1997 Vade-mecum pour les confesseurs 1


PRÉSENTATION

Le Christ continue, au moyen de son Eglise, la mission qu'il a reçue de son Père. Il envoie les douze annoncer le Royaume et inviter à la pénitence, à la conversion et à la metanoia (cf. Mc 6,12). Jésus-Ressuscité leur transmet son propre pouvoir de réconciliation: «Recevez l'Esprit-Saint; ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis» (Jn 20,22-23). Grâce à l'effusion de l'Esprit qu'Il a réalisée, l'Eglise poursuit la prédication de l'Evangile en invitant à la conversion et en administrant le sacrement de la rémission des péchés, par lequel le pécheur repenti obtient la réconciliation avec Dieu et avec l'Eglise, et voit s'ouvrir devant lui la voie du salut.

Le présent Vademecum a pour origine la sensibilité pastorale du Saint-Père qui a confié au Conseil Pontifical pour la Famille la tâche de préparer cet opuscule, et venir ainsi en aide aux confesseurs. D'après son expérience en tant que prêtre et évêque, le Saint-Père a pu constater l'importance d'orientations claires et sûres auxquelles les ministres du sacrement de réconciliation pouvaient toujours se référer lors du dialogue avec les âmes. A partir du Concile Vatican II, l'abondante doctrine du Magistère de l'Eglise sur le mariage ou la famille a rendu nécessaire une bonne synthèse relative à certains thèmes de la morale concernant la vie conjugale.

Si, au niveau doctrinal, l'Eglise a une ferme conscience des exigences du sacrement de Pénitence, on ne peut nier que dans la pratique pastorale il y a eu, quant à la traduction de ces enseignements, un certain vide. La doctrine est donc le fondement qui sert de support à ce «Vademecum», sans toutefois trop la souligner même si, en divers passages, elle est évoquée. Nous connaissons bien toute la richesse qui a été apportée à la Communauté chrétienne par l'Encyclique Humanae Vitae, illuminée ensuite par l'Encyclique Veritatis Splendor, et les Exhortations apostoliques Familiaris Consortio et Reconciliatio et Paenitentia. Nous savons aussi comment le Catéchisme de l'Église Catholique a pu fournir un résumé synthétique et efficace de la doctrine à propos de ces questions.

«Susciter dans le coeur de l'homme la conversion et la pénitence, lui offrir le don de la réconciliation est la mission connaturelle de l'Eglise, (...) une mission qui ne finit pas avec quelques affirmations théoriques ni par la proposition d'un idéal éthique sans énergie suffisante pour la mise en oeuvre, mais une mission qui tend à s'exprimer par des fonctions ministérielles précises pour une pratique concrète de la pénitence et de la réconciliation» (Exhort. Apost. Reconciliatio et Paenitentia, n. RP 23).

Nous somme heureux de remettre aux prêtres ce document qui a été soigneusement préparé, ceci grâce à la collaboration de professeurs et de quelques pasteurs, tous compétents.

Nous remercions tous ceux qui ont apporté leur contribution et qui ont permis la réalisation de ce document. L'expression de notre vive gratitude s'adresse tout particulièrement à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et au tribunal de la Pénitencerie Apostolique.


INTRODUCTION

But du document

1

La famille, que le Concile cuménique Vatican II a définie comme sanctuaire domestique de l'Eglise, ou encore, «cellule première et vitale de la société», 1 est un objet privilégié de l'attention pastorale de l'Eglise. «En un moment historique où la famille subit de nombreuses pressions qui cherchent à la détruire ou tout au moins à la déformer, l'Eglise, sachant que le bien de la société et son bien propre sont profondément liés à celui de la famille, a une conscience plus vive et plus pressante de sa mission de proclamer à tous le dessein de Dieu sur le mariage et sur la famille». 2

Durant ces dernières années, l'Eglise, à travers l'enseignement du Saint-Père et par une vaste mobilisation spirituelle des pasteurs et des laïcs, a redoublé de sollicitude afin d'aider le peuple des croyants. Ce peuple doit considérer avec gratitude et plénitude de foi les dons que Dieu dispense à l'homme et à la femme, unis par le sacrement du mariage. Ainsi ces derniers pourront suivre un authentique chemin de sainteté et offrir un véritable témoignage évangélique dans les situations concrètes qu'ils sont appelés à vivre.

