Bernard sermons 7038

TRENTE-HUITIÈME SERMON (a). II. Sur le travail de la moisson, à l'occasion de ces paroles de l'Apôtre «Tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu.»

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a Dans les Fleurs de saint Bernard, ce sermon est intitulé le premier des sermons de consolation aux frères; le sermon suivant est porté comme le second.


1. Nous semblons être pauvres, et nous le sommes en effet; mais si nous avons reçu l'esprit qui vient de Dieu qui nous fasse savoir quels dons nous tenons de Dieu, nous avons, reçu de lui une grande gloire, il nous a conféré une grande puissance. Il est dit: «il a donné à tous ceux qui l'ont reçu le pouvoir d'être enfants de Dieu (Jn 1,12).» Est-ce que nous n'avons pas reçu cette puissance, quand l'univers entier est à notre service? l'Apôtre savait bien qu'il en était ainsi quand il s'écriait: «Tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu (Rm 8,28).» Mais peut-être quelqu'un d'entre vous rue dira-t-il: Que m'importe à moi? Peut-être se dira-t-il dans la faiblesse de son coeur Que ceux en qui vit un grand amour pour lui, et qui se trouvent de grands sentiments de charité , se flattent d'avoir reçu le pouvoir des enfants de Dieu; que ceux qui l'aiment en vérité, présument que tout contribue pour eux au bien; mais moi je suis pauvre et dans le dénuement, je ne ressens aucun des sentiments d'un fils, je suis privé de la dévotion qu'il faudrait avoir pour cela. Eh bien, remarquez la suite, celui qui a dit quelque part: «afin que nous conservions une espérance ferme par la patience et par la consolation que les Écritures nous donnent (Rm 15,4),» n'a pas voulu nous laisser, dans la sainte Écriture, un motif de désespoir. Ce sentiment que vous cherchez, c'est la paix, non point la patience, il ne se trouve que dans la patrie, non pas dans la voie qui y mène, et ceux qui y sont arrivés n'ont plus besoin que l'Écriture les console.

2. Que la patience et les consolations que nous puisons dans les Écritures nous donnent donc bonne espérance, quand bien même nous ne pourrions pas encore obtenir la paix. Voilà pourquoi, en effet, après avoir dit que tout contribue au bien de ceux qui aiment Dieu, l'Apôtre ajoute avec sagacité: «De ceux qu'il a appelés, selon son décret, pour être saints (Rm 8,28).» Que le mot de saint ne vous effraie point, puisqu'il ne s'agit pas de saints qui soient saints par leurs mérites, mais de saints qui ne sont saints que selon son décret.

L'Apôtre ne les appelle pas saints à cause de leurs sentiments, mais à cause de leur intention, dans le même sens que le Psalmiste disait: «Gardez mon âme, parce que je suis saint (Ps 85,2).» Quant à la sainteté dont vous voulez parler, Paul lui-même, tant qu'il se sentait chargé du poids de sa chair corruptible, ne pensait pas qu'il l'eût acquise. Il dit, en effet «: Tout ce que je fais maintenant, c'est que, oubliant ce qui est derrière moi, et m'avançant vers ce qui est devant moi, je cours incessamment vers le prix de ma vocation céleste (Ph 3,13).» Ainsi, vous le voyez, il n'avait pas encore obtenu la palme, mais il n'en avait pas moins déjà la sainteté du projet, et le projet de la sainteté. Et vous, par conséquent, si vous êtes dans la résolution de vous éloigner du mal et de faire le bien; de persévérer dans la voie où vous êtes entrés, et faire des progrès toujours en mieux, et dans le cas où il vous arriverait d'agir moins bien que vous ne vous l'étiez proposé, comme il n'arrive que trop souvent à la fragilité humaine, de ne point persévérer dans le mal, mais de vous repentir et de vous en corriger, autant que vous le pouvez, vous serez saints aussi, n'en doutez pas, mais en attendant vous devrez encore vous écrier aussi: «Gardez mon âme, Seigneur, parce que je suis saint.»

3. Voulez-vous savoir comment tout contribue au bien pour ces saints-là? Je ne veux point passer tout en revue, parce que l'heure ne me permet pas de vous faire un long sermon. Il nous faut partir, je viens d'entendre la cloche qui nous appelle, l'heure des vêpres est arrivée. Écoutez donc, en quelques mots seulement, comment tout contribue au bien pour nous, comment tout nous sert. Que nos ennemis en jugent, et s'ils sont eux-mêmes pour nous, qui sera contre nous? Oui, si nos ennemis travaillent pour nous, comment tout le reste ne contribuerait-il pas à notre bien avec eux?

