Paul VI Homélies 10177

23 janvier 1977

CANONISATION DE SOEUR RAFAELA MARIA PORRAS AYLLON

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La première Sainte de l’année 1977, Mère Raphaele Marie du Sacré Coeur, a été canonisée par le Pape Paul VI le dimanche 23 janvier en la Basilique Saint Pierre. Une foule de pèlerins était venue de toutes les parties du monde à cette occasion et parmi elle une très importante délégation venue de l’Espagne, pays natal de la nouvelle Sainte.

C’est donc dans une ambiance chaleureuse, avec une participation vivante, que s’est déroulée la cérémonie. A la requête qui lui fût présentée par le Cardinal Corrado Bafile, Préfet de la Congrégation des Causes des Saints, assisté du Vice-Postulateur de la Cause Père Teodoro Zamalloa et de l’Avocat Consistorial Giuseppe Spinelli, le Pape Paul VI a répondit en proclamant Sainte la Mère Raphaele Marie du Sacré Coeur. De vigoureux applaudissements, ont alors jailli, libérant les coeurs de leur émotion et précédant le chant du Gloria.

Après l’Evangile, le Pape a prononcé en espagnol l’homélie dont nous donnons la traduction :



Vénérables Frères et bien-aimés Fils,



Une joie profonde nous inonde le coeur et un chant d’allégresse monte à nos lèvres en ces moments que nous sommes en train de vivre. Nous avons le sentiment que dans notre voix résonne l’hymne de louanges de l’Eglise, nouvelle splendeur spirituelle, baignant dans la fécondité de vertus renouvelées, enrichie d’un exceptionnel exemple de sainteté. Voilà les sentiments qui jaillissent de l’acte liturgique que nous célébrons : l’élévation à l’honneur suprême des autels d’un lumineux modèle d’humilité : la Bienheureuse Raphaele Porras y Ayllon, en religion Mère Raphaele Marie du Sacré-Coeur.

Nous sommes en présence d’une figure toute particulière dont les riches et multiples nuances personnelles ne manquent pas de faire impression comme nous avons pu nous en rendre compte en écoutant, il y a quelques instants le récit de sa vie. Elle naquit le 1er mars 1850 à Pedro Abad, une grosse bourgade de la province de Cordoue (Espagne). Elle avait à peine quatre ans lorsqu’elle perdit son père ; avec sa soeur Dolorès elle se voua à la prière et à la charité.

Ce genre d’existence, si peu en rapport avec les exigences de leur haute situation sociale contrastait avec les désirs de la famille ; au point que pour se soustraire à la pression familiale, elles éprouvèrent le besoin d’embrasser la vie religieuse.

Le 24 janvier 1886 l’Institut reçut le Decretum Laudis et un an plus tard il fut approuvé définitivement sous le nom de Congrégation des « Esclavas del Sagrado Corazôn ».

Mère Raphaele Marie dirigea le nouvel Institut durant 16 années avec tact et dévouement. Elle démontra aussi lumineusement son extraordinaire profondeur spirituelle et ses vertus héroïques lors qu’elle dut, pour des raisons sans fondement, renoncer à la direction de son oeuvre, acceptant généreusement cette humiliation. Elle mourut à Rome, pratiquement oubliée, le 6 janvier 1925.

La vie et l’oeuvre de la Sainte, si nous les observons dans leur contenu, constituent une apologie excellente de la vie religieuse, fondée sur la pratique des conseils évangéliques, conforme au traditionnel schéma ascético-mystique qui fut mis en valeur en Espagne par des figures aussi prestigieuses que Sainte Thérèse d’Avila, Saint Jean de la Croix, Saint Ignace de Loyola, Saint Dominique, Saint Jean d’Avila et tant d’autres.

Cette forme de vie consacrée garde son caractère particulier dans l’Eglise (même s’il en surgit de nouvelles) : le Christ en est le maître unique, l’inspirateur, le modèle, le motif des plus généreuses oblations, des plus intimes confidences, des plus vaillants efforts de transformation de l’existence humaine. Il s’agit de renoncer à tant de choses humaines pour les sublimer dans l’offrande de soi-même à l’Eglise, dans une vie consacrée uniquement au Seigneur, en s’associant par la prière et par l’apostolat à l’oeuvre de rédemption et à l’extension du Royaume de Dieu (cf. Perfectae Caritatis
PC 5).

C’est cela qui fut l’objectif, c’est cela qui a été l’idéal des Servantes du Sacré-Coeur, Institut pour lequel la Fondatrice voulut comme charisme propre le culte public au Saint-Sacrement exposé, dans une intention de réparation pour les offenses commises contre l’amour du Christ ; puis l’apostolat de formation de la jeunesse, avec une préférence pour l’éducation des pauvres et enfin l’organisation de centres de spiritualité pour accueillir les personnes qui désirent rencontrer Dieu.

