’historicité du dessein du Christ, dessein qui s’accomplit dans la mission du Saint-Esprit (cf. Jn 16,7 Jn 14,16-26) fait du Père le Principe unique et suprême et la Tête du Christ lui-même (cf. 1Co 13,3) ; fait du Christ la Tête de l’Eglise (cf. Ep 5,23), et de l’Evêque, continuateur et représentant du Christ, le Maître, le Prêtre, le Pasteur du Peuple de Dieu, l’Eglise, Corps mystique du Christ.

Nous n’arriverons jamais à étudier, à contempler suffisamment cette suprême théologie, qui nous regarde désormais personnellement et que, en cet instant, nous nous occupons, non seulement d’annoncer, mais aussi d’accomplir. A vous, Frères investis de cette agissante réalité divine, à vous, Fils, qui vous trouvez impliqués dans cet événement pentécostal, et en ressentez, dans une certaine mesure, le vertigineux mystère, à vous tous va notre exhortation, et nous voudrions la voir gravée dans votre âme pour ne jamais l’oublier: Videte qualem caritatem dedit nobis Pater... — « voyez quelle marque d’amour le Père nous a donnée » — (1Jn 3,17 Jn 15,15).

Mais en ce moment, il y a probablement au fond de vos âmes de membres de l’Eglise de Dieu l’aspiration à ce que nous procédions de nos propres mains à votre élection au ministère épiscopal, des mains de quelqu’un qui a, lui aussi, été élu un jour à son propre office avec une fonction spécifique, celle de successeur de Pierre. Quel est son devoir caractéristique, quel est son charisme propre, dont cette élection devrait porter le souvenir, l’empreinte ? Nous-mêmes, nous interrogeons le Seigneur à cet égard, désireux comme nous le sommes de qualifier la plénitude de la mission apostolique que, maintenant, l’Esprit-Saint donne aux nouveaux Evêques selon l’intention divine qui définit et corrobore la mission de Simon, transformé en Pierre. Vous la connaissez tous, cette intention que Jésus a exprimée au cours de la Dernière Cène : confirma fratres tuos (Lc 22,32). Notre humble et faible personne, appelée à ce service suprême — un de ces paradoxes qui mettent en évidence la puissance de l’action divine sur la faiblesse humaine — est précisément chargée de transfuser en vous ce don de force, de constance, de certitude, d’impassibilité, d’impavidité qui a son image dans la stabilité du roc que Jésus a choisi comme symbole d’une réalité qu’il a mise à la base de son Eglise. C’est la vertu dont, aujourd’hui, l’Eglise a le plus besoin, alors qu’elle se trouve assaillie par tant de forces visant à l’affaiblir, à la déprimer, à la démolir; l’Eglise a besoin de la fermeté dans la foi, dans l’unité, dans l’effort apostolique, contre les infiltrations du doute, contre l’admission de pluralismes équivoques et autodestructeurs, contre la désagrégation de la charité ecclésiale. La fermeté est le bouclier qui doit nous protéger nous-mêmes contre nos flexions intérieures, contre l’impétueuse confusion idéologique de notre monde. Et c’est la parole que, dans l’exercice de son mandat apostolique, Pierre consignera à la première génération chrétienne pour la transmettre à toutes les générations qui se succéderont et qui nous est parvenue : « Soyez fermes dans votre foi » (1P 5,9). Etre ferme dans sa foi ; voilà le charisme dont nous devrions tous être dotés ; le charisme qu’il a été donné à Pierre de transmettre. Et que ce soit le don de cette journée mémorable, le don que nous pour vous, nouveaux maîtres et pasteurs, implorons du Seigneur, non sans vous rappeler l’intime parenté que, spécialement dans son affirmation pastorale, la fermeté dans la foi a avec l’amour cher au Christ (cf. Jn 15,9 Jn 21,15 et suiv. ), comme Il l’a dit : « demeurez en mon amour ».

Et enfin nous vous dirons avec quelle joie nous accomplissons ce rite d’ordination épiscopale, que de très bonnes et très intelligentes intentions ont voulu faire coïncider avec le X° anniversaire de notre investiture comme successeur de Pierre au Pontificat Romain.

