F. de Sales, Lettres 1319

LETTRE CCCXXXIII, A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR.

1319
Le Saint la console sur la mort de M. le baron de Torens, leur frère.

Annecy, 30 mai 1617.

O Dieu ! ma pauvre très-chère soeur, que j'ai de peine pour le déplaisir que votre coeur souffrira sur le trépas de ce pauvre frère, qui nous était à tous si cher! Mais il n'y a remède : il faut arrêter nos volontés en celle de Dieu, qui, à bien considérer toutes choses, a grandement favorisé ce pauvre défunt, de l'avoir ôté d'un siècle et d'une vocation où il y a tant de danger de se damner.

Pour moi, ma chère fille, j'ai pleuré plus d'une fois en cette occasion ; car j'aimais tendrement ce frère, et n'ai su m'empêcher d'avoir les ressentiments de douleur que la nature m'a causés ; mais pourtant je suis maintenant tout résolu et consolé, ayant su combien il est trépassé dévotement entre les bras de nos pères barnabites (1), de notre chevalier (2), après avoir fait sa confession générale, s'être réconcilié trois fois, avoir reçu la communion et l'extrême-onction fort pieusement.

 Que lui peut-on désirer de mieux selon l'âme ? Et selon le corps, il a été assisté en sorte que rien ne lui a manqué.

Monseigneur le prince cardinal et madame la princesse (1) l'envoyèrent visiter, et les dames de la cour lui envoyèrent des présents pour sa bouche; et enfin monseigneur le prince cardinal, après son trépas, envoya douze flambeaux avec les armoiries de son altesse, pour honorer son ensevelissement.

Dieu donc soit à jamais béni, pour le soin qu'il a eu de recueillir cette âme entre ses élus : car eu somme, que devons-nous prétendre autre chose:'

Il ne se peut dire combien la pauvre petite veuve a témoigné de vertu en cette occasion. Nous la garderons encore ici (2) quelques jours, jusqu'à ce qu'elle soit bien rassise. Jamais homme ne fut plus généralement regretté que celui-ci. Or sus, ma très-chère fille, consolons nos coeurs le mieux que nous saurons, et tenons pour bon tout ce qu'il a plu à Dieu de faire ; car aussi tout ce qu'il a fait est très-bon.

Je rends cette lettre commune à mon très-cher frère (3), et à vous, dans l'espérance de vous voir bientôt. Dieu bénisse à jamais votre coeur, ma très-chère soeur, ma fille, et je suis sans fin très-parfaitement tout vôtre, et votre, etc.


(1) Le mardi après le dimanche de la Trinité, 25 mai 1617.
(2) Janus de Sales, frère du saint évêque, chevalier de Malte, gentilhomme ordinaire de la chambre de son altesse royale de Savoie, son lieutenant au château de Nice, etc.
(1) Ce sont les deux enfants de son altesse le due de Savoie.
(2) Au monastère de la Visitation, où S. François écrivait cette lettre sans date.
(3) M. de Cornillon, beau-frère du Saint.




LETTRE CCCXXXIV, A (UNE RELIGIEUSE DE LA VISITATION) LA BARONNE DE THORENS, SA BELLE-SOEUR.

1327
Il faut servir et aimer Dieu parfaitement, sans s'étonner des difficultés.

Viuz-en-Sallaz, 30 juin.1617.

Vous pouvez penser, ma très-chère fille, ma soeur, et je crois que votre coeur vous le dit assez, que j'ai une extrême consolation dans le mien, quand vous m'écrivez de vos nouvelles ; car puisqu'il a plu à Dieu, je suis le cher frère et le père tout ensemble, mais le plus affectionné et sincère que vous sussiez imaginer.

Or, faites bien, ma chère âme, vos petits efforts doux, paisibles et amiables, pour servir celte souveraine bonté, qui vous y a tant obligée par les attraits et bienfaits dont elle vous a favorisée jusqu'à présent ; et ne vous étonnez point des difficultés, car, ma très-chère fille, que ponton avoir de précieux sans un peu de soin et de peine? Il faut seulement unir ferme à prétendre à la perfection du saint amour, afin que l'amour soit parfait; l'amour qui cherche moins que la perfection, ne pouvant qu'être imparfait.