Comme il semble difficile, combien dramatique aussi, peut-être, parfois, la poursuite généreuse et sans réserve de ces idéaux. L’histoire de la nouvelle Sainte est bien éloquente à cet égard ! Mais c’est précisément dans ce dévouement total à une tâche supérieure que se cache fréquemment la croix du Christ et se trouve la garantie de la fécondité exemplaire d’une vie religieuse, démarche toujours valide, toujours actuelle, toujours digne d’être entreprise en toute fidélité aux exigences qu’elle comporte.

C’est pour cela, Religieuses, ici présentes et absentes, que nous vous adressons nos paternelles salutations et que notre voix se fait avec complaisance l’écho de celle du Christ pour vous dire : « Quel bonheur est le vôtre ! Vous avez choisi la meilleure part » (Lc 10,42). Bienheureuses, vous toutes, filles de la nouvelle Sainte, si vous restez fidèles à l’héritage riche et précis qu’elle vous a confié ; si vous savez dispenser toute la fécondité universelle que désirait Sainte Raphaele Marie et que l’Eglise attend de votre Institut ; si, fidèles à votre charisme propre vous savez regarder d’un coeur ouvert et renouvelé le monde qui vous entoure !

A cet égard nous ne pouvons manquer de rappeler deux aspects caractéristiques de l’Institut des Servantes du Sacré-Coeur que la nouvelle Sainte mit merveilleusement en relief et qui sont d’une palpitante actualité : l’adoration de la Sainte Eucharistie et l’apostolat de l’éducation.

L’adoration du Très Saint Sacrement, renouvelée — et non pas affaiblie — grâce à la réforme liturgique, constitue une note, caractéristique de Sainte Raphaele Marie du Sacré-Coeur. Elle est au centre de sa spiritualité, de l’éducation de ses filles ; c’est d’elle qu’elle attend l’efficacité de son apostolat ; pour maintenir ce point de sa Règle, elle n’hésita pas à prendre des mesures urgentes, bien que douloureuses et risquées. Pour elle, il était inconcevable qu’une oeuvre d’apostolat puisse être déliée de l’obligation de l’adoration eucharistique. Et aujourd’hui où, dans la société moderne, la vie de foi est soumise à tant de vicissitudes, le fait que les Servantes du Sacré-Coeur sachent donner sa pleine signification ecclésiale à l’adoration eucharistique constitue un engagement de validité permanente et un modèle.

L’apostolat, surtout en faveur de la formation complète de la jeunesse est une autre caractéristique de la vie et de l’oeuvre de la nouvelle Sainte. Elle le comprit clairement dès le début, se basant sur la réalité qui la cernait et visant avec lui « non seulement le bien spirituel de l’Eglise, mais aussi le salut et la régénération sociale ». Son sens intuitif très aigu lui permettait d’envisager tout ce qu’on peut espérer d’une formation adéquate de la jeunesse féminine.

Quels résultats merveilleux peuvent produire l’éducation à la piété, à la pureté, à la générosité de l’esprit, à la faculté de compréhension. Le champ bénéfique d’application de ces grandes possibilités de l’âme féminine s’élargit aujourd’hui et se fait plus pressant à cause du progressif accès de la femme aux fonctions professionnelles et publiques. Cela même nous fait entrevoir l’énorme importance de cet apostolat pour la vie sociale au sein de laquelle il faut promouvoir de nobles idéaux, un généreux effort pour réaliser une authentique dignité collective, une réelle clairvoyance dans le choix des orientations, de l’honnêteté dans les intentions, un grand courage pour amender les critères acceptés passivement, une aide effective tendue vers la complète réalisation personnelle de tout être humain, à commencer par les moins favorisés et enfin le respect de toute personne humaine; en un mot, y apporter la vive animation d’une pure charité qui dépasse toute motivation strictement humaine, même la plus digne.

Gloire vous soit rendue, et que la joie vous accompagne, Servantes du Sacré-Coeur pour l’exemple que vous donnez, ainsi que pour toutes vos réalisations en matière sociale ! Louanges et encouragements à vous toutes pour votre tâche si méritoire et si féconde : qu’elle soit toujours plus riche en contenu ecclésial et social ! Nos voeux à cette multitude de jeunes, présents et absents, qui ont reçu dans votre Institut leur formation humaine et chrétienne, pour s’insérer ensuite de manière vitale dans le contexte de la société ! Ce sont des fruits et des espérances — qui comportent l’obligation d’un engagement pratique — de ceux qui plaisent à Sainte Raphaele Marie, et qu’elle inspire et accompagne de ses intercessions du haut du ciel.

Vers cette patrie heureuse, définitive, nous élevons maintenant notre regard pour fondre notre joie d’Eglise pèlerine dans le bonheur éternel de nos frères, de nos soeurs qui, comme Sainte Raphaele Marie du Sacré-Coeur sont déjà arrivés au but de l’Eglise triomphante, avec Marie, Mère de Jésus, notre Mère, avec tant d’autres hommes et femmes qui précèdent et guident nos pas. Devant la vision extasiante de la Jérusalem céleste promise nous entonnons une hymne collective de foi, de sereine et encourageante espérance, de joie qui éclate et se propage, d’immense espoir ecclésial.