Ce rite est, en effet, un motif de grande satisfaction, car il nous offre l’heureuse occasion d’enrichir l’Eglise de Dieu de dix nouveaux Evêques, c’est-à-dire de ministres qui répondent à l’appel du Christ : « Suis-moi ! » (Mt 2,14 Jn 21,22).

Or il faut se rendre compte qu’il n’est aucun appel qui soit aussi exigeant que celui-là. Il demande tout au disciple du Seigneur (cf. Mt 4,20 Mt 10,37 Lc 5,11 et Lc 28). Il demande pour toujours (cf. Jn 6,67). Il ne promet rien en ce monde, sauf le sacrifice de soi (Mt 10,38 Jn 12,24 et suiv. ), l’impopularité et l’aversion des autres hommes (Mt 5,11 Jn 16,20 Jn 21,18). Il ne comporte pas seulement la participation à l’état sacerdotal du Christ, mais aussi la participation à son sacrifice, à son état de victime. Il exige de nous un don total de notre vie, une participation sans réserve à sa passion (Col 1,24 Ga 6,2). Un style de dévouement (cf. Jn 13,16 et suiv.) et de courage pour toute la vie (Lc 12,32 Mt 10,28 etc. ) : tel est le programme qu’offre le Christ, spécialement à ses disciples et apôtres immédiats. Mais ce programme-là, c’est celui du salut, pour nous et pour le monde, au salut duquel nous sommes destinés.

Et maintenant, à voir autour de nous quelques valeureux Frères qui acceptent de tout coeur d’être consacrés à cette dramatique et même héroïque mission pastorale (Jn 10,11) nous nous sentons le coeur empli d’admiration et de réconfort. Nous pensons au peu que nous avons donné personnellement au Seigneur et à l’Eglise; votre oblation à l’office épiscopal nous permet d’espérer que vous, au contraire, serez plus courageux et plus généreux que nous et qu’avec votre trésor d’amour et d’oeuvres, vous colmaterez également nos déficiences.

Et nous pensons qu’ensemble, notre amour commun pour le Christ et pour son Eglise sera plus fort, plus exemplaire, plus joyeux ; et plus utile également pour le monde qui attend de notre ministère l’annonce du règne de Dieu.







Homélies 1974

Eglise et documents Vol. VII – Libreria editrice Vaticana


27 janvier 1974

THÉRÈSE DE JESUS JORNET IBARS PROCLAMÉE SAINTE PAR PAUL VI

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Vénérables Frères et Fils bien-aimés



Il y a quelques instants, étreint d’une vive émotion, nous avons, en vertu de notre autorité apostolique, prononcé une sentence solennelle, inscrivant au catalogue des Saints, Sainte Thérèse de Jésus Jornet Ibars, Fondatrice des Petites Soeurs des Vieillards Abandonnés. Nous l’avons déclarée Sainte, c’est-à-dire digne de recevoir le culte de l’Eglise Universelle ; nous nous recommanderons à son intercession et nous pourrons la prendre pour modèle dans notre vie spirituelle.

C’est d’un regard plein d’admiration que nous contemplons le miracle de la mystérieuse prédilection divine que suppose la sanctification d’une âme qui, après sa démarche terrestre étonnante a su, à l’invitation de Jésus, passer de la souffrance au comble de la gloire.

Nous nous trouvons en présence d’une de ces figures qui laissent, profonde, la propre empreinte de leur passage dans le monde, léguant à l’Eglise et à la Société le secret de leur personnalité toujours vigoureuse et inlassable : servir, s’immoler pour son prochain, voilà la marque distinctive de la spiritualité de Sainte Thérèse Jornet qui, obéissant à un identique amour pour les malheureux, créa un style de vie semblable à celui que conçut la Servante de Dieu Jeanne Jugan, Fondatrice de l’Institut des Petites Soeurs des Pauvres, dont la cause de béatification sera, il faut l’espérer, reprise prochainement.