Je vous écrirai souvent ; car vous savez le rang que vous tenez dans mon esprit, le tout joignant notre mère (1), à laquelle je vous prie de me recommander : car bien que je lui écrive, si est-ce qu'il faut un peu employer votre entremise pour la récréer et réjouir ; d'autant qu'elle prend plaisir à savoir que vous êtes très-parfaitement ma très-chère fille, et que vous me chérissez en cette qualité-là. Dieu soit au milieu de votre coeur, et de celui de notre chère soeur, qui est, certes, ma fille de tout mon coeur, au moins je le crois, et le veux toujours croire pour mon contentement.

(1) Madame de Chantal.



LETTRE CCCXXXV, AU DUC DE SAVOIE, CHARLES EMMANUEL I (minute).

1332
Il lui demande la grâce d'un criminel.


Thonon, 7 juillet 1617.

Monseigneur, je demande très-humblement pardon à votre altesse, si en un temps auquel elle est environnée de tant d'affaires de conséquence, je prends la confiance en sa douceur, de lui présenter cette supplication, à laquelle je suis forcé par le devoir que ceux de ma condition ont de compatir aux misérables, et soulager les désolés, lors même qu'ils sont abandonnés de tout autre secours.

Après donc avoir bien su que l'étrange accident arrivé au sieur N., était procédé de malheur, plutôt que d'aucune malice ou délibération; voyant qu'en une si extrême tribulation il recourait à moi, pour obtenir par ma très-humble intercession l'accès aux pieds de votre altesse, je ne l'ai pu ni voulu éconduire, de peur d'offenser celui qui jugera les vivants et les morts, selon l'assistance qu'ils auront faite aux affligés (cf.
Mt 25,34-46): puisque même les deux personnes qui ont été les plus touchées en ce désastre, semblent conspirer au désir de la consolation de celui auquel il est arrivé ; car la fille ne souhaite rien tant que d'avoir son père, puisqu'elle a perdu sa mère.

Et quant à monsieur l'Abbé de la Menta (Sylvestre de Saluzzo 1306 , soit qu'il ait eu compassion de ce père et de cette fille, soit qu'il ait été animé de ce divin esprit qui nous fait vouloir le bien de ceux qui nous font du mal, il a déjà protesté qu'il ne voulait procurer aucune punition, ni faire partie.

Reste l'oeil du public, qui, je m'assure, regardera avec édification la grâce d'un homme qui a tant de raisons et de justes excuses ; ainsi que votre altesse jugera bien, si elle commande que rapport lui soit fait de cette désaventure, selon qu'il en résultera des procédures de justice.

Et partant, monseigneur, la faveur que votre altesse fera à cette calamiteuse famille, sera également ornée de justice et de miséricorde, qui sont les deux ailes sur lesquelles l'agréable renommée des bons princes vole et au ciel et en terre, parmi mille bénédictions et de Dieu et des hommes.

Plaise donc à votre débonnaireté, monseigneur, de tendre sa main secourable à ce pauvre désolé, et d'excuser la liberté avec laquelle je lui propose cette bonne oeuvre; protestant que c'est avec toute la très-humble révérence que je dois à votre altesse, à laquelle je souhaite le comble de toute sainte prospérité, demeurant à jamais, monseigneur, votre, etc.



LETTRE CCCXXXVI, A UNE DAME (fragment).

1343
Avantage qu'il y a d'être tout à Dieu. Exhortation à la joie spirituelle.

Annecy, 7 août 1617.

... Quel bonheur, madame, d'être tout à Dieu ! car il aime les siens, il les protège, il les conduit, il les met au port de la désirable éternité. Demeurez donc ainsi, et ne permettez jamais à votre âme qu'elle s'attriste, ni vive en amertume d'esprit, ou en scrupule ; puisque celui qui l'a aimée, et qui est mort pour la faire vivre, est si bon, si doux, si aimable.

Il a voulu, ce grand Dieu, que vous fussiez sienne, et vous l'a fait vouloir, et vous l'avez voulu ; et il vous a fait prendre tous les vrais moyens pour le devenir. Vous l'êtes donc sans doute, ma très-chère fille, dont je me réjouis infiniment, et en bénis sa miséricorde, comme étant en elle sans fin, madame, votre, etc.




LETTRE CCCXXXVII.

S. FRANÇOIS DE SALES, A UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION.

Exhortation à la pureté d'intention et à une courageuse humilité.

Avant le 30 août 1617.