Les sacrements de l'Eucharistie et de la Pénitence ont un rôle fondamental au long de ce cheminement vers la sainteté conjugale et familiale. Le premier de ces sacrements renforce l'union au Christ, source de grâce et de vie. Le second reconstruit la communion conjugale. Si elle a été détruite, il l'accroît et la perfectionne 3 lorsqu'elle est menacée ou déchirée par le péché.

Pour aider les époux à connaître le chemin qui mène à la sainteté, et les aider à remplir leur mission, la formation de la conscience est fondamentale. L'accomplissement de la volonté de Dieu dans le domaine spécifique de leur vie de conjoints, c'est-à-dire leur vie de communion conjugale au service de la vie est lui aussi fondamental. La lumière de l'Évangile et la grâce du sacrement représentent le binôme indispensable pour l'élévation et la plénitude de l'amour conjugal qui trouve sa source en Dieu Créateur. En effet, «cet amour, par un don spécial de sa grâce et de sa charité, le Seigneur a daigné le guérir, le parfaire et l'élever». 4

Pour accueillir les exigences de l'amour authentique et du plan de Dieu dans leur vie quotidienne, le moment où les conjoints demandent et reçoivent le sacrement de Réconciliation représente un événement salvifique de la plus grande importance. C'est l'occasion d'un approfondissement lumineux de la foi, et un secours précis pour réaliser le plan de Dieu dans leur vie.

«C'est le sacrement de la Pénitence ou de Réconciliation qui aplanit la route de chacun, même quand il est accablé par de lourdes fautes. Dans ce sacrement, tout homme peut expérimenter de manière unique la miséricorde, c'est-à-dire l'amour qui est plus fort que le péché». 5

Puisque l'administration du sacrement de la Réconciliation est confiée au ministère des prêtres, le présent document est adressé spécifiquement aux confesseurs. Il a pour objet d'offrir quelques dispositions pratiques pour la confession et l'absolution des fidèles en matière de chasteté conjugale. Plus concrètement, avec ce vade-mecum ad praxim confessariorum, on veut aussi donner un point de référence aux pénitents mariés pour qu'ils puissent retirer un plus grand profit de la pratique du sacrement de Réconciliation et vivre leur vocation à une paternitématernité responsable en harmonie avec la loi divine enseignée avec autorité par l'Eglise. Ce document servira aussi pour aider ceux qui se préparent au mariage.

Le problème de la procréation responsable représente un point particulièrement délicat dans l'enseignement de la morale catholique dans le domaine conjugal, mais bien plus dans le domaine de l'administration du sacrement de Réconciliation. Dans ce sacrement, la doctrine rencontre les situations concrètes et le cheminement spirituel de chacun des fidèles. Il demeure nécessaire de rappeler des points précis qui, dans la pastorale, permettent d'affronter d'une manière adaptée les nouvelles modalités de la contraception et l'aggravation du phénomène tout entier. 6 Par le présent document, on n'entend pas répéter l'enseignement de l'Encyclique Humanae Vitae, ni celui de l'Exhortation Apostolique Familiaris Consortio ou ceux contenus dans les diverses interventions du Magistère ordinaire du Souverain Pontife. Il s'agit seulement d'offrir des suggestions ou des orientations pour le bien spirituel des fidèles qui ont recours au sacrement de Réconciliation. Il s'agit de dépasser les éventuelles divergences ou incertitudes présentes dans la pratique des confesseurs.