Au sein de cette enthousiasmante assemblée nous ne pouvons manquer d’exprimer le voeu qui jaillit du plus intime de notre âme en ce moment solennel, le voeu que la mission spirituelle de la nouvelle Sainte continue à laisser sa trace lumineuse et féconde dans la vie ,de l’Eglise. Et c’est vous, les toutes premières qui y êtes engagées, Servantes du Sacré-Coeur, qui avez reçu en précieux héritage, le charisme de votre vénérée fondatrice. Vivez-en fidèlement l’esprit et traduisez en oeuvres de charité l’ardeur de son coeur affamé de Dieu et son amour dépouillé de toute affection terrestre pour pouvoir se consacrer totalement à l’adoration du Seigneur et au service des âmes.

A cet engagement nous désirons voir associée la catholique Espagne qui a su, avec cette Sainte, offrir à l’Eglise une nouvelle fleur de sainteté jaillie des glorieuses traditions morales et spirituelles de son peuple. Oh ! puisse cette Sainte que nous avons le bonheur d’élever à la gloire des Autels, intercéder pour elle et lui obtenir les grâces dont elle semble avoir le plus besoin aujourd’hui : la fermeté dans la vraie foi, la fidélité à l’Eglise, la sainteté de son clergé, la fraternité sincère de toutes les couches sociales du pays, si dignement représenté par la Délégation gouvernementale présente à cette cérémonie. Et puisse sa rayonnante figure, couronnée aujourd’hui de l’auréole delà sainteté, répandre sur l’Eglise entière et sur le monde la vérité, la charité, la paix du Christ.



3 avril 1977

HOMÉLIE DU PAPE LE DIMANCHE DES RAMEAUX

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Frères et Fils très chers,

Essayons de comprendre.



Pourquoi sommes-nous convoqués ? Parce que c’est le « Dimanche des Rameaux ». Et que veut dire « Dimanche des Rameaux » ? Cela veut dire qu’aujourd’hui, l’Eglise a très à coeur de rappeler, d’évoquer à nouveau un fait très important de la vie de Jésus : si important qu’il nous concerne nous aussi. Faites attention : il ne s’agit pas seulement d’un rite commémoratif, c’est-à-dire d’une mémoire célébrée pour rappeler un épisode de l’histoire évangélique. Vous vous le rappelez, cet épisode.

Jésus est à Béthanie, à quelques kilomètres de Jérusalem. A Béthanie, Jésus avait ressuscité Lazare, et ce fait avait bouleversé le peuple. La nouvelle avait produit un grand étonnement ; et les gens étaient accourus pour voir non seulement Jésus mais aussi Lazare, le ressuscité. Il y avait une grande foule, pour la raison aussi qu’était proche la Pâque des juifs, la célébration annuelle pour laquelle, de toute la Palestine, on venait à Jérusalem. Il y avait partout beaucoup d’excitation et de ferveur dans la multitude ; et il y avait une grande fureur chez les chefs des juifs, à tel point que, à partir de ce moment, ils se demandaient comment ils pourraient tuer, non seulement Jésus, mais aussi Lazare, pour faire tomber la popularité qui s’était faite autour de Jésus lui-même (cf.
Jn 12,10-11). Vous savez la suite : à Bethphagé, avant d’entrer à Jérusalem, Jésus monte sur un âne et se dirige vers la ville ; le peuple ne contient plus son enthousiasme, il éclate en applaudissements, qui s’expriment par des acclamations spéciales : Hosanna ! c’est-à-dire vive le Fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Et tous agitent des rameaux, c’est-à-dire des branches arrachées aux arbres ; c’est cet acte qui caractérise la scène et qui, par l’enthousiasme des jeunes et des enfants, s’est prolongé : ils ont accompagné Jésus jusqu’au Temple, à la grande indignation de ses ennemis ; quant à Lui, il prit à la fin la défense de cette foule de jeunes : « Oui, dit alors le Maître, de la bouche des tout-petits la louange a jailli », comme David l’avait prédit dans l’un de ses psaumes (Ps 8,3).

Quelle était la signification de cet accueil fait à Jésus par la population de Jérusalem et par les habitants du pays qui affluaient en ville ? C’était une signification tout à fait spéciale : celle de reconnaître en Jésus le Messie. Et que voulait dire, alors, ce titre de Messie ? Messie voulait dire une personne consacrée, le représentant de Dieu, le Christ, c’est-à-dire quelqu’un qui est revêtu de la dignité sacerdotale et royale, un personnage dans lequel étaient accomplies les espérances prophétiques du peuple juif, celui qui aurait réalisé en lui-même la figure du Roi idéal, qui libère de la domination étrangère, qui est le champion de la gloire, et du destin exceptionnel mystérieusement réservé à Israël (cf. Jn 1,41 Jn 4,25). Ce titre avait une signification encore imprécise, mais au temps de Jésus il dominait les fantaisies et les esprits impatients qui déjà étaient persuadés que son temps était venu (cf. Mt 24,23). C’était le titre de l’espérance eschatologique, c’est-à-dire finale, pour Israël, pour le Peuple élu.

