Bernard, du précepte 4061

NOTES DE HORSTIUS ET MABILLON SUR LE QUATRIÈME TRAITÉ DE SAINT BERNARD, DU PRÉCEPTE, ETC.

4062 CHAPITRE 2, n. 5.

254. Aussi tant qu'ils favorisent la charité, etc. C'est-à-dire tout ce qui est établi pour favoriser la charité ne doit être détruit ou réformé, due si la charité le demande. Telle est la doctrine d'Aelred, abbé de Ridal. «Ce qu'il faut observer avant tout, dit-il, c'est que tout changement, toute variante dans les usages soit une dispense, non point une destruction; car, ainsi que l'insinue saint Benoit lui-même, le but unique de. toute règle religieuse est de conserver la charité et de déraciner les vices. Par conséquent, toute dispense sera réputée raisonnable si elle n'a d'autre résultat en vue que celui-là, mais si les vices gagnent plus qu'ils rie perdent à une dispense, la charité en souffre; et, par conséquent, la dispense est mauvaise.» Tel est le langage de cet abbé dans son Compendium du miroir de la charité, chapitre XLV.

CHAPITRE 3, n. 6.

255. Quoique l'Écriture n'en parle pas. Il est vrai, comme le dit notre saint Docteur en cet endroit, que nulle part la sainte Écriture ne présente l'action de Samson comme ayant été inspirée de Dieu. Mais si elle ne le dit point d'une manière positive, cependant on est en droit de le conclure du chapitre XII de l'Épitre aux Hébreux, verset 32. Voici en quels termes Estius s'exprime sur ce sujet dans son commentaire: «J'en viens à Samson pour qui saint Augustin lui-même se charge ,de répondre dans son livre I, de la Cité de Dieu, chapitre XXI et XXVI, en disant que s'il s'est fait mourir en même temps que ses ennemis, lorsqu'il ébranla sur eux la maison où ils étaient, il n'a agi en cette occasion que par l'inspiration secrète du Saint-Esprit qui lui avait donné le pouvoir de faire des miracles. Il n'est pas permis de croire qu'il agit autrement, puisque pour accomplir sa tentative, le Ciel même lui rendit sa première force. En effet, telles sont ses propres paroles en ce moment: O Seigneur, mon Dieu, souvenez-vous de moi; mon Dieu rendez-moi maintenant ma première force, afin que je me venge en pue seule fois de mes ennemis pour la perte de mes yeux (Judic.,16,28).» La plupart des ecclésiastiques acceptent cette réponse de saint Augustin et ils ont raison. Il importe peu que Samson dise:Afin que je me venge en une seule fois de mes ennemis, comme s'il n'avait eu en cette circonstance qu'une seule pensée, se venger d'un fait qui lui était personnel, attendu que le malheur de Samson était un malheur public pour la nation, puisqu'il était le juge de son peuple et que ce n'était que pour ce peuple qu'il faisait la guerre aux Philistins. Les moqueries que ses ennemis lui prodiguaient retombaient sur le Dieu d'Israël, à qui ils insultaient, en célébrant des tètes et en offrant des sacrifices en l'honneur de leurs dieux, à l'occasion de la prise de Samson. Après tout, quand on accorderait que Samson agit alors en dehors de toute inspiration divine, il ne s'en suivrait pas qu'il eût fait un péché pour cela, comme pense saint Bernard dans l'endroit cité et ainsi que François de Victoria l'établit dans sa Rélection sur l'homicide où il dit vers la fin: «L'intention premier de Samson n'était pas de se tuer; mais bien d'écraser et de tuer ses ennemis, ce qui ne pouvait arriver sans entraîner sa propre mort, mais on ne peut douter que s'il se fût trouvé un autre moyen d'arriver à ses fins sans sacrifier ses jours, il ne l'eût préféré. Il n'eut pas besoin d'une nouvelle révélation pour savoir qu'il pouvait agir ainsi. Cette opinion se trouve d'ailleurs confirmée par l'exemple d'Eléazar que la sainte Écriture semble approuver en le rapportant, ainsi qu'on le peut voir dans le premier livre des Macchabées, au chapitre sixième.» Saint Ambroise exalte cette mort dans son livre premier des Offices, chapitre XL. Enfin, Estius pense dans son commentaire à l'endroit cité plus haut, que Samson est réputé au nombre des saints. (Note de Mabillon.)

256. il n'y a que la vie monastique qui ait mérité d'être appelée un second baptême. Pierre Damien, en s'adressant dans son opuscule XVI à un évêque qui rappelait des religieux dans le monde, lui parle en ces termes: «Dites-moi, n'avez-vous jamais vu nulle part que la profession religieuse est appelée un second baptême? Mais on le trouve trop souvent répété dans les Pères pour qu'il vous soit possible de dire qui vous ne l'avez point vu, etc.» Voir loc. citat., chapitre VIII. On peut lire encore à ce sujet ce que saint Jérôme dit à Paula dans sa lettre 25, sur la mort de Blésilla. «Certainement, si une mort prématurée l'avait enlevée à des projets mondains (Dieu épargne aux siens un pareil malheur), et aux désirs des délices de là vie présente, il y aurait heu de pleurer sur sa perte. Mais puisque par la grâce de Jésus-Christ, il y a à peine quatre mois qu'elle s'est purifiée dans les eaux du second baptême de ses veaux, et que depuis elle a vécu eu mettant le monde sous ses pieds pour ne plus songer qu'au couvent, etc.» Il tient le même langage à Demétriade: «A présent donc, lui dit-il, que vous avez dit adieu au monde, et que, dans un second baptême, vous avez déclaré la guerre à votre ennemi en lui disant: Je renonce à toi, Satan, au monde qui t'appartient, à tes pompes et à tes ouvres, observez fidèlement l'engagement que vous avez pris.»

Or voici pour quel motif on appelle la profession religieuse un second baptême. C'est que de même que dans le vrai baptême on meurt à la vie du vieil homme pour vivre à celle de l'homme nouveau (
Rm 6 Col 3 Ep 2 et alibi), d'où il suit qu'on ne sort pas du baptême tel qu'on y est entré, mais entièrement transformé, et que les péchés du premier homme ne doivent pas plus être attribués à cet homme régénéré que les miens propres ne peuvent être imputés à un autre; ainsi en est-il exactement dans la profession religieuse. En effet, un religieux meurt au monde, ainsi qu'à toutes ses oeuvres, il meurt même de plus à lui-même et à sa propre volonté, et il y meurt de telle sorte qu'il ne peut pas plus user du monde, des délices de la vie et de sa propre volonté, que s'il était effectivement mort et enterré. Puis donc que les religieux, dans leur profession, comme dans un véritable baptême, cessent d'être ce qu'ils ont été jusqu'alors, et commencent à être des hommes nouveaux, ayant de nouveaux goûts, une vie nouvelle, des pensées et des plaisirs nouveaux aussi, il n'y a rien d'étonnant que la faute et les peines qui pesaient sur eux tant qu'ils étaient revêtus du vieil homme, aient disparu dans ceux qui ont revêtu l'homme nouveau, et ne subsistent plus en eux. Telle est à peu près la doctrine de Jérôme Platus, livre I, du Monasticon, titre 2, n. 17. Aussi donne-t-on de nouveaux noms à ceux qui font profession religieuse, de même qu'on leur en donne un à leur premier baptême. Cet usage est en effet général en Belgique et en France, et se pratique en particulier chez les Feuillants et chez les Capucins.




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