4. Or, nous avons, comme on le voit clairement, deux sortes d'ennemis qui s'élèvent contre nous, je veux parler du mal que nous faisons, et du mal que nous souffrons, ou, en termes plus clairs encore, ce sont nos fautes et les châtiments de nos fautes. Aussi, bien que les unes et les autres soient contre nous, ils seront pour nous si nous le voulons: c'est-à-dire ceux-ci nous délivreront de celles-là, et ne nous aideront pas peu contre elles. En effet, nous sommes touchés de componction dans nos coeurs, et dans le lit de nos consciences, à cause de nos fautes passées, la pénitence et le châtiment volontaire que nous souffrons, nous rend l'espoir du pardon, brise les dents de nos péchés qui nous rongent, et répand de l'huiles ur les plaies de notre conscience, non-seulement elle efface les péchés passés, mais elle les repousse même pour l'avenir. En effet, elle écarte les vices qui nous tentent, et même, elle en écarte si bien quelques-uns qu'il est bien rare qu'ils osent relever leur tête empoisonnée, si tant est qu'ils l'osent jamais. Vois comment la peine même du péché travaille pour nous contre le péché, et fait ou qu'il n'existe plus, ou du moins qu'il soit moindre. La faute, de son côté, agit aussi de manière à rendre la peine ou mille, ou plus petite; non pas de manière à la faire disparaître complètement, c'est-à-dire à en amoindrir la quantité, ce qui ne serait pas du tout expédient, mais elle fait en sorte ou qu'elle ne soit plus une peine, ou qu'elle soit moindre, je veux dire ou qu'elle ne soit plus, ou du moins qu'elle soit moins lourde. En effet, quiconque sent parfaitement le poids du péché, et la blessure qu'il fait à l'âme, sent peu les blessures du corps, ou même ne les sent plus du tout. Il ne regardera même plus comme une peine ce qu'il saura le purifier de ses péchés passés, et le prémunir contre le péché dans l'avenir. C'est ainsi que David, ce saint roi, ne comptait pour rien les injures dont un de ses serviteurs le couvrait, en songeant que son fils même le poursuivait (2S 16,11).


TRENTE-NEUVIÈME SERMON. III. Sur le travail de la moisson: sur les deux tables, ou sur les deux ruisseaux, le supérieur et l'inférieur.

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1. Mes frères, le travail que nous faisons nous rappelle notre exil, notre pauvreté et notre iniquité. Pourquoi sommes-nous, tant que dure le jour, aux prises avec la mort, dans des jeûnes réitérés, dans des veilles fréquentes, dans les fatigues, et dans toutes sortes de peines? Est-ce pour cela que nous avons été créés? Non certes, car si l'homme est né pour le travail, ce n'est pas pour le travail qu'il a été créé. Sa naissance est dans le péché, voilà pourquoi elle est aussi dans le châtiment. Il nous faut tous gémir avec le Prophète, et dire: «J'ai été conçu dans l'iniquité, et c'est dans le péché que ma mère m'a conçu (
Ps 50,7).» Notre création était étrangère à l'une et à l'autre, car Dieu n'a pas plus fait la peine qu'il n'a fait la faute, nous en avons d'ailleurs pour garant le témoignage même des Écritures, qui nous disent, en parlant de la mort, la plus grande de toutes les peines: «C'est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde (Sg 2,24);» et ailleurs: «Ce n'est pas Dieu qui a fait la mort (Sg 2,13).» Aussi, de même que, pendant que les mains travaillent, l'oeil ne se ferme pas, et l'oreille ne cesse point d'entendre, ainsi, et même à plus forte raison, pendant que notre corps travaille, notre âme doit-elle être tout entière à son oeuuvre, et ne point se laisser aller au repos. Qu'elle se représente la cause de son travail, pendant qu'elle l'accomplit, afin que la peine qu'elle endure lui rappelle la faute pour laquelle elle l'endure, et qu'en voyant les bandages de ses blessures, elle songe aux blessures mêmes qui se cachent dessous. C'est, en effet, par ces pensées que nous nous humilions sous la main puissante de Dieu, et que notre âme, pleine d'une douce piété, se montre misérable à ses yeux. Voilà pourquoi l'Écriture nous dit: «Ayez pitié de votre âme, et vous plairez à Dieu (Si 30,24).» Or, il n'y a pas de doute que la misère qui réussit à plaire à Dieu, ne puisse facilement obtenir sa miséricorde. Et ne disons point: Pour quel motif aurions-nous pitié de nos âmes? car si nous ne fermons pas sottement les yeux, nous pourrons aisément trouver en elle bien des choses dignes de pitié.

