Irénée adv. Hérésies Liv.4 ch.34

434

Erreur des Marcionites

34 1 Nous dirons donc à l'adresse de tous les hérétiques, et d'abord des disciples de Marcion et de ceux qui comme eux prétendent que les prophètes relevaient d'un autre Dieu: Lisez avec attention l'Evangile qui nous a été donné par les apôtres, lisez aussi avec attention les prophéties, et vous constaterez que toute l'oeuvre, toute la doctrine et toute la Passion de notre Seigneur y ont été prédites. - Mais alors, penserez-vous peut-être, qu'est-ce que le Seigneur a apporté de nouveau par sa venue? - Eh bien, sachez qu'il a apporté toute nouveauté, en apportant sa propre personne annoncée par avance: car ce qui était annoncé par avance, c'était précisément que la Nouveauté viendrait renouveler et revivifier l'homme. Si, en effet, la venue du Roi est annoncée à l'avance par les serviteurs que l'on envoie, c'est pour la préparation de ceux qui auront à accueillir leur Seigneur. Mais lorsque le Roi est arrivé, que ses sujets ont été remplis de la joie annoncée, qu'ils ont reçu de lui la liberté, qu'ils ont bénéficié de sa vue, entendu ses paroles et joui de ses dons, alors, du moins pour les gens sensés, ne se pose plus la question de savoir ce que le Roi a apporté de nouveau par rapport à ceux qui avaient annoncé sa venue: car il a apporté sa propre personne et fait don aux hommes des biens annoncés par avance et "que les messagers désiraient contempler 1P 1,12".

2 Car ces serviteurs eussent été des menteurs, et non les envoyés du Seigneur, si le Christ n'avait accompli leurs oracles en venant tel exactement qu'il était annoncé. C'est pourquoi il disait: "Ne croyez pas que je sois venu abolir la Loi ou les prophètes: je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Car, je vous le dis en vérité, jusqu'à ce que passent le ciel et la terre, pas un seul iota ou un seul trait ne passera de la Loi et des prophètes, que tout ne se fasse Mt 5,17-18." Car il a tout accompli par sa venue, et il accomplit encore dans l'Eglise, jusqu'à la consommation finale, la nouvelle alliance annoncée à l'avance par la Loi. Comme le dit aussi Paul, son apôtre, dans l'épître aux Romains: "Mais maintenant, sans la Loi, a été manifestée la justice de Dieu à laquelle rendent témoignage la Loi et les prophètes Rm 3,21", "car le juste vivra de la foi Rm 1,17 Ha 2,4": que le juste vivrait de la foi, cela même avait été prédit par les prophètes.

3 Or, comment les prophètes eussent-ils pu prédire la venue du Roi, annoncer à l'avance la bonne nouvelle de la liberté qu'il allait accorder, proclamer à l'avance tout ce que fit le Christ en parole et en oeuvre, ainsi que sa Passion, et annoncer la nouvelle alliance, s'ils avaient reçu l'inspiration prophétique d'un autre Dieu qui ignorait, selon vous, le Père inexprimable et son royaume et ses "économies", ces "économies" que le Fils de Dieu a précisément accomplies en ces derniers jours en venant sur la terre? Car vous ne pouvez prétendre que ces choses sont arrivées par hasard, comme si, après avoir été dites d'un autre par les prophètes, elles étaient arrivées d'une façon toute semblable au Seigneur. Tous les prophètes ont en effet prophétisé ces mêmes choses: si elles étaient arrivées à quelqu'un des anciens, ceux qui vécurent par la suite n'eussent pas prophétisé qu'elles se réaliseraient dans les derniers temps. D'ailleurs, il n'est personne d'entre les patriarches, les prophètes ou les anciens rois en qui se soit proprement réalisée quelqu'une de ces choses: tous prophétisaient la Passion du Christ, mais eux-mêmes étaient loin d'endurer des souffrances semblables à celles qu'ils annonçaient par avance. Et les signes prédits au sujet de la Passion du Seigneur n'ont eu lieu pour aucun autre. Car à la mort d'aucun ancien le soleil ne se coucha en plein midi, ni le voile du Temple ne se déchira, ni la terre ne trembla, ni les rochers ne se fendirent, ni les morts ne ressuscitèrent Mt 27,45 Mt 27,51-52, nul d'entre eux ne ressuscita le troisième jour ni, tandis qu'il aurait été enlevé aux cieux, ne vit ceux-ci s'ouvrir pour lui; au nom d'aucun autre ne crurent les gentils; nul d'entre eux, en mourant et en ressuscitant, n'ouvrit le Nouveau Testament de la liberté. Ce n'est donc pas d'un autre que parlaient les prophètes, mais du Seigneur, en qui se sont rencontrés tous les signes prédits.