La chasteté conjugale dans la doctrine de l'Eglise

2

La tradition chrétienne a toujours défendu la bonté de l'union conjugale et de la famille contre les nombreuses hérésies présentes dès les débuts de l'Eglise. Voulu par Dieu dès la création, rapporté par le Christ à son origine première et élevé à la dignité de sacrement, le mariage est une communion intime d'amour et de vie des époux intrinsèquement ordonnée au bien des enfants que Dieu voudra leur confier. Le lien naturel qui existe, tant pour le bien des conjoints et des enfants que pour celui de la société, ne dépend plus des décisions humaines. 7

La vertu de la chasteté conjugale «comporte l'intégrité de la personne et l'intégralité du don», 8 et à travers elle, la sexualité «devient personnelle et vraiment humaine lorsqu'elle est intégrée dans la relation de personne à personne, dans le don mutuel entier et temporairement illimité de l'homme et de la femme». 9 Cette vertu, se référant aux rapports intimes des époux, requiert de leur part qu'ils maintiennent «dans un contexte d'amour véritable, la signification totale d'une donation réciproque et d'une procréation à la mesure de l'homme». 10 C'est pourquoi, parmi les principes fondamentaux de la vie conjugale, il faut rappeler «le lien indissoluble que l'homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l'acte conjugal: union et procréation». 11

Les souverains pontifes de ce siècle ont écrit divers documents qui reprennent les principales vérités morales à propos de la chasteté conjugale. Parmi ceux-ci, on peut rappeler spécialement l'Encyclique Casti Connubii (1930) de Pie XI, 12 de nombreux discours de Pie XII, 13 l'Encyclique Humanae Vitae (1968) de Paul VI, 14 l'Exhortation Apostolique Familiaris Consortio, (FC 1) 15 la Lettre aux Familles Gratissimam Sane (LF 1) 16 (1994) et l'Encyclique Evangelium Vitae (EV 1) (1995) de Jean-Paul II. De plus, on doit aussi mentionner la Constitution Pastorale Gaudium et Spes (GS 1) 17 (1965) et le Catéchisme de l'Eglise Catholique (CEC 1) 18 (1992). En outre, en conformité avec ces enseignements, certains textes provenant des Conférences épiscopales sont eux aussi importants. Il en va de même pour ceux qui ont été élaborés par les pasteurs ou les théologiens qui ont développé et approfondi cette matière. Il est bon de rappeler aussi l'exemple donné par de nombreux époux dont l'engagement à vivre chrétiennement l'amour humain demeure un apport très efficace pour la nouvelle évangélisation des familles.


Les biens du mariage et le don de soi

3

Par le sacrement du Mariage, les époux reçoivent du Christ Rédempteur le don de la grâce qui confirme et élève la communion de l'amour fidèle et fécond. La sainteté, à laquelle ils sont appelés, est avant tout une grâce donnée.

Les personnes appelées à vivre dans le mariage réalisent leur vocation à l'amour 19 dans la pleine donation de soi. Le langage du corps exprime adéquatement cette donation. 20 Le don de la vie aux enfants qui sont le signe et le couronnement de l'amour conjugal 21 provient du don mutuel des époux.

La contraception, en s'opposant directement à la transmission de la vie, trahit et fausse l'amour d'oblation qui est le propre de l'union matrimoniale: elle «altère la valeur de la donation totale», 22 et contredit le plan d'amour de Dieu proposé aux époux.




VADE-MECUM À L'USAGE DES CONFESSEURS



Le présent vade-mecum comprend un ensemble d'éléments que les confesseurs prendront en considération pour l'administration du sacrement de Réconciliation. Ainsi pourront-ils mieux aider les conjoints à vivre chrétiennement leur vocation à la paternité ou maternité dans leurs circonstances personnelles ou sociales.