L’épisode des Rameaux marque donc dans l’Evangile un moment décisif, d’une importance extraordinaire : Jésus est reconnu, est proclamé Messie ; il est acclamé comme le Christ, tant attendu, tant aimé. Désormais la vie, l’histoire, le sort d’Israël n’auront plus de sens qu’en Lui, Jésus de Nazareth (cf. G. Ricciotti, Vita di Gesù Cristo, p. 606, n. 505).

Et voici alors le sens, la valeur de notre solennité liturgique d’aujourd’hui. Nous reconnaissons en Jésus de Nazareth le Messie, c’est-à-dire le Christ. Cette célébration signifie pour nous un grand acte de foi. Nous acceptons, mieux encore, nous exaltons le Messie — le Messie ! — le Christ sauveur, dans l’humble Jésus, qui naquit à Bethléem, qui jusqu’à trente ans vécut à Nazareth en modeste artisan, qui fut ensuite présenté par Jean et baptisé par lui dans le Jourdain, puis commença à prêcher le Royaume de Dieu, à faire des miracles éclatants (comme la multiplication des pains), à propager des messages extraordinaires (pensez au discours des béatitudes), et même à ressusciter les morts (pensez à la résurrection de Lazare). Jésus est le Messie, il est le Christ, il est le Roi envoyé par Dieu, il est le Fils de l’homme et il est le Fils de Dieu. Voilà comment nous pouvons le définir. Quelle sera la conséquence de cette certitude ? Nous le verrons par la suite. Le drame messianique, dans son aspect public, universel et poignant, commence ici : Jésus est le Christ.

Ce drame fut d’abord celui des contemporains de Jésus. Il est actuellement le nôtre et se résume dans cette interrogation formidable : Et nous, est-ce que nous reconnaissons dans ce Jésus de Nazareth, dans ce Jésus de l’Evangile, le Messie, le Christ, le Roi divin, le Seigneur de l’Histoire, l’éternel Sauveur, enfin Celui qui a dit : « Je serai avec vous tous (invisible, mais réellement vivant et présent) jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20) ? Voilà pourquoi la liturgie que nous célébrons aujourd’hui a tant d’importance pour nous, gens du XX° siècle, pour nous Romains, pour chacun de nous personnellement : oui, est-ce que vous reconnaissez en Jésus, le Messie, l’Envoyé de Dieu, ou mieux encore le Verbe de Dieu fait homme, qui prend place au coeur de notre vie, à la charnière de nos destinées ? Encore une fois, est-ce que nous Le reconnaissons ?

Cette question nous assaille comme un ouragan. Le rappel de l’événement évangélique devient actualité. Est-ce que nous reconnaissons ce Jésus comme l’Arbitre de notre destin ? Avons-nous peur ? Nous remarquons des absences nombreuses ! Pourquoi ?... Qu’en est-il de tous ces absents ?... Nous voyons beaucoup de peureux, de timides, d’opportunistes : pourquoi, disent-ils, s’exposer au danger d’être chrétien ? Il y a quelqu’un qui leur suggère : Va-t-en, cela vaut mieux ! Nous savons que d’autres, et ils sont nombreux, se laissent guider par l’intérêt immédiat : plaire, posséder, vivre sans pensées d’ordre supérieur; autrement dit une vie sans idéal, surexcitée et dévorée par le temps qui passe !

Et vous, Fils très chers, que dites-vous ? Oh ! Nous vous voyons avec des rameaux en main, avec les branches printanières de l’olivier. Nous vous voyons prêts à les agiter en signe de fête, comme pour dire : nous sommes présents ! Etes-vous présents, vous, les jeunes ? Avez-vous fait la découverte de votre heure messianique ? Avez-vous compris que la véritable solution de l’existence est celle qui est offerte par l’Evangile, par l’Eglise qui le proclame, par le Christ à la vie duquel vous pouvez vous unir ? Dans votre coeur et dans votre action, avez-vous donné votre adhésion au double appel du Christ : être fils de Dieu avec Lui, c’est-à-dire des hommes éclairés sur le sens de la vie et du monde qui sont ainsi divinement sauvés, et être également avec Lui des fils de l’Homme, c’est-à-dire des frères pour tous ceux qui partagent le destin de notre existence et ont besoin d’être aimés, servis, secourus ?

Avez-vous compris la vérité, la beauté, la force de la foi que le Christ propose à chacune de nos personnes, à la famille humaine, à la société entière à laquelle vous appartenez ? Etes-vous vraiment de ceux qui agitent l’olivier de la paix et de la justice ? Oui ? Alors nous vous dirons : le Christ est à vous ! Ne craignez plus ! Pas même la croix, sa croix, que Lui-même vous fera partager. Le triomphe royal de Jésus-Christ conduit aussi à la croix. Mais ne craignez pas, nous vous le répétons: la vie, la vraie vie nous est ainsi désormais assurée.