4 Peut-être quelqu'un, prenant la défense des juifs, dira-t-il que la nouvelle alliance n'est autre chose que l'érection du Temple faite sous Zorobabel après l'exil de Babylone, et le retour du peuple après les soixante-dix années. Qu'il sache donc que le Temple de pierre fut bien alors rebâti - car on y conservait encore la Loi gravée sur des tables de pierre -, mais qu'aucune alliance nouvelle ne fut donnée et qu'on fit usage de la Loi de Moïse jusqu'à la venue du Seigneur. En revanche, lors de la venue du Seigneur, une alliance nouvelle, conciliatrice de paix, et une Loi vivifiante se répandirent sur toute la terre, selon ce qu'avaient dit les prophètes: "De Sion sortira la Loi et, de Jérusalem, la parole du Seigneur, et elle fera des reproches à un peuple nombreux; et ils réduiront leurs épées en charrues et leurs lances en faucilles, et l'on n'apprendra plus à faire la guerre Is 2,3-4 Mi 4,2-3." Si donc quelque autre Loi et parole sortie de Jérusalem avait instauré une si grande paix parmi les nations qui l'auraient reçue et avait, par elles, reproché au "peuple nombreux" son inintelligence, on serait fondé à croire que les prophètes ont parlé d'un autre. Mais si la Loi de liberté , c'est-à-dire la parole de Dieu annoncée sur toute la terre par les apôtres sortis de Jérusalem, a opéré une telle transformation qu'on a changé les épées et les lances guerrières en charrues, que le Seigneur lui-même a fabriquées, et en faucilles, qu'il a données pour moissonner le froment, autrement dit en instruments pacifiques, si bien qu'on ne sait plus se battre et que, souffleté, on tend même l'autre joue Mt 5,39, - s'il en est ainsi, ce n'est pas d'un autre qu'ont parlé les prophètes, mais de celui-là même qui a fait ces choses. Or c'est notre Seigneur, et "en lui se vérifie la parole Jn 4,37": car c'est lui qui a fait la charrue et qui a apporté la faucille, ce qui signifie, d'une part, le premier ensemencement de l'homme que fut son modelage en Adam et, d'autre part, la récolte du fruit faite par l'entremise du Verbe dans les derniers temps. Et c'est pourquoi, comme il unissait le commencement à la fin, étant le Seigneur de l'un et de l'autre, d'une part, à la fin, il montra la charrue, c'est-à-dire le bois uni au fer et nettoyant ainsi la terre: car le Verbe solide, en étant uni à la chair et en étant fixé à elle de cette manière, a nettoyé la terre embroussaillée; d'autre part, dès le commencement, il préfigurait la faucille par Abel, signifiant par là la récolte de la race juste des hommes: "car vois, est-il dit, comment le juste a péri, et nul ne le remarque, comment les hommes justes sont supprimés, et nul ne le saisit en son coeur Is 57,1": cela était inauguré en Abel, puis proclamé par les prophètes, puis accompli dans le Seigneur, et il en va encore de même pour nous, le corps suivant sa tête.

5 Tout cela vaut contre ceux qui prétendent qu'autre est le Dieu des prophètes et autre le Père de notre Seigneur, pourvu toutefois qu'ils renoncent à une telle déraison. Car, si nous nous évertuons à fournir des preuves tirées des Ecritures, c'est afin de les confondre par les textes eux-mêmes, autant qu'il est en notre pouvoir, et pour les détourner de ce blasphème énorme et de cette extravagante fabrication de deux Dieux.