1. La sainteté matrimoniale

1 Tous les chrétiens doivent être opportunément informés sur leur vocation à la sainteté. L'invitation à la sequela Christi s'adresse en effet à tous, et chaque fidèle doit tendre à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité dans son état respectif. 23

2 La charité est l'âme de la sainteté. En raison de sa nature intime, la charité - don que le Saint-Esprit met dans le coeur -
assume et élève l'amour humain et le rend capable du don parfait de soi. La charité rend plus facile le renoncement à soi, elle rend plus aisé le combat spirituel et plus joyeux le don de soi-même. 24

3 Il n'est pas possible pour l'homme de réaliser une parfaite donation de soi par ses propres forces. Il en devient capable en vertu de la grâce du Saint-Esprit. En effet, c'est le Christ qui révèle la vérité originaire du mariage. En libérant l'homme de la dureté du coeur, il le rend capable de réaliser entièrement cette vérité. 25

4 Sur le chemin qui mène à la sainteté, le chrétien fait l'expérience de la faiblesse humaine mais aussi de la bienveillance et de la miséricorde du Seigneur. C'est pourquoi la clef de voûte de l'exercice des vertus chrétiennes - et par le fait même de la chasteté conjugale - s'appuie sur la foi qui nous rend conscients de la miséricorde de Dieu et repose sur la contrition du coeur qui accueille humblement le pardon divin. 26

5 Les époux réalisent la pleine donation de soi dans la vie matrimoniale et dans l'union conjugale. Pour les chrétiens, cette union est vivifiée par la grâce du sacrement. Leur union spécifique et la transmission de la vie sont des engagements propres à leur sainteté matrimoniale. 27

2. L'enseignement de l'Eglise sur la procréation responsable

1 On doit enseigner aux époux la valeur inestimable et le prix de la vie humaine. Qu'ils soient aidés à s'engager pour faire de leur propre famille un sanctuaire consacré à la vie: 28 «dans la paternité et la maternité humaines, Dieu lui-même est présent selon un mode différent de celui qui advient dans toute autre génération "sur la terre"». 29

2 Il faut que les parents considèrent leur mission comme un honneur et une responsabilité, puisqu'ils deviennent coopérateurs du Seigneur dans l'existence d'une nouvelle personne humaine, créée à l'image et à la ressemblance de Dieu, sauvée et destinée, dans le Christ, à une Vie de bonheur éternel. 30

«C'est précisément dans ce rôle de collaborateurs de Dieu, qui transmet son image à la nouvelle créature, que réside la grandeur des époux disposés "à coopérer à l'amour du Créateur et du Sauveur, qui, par eux, veut sans cesse agrandir et enrichir Sa propre famille"». 31

3 De là découlent la joie et l'estime qu'ont les chrétiens pour la paternité et la maternité. Cette paternité-maternité est appelée «responsable» dans les récents documents de l'Église pour souligner la conscience et la générosité des époux à propos de leur mission de transmettre la vie qui a en elle-même une valeur d'éternité. Elle est appelée responsable pour souligner aussi leur rôle d'éducateurs. Certainement il revient aux époux - qui demanderont conseil à cet effet - de choisir, d'une manière équilibrée et dans un esprit de foi, la «dimension» de leur famille. Ainsi pourront-ils décider le moyen concret de la réaliser dans le respect des critères moraux de la vie conjugale. 32

4 L'Eglise a toujours enseigné la malice intrinsèque de la contraception, c'est-à-dire de chacun des actes conjugaux rendus intentionnellement inféconds. Cet enseignement doit être considéré comme doctrine définitive et irréformable. La contraception s'oppose de manière grave à la chasteté matrimoniale, elle est contraire au bien de la transmission de la vie (aspect de procréation du mariage), et contraire au don réciproque des conjoints (aspect d'union du mariage). Elle blesse l'amour véritable et nie le rôle souverain de Dieu dans la transmission de la vie humaine. 33

5 Une malice morale spécifique, et plus grave encore, se trouve dans l'usage des moyens qui ont un effet abortif parce qu'ils empêchent la fixation de l'embryon fécondé depuis peu ou entraînent son expulsion dès le début de la grossesse. 34

6 Le comportement des conjoints, toujours fondamentalement ouverts à la vie, qui ne vivent leur intimité que dans les périodes infécondes, s'ils sont guidés par des motifs sérieux de paternité et maternité responsables, est profondément différent de toute pratique contraceptive tant du point de vue anthropologique que moral, parce qu'il s'enracine dans une conception différente de la personne et de la sexualité. 35 Le témoignage des couples qui, depuis des années, vivent en harmonie avec le plan du Créateur et qui utilisent d'une manière licite, lorsqu'il y a une raison proportionnellement sérieuse, les méthodes dites «naturelles» à juste titre, confirme que les époux peuvent vivre intégralement, d'un commun accord et dans une totale donation, les exigences de la chasteté et de la vie conjugale.