Ma très-chère fille, ce m'a été une grande satisfaction de vous savoir auprès de ma soeur N., où vous êtes coopératrice en l'établissement de cette nouvelle maison. Tenez votre courage humblement élevé en Dieu, ma très-chère fille : servez-le fidèlement, faites toutes vos oeuvres pour son bon plaisir; car à cela êtes-vous appelée. Donnez, le plus que vous pourrez, l'esprit d'une très-humble, mais courageuse simplicité, et de l'amour de la croix à ces âmes que vous nourrissez, afin qu'elles soient agréables à celui qui désire les rendre ses épouses. Dieu soit au milieu de votre âme, ma très-chère fille, et je suis en lui votre, etc.


LETTRE CCCXXXVIII, A MADAME DE BLANIEU (UNE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION ?).

1349
Exhortation de se rendre conforme à la volonté de Dieu.

Annecy, 30 août 1617.

Que faites-vous, ma très-chère fille ? car voilà le mot que vous voulez. Mon coeur pense souvent au vôtre : et si, vous demande si vous êtes toujours au pied de la croix, où je vous laissai, c'est-à-dire, toujours attachée à la très-sainte volonté de Dieu, pour ne fourvoyer ni à droite ni à gauche, ni aux contentements ni aux afflictions, ni entre les amis ni entre les ennemis, du chemin, de ses ordonnances. Je le crois, certes, ma très-chère fille ; hé ! je vous en conjure. Ces jours s'écoulent, l'éternité s'approche : passons si droit qu'elle nous soit heureuse. Ce sont les souhaits que je fais sur vous, ma très-chère fille, à qui je suis fort affectionnément, votre, etc.



LETTRE CCCXXXIX, A (MADAME DE MONFORT) MADAME DE CHARMOISY, SA COUSINE.

1489
Le Saint la console sur la mort de M. le baron et de madame la baronne de Torens.

(Septembre 1617) Paris, novembre 1618.

Mon esprit ne peut cesser de penser à vous, ma très-chère cousine, ma fille, et ne voudrait faire autre chose que de vous parler en la façon qu'il peut, et ne sait néanmoins que vous dire, étant, comme le vôtre, encore tout étonné ; sinon, ma très-chère fille, que le divin époux de nos âmes veut que nous regardions tous nos événements dans le sein de sa céleste providence, et que nous jetions nos affections en l'éternité, où nous nous reverrons tous, pour ne jamais plus être séparés.

O ma fille ! pourquoi nous sommes-nous jamais assurés et confiés en la vanité de cette vie périssable? Nos prétentions sont au-delà, où il faut donc lancer nos affections. En somme, nous voilà, ma très-chère fille, au vrai essai de la fidélité que vous devez à Dieu, auquel vous avez si souvent résigné toutes vos aventures. Ma très-chère cousine, tenez votre coeur en haut, et mettez le sacré crucifix sur votre poitrine, afin qu'il accoise vos sanglots et soupirs. Soyez bien toute sienne, et croyez-moi, il sera tout vôtre. Pour moi, je ne puis pas dire plus que jamais; s'il se pouvait dire, certes, je dirai qu'inséparablement, plus que jamais, je suis tout vôtre, sans condition, ni réserve.




LETTRE CCCXL.

MADAME DE CHANTAL, A S. FRANÇOIS DE SALES.

(Tirée des lettres de madame de Chantal.)

Sa résignation sur la mort de madame la baronne de Torens, sa fille.

Après le 10 septembre 1617.

La paix de notre Seigneur, avec son éternelle bénédiction, soit toujours au milieu de votre coeur, mon vrai très-cher père.. Certes, la médecine spirituelle que ce bon Sauveur nous a donnée, a fait encore aujourd'hui son effet avec la corporelle; mais l'une et l'autre avec tant de douceur, que je n'en ressens que fort peu de lassitude. Je me sens même soulagée, mon unique père, de ces maux de coeur, et mon esprit demeure tout plein de douceur et de suavité dans sa soumission et son amour pour la volonté divine, laquelle j'ai toujours plus de désir de voir, régner souverainement en notre sainte unité.

Mais, mon Dieu! nonobstant cela, je vois et je sens combien cette fille était véritablement l'enfant parfaitement aimé de notre coeur, combien elle le sera toujours et avec justice, ce me semble. C'est un soulagement nonpareil pour moi dans cette douleur, de sentir cet amour où vous l'avez placée, comme une goutte d'eau précieuse dans un grand océan.