7 avril 1977

Jeudi Saint

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JE SUIS LE PAIN DE VIE - FAITES CECI EN MÉMOIRE DE MOI



Homélie prononcée par le Pape à Saint-Jean de Latran



Nous sommes tous de quelque manière conscients de la gravité, de la densité, de l’importance du rite religieux que nous célébrons aujourd’hui, commémorant, bien plus renouvelant le Jeudi-Saint ; c’est-à-dire la veille de la Passion et de la mort de Jésus-Christ. Il est vrai que la signification de ce rite qu’est la Messe, la sainte Messe célébrée aujourd’hui dans l’Eglise de Dieu, pèse toujours et resplendit dans l’âme de celui qui a la grâce inestimable d’en faire une oblation religieuse, ou d’y assister avec une participation spirituelle. L’habitude de cet acte religieux, le plus grand par excellence n’atténue pas l’émotion attachée aux sentiments qui lui sont propres. Mais le fait qu’aujourd’hui, par un acte réfléchi et total, la liturgie nous invite à fixer notre piété sur ce moment historique, renouvelé et durable, de l’institution de la très sainte Eucharistie nous oblige à tenter une approche intelligible du mystère, car c’est vraiment un mystère que nous sommes en train d’accomplir. Pour faire bref, et parce que nous nous adressons à des Fidèles, compétents, qu’il nous soit permis, de traduire en trois réflexions ce qu’il faut se rappeler de ce mystère.

La première que nous pourrions qualifier de « convergence » regarde le fait que la scène évangélique soumise à notre attention est un repas, la dernière Cène de Jésus avec ses Disciples, une cène rituelle, la cène de l’agneau pascal, hébraïque, anticipée mais identique à celle que le jour suivant, vendredi, le milieu saducéen et sacerdotal célébrera (cf. G. Ricciotti, Vie de Jésus-Christ, nn. 75 et 536, et ss.). Qui ne sait l’importance historique et rituelle qu’avait dans la coutume du peuple hébreu la consommation de cette cène, où l’agneau était symbole de la libération du joug de l’Egypte? Jésus avait été acclamé par Jean Baptiste : « l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde » (
Jn 1,29 et 36 ; cf. Jr Jr 11,19 et Is 53,7). Eh bien ! Jésus, victime, la seule vraiment libératrice de l’esclavage du péché, succède à l’image qui l’avait représenté au cours de l’Ancien Testament et inaugure le Nouveau Testament.

Il établit ainsi un rapport religieux plus parfait, immensément plus intime et agissant avec tous ceux qui auront la grâce de croire en Lui et d’être associés à la vie même du Christ (cf. 1P 1,19). L’ère nouvelle, la nôtre, celle de la Rédemption est ainsi ouverte au genre humain à la suite du Christ.

La seconde réflexion concerne le point central du repas d’adieu. Ici l’Amour domine, on dirait qu’il déborde les paroles du Seigneur, de l’action : « ...après avoir aimé les siens qui étaient dans le monde il les aima jusqu’au bout » (Jn 13,1). Vous avez certainement tous présents dans vos âmes et le geste de suprême humilité accompli par le Seigneur lavant les pieds de ses apôtres, malgré le refus de Pierre, et, surtout, l’institution de l’Eucharistie par laquelle, violant pour ainsi dire les inexorables lois physiques, par sa toute puissance amoureuse, Jésus se rend présent sous les apparences du pain et du vin pour se faire aliment sacrificiel et vital pour ses conviés... ! Nous sommes prêts à crier : impossible ! impossible ! si ce n’était Jésus Lui-même qui, avec une affirmation invincible, nous dit : « Je suis le pain de la vie... Qui mange de ce pain vivra éternellement ». Les disciples, encore incrédules, commentent ces paroles, et se disent que ce langage est dur. Et Jésus insiste : « Ceci vous scandalise ? Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie ! » (Jn 6, 58, 63). Dans la Cène, Il rend universelle et éternelle la possibilité du prodige eucharistique par l’institution simultanée d’un autre Sacrement, celui de l’Ordre sacerdotal, transmettant sa puissance divine aux disciples bouleversés : « Faites ceci en mémoire de Moi » (Lc 22,19 1Co 11,24).

Mais une troisième réflexion s’impose : pendant la Cène les figures parlent encore : le pain devient Corps tout en conservant les apparences du pain ; le vin devient Sang, mais en le regardant on voit qu’il garde les apparences du vin ; c’est-à-dire qu’ici la mort du Christ s’accomplit sans effusion de sang tout en étant encore présente. La Croix est cachée, mais l’offrande qui sera consommée sur la Croix est déjà là : l’Eucharistie est sacrifice ! (cf. De La Taille, Mysterium Fidei, ch. III, pp. 33 et ss. ; St Thomas d’Aquin, S. Theol, ; P. Nau, Le Mystère du Corps et du Sang du Seigneur).

Ainsi le Sacrifice de l’Autel et Celui de la Croix sont la même réalité mystérieuse : l’un reflète réellement dans l’autre le drame de la Croix (cf. St Augustin dans PS 21,27; PL 36,178).