(30) «Dieu Lui-même qui a dit: "il n'est pas bon que l'homme soit seul" (Gn 2,18) et "qui dès l'origine a fait l'être humain homme et femme" (Mt 19,4) a voulu lui donner une participation spéciale dans son oeuvre créatrice; aussi a-t-il béni l'homme et la femme, disant: "soyez féconds et multipliez-vous" (Gn 1,28). Dès lors, un amour conjugal vrai et bien compris, comme toute la structure de la vie familiale qui en découle, tendent, sans sous-estimer pour autant les autres fins du mariage, à rendre les époux disponibles pour coopérer courageusement à l'amour Créateur et du Sauveur qui, par eux, veut sans cesse agrandir et enrichir sa propre famille» (Conc. cum. Vatican II, Const. Apost. sur l'Église dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, 7 décembre 1965, n. GS 50).
«La famille chrétienne est une communion de personnes, trace et image de la communion du Père et du Fils dans l'Esprit Saint. Son activité procréatrice et éducative est le reflet de l'oeuvre créatrice du Père» (Catéchisme de l'Église Catholique, n. CEC 2205).
«Coopérer avec Dieu pour appeler de nouveaux êtres humains à la vie, cela signifie contribuer à la transmission de l'image et ressemblance divines que reflète quiconque est "né d'une femme"» (Jean-Paul II, Lettre aux Familles Gratissimam Sane, 2 février 1994, n. LF 8).

3. Orientations pastorales pour les confesseurs

1 En ce qui concerne l'attitude à observer avec les pénitents en matière de procréation responsable, le confesseur devra tenir compte de quatre aspects:
a) l'exemple du Seigneur qui «est capable de se pencher sur chaque enfant prodigue, sur chaque misère humaine et surtout sur chaque misère morale, sur le péché»; 36
b) la précaution et la prudence dans les questions concernant ces péchés;
c) l'aide et l'encouragement prodigués au pénitent pour qu'il puisse atteindre le repentir suffisant et qu'il accuse intégralement les péchés graves;
d) les conseils qui font avancer progressivement sur le chemin de la sainteté.

2 Que le ministre de la Réconciliation ait toujours présent à l'esprit que le sacrement a été institué pour les hommes et les femmes qui sont pécheurs. Il accueillera les pénitents qui viennent au confessionnal en présupposant, hormis la preuve contraire manifeste, la bonne volonté de se réconcilier avec le Dieu de miséricorde. 37 Cette bonne volonté, quoique à différents degrés, naît d'un coeur contrit et humilié (Ps 50,19).

3 Quand un pénitent occasionnel vient recevoir le sacrement, qu'il ne s'est pas confessé depuis un certain temps et se trouve dans une situation générale grave, il faudra, avant de poser des questions directes et concrètes liées à la procréation responsable ou à la chasteté, l'éclairer pour qu'il comprenne ces devoirs dans une vision de foi. Pour cette raison, si l'accusation des péchés a été trop succincte ou mécanique, il est nécessaire de l'aider à replacer sa vie devant Dieu par des questions générales sur les différentes vertus et/ou obligations, selon la condition personnelle de l'intéressé. 38 Il faudra rappeler d'une manière positive l'appel à la sainteté de l'amour et l'importance des devoirs dans le domaine de la procréation et de l'éducation des enfants.

4 Lorsque le pénitent pose des questions - même s'il s'agit de demandes implicites - ou s'il lui arrive de demander des éclaircissements sur des points concrets, le confesseur doit répondre d'une manière adaptée, mais toujours avec prudence et discrétion, 39 sans approuver d'opinions erronées.