435

Erreur des Valentiniens

35 1 Contre les disciples de Valentin, ensuite, et tous les mal nommés "Gnostiques", qui prétendent que certaines des choses contenues dans les Ecritures furent dites par la Suprême Puissance pour la semence issue d'elle, d'autres par l'Intermédiaire à l'aide de la Mère, dite Prounikos, mais la plupart par l'Auteur du Monde, par qui furent aussi envoyés les prophètes, - nous dirons qu'il est souverainement déraisonnable de ravaler le Père de toutes choses à un tel degré d'indigence qu'il n'ait pas même ses instruments à lui pour faire connaître dans leur pureté les réalités du Plérôme. Qui craignait-il, en effet, pour ne pas faire connaître distinctement sa volonté, en toute liberté et sans se mêler à cet esprit tombé dans la déchéance et l'ignorance? Craignait-il que le plus grand nombre fût sauvé, parce que le plus grand nombre aurait entendu la vérité dans sa pureté? Ou bien encore était-il incapable de se préparer pour lui-même ceux qui devaient annoncer à l'avance la venue du Sauveur ?

2 Si, une fois venu ici-bas, le Sauveur a envoyé ses propres apôtres dans le monde pour qu'ils annoncent sa venue et enseignent la volonté du Père en toute pureté, sans avoir rien de commun avec la doctrine des gentils et des juifs, à plus forte raison, lorsqu'il se trouvait encore dans le Plérôme, a-t-il dû envoyer ses propres prédicateurs pour qu'ils annoncent sa venue en ce monde sans avoir rien de commun avec les prophéties émanées du Démiurge. Si, au contraire, lorsqu'il se trouvait encore dans le Plérôme, il s'est servi des prophètes relevant de la Loi et a donné par eux ses propres enseignements, à plus forte raison a-t-il dû, une fois venu ici-bas, se servir d'eux comme de docteurs et nous annoncer par eux l'Évangile: dès lors, qu'ils ne disent plus que Pierre, Paul et les autres apôtres ont annoncé la vérité, mais bien les scribes, les Pharisiens et autres hérauts de la Loi ! Mais puisque, lors de sa venue, il a envoyé ses propres apôtres dans un esprit de vérité et non dans un esprit d'erreur, il en a fait de même avec les prophètes, car, en tout temps, il est le même Verbe de Dieu.

Au reste, si l'esprit issu de la Suprême Puissance fut, selon leur système, un esprit de lumière, un esprit de vérité, un esprit de perfection et un esprit de connaissance, tandis que l'esprit issu du Démiurge fut un esprit d'ignorance, de déchéance, d'erreur et de ténèbres, comment se peut-il qu'en un seul et même homme aient existé la perfection et la déchéance, la connaissance et l'ignorance, la vérité et l'erreur, la lumière et les ténèbres? S'il était impossible qu'il en fût ainsi chez les prophètes, s'ils ont, de la part du seul Dieu, prêché le vrai Dieu et annoncé la venue de son Fils, à plus forte raison le Seigneur lui-même n'a-t-il pu parler tantôt de la part de la Suprême Puissance et tantôt de la part du Fruit de la déchéance, devenant ainsi tout à la fois maître de connaissance et d'ignorance, ni glorifier tantôt le Démiurge et tantôt le Père qui est au-dessus de celui-ci. Comme il le dit lui-même: " Personne ne met une pièce d'un vêtement neuf sur un vieux vêtement, et l'on lie met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres Mt 9,16-17 Lc 5,36-37." Par conséquent, de deux choses l'une: - ou bien, qu'ils rejettent complètement eux aussi les prophètes, comme vétustes, et qu'ils ne prétendent pas que, tout en étant envoyés à l'avance par le Démiurge, ils ont néanmoins dit certaines choses de la part de la nouveauté qui est l'apanage de la Suprême Puissance; - ou bien, une fois de plus, ils seront repris par le Seigneur qui dit qu'on ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres.

