Bernard sermons 5023

SECOND SERMON POUR LE SIXIÈME DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE. Sur les sept miséricordes.

1. « Je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur (Ps 88,2). » Qu'est-ce donc que, je ne sais quelle pensée insensée murmure à mes oreilles, sur le fardeau de 1a pénitence et vient en aggraver le poids sur ma tête ? Je sens qu'il y en a un autre plus doux, j'en conviens, mais beaucoup plus grand que celui-là, car Dieu m'accable tellement de ses miséricordes, il m'entoure et me charge de tant de bienfaits que je ne puis plus sentir un autre fardeau que celui-là. En effet, que pourrai-je rendre à Dieu pour tout ce dont il me comble ? Quand il m'a tant donné et redonné, que me parlez-vous d'un autre fardeau que celui de ses dons ? mon esprit s'affaisse, oui, c'est le mot, il s'affaisse à la pensée de tant de bienfaits. Je sens que je ne puis témoigner comme il faut ma reconnaissance, et pourtant l'ingratitude pèse infiniment à mon coeur. Et je vous assure, mes bien chers frères, que, selon moi, rien ne déplaît à Dieu comme l'ingratitude, surtout chez les enfants de la grâce, dans les hommes de la conversion; car ce vice obstrue les canaux de la grâce : dès qu'il entre dans une âme, il n'y a plus de place en elle pour la grâce. Voilà pourquoi, mes frères, je ressens une si grande tristesse, et mon coeur est miné par une douleur continuelle, en voyant tant de personnes si portées à la légèreté et au rire, et si faciles à se laisser aller aux paroles oiseuses et aux discours bouffons. Je crains, en effet alors, que ces gens-là n'oublient un peu plus qu'ils ne le devraient la miséricorde divine, et que, par suite de leur ingratitude pour les nombreux bienfaits qu'ils ont reçus, ils ne finissent par être abandonnés par la grâce que déjà ils ne regardent plus comme une grâce.

5024 2. Que dirai-je d'un homme qui persévère avec un coeur endurci dans l'impatience et le murmure, ou qui se repent de s'être attaché à Dieu, qui a regret en dépit de la morale et de la raison, du bien qu'il a fait, qui enfin, non-seulement n'a aucune reconnaissance pour la miséricorde de Dieu, cela n'est que trop évident, mais même n'y répond que par le mépris? Elle déshonore (a), autant qu'il est en elle, celui de qui elle a été appelée, l'âme qui demeure à son service dans la tristesse et dans le chagrin, et quand je parle de tristesse, j'entends celle qui est selon la chair et qui produit la mort. Croyez-vous qu'on lui donnera une grâce plus grande que celle qu'elle a déjà reçue ? Bien loin de là, on lui ôtera même celle qu'elle semble encore avoir. En effet, ne regarde-t-on point avec raison comme perdu ce qu'on donne à un ingrat!

a Une autre leçon fait dire en cet endroit à saint Bernard : « Elle honore peu le Seigneur... l’âme qui le sert dans la tristesse et le chagrin, si toutefois on peut le servir dans la tristesse qui est selon la chair. »

Et n'a-t-on pas regret d'avoir donné une chose qu'on voit périr? Il faut donc que celui qui, non-seulement veut conserver les grâces qu'il a reçues, mais désire les voir augmenter, se montre plein de dévotion et de reconnaissance. Il est bien certain que quiconque voudra rechercher des motif de reconnaissance envers Dieu, ne peut manquer d'en trouver un grand nombre, car personne ne peut se soustraire à sa douce influence. Mais il n'en est pas qui aient plus de motifs de reconnaissance que ceux que Dieu a séparés du monde, et a choisis pour les attacher uniquement à son service, si toutefois, selon le mot de l'Apôtre, nous n'avons point reçu l'esprit du monde mais l'esprit de Dieu pour connaître les dons que Dieu nous a faits (
1Co 2 1Co 12). Il est bien clair que nous trouverons bien des choses pour lesquelles nous aurons des actions de grâce à rendre à Dieu. En effet, quel est celui d'entre nous, Seigneur, qui pourrait ne pas s'écrier avec le Prophète : Vous avez été d'une grande miséricorde pour moi (Ps 85,13) ? Aussi ai-je l'intention de vous rappeler en quelques mots quelques-unes des miséricordes de Dieu, afin que ceux d'entre nous qui sont sages en prennent occasion de se montrer plus sages encore.