5 Le confesseur est tenu d'avertir les pénitents à propos des transgressions de la loi de Dieu, graves in se. Il doit faire en sorte qu'ils désirent l'absolution, le pardon du Seigneur avec le ferme propos de rectifier leur conduite. La récidive dans les péchés de contraception n'est cependant pas en elle-même un motif pour ne pas donner l'absolution; on ne peut refuser l'absolution que s'il manque une contrition suffisante ou la résolution de ne pas retomber dans le péché. 40

6 Le pénitent qui se confesse habituellement au même prêtre recherche souvent quelque chose d'autre que la simple absolution. Il faut que le confesseur puisse orienter le fidèle. Cela sera plus facile s'il existe une véritable direction spirituelle - même si on n'utilise pas cette expression - pour l'aider à grandir dans toutes les vertus chrétiennes, et par conséquent, avancer dans la sanctification de la vie matrimoniale. 41

7 Le sacrement de Réconciliation requiert de la part du pénitent une douleur sincère, l'accusation formellement intègre des péchés mortels et le ferme propos, avec l'aide de Dieu, de ne plus jamais retomber. En principe il n'est pas nécessaire que le confesseur cherche à savoir si les péchés, quant à leur malice, ont été commis à cause d'une ignorance invincible ou par une erreur de jugement non coupable. Quand bien même ces péchés ne seraient pas imputables, ils ne cesseraient pas pour autant d'être un mal et un désordre. Ceci vaut aussi pour la malice objective de la contraception: elle introduit dans la vie conjugale des époux une habitude mauvaise. Il est donc nécessaire de s'efforcer opportunément de libérer la conscience morale de ces erreurs 42 qui sont en contradiction avec la nature du don total dans la vie conjugale.

Tout en considérant que la formation des consciences doit surtout être réalisée lors de la catéchèse générale ou spécifique aux époux, il est toujours nécessaire d'aider les conjoints, même au cours du sacrement de Réconciliation, à s'examiner sur les devoirs spécifiques de la vie conjugale. Si le confesseur estime qu'il est nécessaire d'interroger le pénitent, qu'il le fasse avec discrétion et respect.

8 Sur le plan de la chasteté conjugale aussi, on doit considérer le principe toujours valable selon lequel il est préférable de laisser les pénitents dans leur bonne foi pour les cas où l'erreur est due à une ignorance subjectivement invincible, quand on prévoit que le pénitent, même s'il entend vivre de sa foi, ne changerait pas de conduite et en viendrait même à pécher formellement. Toutefois, dans ces cas aussi, le confesseur doit encourager ces pénitents, par la prière, par l'exhortation à la formation de la conscience, par le rappel de l'enseignement de l'Église, pour qu'ils accueillent dans leur vie le plan de Dieu, y compris dans ces exigences concrètes.

9 La «loi de gradualité» pastorale, que l'on ne peut pas confondre avec la «gradualité de la loi» qui en amoindrit les exigences, consiste à chercher une rupture décisive avec le péché et un cheminement progressif vers l'union totale à la volonté de Dieu et à ses aimables exigences. 43

10 La prétention de faire de sa propre faiblesse le critère de la vérité morale demeure en revanche inacceptable. Dès la première annonce de la parole de Jésus, le chrétien comprend qu'il y a une «disproportion» entre d'une part la loi morale, naturelle et évangélique, et d'autre part la capacité de l'homme. Il comprend aussi que la reconnaissance de sa propre faiblesse est la voie nécessaire et sûre pour ouvrir les portes de la miséricorde de Dieu. 44

11 On ne refusera pas l'absolution sacramentelle à celui qui, après avoir péché gravement contre la chasteté conjugale, s'est repenti et, malgré les rechutes, montre qu'il veut lutter pour s'abstenir de pécher de nouveau. Le confesseur évitera toute méfiance vis-à-vis de la grâce de Dieu ou des dispositions du pénitent: il n'exigera pas de garanties absolues d'une conduite irrépréhensible 45 à l'avenir que le pénitent ne peut humainement pas donner. Ceci est établi selon la doctrine reconnue et la pratique suivie par les Saints Docteurs et les confesseurs à propos des pénitents habituels.