2. Je ne vous dis qu'une chose, afin de paraître vous avoir donné l'occasion de penser et de remarquer le reste de la même manière. Ne vous semble-t-il pas que nous nous trouvons placés, spectateurs faméliques, entre deux tables, entourées de convives qui mangent quand nous sommes à jeun? Oui, il en est ainsi, voilà dans quelle position nous sommes. Or, en cet état d'où viennent ces rires, cette légèreté, cet orgueil, et ces regards arrogants? Est-ce que par hasard nous ne reconnaissons point ces tables, est-ce que nous ne voyons point ces repas et ces délices? De ce côté, il me semble voir ceux qui vivent au milieu des délices et des biens de ce monde sensible, et de l'autre apercevoir ceux à qui le Christ a disposé un royaume pour qu'ils boivent et mangent à sa table dans le royaume de son père. Des deux côtés je vois des hommes semblables à moi et qui sont mes frères; et, malheureux homme que je suis, il ne m'est pas permis d'étendre la main vers l'une ni vers l'autre table. Je me sens éloigné de ces deux tables, de l'une par le lien de ma profession, et de l'autre par celui de mon corps, je n'ose aller m'asseoir à la petite table, et ne puis aller à la grande. Que me reste-t-il à faire dans cette conjoncture, sinon à manger le pain de la douleur, à faire, jour et nuit, mon pain de mes larmes; peut-être un des convives célestes, touché de compassion, jettera-t-il quelques reliefs de ces délices à ce petit chien qui aboie sous la table. Car cette considération inférieure par laquelle nous compatissons à nos maux, est le propre d'une âme faible encore aux yeux de ceux que nous voyons vivre au sein des délices dans ce siècle, mais ce sentiment ne me plaît pas beaucoup dans une âme spirituelle. En effet, on est bien loin du jugement de la vérité, quand on estime heureux ceux qu'on devrait pleurer comme très-malheureux, qui pèchent et ne font point pénitence: on s'en éloigne encore lorsqu'on se croit soi-même malheureux, non pas par l'effet d'un jugement sain, mais d'un sentiment de l'âme, parce qu'on ne ressemble pas à ceux qui devraient bien plutôt désirer tous d'être semblables à nous.

3. Il y a pourtant quelque chose qui peut être loué dans cette pensée-là, c'est de supporter avec patience, soit par amour, soit par crainte de Dieu, ce qu'on regarde comme la misère même, et de dire avec un certain amour à Dieu: «J'ai eu soin de garder des voies dures à cause des paroles de vos lèvres (Ps 16,4).» Or, cette pensée est la pensée des commençants, c'est comme le lait pour les petits enfants; mais quand l'âme a fait quelques progrès et commence à suivre avec amour le jugement de la raison, il est hors de doute qu'elle estimera tout le reste comme une peste et comme du fumier, et qu'elle pleurera avec le Prophète sur ceux qui ont embrassé des ordures (Lm 4,5). Pour elle, au contraire, avec un saint et humble orgueil, elle méprisera tout cela, et, placée dans une grande élévation d'esprit, elle n'appellera plus bienheureux ceux qui possèdent tous ces biens, elle les appellera très-malheureux, et elle ne verra d'heureux que ceux dont le Seigneur est le Dieu. Mais en même temps qu'en se comparant aux premiers, elle se sent touchée de pitié pour leur sort, elle en trouvera d'autres à qui elle ne pourra se comparer sans avoir à son tour pitié d'elle-même, en voyant leurs célestes richesses et leurs jouissances dans la main du Seigneur jusqu'à la fin des siècles. Voilà comment il se fait que ceux qui, après avoir versé d'abondantes larmes du canal intérieur, gémissaient en disant: «Nous mourons tous les jours à cause de vous (Rm 8,36);» et en ont répandu de plus abondantes encore du canal supérieur en s'écriant: «Que je suis malheureux, mon exil se trouve prolongé! (Ps 119,5)!»



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QUARANTIÈME SERMON (a). Les sept degrés de la confession.

a Ce sermon et le suivant se trouvent placés parmi les sermons apocryphes de saint Bernard dans l'édition de Lyon de 1514; ils ne rappellent pas en effet son style. Toutefois, il ne nous a pas paru d'une grande importance de le replacer parmi les apocryphes, d'abord parce que le manuscrit du Vatican portant le numéro 663, le place parmi les sermons divers de notre Saint, et puis, parce qu'ils se terminent l'un et l'autre par la formule familière de saint Bernard, et enfin parce que le second reproduit, numéro 12, la doctrine de notre Saint sur l'état des âmes justes après la mort. Cette remarque s'applique aussi au sermon qui vient après les deux dont nous venons de parler et qui est aussi attribué à saint Bernard dans le manuscrit du Vatican cité plus haut.