Il est réconfortant de constater la profusion des formes et des nuances spirituelles — miracle de la grâce — que peuvent prendre les nouveaux aspects de la sainteté de l’Eglise. Dans l’oeuvre limpide et transparente d’une âme consacrée comme Sainte Thérèse Jornet l’on perçoit, identique à celle de son homonyme, l’ambition d’exprimer la beauté et la richesse inégalables du dessein du salut. Combien nombreuses et belles sont les pages d’histoire ecclésiale qui nous parlent de ces traits de l’amour divin qui jaillissent du coeur de Jésus comme d’une source éternelle de lumière et de vérité !

Il est difficile de suivre en détail la vie et l’activité de Mère Thérèse. La petite fille de Aytona et de Lerida, l’étudiante et l’institutrice de Fraga et d’Argensola, la jeune fille qui approfondit sa vocation parmi les Tertiaires Carmélites et les Clarisses de Briviesca cèdent le pas à la religieuse ardente et simple qui, tandis qu’elle couvre des distances et parcourt les villes les plus diverses, a su protéger le secret de son dynamisme : son union avec Dieu. Cette âme qui aimait passer inaperçue, ne refusa pas pour autant de marquer de son empreinte personnelle, forte et douce en même temps, les bases mêmes de son oeuvre naissante. Elle sut guider, dès les premier pas, le nouvel Institut fondé à Barbastro, puis à Valence et à Sara-gosse, le développant — dans un irrésistible élan charitable — dans presque toute l’Espagne et l’étendant plus tard jusqu’en Amérique.

Mère Thérèse a quelque chose de mystérieux, si l’on veut, qui nous attire. Près d’elle on sent la présence ineffable de la vie qui la soutient et l’encourage dans ses aspirations de consécration à Dieu et au prochain, et la guide sur le sentier de l’assistance charitable.

Le fruit de l’immense effort déployé par une si humble religieuse a grandi de manière admirable, mais sans bruit extérieur. L’action de la grâce sera toujours quelque chose de mystérieux.

Le choix fait dans l’intimité de l’âme bénéficie de la prédilection divine, de l’action fécondatrice de l’Esprit. Qui pourra jamais décrire les routes et les embûches qu’a dû franchir Sainte Thérèse pour découvrir son Epoux ? En embrassant un genre de vie d’abnégation, elle a voulu réaliser le programme de sainteté tracé par le divin Maître : découvrir le vrai bonheur qui se trouve caché comme un précieux trésor dans l’amour et l’aide donnés aux pauvres et aux nécessiteux.

En contemplant la figure de la nouvelle Sainte et de la multitude des religieuses qui, dans l’Institut qu’elle a fondée, immolent leur vie pour les vieillards abandonnés, nous sentons notre coeur déborder d’une affection indescriptible ! Servir les vieillards abandonnés ! Et nous savons qu’on peut compter par milliers et milliers les personnes qui ont bénéficié d’un si merveilleux courant de grâce et de charité. Cela donne une nuance toute particulière au charisme confié à Sainte Thérèse, qui s’insère avec force et logique dans la mission même du Christ et de tous les Apôtres : « ... il m’a envoyé pour évangéliser les pauvres » (
Lc 4,18).

Aujourd’hui plus que jamais, en cette période de gigantesques progrès, nous sommes en train d’assister au drame humain, parfois si désolant, de tant de personnes arrivant au seuil du troisième âge et qui s’inquiètent de la pauvreté matérielle, de l’indifférence, de l’abandon, de la solitude qui risquent de peser sur elles. Personne ne connaît mieux que vous, bien-aimées filles, Petites Soeurs des Vieillards Abandonnés, ce qui se cache sous cette désolante réalité. Vous avez été et vous êtes les confidentes de cette sorte de vide intérieur que rien ne peut combler, pas même l’abondance de ressources matérielles, parce que ces malheureux ont besoin surtout d’affection humaine, de chaleur familiale. Vous avez rendu aux visages angoissés de personnes vénérables par leur âge, la sérénité et la joie d’expérimenter de nouveau les avantages d’un foyer. Vous avez été choisies par Dieu pour rendre témoignage devant le monde de la dimension sacrée de la vie, pour confirmer à la société, grâce à votre travail, inspiré par l’esprit de l’Evangile et non par de simples calculs de rentabilité ou de confort humain, que l’homme ne peut jamais être considéré sous la perspective exclusive d’instrument rentable ou d’utilitarisme aride, mais qu’il est essentiellement sacré en tant que fils de Dieu et qu’il est toujours digne de tous les égards car il est prédestiné à un destin éternel.