12 Quand le pénitent est disposé à recevoir l'enseignement moral, spécialement dans le cas où il fréquente d'une manière habituelle le sacrement et lorsqu'il observe une attitude confiante quant à son influence spirituelle, il est bon d'encourager à la confiance dans la Providence pour que le pénitent s'examine d'une manière sérieuse en la présence de Dieu. Dans ce but, on vérifiera la solidité des motifs pour lesquels on désire limiter la paternité ou la maternité, et la licéité des méthodes choisies pour différer ou éviter une nouvelle conception.

13 Les cas de coopération au péché du conjoint, qui volontairement rend infécond l'acte unitif, présentent des difficultés spéciales. Dans un premier temps, il faut distinguer la coopération proprement dite de la violence ou de l'imposition injuste de la part d'un des conjoints auxquelles l'autre ne peut s'opposer. 46 , 561). Une telle coopération peut être licite quand sont réunies les trois conditions suivantes. Il faut que:

1.l'action du conjoint coopérant ne soit pas déjà en elle-même illicite; 47

2.il existe des motifs proportionnellement graves pour coopérer au péché du conjoint;

3.on cherche à aider le conjoint à abandonner un tel comportement (avec patience, par la prière, dans la charité, par le dialogue: mais pas nécessairement à ce moment, ni à chaque occasion).

14 En outre, on devra soigneusement apprécier la coopération au mal devant l'usage des moyens qui peuvent avoir des effets abortifs. 48

15 Les époux chrétiens sont témoins de l'Amour de Dieu dans le monde. Par conséquent, ils doivent être convaincus, qu'avec l'aide de la foi et malgré l'expérience de la faiblesse humaine, il est possible d'accomplir la volonté du Seigneur dans la vie conjugale, ceci avec la grâce divine. Pour obtenir la maîtrise de soi, 49 le recours fréquent et persévérant à la prière, à l'Eucharistie et la Réconciliation est indispensable.

16 On demande aux prêtres d'avoir, dans la catéchèse et dans l'accompagnement des futurs époux au mariage, des critères uniformes aussi bien dans l'enseignement que dans le domaine du sacrement de Réconciliation, dans une fidélité complète et totale au magistère de l'Eglise, à propos de la malice de l'acte contraceptif.

Les évêques y veilleront avec un soin particulier: les fidèles sont souvent scandalisés de ce manque d'unité aussi bien dans la catéchèse que dans le Sacrement de Réconciliation. 50

17 Cette pastorale de la confession sera d'autant plus efficace si elle demeure fermement liée à une catéchèse constante et forte sur la vocation chrétienne à l'amour conjugal et sur ses dimensions de joie et d'exigence, de grâce et d'engagement personnel. 51 Elle sera efficace aussi si l'on institue des centres et si l'on nomme des consulteurs auprès desquels le confesseur pourra renvoyer le pénitent pour qu'il ait une connaissance adéquate des méthodes naturelles.

18 En vue d'appliquer concrètement les directives morales au sujet de la procréation responsable, il est nécessaire que l'important travail des confesseurs soit complété par la catéchèse. Dans cet engagement, un soigneux éclaircissement sur la gravité moral du péché concernant l'avortement rentre en ligne de compte. 52

19 Pour ce qui concerne l'absolution du péché d'avortement, l'obligation de tenir compte des normes canoniques demeure toujours. Si le repentir est sincère, et s'il est difficile de s'adresser à l'autorité compétente à qui est réservée la remise de la censure, tout confesseur peut absoudre selon les dispositions du can. CIC 1357. Il peut suggérer une réparation adaptée en vue de la pénitence et indiquer la nécessité du recours, éventuellement en proposant de le rédiger et le transmettre à qui de droit. 53


CONCLUSION

A notre époque, l'Église considère comme un de ses principaux devoirs de proclamer et d'introduire dans la vie le mystère de la miséricorde. Ce mystère s'est révélé au plus haut degré en la personne de Jésus-Christ. 54

Le lieu par excellence d'une telle proclamation et de l'accomplissement de la miséricorde est la célébration du sacrement de la Réconciliation.