Ici nos possibilités spéculatives semblent s’arrêter. La tête s’incline et adore, l’esprit vacille devant des Réalités qui dépassent notre capacité de les mesurer et de les contenir. Les paroles du pauvre père de l’épileptique de l’Evangile du Seigneur viennent sur nos lèvres : « Seigneur je crois, mais viens au secours de mon incrédulité » (Mc 9,24). Mais le coeur poursuit, comme le nôtre ici, ce soir, et s’écrie avec Saint Pierre après le discours du Christ sur l’Eucharistie-sacrifice : « Seigneur à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,48).




8 avril 1977

Vendredi Saint

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LE CHRIST M’A AIMÉ ET S’EST LIVRÉ POUR MOI





Allocution de Paul VI à l’issue du Chemin de Croix au Colisée



Frères,



Nous sommes troublé ! On ne peut pas suivre le Chemin de la Croix sans que se répercute dans notre esprit le drame douloureux du supplice extraordinairement infamant infligé au Seigneur Jésus ; la cruauté de la peine et l’injustice de la condamnation nous émeuvent profondément. « Il n’a rien fait de mal » (
Lc 23,41). Même le centurion qui avait commandé le peloton d’exécution devait reconnaître : « C’était vin homme juste » (ibid. 47). Et de même pour tous ceux qui étaient présents à ce cruel spectacle.

Et nous, Frères ? Nous aussi, si nous avons suivi le triste chemin, si ,nous avons perçu le caractère sacrificiel et donc universel de la mort subie par Jésus-Christ, nous nous sentons impliqués dans sa mise à mort, nous sommes complices ! Mais c’est précisément au moment où notre compassion se retourne contre nous-mêmes comme une accusation inévitable de la mort de cette victime innocente que notre remords se transforme en espérance, se change en reconnaissance et en pleurs de joie. Lui, Jésus, le Fils de l’homme, Lui, le Fils de Dieu, il a été crucifié par nos péchés, il nous faut pleurer; il a été crucifié pour nos péchés, réjouissons-nous. Nous venons de rappeler la tragédie rédemptrice de l’Agneau qui a donné sa vie pour nous, pour chacun d’entre nous. Le mystère s’ouvre, avec les paroles de Saint Paul : « Lui, le Christ, m’a aimé, et s’est livré lui-même pour moi » (Ga 2,20), et monte alors à nos lèvres le cri de ces paroles : « Seigneur, je vous donne tout » (Pascal, Bossuet).

Et les autres ? Nous pensons à la multitude humaine bien plus innombrable que celle qui est maintenant devant nous, à la multitude de la société, du monde.

Lui parviendra-t-il au moins l’écho de cette grande histoire de douleur et d’amour qu’est le Chemin de Croix ? De douleur, qui est fille ou du moins de la même famille que la violation de l’ordre, de cette violation plus grande qu’est le péché ; d’amour, de cette sorte d’amour, disons-le, tel qu’il n’y en a pas de plus grand, sinon dans le sacrifice de celui qui donne sa propre vie pour celui qu’il aime, et comme il se manifeste dans l’Evangile de la Croix (Jn 15,13). Eh bien, auditeurs lointains et pourtant si proches pour notre esprit, sachez que maintenant vous êtes aussi présents ici, dans notre affection, dans notre estime, dans notre prière pour vous !

Quant à vous, hommes de pensée, où trouverez-vous une lumière plus grande que dans cette sagesse de la Croix, victorieuse grâce au mystère qui enveloppe la vie humaine ? Et vous, qui avez le pouvoir, où trouverez-vous la force de rendre votre travail efficace, sinon dans les perspectives d’un amour généreux ? Et vous, les travailleurs, que le souci de votre pain quotidien met souvent en lutte systématique contre la société, qui vous donnera le pain de la vie, de la liberté et de la justice, sinon Celui qui peut dire sans manquer à sa promesse : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et je referai vos forces » (Mt 11,29) ?

Oh ! comme nous voudrions qu’en cet instant où la Croix du Christ se fait lumineuse, il répande par son sang divin sa divine certitude de bonté, d’espérance et de béatitude ! Oh ! qu’il le puisse, dans un rayonnement sans limite, avec notre Bénédiction Apostolique !


8 mai 1977

Béatification de Maria Rosa Molas y Vallvé

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PLACE À L’AMOUR ! HALTE AUX VIOLENCES !


Le 8 mai, le Saint-Père a présidé au rite de la béatification d’une religieuse espagnole, fondatrice des Soeurs de Notre-Dame de la Consolation : Mère Maria Rosa Molas y Vallvé, morte en odeur de sainteté en 1876. Une importante délégation officielle représentant le Roi d’Espagne et son gouvernement a assisté à la cérémonie. Etaient présents également de très nombreux pèlerins venus d’Espagne et entre autres le choeur de la paroisse de Reus, où la nouvelle Bienheureuse vit le jour, passa sa jeunesse et fit sa première expérience de religieuse.