5025 3. Or, je trouve, en jetant un regard sur moi, que Dieu m'a fait sept sortes de miséricordes et je ne doute pas que vous ne le trouviez également sans peine si vous vous repliez en vous-mêmes. La première, c'est que lorsque j'étais encore dans le monde, il m'a préservé d'une foule de péchés, c'est sa première miséricorde, sinon la première de ses miséricordes, c'est, dis-je, la première des sept qu'il m'a faites. Qui ne sait, en effet, que de même que je suis tombé alors dans une foule de péchés, j'aurais pu en commettre beaucoup d'autres encore, si la bonté du Tout-Puissant ne m'avait gardé ? Je reconnais et proclame hautement que si Dieu ne m'eût aidé, je serais, ou peu s'en faut, tombé dans tout les péchés possibles. Or quelle grâce, et quelle bonté n'est-ce point de sa part, d'avoir conservé par sa grâce une âme ingrate et insouciante de la grâce, et de l'avoir, nonobstant ses dispositions, protégée avec tant de bienveillance en mille circonstances, alors qu'elle était révoltée contre la grâce et n'en tenait aucun compte? Quant à votre seconde miséricorde, ô mon Dieu, où trouver des paroles capables de dire combien elle a été bonne, libérale et gratuite à mon égard? je vous offensais, ô mon Dieu , et vous faisiez comme si vous ne vous en aperceviez point; je ne me privais point de pécher, et vous, vous ne vous lassiez point de retenir votre main, au lieu de me frapper. Je prolongeais mon iniquité sans fin, et vous, Seigneur, vous prolongiez de même votre bonté. Mais à quoi m'aurait servi cette attente si vous ne l’aviez fait suivre de la grâce du repentir? Elle n'eût servi qu'à mettre le comble à ma damnation, selon ce que vous avez dit un jour : « Voilà ce que vous avez fait et moi je me suis tu (Ps 49,21). »

4. La quatrième grâce que Dieu m'a faite, c'est donc lorsqu'il a visité mon coeur et l'a changé en lui faisant trouver amer ce qui lui avait d'abord paru doux pour son malheur. C'est alors que moi, qui avais trouvé du bonheur dans le mal que je faisais, et qui m'étais réjoui des pires choses, je commençai enfin à repasser les années de ma vie dans l'amertume de mon âme. Mais à présent, Seigneur, que vous avez remué la terre de mon coeur, que vous l'avez bouleversée, venez la guérir, car elle est toute brisée. On en a vu beaucoup qui se sont repentis de leurs fautes, mais d'un repentir qui n'a point produit de fruits, parce que leur repentir a été réprouvé aussi bien que leur première faute. La quatrième miséricorde de Dieu c'est donc l'accueil miséricordieux qu'il a fait à mon repentir. C'est de m'avoir mis du nombre de ceux dont le Psalmiste a dit : « Heureux ceux à qui leurs iniquités ont été remises et dont les péchés sont couverts (Ps 31,1).»

5026 5. La cinquième miséricorde que j'ai reçue de vous, Seigneur, c'est la force de me contenir désormais et de vivre d'une manière plus sainte, cette force qui m'empêche de retomber dans mon péché et de me retrouver ainsi dans un état pire que le premier. Il est manifeste, en effet, Seigneur, que ce n'est que pas le fait d'une humaine, vertu mais d'une force divine, que de secouer de son cou le joug du péché qu'on y a souffert une fois, car « quiconque fait le péché est esclave du péché (Jn 8,34), » et, ne peut plus recouvrer sa liberté que par le secours d'une main vigoureuse. Enfin, après nous avoir délivrés du mal par ces cinq miséricordes, il nous fait opérer le bien par ses deux dernières miséricordes, en sorte que ces paroles du Psalmiste se trouvent accomplies : « Détournez-vous du mal et faites du bien (Ps 36,27). » Or, ces deux dernières miséricordes sont la grâce d'acquérir des mérites, c'est-à-dire la grâce qui nous fait mener une bonne vie, et l'espérance d'en obtenir la récompense, cette grâce qui fait espérer de votre bonté, Seigneur, à l'homme même indigne et pécheur qui en a reçu tant de preuves, la possession même du ciel.


5027

TROISIÈME SERMON POUR LE SIXIÈME DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE. Sur les fragments des sept miséricordes.

l. Savez-vous ce que j'ai fait en vous parlant aujourd'hui sur les sept miséricordes du Seigneur? Eh bien! je vous ai servi les sept pains de l'Évangile; car si mes larmes peuvent être ma nourriture le jour et 1a nuit, à combien plus forte raison en est-il ainsi des miséricordes de Dieu? Elles sont bien plus douces, elles réconfortent le coeur bien davantage, et elles le fortifient bien plus. Or, si je ne me trompe, il nous est échappé des mains aujourd'hui bien des morceaux de ces sept pains, car, en les rompant, je m'apercevais moi-même qu'il en tombait des miettes, et que dans mon empressement à les distribuer il en glissait quelques morceaux entre mes doigts. Les avez-vous recueillis? C'est ce que je vous demande. Quant à moi, si vous n'en êtes pas encore rassasiés, je vous ferai part, sans aucun sentiment d'envie, de ceux que j'ai ramassés et que j'ai entre les mains, car je ne voudrais pas m'attirer les malédictions qui attendent ceux qui accaparent le blé (Pr 11,26). Or, le premier pain, si j'ai bonne mémoire, est celui de la conservation de la grâce qui m'a préservé de bien des fautes lorsque j'étais aussi dans le monde. Or, j'ai trois morceaux de ce pain, d'un goût délicieux, un vrai pain de vie. En effet, je me rappelle que j'ai été préservé du péché de trois manières différentes, par l'éloignement des occasions, par la force de résister à la tentation, et par la guérison des affections de mon coeur. Il est sûr que je serais tombé dans biens des péchés, si j'en avais eu l'occasion. Mais, par un effet de la grâce de Dieu, je ne me suis jamais trouvé dans le cas de tomber. En bien des circonstances, je n'en serais pas moins tombé bien des fois sous les coups violents de la tentation, si le Seigneur Dieu des vertus ne m'eût donné la force de résister, de triompher de mes penchants, et de me roidir contre les attraits de la concupiscence que je ressentais en moi. Mais il y a des fautes dont la miséricorde de Dieu m'a tellement éloigné que je n'eusse que de l'horreur pour elles, et que je ne me sentisse même jamais tenté de les mettre.