1. «Vous m'avez fait connaître les voies de la vie, vous me comblerez de joie par la vue de votre visage, et je goûterai éternellement les délices de votre droite (Ps 15,10).» Nous nous présentons volontiers à vous, Seigneur Jésus, vous êtes notre maître et nous sommes vos disciples; vous êtes le médecin et nous sommes infirmes; vous êtes le Seigneur et nous sommes vos serviteurs. Oui, vous êtes maître et Seigneur, et si votre école est sur la terre, votre chaire est dans les cieux. Vous êtes ce médecin célèbre qui d'un mot guérit toutes les maladies. Seigneur, montrez-nous vos voies et enseignez-nous vos sentiers (Ps 24,4); «car vos voies sont belles, et vos sentiers sont pacifiques (Pr 3,17).» Heureux ceux qui marchent dans vos voies, Seigneur des vertus: plus heureux ceux qui courent dans les sentiers de vos commandements, dans l'odeur de vos parfums. Vous vous élancez, en effet, comme un géant, pour parcourir sa carrière, et non-seulement vous courez, mais vous bondissez dans les montagnes, vous franchissez les collines (Ps 18,6). Les géants qu'on nomme philosophes se sont élancés aussi, mais ce ne fut pas pour parcourir la carrière, ce fut pour chercher une vaine gloire; ils se perdaient, dans le vague de leurs pensées, dans une humilité et dans des vertus à eux, non à voles, car ils ne connaissaient point les voies de la sagesse, et n'avaient aucun souvenir de ses sentiers (Ba 3,14). Elle n'a point été entendue dans Chaman, ni vue dans Theman (Jb 21,14). Maudits ceux qui ont dit au Seigneur Jésus: Èloignez-vous de nous, nous ne voulons point connaître vos voies. Pour nous, Seigneur, c'est vous que nous cherchons tous les jours et nous voulons connaître vos voies.

2. Vos principales voies sont au nombre de deux, ce sont la confession et l'obéissance; dans la confession tout est lavé, dans l'obéissance les vertus se fortifient. C'est un bel ornement pour l'âme que la confession qui purifie le pécheur, et rend le juste plus pur qu'il n'était: S'il y a des péchés, ils se trouvent lavés dans la confession, s'il y a du bien c'est encore dans la confession qu'il grandit. Quand vous confessez vos péchés, vous offrez à Dieu le sacrifice d'un coeur contrit; et lorsque vous confessez les bienfaits de Dieu, vous lui offrez un sacrifice de louange. Supprimez la confession, le juste est trouvé ingrat, et le pécheur est réputé mort, par conséquent la confession est la vie du pécheur et la gloire du juste. Je vois David s'écrier: «J'ai péché,» et il s'entend dire aussitôt: «Le Seigneur vous a déchargé de votre péché, et vous ne mourrez point. (2S 12,13).» Je considère Marie confessant ses péchés, sinon de bouche du moins par ses rouvres, et j'entends le Seigneur répondre pour elle et dire: «Il lui a été beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé (Lc 7,47).» Je jette les yeux sur le prince des apôtres qui nie dans un moment de crainte, qui pleure ensuite . avec amertume, et je vois le Christ qui le reçoit en grâce (Lc 22,62). J'aperçois le bon larron qui s'accuse, le Christ l'excuse, et le Seigneur lui fait cette promesse: «Aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis (Lc 23,43).» O combien est sublime cette confession par laquelle un larron, condamné à mort et déjà attaché au gibet, passe de sa croix dans un royaume, de la terre au ciel, du bois de son supplice dans le paradis! Comme elle est glorieuse cette confession qui purifie de son triple et criminel reniement l'apôtre saint Pierre, et l'empêche de tomber du haut de son apostolat. Quelle belle institution que celle qui fit beaucoup pardonner à Marie, parce qu'elle a beaucoup aimé, et, à cause de son grand amour, l'a associée au collège des disciples du Christ? Quelle belle miséricorde que celle qui a purifié des nombreuses souillures de ses crimes le Roi-Prophète et l'a replacé dans la gloire de son rang! Voilà bien la voie qui n'a jamais trompé son voyageur, et qui ne l'a jamais perdu que quand il l'a perdue elle-même.

3. La confession a plusieurs voies , ses sentiers sont nombreux à trouver, malaisés à suivre et difficiles à énumérer. Le premier pas, le premier degré dans cette voie, c'est la connaissance de soi. C'est du ciel que nous vient ce conseil: connais-toi toi-même, ô homme. N'avez-vous pas remarqué, en effet, que c'est le langage que l'Époux tient à l'Épouse dans le Cantique des cantiques, lorsqu'il lui dit: «Si vous ne vous connaissez pas, ô ma belle entre toutes les femmes, sortez et allez-vous en, etc. (Ct 1,7).» Or, la connaissance de soi consiste en trois choses, d'abord à savoir ce qu'on a fait, puis ce qu'on a mérité, et enfin ce qu'on a perdu. Qu'y a-t-il de plus vil, ô noble créature, image de Dieu et ressemblance du créateur, que de déshonorer ta chair par les plaisirs charnels, et de perdre un torrent de voluptés pour un plaisir d'un moment? Quelle fureur comparable à celle qui laisse l'esprit céder à la colère, s'élever au souffle de l'orgueil, se tourmenter par l'envie, et se ronger par les soucis? ô toi qui as été nourrie dans la pourpre comment se fait-il que tu embrasses du fumier? Rappelle-toi aussi ce que tu as mérité, remets-toi en mémoire la chaudière des enfers, la fournaise de fer de la grande Babylone, la maison de la mort, le séjour des anxiétés, le globe des flammes, le piquant du froid, et les ténèbres éternelles. Considère l'ordre des tourments, la face de ceux qui les font endurer, le changement par lequel ils se succèdent et l'infinité des misères; parcours, des yeux de l'esprit, toutes ces choses, et tu pourras t'écrier: mieux aurait valu que je ne fusse pas né. Ramène ensuite tes regards de ce côté, et vois tout ce que tu as perdu. Quelle glorieuse cité et quel céleste séjour; c'est le lieu même de la vie, le palais de la douceur, la splendeur de la gloire, la grandeur de la grâce, la clarté infinie. Remarque ensuite l'ordre des bonheurs que tu as perdus aussi, la vue de ces visages joyeux, ces successions de ré compenses, cette multitude de délices, et tu pourras t'écrier: Seigneur Dieu, celui qui vous a perdu a tout perdu. Si tu lies ton âme avec ce triple lien, tu comprendras et tu verras que le commencement du salut est de connaître nos péchés (Sens. Epis. XXVIII).