3 Quant à la semence de leur Mère, comment aurait-elle pu connaître les mystères intérieurs du Plérôme et en parler? C'est en effet alors qu'elle se trouvait hors du Plérôme, que la Mère a enfanté cette semence. Or ce qui se trouve hors du Plérôme se trouve, d'après eux, hors de la connaissance, autrement dit dans l'ignorance. Comment, dès lors, une semence enfantée dans l'ignorance aurait-elle pu être source de connaissance? Ou encore, comment la Mère elle-même aurait-elle connu les mystères du Plérôme, elle qui, n'ayant ni forme ni figure, fut projetée au dehors comme un avorton, qui y fut ensuite disposée et formée, qui fut empêchée par Limite de pénétrer à l'intérieur et qui, jusqu'à la consommation filiale, doit rester hors du Plérôme, c'est-à-dire hors de la connaissance? De même encore, quand ils disent que la Passion du Seigneur a figuré l'extension du Christ supérieur par laquelle celui-ci, en s'étendant sur Limite, a formé leur Mère, ils sont réfutés par tous les autres points sur lesquels ils ne peuvent montrer de correspondance avec la figure. Quand, en effet, le Christ d'en haut fut-il abreuvé de vinaigre et de fiel? Quand ses vêtements furent-ils partagés? Quand fut-il percé et vit-on sortir du sang et de l'eau? Quand sua-t-il des gouttes de sang? Et toutes les autres choses qui arrivèrent au Seigneur et dont les prophètes ont parlé. Comment donc la Mère ou la semence de celle-ci eussent-elles pu deviner ce qui n'était pas encore arrivé alors, mais devait arriver par la suite ?

4 En plus de tout cela, ils disent encore que certaines choses furent dites par la Suprême Puissance, mais ils sont réfutés par ce qui est rapporté dans les Écritures au sujet de la venue du Christ. ])'ailleurs, s'agit-il de savoir quelles sont ces Choses, ils lie s'accordent plus et font des réponses différentes à propos des mêmes textes. Car si quelqu'un voulant les mettre à l'épreuve, interroge séparément les plus distingués d'entre eux sur quelque texte, il constatera que l'un y voit une allusion au Pro-Père ou Abîme, l'autre au Principe de toutes choses ou Monogène, l'autre au père de toutes choses ou Logos, l'autre encore à l'un des Éons du Plérôme, l'autre au Christ, et l'autre au Sauveur; le plus savant d'entre eux, après avoir gardé longtemps le silence, déclare qu'il s'agit de Limite; un autre y voit signifiée la Sagesse intérieure au Plérôme; un autre y voit annoncée la Mère extérieure au Plérôme; un dernier nommera le Dieu Auteur du monde: tant il y a de divergences entre eux sur un seul point, et tant ils professent d'opinions variées sur les mêmes Écritures ! Un seul et même texte vient-il d'être lu, tous de froncer les sourcils et de hocher la tête: "Voilà une parole fort profonde, disent-ils, et tous ne saisissent pas la grandeur du sens qu'elle renferme: aussi le silence est-il la plus grande chose aux yeux des sages." Il sied, en effet, que le Silence d'en haut trouve sa réplique dans leur silence à eux ! Ainsi s'en vont-ils, tous autant qu'ils sont, enfantant d'un seul texte de si grandes pensées et emportant avec eux, au plus profond d'eux-mêmes, leurs subtilités. Quand donc ils se seront mis d'accord sur ce qui fut prédit dans les Ecritures, alors, nous les confondrons, nous aussi: entre temps, par le désaccord de leurs interprétations, ils font eux-mêmes la preuve qu'ils ne pensent pas correctement. Pour nous, suivant le Seigneur comme unique et seul vrai Maître et prenant ses paroles pour règle de vérité, tous et toujours nous entendons d'une manière identique les mêmes textes, en ne reconnaissant qu'un seul Dieu, Créateur de cet univers, qui envoya les prophètes, qui fit sortir son peuple de la terre d'Egypte et qui, dans les derniers temps, manifesta son Fils pour confondre les incrédules et réclamer le fruit de la justice Am 6,12 Ph 1,11 Jc 3,78.