2. Le second pain de la miséricorde divine, est cette attente qui fait que Dieu a retardé de me punir de mes fautes, parce qu'il était porté à l'indulgence. Or, ce pain a été rompu aussi en trois morceaux qui vous représentent la longanimité dont Dieu a fait preuve à notre égard, l'élection de ses prédestinés qu'il a voulu voir s'accomplir, et la charité excessive dont il nous a aimés. Voilà pourquoi le Seigneur m'a attendu et puis a attendu encore, voilà pourquoi, au lieu de fixer ses yeux offensés sur moi, il les a même détournés de la vue de mes péchés, comme pour ne pas être contraint de remarquer combien je l'offensais. Oui, voilà pourquoi il faisait semblant de ne pas s'en apercevoir, il voulait me montrer sa patience, accomplir son élection et consommer sa charité à mon égard.

5028 3. Pour ce qui est du troisième pain, le pain de la miséricorde qui nous porte au repentir, je ne vous en servirai pas trois morceaux, mais trois bouchées seulement. En effet, si j'ai bonne mémoire, Dieu m'a donné de ce pain le jour où il remua mon coeur et le força à jeter les yeux sur les blessures que ses péchés lui avaient faites, et à en sentir de la douleur; et le jour où il le remplit de terreur, en le conduisant aux portes de l'enfer, pour lui montrer les supplices préparés aux pécheurs, le jour enfin où, voulant détruire jusqu'au souvenir de mes affections coupables, il me fit sentir de plus douces consolations en me donnant l'espérance du pardon. Voilà les trois étapes de ma conversion, et je pense que ce fuient aussi celles par lesquelles vous avez- passé vous-mêmes.

4. Arrivé au quatrième pain, le pain de l'indulgence, je vous prie instamment de n'en pas laisser perdre un seul morceau; ils sont tous très-salutaires, et plus doux que le miel en ses rayons. En effet, il nous a si bien pardonné tous nos péchés, et nous a si libéralement remis notre dette, que maintenant, s'il nous en punit, ce n'est point pour nous condamner, s'il nous la rappelle ce n'est pas pour nous confondre, et s'il nous l'impute, il ne nous en aime pas moins. Il y en a qui pardonnent aux autres leurs torts, de telle sorte que s'ils ne s'en vengent pas, du moins ils ne cessent de les leur reprocher; il y en a aussi qui n'en reparlent jamais, il est vrai, mais qui en conservent le souvenir profondément enfoncé dans leur âme, et qui en nourrissent du ressentiment dans leur coeur ; il est évident que, ni dans l'un ni dans l'autre cas, il n'y a pas eu de vrai pardon d'accordé. Dieu dans sa bonté est bien loin de ressembler à ces gens-là. Il agit avec générosité, et pardonne sans réserve, si bien que par la confiance des pécheurs, mais des pécheurs pénitents, sa grâce surabonde ordinairement là où le péché avait abondé. En preuve, Saint-Paul, l'apôtre des nations, qui, avec la grâce de Dieu, a plus travaillé que tous les autres apôtres ensemble témoin aussi saint Mathieu, qui, de receveur des deniers publics, fut appelé à l'apostolat et devint même le premier des écrivains du Nouveau Testament : témoin encore saint Pierre, qui n'en fut pas moins chargé de la conduite de l'Église entière, malgré son triple renoncement; témoin enfin, cette pécheresse si connue, qui reçut, dès le premier instant dé sa conversion, une si grande preuve d'amour, et fut ensuite l'objet d'une si grande amitié. Qui est-ce qui a accusé Marie et la contraignit à se défendre? Si le pharisien murmure, si Marthe se plaint, si les apôtres se scandalisent, Marie garde le silence; c'est le Christ qui prend sa défense, bien plus il fait son éloge, pendant qu'elle garde le silence. Enfin, quelle préférence, quelle insigne faveur d'avoir eu lia première a la grâce de voir Jésus ressuscité d'entre les morts et de le toucher de ses mains?