4. Le second degré de la confession est la pénitence, or, le premier et le second degré sont tellement liés l'un à l'autre qu'on ne saurait se connaître sans se repentir en même temps, et qu'on. ne peut se repentir si on ne se connaît. Que l'âme blessée du trait de la componction se repente donc d'un triple repentir, car elle a perdu son innocence; après l'avoir perdue, elle ne l'a point recherchée et enfin elle a négligé la patience de Dieu. Je sais bien, Seigneur Jésus, que vous nous avez rendu dans le Baptême notre première robe d'innocence: mais à peine revêtus de la robe blanche et replacés sur le trône de la justice, nous nous sommes écartés de la voie que vous nous avez montrée, et nous sommes allés avec l'enfant prodigue dans des contrées lointaines, dépenser la part d'héritage qui nous était échue. Les plus vils esprits sont venus à nous, c'étaient les rois des flammes éternelles: ces êtres immondes, damnés et courbés vers la terre vinrent trouver nos âmes pures alors, dans la voie du salut, et qui se tenaient droites, et leur ont dit: «courbez-vous que nous passions (Is 51,23).» A leur voix nous nous sommes courbés, ils ont passé sur nous et nous avons perdu notre innocence. Mais si ce fut une faute de la perdre, quelle faute n'est-ce point de ne l'avoir point recherchée après l'avoir perdue? A-t-on perdu quelque chose des biens d'ici-bas; on va trouver les juges, on appelle ses amis, on fait toute une affaire, on ne néglige aucun moyen qu'on n'ait retrouvé ce qu'on a perdu, ou qu'on se soit fait rendre ce qui nous a été pria et qu'on ne le serre avec soin après l'avoir recouvré. Or, nous avons perdu astre héritage, un héritage incorruptible, inaltérable; tout pur et céleste, par les ruses de cet homicide insatiable, et nous ne le recherchons point! Il nous a courbés et nous ne nous redressons point! Levons-nous, retournons vers notre Père et disons-lui: «Mon Père, nous avons péché contre le ciel et contre vous (Lc 15,21).» Parcourons le texte des Évangiles et offrons au Père la pénitence de l'esprit et la contrition du coeur, et peut-être en nous apercevant encore dans le lointain, ce bon Père, touché de compassion pour nous, accourra-t-il au devant de nous, et, se jetant à notre cou, nous couvrira-t-il des baisers de sa bouche. Peut-être nous fera-t-il rendre notre première robe d'innocence, redonner les vêtements de la vertu, remettre au doigt l'anneau de ses secrets, peut-être fera-t-il chausser nos pieds pour la préparation de l'Évangile de la paix. Il se peut qu'il ordonne d'amener le veau gras, et de le tuer pour la joie de notre retour vers lui, de faire bonne chère, et de nous livrer à l'allégresse et de nous reconduire au son des instruments de musique dans les joies de la cité céleste, où les anges de Dieu se réjouissent de la conversion d'un pécheur (Lc 15,10). Nous savons bien, Seigneur, que voles ne priverez pas de vos biens ceux qui marchent dans l'innocence (Ps 83,13), mais vous ne les refuserez pas non plus à ceux qui feront pénitence. En effet il n'y en a qu'un qui n'a pas commis le péché, mais heureux celui à qui le Seigneur n'a point imputé son péché (Ps 31,2), car tout péché que Dieu a résolu de ne point m'imputer est pour moi comme s'il n'existait pas. Rappelez vous encore avec quel orgueil vous avez usé, disons mieux, vous avez abusé de la patience de Dieu. Il vous voyait pécher et il dissimulait, et faisait comme s'il ne vous voyait pas: il vous appelait et vous ne l'écoutiez pas; il menaçait et vous ne le craigniez pas; il faisait des promesses et vous n'en teniez pas compte; vous demeuriez aussi insensible aux promesses qu'aux menaces. Ne savez-vous point que c'est la patience de Dieu qui vous a amenés à la pénitence Rm 2,4)? Ah craignez, craignez beaucoup, n'amassez point sur votre tête des trésors de colère pour le jour de la vengeance et des révélations du juste jugement de Dieu, rappelez-vous qu'il est horrible de tomber aux mains du Dieu vivant (He 10,31). Appliquez donc ce triple appareil de la pénitence sur les blessures de votre âme et dites . «Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que je suis faible, guérissez-moi, etc. (Ps 6,3).»