TROISIÈME PARTIE


UN SEUL DIEU, AUTEUR DES DEUX TESTAMENTS, PROUVÉ PAR LES PARABOLES DU CHRIST



I. UN SEUL DIEU, AUTEUR DE LA VOCATION D'ISRAËL ET DES GENTILS

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Parabole des vignerons homicides

36 1 Lequel d'entre eux, en effet, le Seigneur ne confondit pas, lorsque, de la manière suivante, il enseigne que les prophètes n'ont pas parlé de la part d'un autre Dieu que son Père, ni de la part de diverses substances mais de la part d'un seul et même Père, et que nul autre que son Père n'a fait ce qui se trouve en ce monde? Voici donc ses paroles: "I1 y avait un maître de maison; il planta une vigne, l'entoura d'une clôture, y creusa un pressoir, y bâtit une tour, la loua à des vignerons et partit en voyage. Quand approcha le temps des fruits, il envoya ses serviteurs aux vignerons pour recevoir les fruits qui étaient siens. Les vignerons, s'étant saisis des serviteurs, battirent l'un, tuèrent l'autre et lapidèrent un troisième. Il envoya encore d'autres serviteurs en plus grand nombre que les précédents, et ils les traitèrent pareillement. Pour finir, il leur envoya son fils unique, en disant: Peut-être auront-ils des égards pour mon fils. Mais, à la vue du fils, les vignerons se dirent entre eux: Voici l'héritier; venez, tuons-le, et nous aurons son héritage. Et s'étant saisis de lui, ils le tuèrent et le jetèrent hors de la vigne. Lors donc que viendra le maître de la vigne, que fera-t-il à ces vignerons? - Ils lui dirent: Il fera périr misérablement ces misérables, et il louera sa vigne à d'autres vignerons, qui lui en remettront les fruits en leur temps. - Et le Seigneur de reprendre: N'avez-vous jamais lu: La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs, c'est elle qui est devenue tête d'angle; c'est par le Seigneur qu'elle l'est devenue, et elle est admirable à nos yeux. C'est pourquoi je vous le dis: le royaume de Dieu vous sera ôté et il sera donné à une nation qui en produira les fruits Mt 21,33-43 Ps 118,22-23."

Par là, le Seigneur montre clairement à ses disciples qu'il n'y a qu'un seul et même Maître de maison, c'est-à-dire un seul Dieu Père qui, par lui-même, a fait toutes choses; mais il y a plusieurs sortes de vignerons: les uns "insolents, orgueilleux Rm 1,30", stériles, meurtriers de leur Seigneur; les autres remettant en toute obéissance les fruits en leur temps. Et c'est le même Maître de maison qui envoie tantôt ses serviteurs et tantôt son Fils. Le Père qui envoya son Fils aux vignerons qui le tuèrent est donc bien celui-là même qui leur avait envoyé déjà ses serviteurs; mais le Fils venait de la part de son Père avec l'autorité souveraine - aussi disait-il: "Mais moi, je vous dis..." -, tandis que les serviteurs venaient en service de la part de leur Seigneur - et c'est pourquoi ils disaient: " Voici ce que dit le Seigneur..." - 2 Ainsi donc, Celui qu'ils prêchaient comme Seigneur aux incrédules, c'est celui-là même que le Christ a fait connaître comme Père à ceux qui lui ont obéi; et le Dieu qui avait d'abord appelé les hommes par la Loi de servitude, c'est celui-là même qui les a ensuite accueillis par la filiation adoptive.