Je me soulage encore de vous dire ceci, mon unique et très-bon père : Dieu soit loué ! mais je le dis de toute mon âme, en paix et en douceur, et avec une très-grande connaissance et, reconnaissance de la grâce que sa bonté nous à faite de nous donner une telle enfant, et de l'avoir attirée à soi si heureusement. Vraiment cette croix est très-précieuse, et celle de madame la duchesse bien riche, et pour sa valeur, et pour l'honneur du témoignage de sa protection. Je veux le bien dire à tout le monde ; car il nous sera utile, mais pour un peu de temps. Il me semble que je devrais me retrancher de parler tant de feu notre pauvre petite; car le contentement que j'y prends me laisse toujours de l'attendrissement, mon père, mon unique-père, et tout ce que-vous savez que vous m'êtes. Ceci me sera un petit restaurant de vous avoir un peu parlé ; car enfin, tout ce qui est ici-bas de créé n'est maintenant rien du tout pour moi en comparaison de mon père très-cher. Monseigneur, votre très-humble, etc.



LETTRE CGCXLI, AU PAPE PAUL V (minute).

1361

Annecy, 17 septembre 1617.

prat suam sanctitatem, liceat piis diva) -Garce virgi-nibus, justas ob causas, bona communia possidere.

Beatissime pater, exstant in hàc dioecesi Ge-bennensi duo monasteria ordinis sanctae Clara,-quorum unum ex civitate Gebennensi in civita-tem Anneciaeensem, alterum ex oppido Orbiensv in oppidum Aqitianense, hoereticorum injuria et violentià ante sexaginta annos expulsa, secesse-lunt.

Clinique sordres dictorum monasteriorum, inter varias et frequentissimas paupertatis et men-dicitatis cerumnas, vitam hactenus utcumquè traxerint et sustentavërint ; nunc tamen, post tôt haereticorum incursiones, ac diuturnorum bellorum clades, cum dioecesis ista, miseranda pau-pertate vexata, illarum mendicitati occurrere deinceps minime valeat.

Ad pedes beatitudinis vestrae humiliter pros-tratoe, illius providentiam apost'olicam summis votis orant, ut in posterum, per cjus placitum et dispensatioricm, illis liceat praedia et alia bona im-mobilia in communi possidere.

Quemadmodum cum aliis ejusdem ordinis sororibus, Gratianopoli degentibus, minusque egen-tibus, proapostolicresedis patenta charitate, dis-pensatum esse omnès probi rerum spiritualium ;estimatores laudaverunt.

Sic enim fict ut molestissimis anxietatibus ani-îni, quai ih tantà rerum omnium inopià spiritum propemodum extinguurit, liberata; et solutoe, ala-criter in caiteris regulis sut ordinis adamussim sërvàndis, ac Dei laudibus celebrandis, neenon pro Ecclesià precibus fundendis, longé felicius, facilius, et attentius incumbant et persévèrent.



Il le supplie d'accorder dispense aux soeurs de Sainte-Claire, afin qu'elles puissent posséder des biens en commun.



Très saint père, il y a dans ce diocèse de Genève deux monastères de l'ordre de Sainte-Claire, l'un desquels a été transféré de la ville de Genève en celle d'Annecy, et l'autre, de la ville d'Orbe en celle d'Evian, les religieuses ayant été chassées de leurs maisons par la fureur des hérétiques, il y a plus de soixante ans.

Ces pauvres filles, après avoir éprouvé tout ce que l'extrême pauvreté et la mendicité entraînent de misères après elles, étaient venues dans ce diocèse dans l'espérance d'y trouver quelque soulagement dans leur nécessité; mais ce pays est tellement épuisé lui-même par les fréquentes incursions des hérétiques, et par une longue suite de guerres, fléaux toujours accompagnés de ravages et de ruines, qu'elles n'ont plus d'autre ressource que votre sainteté.

Prosternées humblement à ses pieds, elles implorent sa charité apostolique, qui sait si bien pourvoir à tous les besoins de ses enfants, à ce qu'il lui plaise leur donner dispense pour posséder en commun des terres et d'autres biens immeubles.

C'est ce que les casuistes les plus éclairés dans la vie spirituelle ont approuvé,- et ce que la bonté paternelle du Saint-Siège a déjà accordé aux religieuses claristes de Grenoble, quoique moins pauvres et moins à plaindre que celles-ci.

Par ce moyen, affranchies du chagrin qui les ronge, et de l'extrême indigence de toutes choses, qui éteint presque en elles l'esprit de Dieu, elles se porteront avec joie à l'observation de leurs autres règles, à célébrer le divin office, et à prier Dieu pour toute l'Église ; enfin elles persévéreront à servir Dieu avec plus de progrès, de facilité et d'attention. J'ai l'honneur d'être, avec le plus profond respect, très-saint père, etc.