5029 5. Mais passons outre. Sans doute, il est bon pour nous de rester là où l'espérance est donnée aux pécheurs, mais il nous fait aussi parler du reste. Eh bien, dans le cinquième pain, qui est le pain de la continence, je trouve encore trois morceaux, aussi ne puis-je m'empêcher de m'écrier : « Le Tout-Puissant a fait de grandes choses en moi (Lc 1,49). » Peut-être n'estimez-vous pas beaucoup votre continence; mais il n'en est pas de même de moi; car je sais quels adversaires elle a, et quelle force il lui faut pour pouvoir résister aux amants qu'ils lui livrent. Or, le premier ennemi de notre continence c'est notre chair elle-même, qui a des désirs contraires à ceux de l'esprit (Ga 5,17). Quel ennemi domestique c'est-là, quelle lutte périlleuse, quelle guerre intestine! Or, nous ne saurions fuir ce cruel ennemi, ô mon âme, et nous ne pouvons pas non plus le mettre lui-même en fuite; il faut le porter partout avec nous, car nous sommes

a Saint Bernard confond ici Marie Madeleine avec Marie, soeur de Lazare, et avec la pécheresse, comme il le fait encore dans son deuxième sermon, pour le jour de l'Assomption ; mais il doute si elles sont une seule et même Marie, dans son douzième sermon, sur le Cantique des cantiques.

rivés à la même chaîne; bien plus, et c'est-là le comble du danger et du malheur pour nous, nous sommes obligés de le nourrir, il nous est interdit de le tuer. Tu vois, ô mon âme, avec quelle vigilance tu dois et tenir en garde contre cet ennemi qui dort dans ton propre sein. Mais ce n'est pas le seul ennemi que j'aie, il en est encore un autre qui m'entoure et m'assiège de tous côtés, et, si vous ne le connaissez pas, je vous dirai gîte cet ennemi c'est ce monde pervers. Il assiège toutes les issues de mon âme, il me perce de ses flèches par chacune de ses cinq ouvertures, je veux dire par chacun des cinq organes de nos sens, la mort entre chez moi par les fenêtres. A eux seuls, ces deux ennemis pouvaient plus que suffire; mais, hélas! je vois souffler, de l'Aquilon, un vent impétueux, qui porte partout le mal. Aussi, que nous reste-t-il à faire autre chose que de nous écrier: « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons. » En effet, voici venir le fléau de la terre entière, le serpent, qui est le plus rusé de tous les animaux; voici venir un ennemi que je ne saurais voir de mes yeux, comment donc pourrais-je me garantit contre ses coups? Ceux qui ont résolu de vivre dans la continence, et de s'abstenir non seulement de tout péché de luxure, mais encore de toute espèce de vices et de péchés, comme cela est nécessaire, n'ont pas à lutter uniquement contre la chair et le sang, mais aussi contre les principautés et les puissances, contre les princes de ce monde, c'est-à-dire de ce siècle de ténèbres, et contre les esprits malins répandus dans l'air (Ep 6,12). Or, qui est-ce qui pourra éteindre leurs traits embrasés? Car ils ont préparé leurs flèches dans leur carquois, afin de pouvoir en décocher quelques-unes dans l'obscurité, contre ceux qui ont le coeur droit (Ps 10,3), et ils se sont consultés ensemble sur les moyens de cacher leurs piéges, et ils se sont dit qui pourra les apercevoir (Ps 63,6) ? Aussi nous attaquent-ils et nous persécutent-ils, tantôt ouvertement et par la force, tantôt en secret et par la ruse, mais toujours avec malice et cruauté. Or, qui est-ce qui est en état;je ne dis pas de les vaincre, mais seulement de soutenir la lutte contre eux ? Il me semble que vous comprenez un peu maintenant la difficulté de la continence, et que, selon le mot de l'Apôtre, vous reconnaissez que c'est là un don de la grâce (1Co 2,12). C'est, en effet, en Dieu seul que nous trouvons la force de lutter, et il n'y a que lui aussi qui réduit nos ennemis à néant. Oui, c'est lui qui met sous nos pieds non-seulement notre chair avec ses concupiscences, mais encore ce siècle mauvais avec ses curiosités, et ses vanités, et Satan lui-même avec toutes ses tentations. Eh bien, n'avais-je pas raison de vous dire que dans la continence nous trouverons un motif de nous écrier : « Le Tout-Puissant a fait de grandes choses en moi? »