Dieu, en effet, planta la vigne du genre humain par le modelage d'Adam et l'élection des patriarches. Puis il la confia à des vignerons par le don de la Loi mosaïque. Il l'entoura d'une clôture, c'est-à-dire circonscrivit la terre qu'ils auraient à cultiver. Il bâtit une tour, c'est-à-dire choisit Jérusalem. Il creusa un pressoir, c'est-à-dire prépara un réceptacle pour l'Esprit prophétique. Et c'est ainsi qu'il leur envoya des prophètes avant l'exil de Babylone, puis, après l'exil, d'autres encore, en plus grand nombre que les premiers, pour réclamer les fruits et pour leur dire: "Voici ce que dit le Seigneur: Redressez vos voies et vos habitudes de vie Jr 7,3"; "jugez avec justice, pratiquez la pitié et la miséricorde chacun envers son frère, n'opprimez pas la veuve et l'orphelin, l'étranger et le pauvre, et que personne d'entre vous ne conserve dans son coeur le souvenir de la méchanceté de son frère Za 7,9-10"; "n'aimez pas faire de faux serments Za 8,17"; "lavez-vous, purifiez-vous, ôtez la malice de vos coeurs de devant mes yeux; cessez vos méchancetés, apprenez à bien faire; recherchez la justice, sauvez celui qui souffre l'injustice, faites droit à l'orphelin et défendez la veuve: venez alors et disputons ensemble, dit le Seigneur Is 1,16-18"; et encore: "Détourne ta langue du mal et tes lèvres des paroles perfides; évite le mal et fais le bien, cherche la paix et poursuit-la Ps 33,14-15." Voilà par quelles prédications les prophètes réclamaient le fruit de la justice Am 6,12 Ph 1,11 Jc 3,18. Mais, comme ceux-là demeuraient incrédules, il leur envoya finalement son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, que ces mauvais vignerons tuèrent et jetèrent hors de la vigne. Aussi Dieu a-t-il confié celle-ci - non plus circonscrite, mais étendue au monde entier -à d'autres vignerons qui lui en remettent les fruits en leur temps. La tour de l'élection se dresse partout dans son éclat, car partout resplendit l'Église; partout aussi est creusé le pressoir, car partout sont ceux qui reçoivent l'Esprit de Dieu. Car, parce que ceux-là ont repoussé le Fils de Dieu et l'ont jeté hors de la vigne après l'avoir tué, Dieu les a justement réprouvés, et c'est aux gentils, qui se trouvaient hors de la vigne, qu'il a confié le soin de faire fructifier sa terre. Comme le dit le prophète Jérémie: "Lc Seigneur a réprouvé et rejeté la nation qui fait cela: car les fils de Juda ont fait le mal devant moi, dit le Seigneur Jr 7,29-30." De même Ézéchiel: "J'ai établi sur vous des sentinelles; écoutez la voix de la trompette. Et ils ont dit: Nous n'écouterons pas. C'est pourquoi les gentils ont entendu, ainsi que ceux qui paissent les troupeaux parmi ceux-ci Jr 6,17-18." C'est donc un seul et même Dieu Père qui a planté la vigne, fait sortir le peuple, envoyé les prophètes, envoyé son Fils et confié sa vigne à d'autres vignerons qui lui en remettent les fruits en leur temps.


"Veillez..."

3 C'est pourquoi le Seigneur disait à ses disciples, pour nous disposer à être de bons ouvriers: " Prenez garde à vous-mêmes et veillez en tout temps, de peur que vos coeurs ne s'alourdissent dans la débauche, l'ivrognerie et les soucis matériels, et que ce jour-là ne fonde sur vous à l'improviste: car il viendra comme un filet sur tous ceux qui sont assis sur la face de la terre Lc 21,34-36." "Que vos reins soient donc ceints et vos lampes allumées ! Et vous, soyez semblables à des hommes qui attendent leur maître Lc 12,35-36." "Car, comme il arriva aux jours de Noé - les gens mangeaient, buvaient, achetaient, vendaient, épousaient, étaient épousés, et ils ne surent rien jusqu'au moment où Noé entra dans l'arche et où le déluge vint et les fit périr tous -, et comme il arriva aux jours de Lot - les gens mangeaient, buvaient, achetaient, vendaient, plantaient, bâtissaient, mais, le jour où Lot sortit de Sodome, une pluie de feu tomba du ciel et les fit périr tous -: ainsi en sera-t-il à la venue du Fils de l'homme Lc 17,26-30 Mt 24,37-39." "Veillez donc, puisque vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra Mt 24,42." C'est un seul et même Seigneur qu'il annonçait par là: au temps de Noé, à cause de la désobéissance des hommes, il a fait venir le déluge; au temps de Lot, à cause de la multitude des péchés des habitants de Sodome, il a fait pleuvoir un feu du ciel; à la fin, à cause d'une désobéissance identique et de péchés semblables, il fera venir le jour du jugement, en lequel il dit qu'il y aura moins de rigueur pour Sodome et Gomorrhe que pour la ville Mt 10,15 Lc 10,12 et la maison qui n'auront pas reçu la parole de ses apôtres: "Et toi, Capharnaüm, disait-il, t'élèveras-tu jusqu'au ciel? C'est jusqu'aux enfers que tu descendras: car, si les prodiges qui ont été faits chez toi l'avaient été dans Sodome, elle serait demeurée jusqu'aujourd'hui. Oui, je vous le dis, il y aura, au jour du jugement, moins de rigueur pour Sodome que pour vous Mt 11,23-24."