LETTRE CCCXLII, AU CARDINAL BELLARMIN. Même sujet que la précédente (minute).

1362
Annecy, 17 septembre 1617.

Habemus hic monasterium unum sanctoe Clara, et alterum Aquiani, in quibus sorores jejuniis, vigiliis, pedum nuditate, ac multis aliis corporis macerationibus, Deo optimo maxime servire conantur : cumque mendicatis hiuç indè eleemo-synis hactenus quamvis aîgerrimè, inter mutes et frequentissimas oegritudines, utcumquè vixe-rint; nunc demum res ad cum statum redacta est, ut nullà prorsus ratione earum victui provi-deri possit, nisi sedes apostolica cum eis dispensais dignetur, ut in communi pradia et alia bona immobilia possidere possint.

Nani triginta aiinoruin hélium durissimuin, ac crubrat infeslissima;quc luereticorum incursiones effecerunt, utinhâc Gebcnnensidioecesi deiuccps inveniri non possint eleemosynaj, quoe mpnaste-riis istis sustentanclis et alendis sufficere queant.

Mitto meudicitatcm fcminarum, ut experimento certissimo constat, acerrimissollicitudinibus.con-tinuis, immoderalis ac melancolicis cogitationi-bus, importunis de modo quoerendi et habendi iHventionibus, et inquietissimisanxictatibus, ple-nissiraam esse.

Quare videns paupertatem hanc extremam in-teriori plurimum obesse,. nequc posse moniales istas diutius in proposito pcrseverare, nisi "de rernedio opportuno illisà sedeapostolicâ providea-tur, quamvis non mihi, sed ordini fratrum mino-i'uib, cura illarum iucumbat, nolui tarnen com-mittere quin earnm super-hàc re supplieationem et procès, quas sanctissimo domino nostro ofTerre intendant, meis etiam humillimis votis adjuva-rem apud dominalionis vestroe illustrissime cle-mcnliam,quamillis summoperècupiopropitiam.

Eamdem intérim obiter admoneus, in istis mo-nasteriis mulierum hujus provincioe nullo modo observari concilii tridentini salubertïma décréta de confessario extraordinario bis tcrve in anuo mohialibus dando, et de puellis feminisve ante professiouem ab episcopo. probandis. Quin etiam, quando per jubiloeum cuicumque licetqucm ma-luerint, abordinario approbatum, confessarium eligere, per summum nefas istis huée via solandi conscientias suas intereluditur.

Atque hoc illustrissima) dominationi vestroe aperuisse satis sit. Deus autem ipsam quàm diutissimé servet incolumen, cujus sacras manushu-millimè exosculor.



Monseigneur,

1. nous avons ici (à Annecy) un monastère de religieuses de Sainte-Claire, et un autre à Evian, dont les soeurs servent Dieu par leurs jeunes et leurs veilles, en marchant nu-pieds et pratiquant plusieurs autres mortifications. Elles ont jusqu'à présent traîné une vie languissante, et ont été affligées par de fréquentes maladies ; ce qui n'est pas surprenant, n'ayant d'autre moyen pour vivre que des aumônes mendiées de tous cotés, qu'elles n'arrachent qu'avec peine. Mais à présent la misère est si grande, qu'elles sont réduites à mourir de faim, à moins que le Saint-Siège ne veuille bien leur permettre d'avoir des fonds et des biens immeubles en commun.

2. Le fléau d'une guerre de trente ans et les violentes incursions des hérétiques, sont cause que ce pauvre diocèse ne peut plus suffire à sustenter et nourrir les religieuses de ces monastères.

Je ne parle point de ce que l'expérience nous apprend de la mendicité des femmes : on sait qu'elle est toujours remplie de sollicitudes continuelles, de soins immodérés, de chagrins aigus et de pensées mélancoliques ; on n'ignore pas les moyens fâcheux qu'il faut employer pour se procurer ses besoins, et le trouble qui en résulte pour la conscience.

3. Voyant donc combien cette pauvreté extrême est nuisible à la vie intérieure, et que ces religieuses ne peuvent persévérer longtemps dans la sainteté de leur profession, à moins que le Saint-Siège n'y pourvoie d'une manière convenable; quoique ces filles ne soient pas sous ma juridiction, mais qu'elles soient dirigées par les frères mineurs, je n'ai pas voulu manquer d'ajouter mes très humbles prières à celles qu'elles présentent à sa sainteté, et de recommander cette affaire à votre éminence, que je supplie instamment leur être favorable.