5. Le troisième degré est la douleur qui, elle même, compte trois liens différents. En effet, c'est bien après la connaissance de ce que je suis, après la pénitence, que ma douleur s'est trouvée renouvelée, et c'est dans ces pensées qu'un feu dévorant s'est allumé en moi, en voyant que j'ai offensé mon créateur, que je n'ai pas craint le Seigneur, que j'ai méprisé mon bienfaiteur. «Est-ce que vous n'êtes pas dans ma main, dit le Seigneur, comme l'argile dans celle du potier (Jr 18,6)?» S'il a fait de vous un vase d'honneur, comment avez-vous osé vous changer en vase d'ignominie? «Est-ce que le vase, d'argile dit au potier, pourquoi m'avez-vous fait ce que je suis (Rm 9,20)?» Et vous, simple créature, simple vase de terre, vous qui êtes l'oeuvre, vous avez osé provoquer votre créateur, l'ouvrier qui vous a fait, la main qui vous a créé? Souviens-toi donc, vil tesson, que si tu viens à tomber sur cette pierre, tu te rompras, et que si elle tombe sur toi, elle te brisera d'une manière terrible, et ne laissera pas le moindre vestige de toi? Et toi tu as mêlé le sang au sang, tu as offensé le Créateur, tu n'as pas craint le Seigneur. Tu étais le serviteur d'un Maître, à la volonté duquel nul n'ose résister, et tu t'étais soumis à ses ordres. Or, tu n'as pas voulu t'instruire pour faire le bien, mais, te révoltant contre l'empire du Seigneur, tu as résolu de vivre à ta guise, dans les bornes de sa république. N'as-tu donc pas entendu parler de la sentence qui a frappé le mauvais serviteur (Lc 12,47)? Comme il connaît la volonté de son maître et ne la fait point, il doit être accablé de coups. Les anges se tiennent debout devant lui, pour recueillir les paroles de sa bouche (Ps 2,20); les étoiles répondent à son appel, et s'écrient: Nous voici(Ba 3,35). Les vents et la mer lui obéissent (Mt 9,27), tout, en un mot, est fermement retenu par une loi antérieure, et toi seul tu demeures étranger à la loi, et ne tiens aucun compte de la majesté divine, qui commande. Sache donc qu'il peut te précipiter dans les ténèbres extérieures, où la vue d'un malheur sans fin, fait redoubler les larmes et les grincements do dents. Mais, si la pensée d'avoir offensé ton créateur et celle du respect que réclame sa puissance, ne te touchent point, sois du moins sensible à ton ingratitude quand tu méprises un tel bienfaiteur, au milieu de si grands bienfaits. Où. pourras-tu trouver un bienfaiteur comme celui-là, qui a fait pour toi le cours des astres, la température du ciel, la fécondité de la terre, et l'abondance de ses fruits? Et, pour tout dire en un mot, qui a mis le comble à tous ses bienfaits «en n'épargnant pas même son propre Fils qu'il a livré pour toi (Rm 8,32)?» car il a livré son Fils unique pour ses enfants d'adoption, le Seigneur pour des serviteurs, le Juste par excellence pour des pécheurs. Qu'aurait-il pu faire de plus qu'il ne l'ait fait? Ah! si tu ressens de la douleur en faisant ces réflexions, tu pourras t'écrier avec le Prophète: «Le ventre me fait mal, le ventre me fait mal, et tout mon coeur est troublé (Jr 4,19).»