Le rite de la béatification s’est déroulé, au cours d’une messe solennelle que Paul VI a concélébrée avec le Cardinal Enrique y Tarancon, Archevêque de Madrid, les Archevêques et Evêques de Tarragona, de Caracas, de Ciudad-Eolivar, de Tortosa, de Segorbe-Castellon, de Guaxupe et de Nouna-Dedougon (Haute Volta). Au cours de la concélébration le Saint-Père a prononcé en espagnol une homélie dont voici la traduction :



Vénérables Frères et chers Fils,



L’Eglise, qui cette semaine encore répète le cri joyeux de l’Alléluia devant le Christ ressuscité, le Christ présent dans l’espérance ecclésiale, le Christ qui revit son éternelle efficacité mystérieuse dans tant d’âmes généreuses, retrouve une irrépressible exultation dans l’événement, que nous célébrons aujourd’hui et qui, s’il n’est pas rare, a cependant des résonances toujours émouvantes, toujours vibrantes, toujours pleines de contenus nouveaux.

Dans le cadre liturgique de la fête d’aujourd’hui, nos yeux découvrent une nouvelle fleur de vertu, un rayon de lumière qui vient embellir le jardin déjà si lumineux de l’Epouse du Christ. Il s’agit, comme vous le savez, d’une religieuse espagnole, aujourd’hui gloire de l’Eglise universelle : la nouvelle Bienheureuse Maria Rosa Molas y Vallvé, fondatrice des Soeurs de Notre-Dame de la Consolation.

Nous ne nous arrêterons pas à rappeler l’histoire bien connue de la vie de la nouvelle Bienheureuse qui depuis Reus où elle vit le jour dans une modeste famille, accomplît une admirable démarche, uniquement poussée par son amour pour le Christ et pour son prochain, remplissant avec une étonnante vitalité spirituelle une existence qu’elle conclut humblement, il y a exactement un siècle, à l’âge de 61 ans.

Une vie simple, cachée, élevée aujourd’hui au triomphe. Pourquoi ? Pensons-y un moment.

Toute vie passée dans une oblation héroïque est un mystère de l’amour de Dieu, accepté dans la plus intime correspondance personnelle à cet amour. C’est un poème évangélique entrelacé de sublimes échanges. Aussi, si nous voulons détecter les facettes saillantes de là vie de Maria Rosa Molas, nous aurons à nous approcher avec respect de la source inépuisable de l’Evangile (cf.
Mt 25,31 et ss.) là où le pauvre, le nécessiteux, l’affamé, l’abandonné, celui qui souffre, est proclamé digne des soins prioritaires, de la sollicitude la plus tendre, du geste exquis d’un coeur qui non seulement soulage, mais qui partage les souffrances et lutte pour en supprimer les causes. Et qui est capable, ainsi de prendre part à la souffrance pour une raison fondamentale : parce que là est le Christ souffrant, devenu présence vivante, et qu’il exige de chacun une foi créatrice capable de faire naître la confiance là où elle ne trouve plus d’espace humain.

Cherchons-nous le charisme propre, le message personnel, le génie particulier de Maria Rosa Molas ? C’est ici que nous le trouvons. En un moment historique difficile, sur le plan local comme sur le plan national, caractérisé par des luttes, des factions multiples ; un moment où le désespoir, envahissant tant de vies d’enfants, de jeunes sans instruction et sans avenir, de vieillards sans assistance, elle sut aller vers les nécessiteux, se faisant charité vivante, se faisant amour qui s’oublie soi-même, se faisant tout pour tous, afin de suivre l’exemple du Christ, d’être artisan d’espérance et d’élévation sociale. Non pas seulement pour donner quelque chose, mais pour se donner elle-même par amour, et pouvoir — comme Marie, son modèle d’élection — faire le don précieux d’un engagement total dans l’aide miséricordieuse et consolatrice, à ceux qui la demandaient et à ceux qui, sans le savoir, en avaient besoin. C’est ainsi que Maria Rosa fit la charité ; c’est ainsi qu’elle devint Maître en humanité.

Dans la lente démarche de l’humanité vers un progrès humain si généralement ambitionné, nous constatons aujourd’hui que des Institutions nationales et internationales, des associations d’inspiration et de types divers, et même des personnes de provenance variée proclament de manière solennelle ou dans des documents publics leur volonté de créer une société nouvelle et un homme nouveau, plus digne. Plaise à Dieu que cela signifie que les espoirs les plus nobles, enfouis dans les replis les plus intimes du coeur humain, commencent à trouver leur complète expression ! Une réalité poursuivie avec obstination, capable d’ouvrir les âmes à la joie d’un avenir meilleur pour l’humanité que l’Eglise ne cesse de proclamer, de désirer et d’encourager.

Toutefois, malheureusement, nous constatons que, souvent, un humanisme bien intentionné, mais sans racines profondes, sans la garantie d’une motivation consistante et supérieure qui découvre au fond de l’être humain la dignité incommensurable de l’image divine et la présence du Christ qui exalte, libère, et unit l’homme, en reste à un humanisme débile, incomplet, ambigu, purement formel quand il n’est pas faussé.