4. Je me sers de la même occasion, monseigneur, pour vous faire savoir qu'en ces monastères de cette province on n'observe point les décrets du saint concile de Trente touchant le confesseur extraordinaire que l'on doit accorder deux ou trois fois l'année aux religieuses, et touchant l'examen des filles par l'évêque, avant qu'elles fassent profession. A l'égard du premier point, quoique dans le temps du jubilé il soit permis à toutes sortes de personnes de se choisir un confesseur tel qu'elles le jugent à propos, on a la méchanceté de priver ces chères filles de cette consolation, pour l'acquit de leur conscience.

Je pense qu'il suffit d'avoir découvert ces abus à votre éminence, pour qu'elle y apporte le remède. Je prie Dieu qu'il vous conserve longtemps dans une parfaite santé; et, vous baisant les mains, je demeure avec un profond respect, monseigneur, de votre éminence, etc.


LETTRE CGCXLHI, A UN ECCLÉSIASTIQUE.

L'une des principales propriétés de l'amitié est la constance. Avantage de l'amitié chrétienne sur celle des enfants du siècle ; tendresse du Saint.


Septembre 1617.

Entre les incertitudes du bien-aimé voyage qui nous devait assembler pour plusieurs mois, monsieur mon très-chère frère, je ne regrette rien tant que de voir différer le bonheur que nos coeurs se promettaient de se pouvoir entretenir à souhait sur leurs saintes prétentions ; mais le monde et toutes ses affaires sont tellement sujets aux lois de l'inconstance, qu'il nous en faut souffrir l'incommodité, tandis que nos coeurs disent, Non movebor in oeternum (Ps 29,2-3) : non, rien ne nous ébranlera en l'amour de la croix, et en la chère union que le crucifix a faite de nos esprits. Mais voici le temps qu'il faut employer l'avantage de notre amitié au-dessus de celle des enfants de ce monde, et la faire vivre et régner glorieusement, nonobstant l'absence et division des séjours ; et cela à cause que son auteur n'est point lié au temps ni au lieu. Certes, mon très-cher frère, ces amitiés sacrées que Dieu a faites sont indépendantes de tout ce qui est hors de Dieu.

Or, si j'étais véritablement Théophile, comme votre grand prélat m'appelle, plus selon la grandeur de sa charité que selon la connaissance qu'il a de mes infirmités, que je vous serais agréable, mon très-cher frère ! mais si vous ne me pouvez aimer, parce que je ne le suis pas, aimez-moi afin que je le sois, priant notre grand Androphile qu'il me rende par ses prières son Théophile. J'espère d'aller faire dans quelques jours un peu de saint repos auprès de lui, qui est notre commun phénix, pour odorer les bluettes de cinnamome dans lesquelles il veut mourir, pour plus heureusement revivre parmi les flammes de l'amour sacré, duquel il est écrit les saintes propriétés dans une histoire qu'il compose.

Mais qui vous a pu dire que nos bonnes soeurs de la Visitation ont été traversées pour leurs places et bâtiments! O mon cher frère ! Dominus refugium factus est nobis (Ps 39,1) : Notre Seigneur est te refuge de leur esprit ; ne sont-elles pas trop heureuses ? et comme notre bonne mère, toute vigoureusement languissante, me dit hier, si les soeurs de notre congrégation sont bien humbles et fidèles à Dieu, elles auront le coeur de Jésus, leur époux crucifié, pour demeure et séjour en ce monde, et son palais céleste pour habitation éternelle.

Il faut que je dise à l'oreille de votre coeur, si amoureusement aimé du mien, que j'ai une suavité d'esprit inexplicable, de voir la modération de cette chère mère, et le désengagement total des choses de la terre qu'elle a témoigné parmi toutes ces petites traverses (2). Je dis ceci à votre coeur seulement; car j'ai fait résolution de ne rien dire de celle qui a entendu la voix du Dieu d'Abraham : Egredere de terra tua, et de cognatione tua, et de domo patris tui, et veni in terrant quam monstrabo tibi (Gn 12,1). En vérité, elle le fait, et plus que cela. Or, il me reste de la recommander à vos prières, parce que les fréquents assauts de ses maladies nous donnent souvent des assauts d'appréhensions, bien que je ne cesse d'espérer que le Dieu de nos pères multipliera sa dévote semence (1) comme les étoiles du ciel et le sablon qui se voit sur l'arène des mers.