Ah ! Si l’on pouvait pénétrer dans vos communautés et dans vos résidences, combien facilement pourrait-on découvrir ce que ces nombreuses filles de la nouvelle Sainte répandent comme charité : charité enclose dans un geste de bonté, dans un mot de consolation, dans une compagnie compréhensive, dans le service inconditionnel, dans la solidarité qui demande à autrui une aide pour les plus nécessiteux. Nous savons bien que votre dévouement pour les vieillards, qui exige de vous des attentions délicates et humainement peu agréables ont un idéal, une base, un soutien : l’amour envers le Christ qui fait supporter tout, dépasser tout, triompher de tout, jusqu’au point où, pour tant d’esprits d’aujourd’hui, débordants d’égoïsme ou prisonniers des plaisirs, tout cela est considéré comme pure folie ! Cet amour qui se nourrit de prière et qui trouve un nouveau dynamisme dans l’Eucharistie est jailli de votre Fondatrice et il vous pousse maintenant à voir dans les personnes âgées une prolongation mystique du Christ, à atténuer en elles Ses fatigues, Ses souffrances ; et ce soulagement se répercute selon l’Evangile sur le Christ lui-même : « C’est à moi-même que vous le faites ». Voilà la réponse de la charité ! Voilà l’explication de ce qui semble humainement inexplicable ! Voilà ce qui doit être répondu à ceux qui voudraient voir mieux employée, dans d’autres domaines ecclésiaux, la vitalité de vos vocations qui vous appellent à adoucir l’existence des vieux. Et cela constitue un appel constant à la conscience des hommes d’aujourd’hui, souvent insensibles aux avantages, même sociaux, qu’apporté la charité faite au nom du Christ. Une charité agissante qu’avec tant de finesse Sainte Thérèse devina absolument nécessaire dans les circonstances de l’époque ! Une charité qui se révèle aujourd’hui tout autant nécessaire et tout aussi urgente !



Nous allons maintenant réserver ce discours à un hommage de dévotion envers Sainte Thérèse Jornet Ibars. Sa vie demeure en notre mémoire comme un modèle de vertu ; et son oeuvre, fièrement poursuivie par les Petites Soeurs des Vieillards Abandonnés, est une invitation pressante à l’action caritative et sociale. Tout en l’invoquant comme Sainte, nous rendons grâce à Dieu qui nous a permis d’être témoins des merveilles de Sa grâce en une de nos soeurs, en qui s’accomplissent admirablement les paroles prophétiques : « Il élève les humbles » (Lc 1,52). Une telle exaltation tourne à l’honneur de tout le Peuple de Dieu, et spécialement à celui d’Espagne, terre de Saints, qui a su en tous temps donner des exemples de piété, de générosité, d’héroïsme, de sainteté. C’est un honneur mérité que nous rendons aujourd’hui à un peuple tant aimé qui, se livrant généreusement aux tâches de l’esprit, nous offre toujours ce qui est essentiel et définitif : sa foi chrétienne foncière et vitale. Honneur donc à l’Espagne, à qui va la reconnaissance de l’Eglise tout entière !

Et, au-delà de toute frontière, honneur à l’Eglise elle-même, qui invoque parmi ses Saints cette Espagnole, universelle par son esprit et par l’ampleur de son oeuvre ! Honneur à l’Eglise qui voit circuler parmi ses membres la sève toujours neuve de la charité que son Saint Fondateur lui a infusée comme essence de la mission de salut ! Aujourd’hui elle resplendit plus que jamais, de beauté et de joie, en proclamant la sainteté d’une de ses filles, en proposant son nom et en invoquant son intercession pour l’exemple et l’assistance de tous les baptisés.