5030 6. Je dois maintenant vous donner les morceaux du deuxième pain; or, ce pain n'est autre chose que la grâce des mérites, celle qui nous fait mériter les biens de la vie éternelle. Or, je pense qu'elle consiste aussi en trois choses principales : dans la haine des maux passés, dans le mépris des biens présents, et dans le désir des biens futurs. Enfin, le septième pain est l'espérance, qui se partage aussi en trois morceaux, et dont le goût est exquis à notre palais. Il y a donc trois choses qui fortifient et affermissent tellement mon coeur qu'il n'est pénurie de mérites, ni considérations de notre propre néant, ni estime du bonheur du ciel qui puisse abattre l'espérance chrétienne, tant elle pousse en lui de profondes racines. Désirez-vous avoir ces trois choses, ou bien voulez-vous les conserver à cause de celui qui a dit : « Avez-vous trouvé du miel? Mangez-en jusqu'à vous en rassasier (Pr 25,16)» Voilà., à ce que je crois, comment s'accomplit tous les jours, ce que la Sagesse a 'prédit, en parlant d'elle-même quand elle, a dit par la bouche du Sage : « Ceux qui me mangent auront encore faim (Qo 24,29).» Mais, je ne veux pas vous conduire plus loin, ni faire attendre plus longtemps votre faim ; car je vois qu'elle vous tourmente autant que si vous n'aviez encore rien pris. Or, il y a trois choses sur quoi repose toute mon espérance, c'est la charité de l'adoption, la vérité des promesses, et le pouvoir de les acquitter. Que ma raison insensée murmure tant qu'il lui plaira et me dise : Qui es-tu? quelle n'est pas la grandeur de cette gloire, et sur quels mérites te fondes-tu pour espérer l'obtenir? Car je lui répondrai avec une entière confiance : je sais bien en qui j'ai mis mon espérance, et je sais, de science certaine, qu'il m'a adopté dans sa bonté excessive, qu'il est vrai dans ses promesses, et qu'il est assez puissant pour pouvoir les accomplir; car il peut tout ce qu'il veut. Voilà un triple lien qui ne se rompt pas facilement; il descend de la patrie jusqu'à nous dans notre cachot, saisissons-le avec force, mes frères, je vous en prie, pour nous soulever, nous tirer et nous traîner en la glorieuse présence de notre grand Dieu qui est béni dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.



NOVEMBRE



5031

PREMIER SERMON POUR LE PREMIER DIMANCHE DE NOVEMBRE. Sur ces paroles d'Isaïe : « Je vis le Seigneur assis sur un trône, etc. »

(Is 6,1).

1. « Je vis le Seigneur assis sur un trône élevé et sublime, et toute la terre était remplie de sa gloire (Is 6,1 Is 6,3). » Le Prophète en cet endroit nous dépeint une vision sublime. « J'ai vu, dit-il, le Seigneur assis. » C'était un beau spectacle, mes frères, et je déclare bienheureux les yeux qui ont pu le contempler. En effet, quel est l'homme qui ne désirerait pas, de toutes les ardeurs de son âme, voir de ses yeux la majesté de Dieu dans toute sa gloire? C'est l'unique ambition des saints : les anges eux-mêmes n'ont point d'autres désirs; et le contempler ainsi est toute la vie éternelle. Mais, mes frères, le même prophète eut une autre vision encore, où il vit le même Seigneur, mais d'une manière bien différente de la première. En effet, le même Isaïe, nous dit dans un autre endroit : « Nous l'avons vu, il était sans éclat et sans beauté, et nous l'avons regardé comme un lépreux, etc. (Is 53,2 Is 53,4). » Il faut remarquer d'abord que la première vision est une faveur spéciale faite au Prophète, tandis que la seconde est la vision commune ; aussi, pour la première dit-il : « J'ai vu, » et pour la seconde, « nous avons vu, » afin de mieux faire comprendre que l'une des deux visions est commune à tous les hommes, tandis que l'autre est une faveur toute spéciale. En effet, Hérode lui-même vit le Seigneur sans éclat et sans beauté, et n'eût que du mépris pour lui : les Juifs le virent également, car ils purent aller même jusqu'à compter ses os; mais pour la vision béatifique , il est évident que le Prophète l'avait en vue quand il disait : « Otez l'impie, pour qu'il ne voie point la gloire de Dieu. »

2. Dieu donc, non-seulement a parlé, mais encore s'est montré aux hommes de bien des manières. Ainsi David l'a vu placé un peu au-dessous des anges (Ps 8,6) ; Jérémie l'a vu sur la terre converser avec les hommes , Isaïe l'a vu, lui, tantôt assis sur un trône élevé, tantôt fion pas seulement au-dessous des anges, ou même parmi les nommes, mais il bous atteste qu'il l'a vu comme un lépreux, c'est-à-dire, non-seulement dans une chair, mais dans une chair semblable à une chair de péché. Et vous aussi, mes frères, si vous voulez le voir élevé sur un trône, il faut que vous le considériez auparavant dans ses humiliations. Oui, commencez par lever les yeux sur le serpent élevé à tons les regards dans le désert, si vous désirez voir le Roi assis sur son trône; il faut que cette première vision-là vous humilie avant que la seconde vous exalte; que l'une vous réprime et guérisse votre enflure, pour que l'autre remplisse et satisfasse votre désir. Le voyez-vous anéanti ? Ne le considérez pas d'un oeil oisif, car ce n'est pas d'un pareil oeil que vous pourrez le voir élevé sur son trône. Vous deviendrez semblables à lui quand vous le verrez tel qu'il est; soyez donc maintenant semblable à lui, en voyant ce qu'il est devenu pour vous, car si vous ne refusez pas de lui ressembler dans son humilité, il est sûr qu'il vous sera donné de lui ressembler dans la gloire. Jamais il ne souffrira que celui qui aura pratiqué ses tribulations soit privé de partager sa gloire. D'ailleurs, il est si éloigné de refuser d'admettre avec lui dalle son royaume celui qui a partagé sa passion, que le bon larron, pour l'avoir confessé sur la croix, fat admis le même jour avec lui dans le paradis: Voilà pourquoi aussi il disait à ses apôtres : «Pour vous, comme vous êtes demeurés fermes avec moi dans mes tentations, je vous prépare le royaume des Cieux (Lc 22,28). » Ainsi donc, si nous souffrons aven lui, nous régnerons avec lui, pourvu, mes frères, que, en attendant, le Christ, mais le Christ crucifié, soit l'objet de nos pensées. Plaçons-le comme un cachet sur notre coeur, comme un sceau sur notre bras ; embrassons-le des deux bras d'une charité réciproque, et mettons-nous à sa suite par les pratiques d'une vie de piété ; car il n'y a pas d'autre route qui nous conduise à la vision de celui qui est le sa lut de Dieu: Mais alors il ne se montrera pas sans éclat et sans beauté, mais dans une clarté telle que sa Majesté remplira le monde entier.