6. Le quatrième degré est la confession de la bouche. Après la connaissance de soi-même, après la contrition du coeur, et le brisement de l'âme, vient la confession de la bouche. Dans tout cela, «on croit de coeur pour la justice, et on confesse de bouche pour le salut (Rm 10,10).» Or, elle doit avoir trois qualités pour conduire au salut. Il faut qu'elle soit vraie, simple et propre. Ce que le Très-Haut recherche, c'est la vérité, aussi comment pourrait-il vouloir être trompé, quand il ne veut point tromper lui-même? Nous en connaissons plusieurs par notre propre expérience, qui, étant allés au confessionnal, en sont revenus la conscience plutôt chargée que délivrée de leurs péchés. En effet, si ce sont des clercs, ils confessent ce qui leur est arrivé dans les luttes littéraires, et si ce sont des gens de guerre, ils s'accusent de ce qui leur est arrivé dans les luttes militaires, de telle sorte qu'ils cachent l'orgueil sous le manteau de l'humilité, et se condamnent ainsi eux-mêmes en se plaçant sous l'étendard sous lequel devrait s'abriter toute l'économie du salut des hommes. Il y en a d'autres que la crainte porte seule à se confesser, et d'autres que l'hypocrisie seule engage à le faire, car ils ne vont à confesse que pour qu'on voie qu'ils le font. Pensez-vous que c'est là une vraie confession, quand elle n'est inspirée que par un esprit de crainte ou de feinte, quand le Saint-Esprit a horreur de l'une, et que le Tout-Puissant n'estime que la pénitence gratuite? Il n'y a de vraie confession que celle qui procède d'un coeur contrit, que celle que ni la crainte, ni la feinte n'ont point inspirée, et qui ne parle que dans un sentiment de componction, où le coeur avoue ce qu'il sent. Il faut encore qu'elle soit simple et dépouillée de tout voile qui la déguise. A quoi bon, en effet, ne déclarer qu'une partie de nos péchés, et en céler le reste? Ne se purifier qu'en partie, pour demeurer en partie aussi dans son impureté? Est-ce que le même vase peut verser en même temps le doux et l'amer, ce qui flatte le goût et ce qui n'a point de goût? Tout est à nu et à découvert sous les yeux de Dieu (He 4,13), et vous, vous allez cacher quelque chose aux yeux de celui qui tient la place de Dieu dans un si grand sacrement? Dévoilez donc, et mettez à nu tout ce qui ronge votre coeur; découvrez votre blessure, si vous voulez sentir l'effet du remède. C'est dans la simplicité; non pas dans la duplicité de votre coeur que vous devez chercher le Seigneur (Sg 1,1) , car il est dit . malheur à ceux qui parlent avec un coeur et pensent avec un autre coeur, et qui s'engagent dans un pays par deux voies différentes (Si 12,14). La confession doit être propre. Il y en a qui comptent les fautes d'autrui avec une grande gravité, et déplorent de mille manières différentes les oublis de leurs compagnons; il en est qui ignorent leurs propres fautes, mais qui ne laissent personne ignorer celles de leur prochain; les infortunés, les malheureux! Il leur est donné de pleurer les fautes d'autrui, et de laisser les leurs dans l'oubli! N'avez-vous point vu que a le juste s'accuse lui-même le premier, dès qu'il ouvre la bouche pour parler (Pr 18,17)?» Ainsi c'est lui, non point les autres qu'il accuse, dit la Sainte-Ecriture. Auriez-vous oublié ces paroles de l'apôtre Jacques: «Confessez vos péchés les uns aux autres (Jc 5,16)? Les vôtres,» dit-il, non point ceux d'autrui. «Je connais mon iniquité, et mon péché est constamment sous mes yeux (Ps 4,5), mon iniquité,» non point celle du prochain.

7. Le cinquième degré est la macération de la chair or, elle se fait aussi de trois manières, c'est le nombre sacré. En effet, il faut qu'elle soit secrète, permise et discrète. Soumettez au brisement d'un long martyre vos membres jeunes encore et nourris dans les délices les plus délicates, et sachez vous abstenir des choses permises autant que vous vous vous rappelez avoir fait les choses défendues. Mais il faut le faire secrètement, et que votre main gauche ignore ce que fait votre droite; en effet, ce n'est pas à la langue des hommes qu'il faut confier la garde d'un si grand bien, mais il faut le cacher au fond de votre coeur, en sorte que vous n'ayez d'autre gloire que le témoignage de votre bonne conscience (2Co 1,16). Je ne vous dis point cela pour empêcher votre lumière de briller aux yeux des hommes, et de leur inspirer la pensée de glorifier votre Père qui est dans les cieux, mais pour que vous n'enfouissiez point vos bonnes intentions dans le charme si fugitif d'une vile gloire, car je ne sais rien de plus malheureux que de macérer ici-bas son corps par les jeûnes, et de l'affliger par les veilles, pour en recevoir en ce monde une gloire à laquelle succède l'enfer dans l'autre. Il faut que nos macérations soient permises; car tout ce qui se fait de l'assentiment du Pasteur (Régul. S. Bénid. c. XLVIII), est plus agréable à Dieu, le Très-Haut reçoit plus favorablement l'hostie qui lui est ouverte, non point par notre propre volonté, mais par obéissance à celui qui nous commande. Il est très-bon, pour repousser l'orgueil, de mettre notre volonté propre de côté. Or, celui qui aime la vanité du monde ne saurait l'extirper entièrement. Quant à la discrétion , elle consiste particulièrement en ceci: à ne point s'exposer a perdre le salut en voulant nous flageller au delà de ce qui convient,, et à tuer le citoyen du ciel, en voulant en mâter l'ennemi. Il faut considérer votre corps et ce qu'il peut; faire attention à votre complexion, et mettre des bornes à ce qui pourrait la détruire. Conservez votre corps en état d'obéir au Créateur. Nous en avons vu beaucoup qui, pour avoir dans le commencement durement traité leur corps, au point de dépasser les bornes de la raison, afin de se rendre insensibles aux charmes de la flatterie n'en goûtaient que plus ardemment, et plus longtemps ensuite les douceurs de la vie.