Nous ne voudrions pas conclure sans consacrer quelques mots à la nombreuse représentation espagnole qui, avec ses dévoués Pasteurs — dont la présence nous réjouit de manière toute particulière — nous apporte le doux et solide témoignage du catholicisme d’Espagne, lié si étroitement à cette Chaire de Pierre. Nos salutations déférentes et spéciales à la Mission Extraordinaire envoyée par le Gouvernement Espagnol, à Messieurs les Cardinaux et à tous nos Frères en l’Episcopat ; nos affectueux souhaits de bienvenue aux prêtres, aux religieux et religieuses et aux pèlerins espagnols et tout particulièrement à vous, Filles de Sainte Thérèse Jornet, et à vos vieux protégés qui, en manière de remerciement ont demandé à assister à cette mémorable cérémonie.

Devant l’exemple de Sainte Thérèse à tous ceux qui sont ici présents et à tous ceux qui, au loin, se sentent spirituellement unis à nous, nous- répétons l’exhortation de Saint Paul : « Donnez-leur donc, à la face des Eglises, la preuve de votre charité et que c’est à juste titre que nous sommes fiers de vous » (2Co 8,24). Ainsi soit-il. Avec notre Bénédiction Apostolique.



Il nous semble de notre devoir d’ajouter quelques mots en langue italienne pour faire participer les fidèles présents à qui cette langue est propre à la réflexion que ne peut manquer de susciter l’événement que nous venons de réaliser et que, désormais, l’Eglise catholique ne cessera jamais de rappeler et de magnifier comme un événement joyeux. Nous nous limiterons maintenant à indiquer simplement les principaux motifs de joie qui sont les points saillants de ce rite particulier et solennel : cela doit précisément remplir nos âmes d’une sainte allégresse.

Le premier motif est la nature même d’une canonisation. Une canonisation, qu’est-ce que c’est ? C’est une sentence, qui engage le magistère de l’Eglise, au sujet de la sainteté d’une personne dont il est déclaré qu’elle appartient de manière totale et glorieuse au Corps mystique du Christ, dans sa condition finale et parfaite d’Eglise céleste. Aussi, est-ce d’abord et avant tout une glorification — qui nous est possible, à nous, membres de l’Eglise terrestre — de la sainteté de Dieu, source de tout notre bien, et du Christ, cause méritoire de notre salut, dans l’effusion animatrice du Saint Esprit. C’est la reconnaissance de la perfection divine, c’est-à-dire de la sainteté de Dieu, réfléchie dans une âme élue, comme la lumière du soleil se reflète dans les choses qu’il illumine de sa splendeur, et qui confère aux choses le rayonnement de la beauté ! Et cette dérivation divine de la sainteté, et par conséquent du culte que nous vouons à la sainteté d’une créature, doit être maintenue sans fin comme sauvegarde de notre doctrine catholique qui, tandis qu’elle exalte la sainteté des Saints, la reconnaît et la célèbre comme relative et tributaire de la sainteté unique et suprême du Christ et de Dieu, et suscite en nous, encore pèlerins vers la patrie céleste, une grande joie, toute vibrante d’admiration et d’espérance, et nous fait clamer toujours : mirabilis Deus in sanctis suis (Ps 67,36).

Parce que c’est cela que signifie le culte des Saints, la reconnaissance des dons de Dieu dans une âme fortunée et heureuse qui non seulement a reçu de tels dons mais qui (comme les talents de la parabole évangélique) a su, en soi et hors de soi, les cultiver et les multiplier.

Et voici maintenant le deuxième motif de notre joie ; admirer dans la nouvelle Sainte l’épiphanie, c’est-à-dire la manifestation des dons divins, soit à leur degré initial de dons naturels ou de charismes surnaturels, soit à leur degré d’expansion, de profession, de développement qui caractérisent la physionomie particulière et toujours originale de la Sainte que nous célébrons. Et ici nous ne saurions manquer de faire l’éloge de l’étude des Saints, c’est-à-dire de l’hagiographie. Si l’étude de la vie humaine considérée dans sa phénoménologie existentielle, est toujours extrêmement intéressante (et combien de sciences, combien d’arts n’y trouvent-ils pas leur inépuisable aliment) quel intérêt, quelle passion devrait avoir pour nous l’étude de l’hagiographie, c’est-à-dire de la vie des Saints, car chez eux l’étude de ce sujet qu’est le visage humain révèle des secrets de richesses, d’aventures, de souffrance, de sagesse, de drames, en un mot, de vertus que nous ne saurions découvrir à un degré aussi vigoureux d’expérience et d’expression et, finalement, d’optimiste affirmation, dans d’autres êtres vivants, fussent-ils ; eux aussi, dotés de qualités extraordinaires. Le mot « édification » est ici parfaitement approprié ; la connaissance de la vie des saints est par excellence une édification. Puissent nos maîtres de la pensée et de l’humanisme et nos éducateurs du peuple se rappeler ainsi de la prodigieuse efficacité pédagogique de la recherche, à l’école des Saints, de la vocation et de l’art de vivre comme il le faut en hommes véritables et en vrais chrétiens ! Nous voici donc aujourd’hui convoqués ici, dans notre Eglise, Mère et Docteur, à l’école de la nouvelle Sainte Thérèse de Jésus Jornet Ibars !