5032 3. Il est parfaitement juste que la première vision noua le montre, comme en hiver, non point sur son trône, mais dans un séjour moins élevé et plus humble. En effet, dans les grands palais, il y a ordinairement deux sortes d'habitations, l'une pour l'été, elle est placée en haut, l'autre pour l'hiver, elle se trouve en bas. Aussi, lorsque les coeurs de ses disciples étaient encore resserrés par les frimas et la brume de l’hiver, et que Pierre , non moins glacé de coeur que de corps, se réchauffait au brasier, ce n'était pas, pour le Sauveur, le temps de se placer ou plutôt de se montrer sur son trône. riais lorsque retentira ce cantique nouveau : « L'hiver est passé, les frimas se sont éloignés, déjà les fleurs se montrent dans nos contrées (Ct 2,11-12); » alors le Seigneur montera sur son trône et habitera au plus haut des cieux.

4. Il faut donc croire que lorsque Isaïe s'exprimait comme il l'a fait, il avait vu d'un oeil prophétique la gloire de ce temps d'été, car il disait : « J'ai vu le Seigneur assis sur son trône élevé , etc. (Is 6,1).» A votre avis, mes frères, quel était ce trône? Car le Très-Haut n'habite pas plus dans une demeure sensible que dans une habitation faite de mains d'hommes. il n'y a pas de matière corporelle qui puisse convenir pour un trône aussi sublime, fournir des matériaux à une pareille construction et sembler digne de devenir la demeure d'un pareil hôte. L'habitation spirituelle que la vraie Vie éternelle honorera de sa présence doit être construite avec des pierres vivantes. Si les gages, disséminés par la chute de ceux d'entre eux qui ont prévariqué, suffisent point pour l'achèvement d'un pareil édifice, qu'ils tirent de la poussière celui qui est dans l’indigence, et qu'ils élèvent le pauvre de dessus son fumier pour le placer avec les princes (Ps 112,6-7), et le fassent servir à terminer le trône de gloire. Peut-être même le Prophète qui l'avait vu ce trône, nous le dépeint-il élevé et sublime, afin de nous montrer dans ce trône la sublimité et la stabilité des anges, ainsi que l'élévation miséricordieuse des hommes. La suite des paroles du Prophète semblent exiger aussi une attention toute particulière ; je m'en tiendrai donc pour aujourd'hui à ce que je viens dire.


5033

DEUXIÈME (a) SERMON POUR LE PREMIER DIMANCHE DE NOVEMBRE. Sur les paroles du prophète Isaïe.


a Dans la plupart des manuscrits, les trois sermons suivants n'en font qu'un ; le cinquième manque presque en entier. Ce sermon n'est autre chose qu'un nouveau commentaire des mêmes paroles d'Isaïe ; toutefois; on le trouve tout entier dans un des manuscrits de la bibliothèque de Blancs-Manteaux ; d'un autre côté, il est parlé de ces cinq sermons dans le livre des Fleurs de saint Bernard. Voir livré X, chapitre IX et X. Remarquez que les mots séraphins et chérubins sont écrits an singulier avec un m, et au pluriel avec un n dans plusieurs anciens livres.