Mais, mon Dieu ! c'est trop dire en ce sujet, où je ne voulais rien dire : toutefois c'est à vous, à qui toutes choses peuvent être dites, puisque vous avez un coeur incomparable en dilection pour celui qui, avec un amoureux respect, vous proteste qu'il est incomparablement, monsieur, etc.


(2) La mort de madame la baronne de Torens qui arriva au mois de septembre de l'année 1617.
(1) C'est-à-dire, ses dévotes filles, comme les étoiles du ciel et le sable qui est sur le bord de la mer.



LETTRE CCCXLIV, A M. DE FORAX, GENTILHOMME DE LA CHAMBRE DE M. LE DUC DE NEMOURS.

1366
(Tirée de la congrégation des Jésuites, rue Saint-Antoine.)

Il l'engage à demander, pour les religieuses de la Visitation d'Annecy, un emplacement nommé le Pré-Lombart, appartenant à M. le duc de Nemours.


Annecy, 27 septembre 1617.

Monsieur mon frère,

vous recevrez par M. Rousselet une de mes lettres, par laquelle je vous supplie de nous assister vers Monsieur, pour obtenir le Pré-Lombard (2) en faveur des soeurs de la Visitation; et nous vous ouvrons un expédient, qu'au moins il lui plaise de permettre que les susdites dames en eussent la moitié pour donner en échange aux pères de Saint-Dominique
1359 , gardant l'autre moitié pour en faire ce que sa grandeur voudrait.

Mais me doutant que ces pères de Saint-Dominique ne voudront pas lâcher ce dont nous avons besoin, si on ne leur donne tout le susdit pré, je vous supplie de faire ce qui sera bonnement à faire, afin que Monsieur se contente que nous leur puissions donner le tout. Que s'il ne se peut, alors on pourra parler de la moitié. Vous voyez, mon cher frère, comme je traite avec vous, car j'écris ceci furtivement, sans que personne le sache, parce que le porteur ne me donne nul loisir. Mon coeur salue et embrasse le vôtre, et je suis invariablement votre, etc.


 (2) Ce Pré-Lombard était une île spacieuse, acquise autrefois par Henri de Savoie, fils de Jacques, duc de Nemours, qui, par l'absence des princes, et la négligence que l'on avait apportée à la défendre du débordement des eaux, était devenue presque un marais. S. François de Sales ne put l'obtenir ; mais après sa mort, l'an 1644, la mère de Blonay l'obtint par l'entremise de madame la duchesse de Montmorency, qui voulut payer à madame de Nemours 2000 livres que cette place avait coûté ; mais madame de Nemours en fit présent aux dames de la Visitation, au nom du duc son mari.
Vie de la mère de Blumy, par Ch.-Aug, de Sales, c. ï»hi.




LETTRE CCCXLW

S. FRANÇOIS DE SALES, A LA MÈRE FAVRE, SUPÉRIEURE DU MONASTÈRE DE LA VISITATION, A LYON.

M. l'archevêque de Lyon ayant sollicité S. François de Sales de souffrir que sa congrégation des filles Sainte-Marie fût érigée en titre de religion, le Saint écrit en conséquence à la supérieure de la maison de Lyon, et l'exhorte à se soumettre au sentiment du pieux archevêque.


Octobre 1617.

Ma très-chère fille, si monseigneur l'archevêque vous dit ce qu'il m'a écrit, vous lui répondrez que vous avez été laissée là pour servir à l'établissement de votre congrégation de tout votre petit pouvoir ; que vous tâcherez de bien conduire les soeurs selon les règles de la congrégation ; que, s'il plaît à Dieu après cela que cette congrégation change de nom, d'état et de condition, vous vous en rapporterez à son bon plaisir, auquel toute la congrégation est entièrement vouée ; et qu'en quelque façon que Dieu soit servi en l'assemblée en laquelle vous le servez maintenant, vous serez satisfaite.