Que vous dire ? Nous vous épargnerons en ce moment l’apologie, qui serait de règle, de la vie admirable de cette citoyenne de la terre déclarée citoyenne du paradis et, de ce fait, exemplaire sous des aspects nombreux et merveilleux. Le caractère trop bref de ce discours nuirait à la fidélité de l’éloge ; du reste vous connaissez tous l’itinéraire biographique de la Sainte ; il se prête à une synthèse plus dense et plus brève, si nous remarquons qu’il a suivi une seule trace, aussi difficile que rectiligne, celle de la charité envers son prochain ; et quelle charité ! Nous devrions tous avoir la sagesse de soumettre à notre méditation cette leçon polyvalente de charité, et, sans vouloir nous défendre contre sa surprenante ressemblance avec d’autres — peu rares d’ailleurs aujourd’hui — profils hagiographiques qui nous paraissent presque coïncider dans un même ou analogue dessein de vie dédiée à la reine des vertus, la charité, nous trouverons des sources d’émerveillement et des modèles d’imitation dans la figure sereine, douce et forte, de cette Sainte, spécialement sous deux aspects caractéristiques, celui de la charité tournée vers la vieillesse abandonnée, charité qui, sans vouloir minimiser n’importe quelle autre de ses expressions, nous semble héroïque et originale, et celui d’avoir institué dans l’Eglise une nouvelle Famille religieuse, que nous voyons ici admirablement représentée, et qui se consacre entièrement, avec un incomparable dévouement, au même exercice de charité chrétienne et sociale. Frères et Fils, il faut que nous ouvrions les yeux afin que nos âmes puissent jouir d’aussi admirables radiations de l’Evangile immortel, du service, du silence, du sacrifice, de l’amour évangélique que le Christ enseigne et suscite encore aujourd’hui dans son Eglise.

Et pour finir, nous voulons faire état également du troisième motif de notre joie actuelle. Nous n’y ferons qu’une brève allusion, bien que lui aussi mériterait une longue dissertation. Nous nous réjouissons de ce que Sainte Thérèse de Jésus Jornet Ibars est un nouveau don que l’Espagne catholique fait à l’Eglise de Dieu et à l’humanité de notre époque. Oui, elle était espagnole ; et nous nous réjouissons de ce que cette terre fière et généreuse sache encore faire s’épanouir des fleurs d’une si grande beauté spirituelle et des fruits d’une si grande fécondité humaine et sociale.

Nous ne voulons pas nous priver de former le voeu que l’Espagne puisse trouver dans la fidélité à ses traditions religieuses et historiques la source de sa pleine, originale et magnifique expression, pour sa libre, organique et compacte unité intérieure et pour un élan nouveau vers l’accomplissement des grands et difficiles devoirs que l’histoire impose aujourd’hui à toute société civile qui veut progresser.

Que l’humble et grande Fille d’Espagne, que nous élevons aujourd’hui à l’honneur des autels soit une inspiratrice de paix et de prospérité intérieure et extérieure pour son noble et très pieux peuple, qu’elle lui donne la force de puiser dans ses extraordinaires énergies ethniques et morales ce renouvellement général et spirituel individuel et social que l’intention de l’Année Sainte propose à toute nation, et en tout premier lieu à notre Sainte Eglise.

Ainsi soit-il, avec notre Bénédiction Apostolique.





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