1. En parlant de celui qu'il avait vu assis sur un trône, notre Voyant dit : « Et la terre était toute remplie de sa majesté (Is 6,3). » Seigneur, que votre règne arrive, et que votre majesté remplisse la terre comme elle remplit les cieux. Pourquoi, en effet, le prince de ce monde déchaîne-t-il partout sa fureur comme il le fait, sinon parce que la terre entière est abandonnée à son règne impie? Mais c'est son heure, et le règne des puissances ténébreuses. Un jour viendra certainement où celui qui n'a plus eu de place dans le ciel sera misérablement chassé de la terre même et précipité dans les cavernes souterraines. Voilà pourquoi David, dans une vue prophétique, après avoir parlé du bonheur des saints, disait, au sujet de l'esprit malin et de ses anges qui sont aussi ses membres : « Il n'en est pas ainsi, non, il n'en est pas ainsi des impies, mais ils sont comme la poussière que le vent balaie à la surface de la terre (Ps 1,4). « Ils auront perdu alors tout pouvoir de tenter les hommes, toute faculté de les inquiéter, toute possibilité de leur nuire. Toute la terre sera remplie de la majesté de Dieu, puisque nulle part sur la terre sa volonté ne sera plus transgressée, que dis-je? puisque toute créature sera délivrée de son asservissement à la corruption qui cause aujourd'hui ses larmes et ses soupirs, et la tient comme dans les douleurs de l'enfantement (Rm 8,22). Il y aura alors une terre nouvelle, et de nouveaux cieux, et de quelque côté que nous tournions les yeux, nous verrons resplendir en quelque sorte la Majesté de Dieu sur la face des choses.

5034 2. Mais il est, ô homme, une autre terre qui te touche de plus près encore que celle que tu foules aux pieds, et qui est pour toi un objet de plus grands et du plus justes soucis. « Nul ne hait sa propre chair (Ep 5,29). » Console donc la tienne et fais-la reposer dans le sein de l'espérance, en lui répétant que toute terre sera remplie de la majesté de Dieu. Comment notre chair pourrait-elle être remplie maintenant de la présence de la majesté de Dieu, quand le grand apôtre Paul qui avait reçu les prémisses de l'Esprit, fait entendre des gémissements si lamentables et des plaintes si amères en s'écriant : « Je sais qu'il n'y a rien de bon en moi, c'est-à-dire, dans ma chair (Rm 7,18) ? » Et pourtant, il est bien certain qu'alors même, le péché ne régnait plus dans son corps mortel. Mais remarquez encore qu'il ne parle que de son corps mortel, et qu'il se contente de dire que le péché n'y règne plus en maître. Mais il voyait dans ses membres la loi du péché (Rm 7,23), que la majesté de Dieu en chassera certainement quand elle les remplira tout entiers ; ce n'est pas assez dire encore, elle détruira notre dernière ennemie, la mort elle-même. Ainsi toute la terre sera remplie de la majesté de Dieu, lorsque le Seigneur, par sa puissance, en aura complètement fait disparaître le péché, et jusqu'à la dette de la mort. Notre terre à nous sera donc remplie tout entière par la majesté du Seigneur, quand elle sera revêtue de gloire au jour de la résurrection, quand elle revêtira la robe de l'immortalité et se verra transfigurée en la ressemblance du corps glorieux de Jésus-Christ. En effet « nous attendons le Sauveur Notre Seigneur qui transformera notre corps vil et abject et le rendra conforme à son corps glorieux (Ph 3,20). » Qu'as-tu donc encore à murmurer, chair misérable, pourquoi fais-tu la récalcitrante, et nourris-tu des désirs contre l'esprit? S'il t'humilie, s'il te châtie et te réduit en servitude, il est certain qu'en cela, il ne prend pas moins tes intérêts que les siens. Pourquoi, ô hommes, envier le sort de ceux qui n'ont pas honte de mendier une parure sans gloire :au travail des vers ou à la dépouilles des rats, par une coquetterie indigne d'un homme, interdite même aux femmes, et qui les déshonore plus qu'elle ne les pare? Laissez-les se parer, ou plutôt se déparer de leurs propres mains, mais pour vous, si votre corps fut un corps d'humilité, sachez que l'artisan qui l'a formé, saura bien le reformer, et si vous êtes sage, vous vous en remettrez à sa main seulement pour refaire ce qu'elle a fait.

3. Mais passons à la suite de la vision prophétique d'Isaïe : « Et ce qui était placé au dessous de lui remplissait le temple (Is 6,1). » Voilà pourquoi je vous ai dit : « Humiliez-vous sous la puissante main de Dieu, afin qu'il vous élève le jour où il vous visitera (1P 5,6). » Faites donc en sorte, mon frère, de vous placer au dessous de Dieu pour vous trouver avec lui ! N'allez pas croire qu'il admettra indifféremment tous les hommes dans le temple d'une si grande béatitude, lui qui n'y a point laissé indifféremment tous les anges. Pouvez-vous croire qu'il ne fera aucune différence entre une motte de terre et une motte de terre, lui qui en fait une entre une étoile et une étoile? Il examinera l'argent, croyez-le, puisqu'il éprouvera et réprouvera l'or même. Quel ne devra donc point être l'homme pour être admis à la place de l'ange déchu? Il devra certainement être trouvé exempt de toute iniquité, mais surtout de celle qui, chez l'ange même, fut, non point une faute légère, et la cause d'une colère passagère, mais d'une haine éternelle. L'orgueil n'a paru qu'un jour, et il a jeté le trouble dans le royaume du ciel, il en a ébranlé les murs, il y a même fait de larges brèches. Eh quoi, vous semble-t-il qu'il puisse désormais lui être donné facilement accès dans ce royaume? Pouvez-vous croire que la céleste cité ne hait point, et ne déteste point de toutes ses forces une semblable peste? Soyez sûrs, mes frères, que Celui qui n'a point épargné les anges tombés dans l'orgueil, n'épargnera pas non plus les hommes coupables du même péché, car il ne se met point en contradiction avec lui-même, et ne fait acception de personne, ses jugements sont toujours les mêmes. Il n'a de goût que pour l'humilité, il n'y a qu'elle qui lui plaise dans les hommes, comme dans les anges, et Celui qui est assis sur le trône n'a fait choix que de sujets soumis, pour en remplir son temple. Aussi est-il écrit : « Qui est semblable à notre Dieu qui habite au plus haut des cieux, et qui, néanmoins, abaisse de là ses yeux sur tout ce qu'il y a d'humble sur la terre comme dans les cieux (Ps 112,5) ? » Ne reconnaissez-vous point les paroles de l'archange Michel quand il s'élève contre l'orgueilleux qui s'écrie : « Je serai semblable au Très-Haut (Is 14,14)? » Car Michel signifie : « Qui est semblable à Dieu? »