8. Le sixième degré est la correction des oeuvres, elle est aussi de trois sortes, d'abord ne point se faire de mal à soi-même, en second lieu, n'en point faire aux autres, et enfin ne pas consentir au mal qui se fait. Vous avez éprouvé combien fragile est l'édifice de la volupté, et vous y, courez encore? Vous avez remarqué que le plaisir passe, et que le péché demeure, retirez le pied des sentiers indignes et immondes dg la débauche: pliez votre cou an joug des commandements du très-Haut, pour que l'iniquité ne se, trouve point dans vos mains. Retranchez à la gourmandise ses grands festins, et à la langue ses vains entretiens. «Détournez vos yeux pour qu'ils ne voient pas la vanité (Ps 118,39}, bouchez-vous les oreilles pour ne point entendra des paroles de sang (Is 33,15);» et alors vous pourrez dire . «Le Seigneur m'a châtié pour me corriger (Ps 117,18).» Mais à quoi bon maintenir la course de vos oeuvres dans le droit sentier, si vous songez à nuire aux autres. Il n'y a que celui qui n'a point fait de mal à son prochain, et n'a point écouté des calomnies contre ses frères, qui ira se reposer sur la sainte montagne de Dieu. (Ps 14,4), et qui recevra du Seigneur bénédiction, et obtiendra miséricorde de Dieu son sauveur (Ps 23,5). Ne vous croyez point innocent, tant que vous n'aurez point repris de toutes vos forces les impies et ceux qui marchent contre la vertu, et que vous ne vous serez point opposé comme un mur pour la maison d'Israël, vous châtiant vous-même, ne faisant point de mal aux autres, et ne consentant point à celui qu'on lui fait. En effet, c'est une vérité incontestable que ceux qui négligent d'empêcher le mal , quand ils pourraient le faire , se rendent complices de ce mal (a). En effet, quand la cause de Dieu est en question, et que la fausseté est préférée à la vérité, quiconque ne résiste pas en proportion du rang qu'il occupe, sera condamné pour son silence.

9. Le septième degré est la persévérance que distingue aussi le nombre sacré de trois. Trois choses font la persévérance, l'imitation des saints, la brièveté du temps et la fragilité du corps. En effet, que ne serez-vous pas capable de souffrir, quand vous verrez que des jeunes gens, des enfants, même de jeunes filles, de vieilles femmes, des vieillards, des hommes décrépits, ont non-seulement accepté, mais recherché divers tourments pour Jésus-Christ? Considérez l'âge tendre de l'enfance, le feu de la jeunesse, la délicatesse des jeunes filles, la fragilité des vieilles femmes, la faiblesse des vieillards, et l'impuissance de la décrépitude, et de quelque côté que vous tourniez les regards, vous trouverez, à tous ces âges, une multitude d'exemples de personnes qui ont couru virilement pour cueillir la palme du martyre. Est-ce que vous êtes d'un autre limon qu'eux, et l'âme qui vous anime n'est-elle pas de même nature que la leur? Mais peut-être la persécution ne sévit-elle plus pour que vous souffriez le martyre; personne ne vous condamne parce que vous servez Jésus-Christ, bien loin de là, on vous loue de le faire, et tout le monde parle de vous avec éloge à cause de cela. Mais quand même vous seriez exposé à la persécution, elle serait bien peu à craindre à cause de sa brièveté, car la nature, dans notre intérêt, a pourvu à ce que nulle douleur ne soit longue et grande en même temps; si elle est grande, elle ne peut être longue, l'union du corps et de l'âme ne saurait résister longtemps à des suppliées raffinés; ébranlée d'abord par la grandeur de la stupeur, elle ne tarde point à se dissoudre; c'est donc le propre des grandes âmes de mépriser les grands tourments qui opèrent si vite en nous de si grands changements, qu'elles ne tardent point à faire passer, des épreuves au repos, de la misère à la gloire, celui qui les endure. Car il ne faut pas perdre de vue la fragilité du corps qu'il n'est pas rare de voir se briser à la plus petite chute, ou aux assauts répétés d'une fièvre qui le brûle. Faites donc, s'il le faut, de nécessité vertu, et vous acquerrez, au prix d'un péril de courte durée, une récompense éternelle.

10. Vous voyez combien difficile à parcourir est la voie de la confession, et le nombre des sentiers qu'il faut suivre. Il est donc bien vrai ce mot d'un grand maître dans l'Église; «J'ai trouvé plus facilement des hommes qui avaient conservé leur innocence que je n'en ai vu qui fissent une pénitence convenable (s. Ambros. l. II de Pont. cap. X).»



a Celui qui n'empêche point le mal quand il le peut, l'ordonne (Publ. Mim.)

Nous vous avons parlé selon la mesure de nos faibles forces sur la voie de la pénitence, réservant pour de plus sublimes sujets le poids de pensées plus sublimes aussi. Quant à la voie de l'obéissance, nous essaierons de vous l'ouvrir au commencement d'un autre sermon, afin d'éviter de vous faire éprouver du dégoût pour la parole de notre Seigneur et Sauveur, qui est béni dans les siècles.






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