Cette première des trois années de préparation au Troisième millénaire, dédiée à Jésus-Christ, unique Sauveur du monde, hier, aujourd'hui et toujours (cf. He 13,8) peut être l'occasion d'un travail de mise-à-jour pastorale et d'approfondissement catéchétique dans les diocèses. Cela pourrait se faire concrètement dans les sanctuaires, où l'on accueille tant de pèlerins et où l'on administre le Sacrement du pardon avec une grande disponibilité des confesseurs.

Que les prêtres demeurent entièrement disponibles à ce ministère dont dépend la béatitude éternelle des époux, et aussi en grande partie, la sérénité et le bonheur de la vie présente: qu'ils soient pour eux vraiment des témoins vivants de la miséricorde du Père!

Cité du Vatican, le 12 février 1997.

Alfonso Cardinal López Trujillo


Président du Conseil Pontifical pour la Famille

+ Francisco Gil Hellín

Secrétaire





NOTES

(1) Conc. cum. Vatican II, Décret sur l'apostolat des laïcs Apostolicam Actuositatem, 18 novembre 1965, n. AA 11.

(2) Jean-Paul II, Exhort. Apost. Familiaris Consortio, 22 novembre 1981, n. FC 3.

(3) 3 Cf. Jean-Paul II, Exhort. Apost. Familiaris Consortio, 22 novembre 1981, n. FC 58.

(4) Conc. cum. Vatican II, Const. Past. sur l'Église dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, 7 décembre 1965, n. GS 49.

(5) Jean-Paul II, Enc. Dives in Misericordia, 30 novembre 1980, n. DM 13.

(6) 2 On tiendra compte de l'effet abortif des nouvelles préparations pharmaceutiques. Cf. Jean-Paul II, Enc. Evangelium Vitae, 25 mars 1995, n. EV 13.

(7) 2 Cf. Conc. cum. Vatican II, Const. Past. sur l'Église dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, 7 décembre 1965, n. GS 48.

(8) 2 Catéchisme de l'Église catholique, 11 octobre 1992, n. CEC 2337.

(9) 2 Ibid.

(10) Conc. cum. Vatican II, Const. Past. sur l'Église dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, 7 décembre 1965, n. GS 51.

(11) Paul VI, Enc. Humanae Vitae, 25 juillet 1968, n. HV 12.

(12) Pie XI, Enc. Casti Connubii, 31 décembre 1930.

(13) Pie XII, Discours au Congrès de l'Union catholique italienne des sages-femmes, 2 octobre 1951; Discours au Front de la Famille et aux Associations des familles nombreuses, 27 novembre 1951.

(14) Paul VI, Enc. Humanae Vitae, 25 juillet 1968.

(15) Jean-Paul II, Exhort. Apost. Familiaris Consortio, 22 novembre 1981.

(16) 3 Jean-Paul II, Lettre aux Familles Gratissimam Sane, 2 février 1994.

(17) 3 Conc. cum. Vatican II, Const. Past. sur l'Église dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, 7 décembre 1965.

(18) 3 Catéchisme de l'Église catholique, 11 octobre 1992.

(19) 3 Cf. Conc. cum. Vatican II, Const. Past. sur l'Église dans le monde de ce temps, Gaudium et Spes, 7 décembre 1965, n. GS 24.

(20) Cf. Jean-Paul II. Exhort. Apost. Familiaris Consortio, 22 novembre 1981 n. FC 32.

(21) 3 Cf. Catéchisme de l'Église Catholique, n. CEC 2378; cf. Jean-Paul II, Lettre aux Familles Gratissimam Sane, 2 février 1994, n. LF 11.


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