5035 4. C'est donc avec raison qu'après avoir dit qu'il a vu le Seigneur assis sur un trône élevé, sublime, le Prophète ajoute : « et tout ce qui était au dessous de lui remplissait le temple, » pour que nous ne voyions pas dans le mot « sublime » celui qui a dit: « Je m'élèverai par dessus les nues (ibidem.), ou dans le mot « élevé, » les hommes qui s'enflent d'orgueil. Il n'y a donc pas moyen de voir dans ce langage la louange de cette élévation qui s'élève contre Dieu; il n'y a, et il n'y aura dans le temple, ou sur les degrés du trône, que ceux qui sont au dessous de lui, dont les uns se trouvent élevés par leur propre stabilité, et les autres ont été tirés de leur bassesse pour être élevés ensuite, par un acte de la miséricorde divine. Ne me dites point que tout est soumis à son empire, et que ces mots « tout ce qui est au dessous de lui, » ne présentent qu'un sens général; car, pour nous montrer qu'il ne cite et ne loue que la sujétion volontaire à Dieu, celle qui prend sa source dans la ferveur même de la charité, le Prophète nous parlé ensuite des séraphins, dont je me propose de vous entretenir en son lieu, un jour, selon ce que Dieu me fera la grâce de m'inspirer à ce sujet.

5. Isaïe nous dit donc : « Et tout ce qui était au dessous de lui remplissait le temple. » Dans le principe, Dieu avait créé les anges pour remplir de leur troupe l'enceinte de cet heureux temple ; mais il ne fut pas content d'eux tous; car, comme nous le voyons dans les saintes Lettres, « dans ces anges mêmes, il a trouvé du dérèglement (
Jb 4,18). » En effet, il y en eut un, parmi eux, pour dire : « J'irai placer mon trône à l’Aquilon (Is 14,13), » et il trouva des complices pour la croire. Quel malheur pour lui avoir mieux aimé être sans Dieu ! quel malheur aussi pour ceux qui, en voyant passer le voleur, se mirent à sa suite ! Les malheureux, ils s'en allèrent avec lui, et laissèrent vide une place qu'un autre fut appelé à occuper après eux. O mon âme, ne te soumettras-tu point à Dieu ? Si tu ne le fais, il n'y aura pas de place pour toi non plus dans le temple car «il n'est rempli que par tout ce qui est placé au dessous de lui. » En vain les vierges folles viendront-elles frapper et crier à la porte de la salle des noces, une fois qu'elle sera remplie de convives, elle ne s'ouvrira plus pour elles. O malheur à l'âme pour qui cette porte sera fermée! Malheur à celui, dont il aura été dit: « Enlevez l'impie, qu'il ne voie point la gloire de Dieu. » Eu effet, à quoi bon laisser la lumière de ce jour temporel à celui qui ne doit point contempler cette gloire éternelle? Ah! je voudrais que mon oeil n'eût jamais vu la lumière du soleil, s'il faut, le ciel me préserve d'un tel malheur, s'il faut, dis-je, que je sois à jamais privé de la vision de Dieu. Allez superbes, soyez orgueilleux et fiers; élevez-vous, enflez-vous, aspirez à monter au faîte, pour que le jour où l'équité viendra, elle rase, sous son niveau, toute cette surabondance. Qu'il n'en soit pas ainsi pour toi, ô mon âme, sois soumise à Dieu, mais soumise du fond du coeur, soumise avec toute la ferveur de la dévotion, car il est dit des séraphins « qu'ils se tenaient sur les gradins du trône. » Tenons-nous-y aussi en ce jour, mes frères, et ne nous éloignons point de ce temple dans lequel tous les assistants disent gloire à Dieu, parce qu'ils contemplent la gloire de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est Dieu par dessus tout, et béni dans tous les siècles. Ainsi soit-il.



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TROISIÈME SERMON POUR LE PREMIER DIMANCHE DE NOVEMBRE. Sur les paroles du Prophète Isaïe.


Bernard sermons 5023