S’il est juste de reconnaître que cet objectif inéluctable de défendre, promouvoir et cultiver la « sacralité » de la vie humaine, patronnée et encouragée sans cesse par le christianisme, a trouvé un écho dans des domaines aussi pressants que la santé, l’hygiène, l’assistance sociale et d’autres, il n’est pas moins certain que le respect de la vie humaine est également menacé, sinon outragé et blessé du fait de la dégradation et des déviations effrayantes qui, dans pas mal de sociétés, constituent de sérieux motifs pour s’alarmer.

Nous pensons au phénomène de la violence criminelle qui atteint aujourd’hui des dimensions et des formes réellement préoccupantes; nous pensons au fléau de plus en plus répandu de la drogue, propagé pour des intérêts qui ne tiennent aucun compte des tragédies qu’elle crée chez tant de personnes sans expérience et dans tant de familles ; nous rappellerons encore la course aux armements capables de détruire l’humanité et qui paralysent des ressources énormes qui devraient servir à un harmonieux progrès humain. Et n’oublions ni la coupable et volontaire violation de la vie causée par la légalisation de l’avortement, ni les douloureuses situations de grande misère qui sont une triste réalité dans de nombreux pays du monde, comme en Afrique, en Asie... Et, ajouté à tout cela, comme un coup de fouet pour la conscience sensible du juste, nous constatons un lamentable commerce d’armes, instruments de mort, de destructions, d’horreurs, d’offense à l’homme et au Créateur de la vie. Tristes sentiers dans lesquels s’est engagée une partie de l’humanité désorientée !

Relevons, pour finir, le sentiment d’insécurité que créent les fréquents séquestres de personnes (28 cas depuis le début de l’année, dont une dizaine non encore résolus !). Devant de tels événements qui répandent crainte et tristesse dans les âmes, notre coeur de Pasteur universel se sent et se veut particulièrement sollicité. Même d’Amérique Centrale nous est parvenue une pétition confiante, nous priant de dire un mot en faveur de la libération du Ministre des Relations Extérieures d’El Salvador, séquestré il y a quelques semaines. Oui, en ce jour de l’exaltation d’une âme, engagée en tout et pour tout à alléger les peines des frères qui souffrent, nous élevons du plus profond de l’âme un appel vibrant — que nous déposons comme supplication aux pieds de la nouvelle Bienheureuse — pour que cessent une fois pour toutes de telles tragédies humaines.

Face à ce sombre tableau qui confond nos esprits et oppresse nos coeurs, l’Eglise ne cesse de dresser un flambeau que le christianisme maintient levé depuis des siècles. Un flambeau qu’aujourd’hui nous montre, avec un caractère et une vaillance admirables, une humble religieuse qui fit du respect, de l’amour généralisé, de la préoccupation pour les femmes, de la charité sans limites, de l’idéal de la consolation du prochain, un programme, un geste aujourd’hui plus que jamais valable pour que l’être humain soit véritablement tel sans trahir sa condition. Sublime leçon, une de plus, d’un coeur dominé par l’humilité et la force. Un être qui a vécu le défi humanisant de la civilisation de l’amour. Cette civilisation, qui espère faire de nouveaux adeptes, toujours plus nombreux, est peut-être sans défense, mais elle est invincible.

Que la nouvelle Bienheureuse soit notre guide ; qu’elle intercède pour nous auprès de Dieu pour que les Soeurs de Notre-Dame de la Consolation et le monde religieux en général, les âmes de bonne volonté qui croient encore aux ressources créatrices du coeur humain, les dirigeants des pays, et particulièrement de son pays natal, l’Espagne, — dignement représentée ici par ses Autorités — sachent recueillir son message d’amour effectif, d’espérance chrétienne, de dévouement à la création d’un monde plus humain et plus fraternel. Un monde conscient du fait que plus on donne avec noblesse et élévation de vues, plus on reçoit.


Le Saint-Père a poursuivi son allocution en langue italienne :

La Fille de la noble nation espagnole que nous avons déclarée Bienheureuse, nous suggère d’adresser aussi la parole aux fidèles de langue italienne qui participent nombreux à la cérémonie. Elle nous le, suggère non seulement parce que l’Institut des Soeurs de Notre-Dame de la Consolation est également présent et très actif à Rome, mais encore et surtout parce que l’ardeur charitable dont la Fondatrice, Mère Maria Rosa Molas a donné un lumineux exemple par sa vie, a dépassé de très loin les frontières de sa terre d’origine.

C’est précisément cette vertu, qui était la grande caractéristique de la nouvelle Bienheureuse que nous voulons célébrer et exalter : puisée dans la prière et dans l’union filiale avec Dieu, cette vertu s’exprimait dans la plus vive sollicitude pour les pauvres, les malades, les nécessiteux, dans une disponibilité sans limite qui faisait de cette Femme un authentique « instrument de miséricorde et de consolation ». C’est un idéal que nous proposons non seulement à ses filles spirituelles, mais à tous ceux qui veulent être fidèles au Christ et à son Evangile.




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