Et en effet, ma très-chère fille, il faut avoir cet esprit-là en notre congrégation ; car c'est l'esprit parfait et apostolique. Que si elle pouvait être utile à établir plusieurs autres congrégations de bonnes servantes de Dieu, sans jamais s'établir elle-même, elle n'en serait que plus agréable à Dieu; car elle aurait moins de sujet d'amour-propre. Sur les points qu'il me propose, hors lesquels il ne veut pas établir notre pauvre congrégation en son diocèse, je lui laisse le choix sans réserve quelconque. Il est du tout indifférent que le bien de la congrégation se fasse de cette façon ou de cette autre, bien que j'eusse eu une spéciale suavité au titre de simple congrégation, où la seule charité et crainte de l'Époux servirait de clôture.

J'acquiesce donc que nous fassions une religion formelle : mais, ma très-chère fille, je vous parle avec la totale simplicité et confiance de- mon coeur, je fais cet acquiescement avec une douceur et tranquillité, ains avec une suavité nonpareille; et non-seulement ma volonté, mais mon juger ment a été bien aise de rendre l'hommage qu'il doit à celui de ce grand et digne prélat.

Car, ma fille, que prétends-je en tout ceci, sinon que Dieu soit glorifié, et que son saint amour soit répandu plus abondamment dans le coeur de ses âmes qui sont si heureuses que de se dédier toutes à Dieu? Croyez, ma très-chère fille, j'aime parfaitement notre pauvre petite congrégation ; mais sans anxiété, sans laquelle l'amour n'a pas accoutumé de vivre pour l'ordinaire : mais le mien, qui n'est pas ordinaire, vit, je vous assure, tout-à-fait sans cela, avec une très-particulière confiance que j'ai en la grâce de notre Seigneur. Sa main souveraine fera plus pour ce petit institut, que les hommes ne peuvent penser, et je suis, plus que vous ne sauriez croire,, vôtre.

Au reste, que diriez-vous de nos affections domestiques? Ce n'est pas l'aimable belle-soeur de Torens que vous aviez vue, c'est une soeur toute autre que nous avons vu trépasser ces derniers jours. Car dès un an en çà elle était tellement perfectionnée, qu'elle n'était plus connaissable, mais surtout depuis sa viduité, qu'elle s'était vouée à la Visitation. Aussi, mon Dieu : quelle fin a-t-elle faite! Certes la plus sainte, la plus suave et la plus aimable qu'il est possible de s'imaginer. Je la chérissais d'un amour infiniment plus que fraternel : mais ainsi qu'il a plu au Seigneur, ainsi doit-il être fait; son saint nom soit béni. Amen.



LETTRE CCCXLYI, A MADAME DE GRANIEU.

1367
Le Saint lui recommande la paix de l'âme et la confiance en Dieu.

Annecy, Septembre-Octobre 1617.

1. Je crois fermement, ma très-chère fille, que votre coeur reçoit de la consolation de mes lettres, qui vous sont aussi écrites d'une affection non pareille, puisqu'il a plu à Dieu que ma dilection envers vous fût toute paternelle, selon laquelle je ne cesse de vous souhaiter le comble de toutes bénédictions : tenez bien votre courage relevé.

Je vous supplie, ma très-chère fille, en la confiance que vous devez avoir en notre Seigneur, qui vous a chérie, vous donnant tant d'humbles attraits à son service ; et vous chérit en vous les continuant, et vous chérira en vous donnant la sainte persévérance.

Je ne sais, certes, comment les âmes qui se sont données à la divine bonté, ne sont toujours joyeuses: car y a-t-il bonheur égal à celui-là? Ni les imperfections qui vous arrivent ne vous doivent point troubler ; car nous ne les voulons point entretenir, et ne voulons jamais y arrêter nos affections. Demeurez donc bien en paix, et vivez en douceur et humilité de coeur.

2. Vous avez bien su, ma très-chère fille, toutes nos petites affections, lesquelles j'aurais bien sujet de nommer grandes, si je n'eusse vu un amour spécial de Dieu envers les âmes qu'il a retirées d'entre nous ; car mon frère mourut comme un religieux entre les soldats
1319 ; ma soeur, comme sainte entre les religieuses 1353 . C'est seulement pour les recommander à vos prières que j'en touche ce mot.

Monsieur votre mari a bien raison, s'il m'aime; car je le veux à jamais honorer 1430 : et vous, ma très-chère fille, je m'imagine que vous m'affectionnez toujours cordialement, et votre âme vous répondra pour moi que je suis vôtre, puisque notre Seigneur et créateur de nos esprits a mis cette liaison spirituelle entre nous. Qu'à jamais son saint nom soit béni, et vous rende éternellement sienne, qui est le souhait continuel, ma très-chère fille, de votre, etc.




F. de Sales, Lettres 1319