4 Il n'y a donc, en tout temps, qu'un seul et même Verbe de Dieu, qui donne à ceux qui croient en lui une source d'eau pour la vie éternelle Jn 4,14, mais dessèche en un instant le figuier stérile Mt 21,19. Au temps de Noé, il a fait venir le déluge en toute justice, afin d'éteindre la race exécrable des hommes d'alors, incapables de porter encore du fruit pour Dieu depuis que des anges rebelles s'étaient mêlés à eux Gn 6,2-4, et afin de mettre un terme à leurs péchés tout en sauvegardant le modèle originel, l'ouvrage modelé en Adam. Au temps de Lot, il a fait pleuvoir du ciel sur Sodome et Gomorrhe le feu et le soufre, "en témoignage du juste jugement de Dieu 2Th 1,5", afin que tous sachent que "tout arbre qui ne porte pas de fruit est coupé et jeté au feu Mt 3,10 Mt 7,19 Lc 3,9". Enfin, lors du jugement universel, il usera de moins de rigueur à l'égard de Sodome qu'à l'endroit de ceux qui ont vu les prodiges qu'il faisait et n'ont pas cru en lui ni reçu son enseignement: de même, en effet, qu'il a donné par sa venue une grâce plus abondante à ceux qui ont cru en lui et qui ont fait sa volonté, de même il a laissé entendre que ceux qui n'ont pas cru en lui auront un châtiment plus sévère lors du jugement, car il est également juste envers tous et, de ceux à qui il aura donné davantage, il réclamera davantage Lc 12,48, - davantage, disons-nous, non qu'il leur ait révélé la connaissance d'un autre Père, comme nous l'avons si abondamment montré, mais parce qu'il a, par sa venue, répandu sur le genre humain un don plus abondant de la grâce du Père.


Parabole des invités aux noces du fils du roi

5 S'il en est un à qui ce que nous venons de dire ne suffit pas pour croire que les prophètes furent envoyés par le seul et même Dieu par qui le fut aussi notre Seigneur, qu'il ouvre les oreilles de son coeur et qu'après avoir invoqué le Christ Jésus, Seigneur et docteur, il l'écoute dire que le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit des noces pour son fils et envoya ses serviteurs appeler ceux qui avaient été invités aux noces. Et comme ceux-ci refusaient de les écouter, "à nouveau, dit-il, il leur envoya d'autres serviteurs, disant: Dites aux invités: Voici que j'ai préparé mon festin, on a tué mes taureaux et mes bêtes grasses, et tout est prêt: venez aux noces. Mais ils partirent sans lui prêter attention, les uns à leur champ, les autres à leur négoce; d'autres, s'étant saisis des serviteurs, maltraitèrent les uns et tuèrent les autres. A cette nouvelle, le roi entra en colère; ayant envoyé ses armées, il fit périr ces meurtriers et incendia leur ville. Puis il dit à ses serviteurs: Les noces sont prêtes, mais les invités n'en étaient pas dignes: allez donc aux issues des chemins, et tous ceux que vous trouverez, invitez-les aux noces. Etant sortis, ses serviteurs rassemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, mauvais et bons, et la salle de noces se remplit de convives. Étant entré pour voir les convives, le roi aperçut là un homme qui n'était point revêtu de l'habit de noces, et il lui dit: Mon ami, comment es-tu venu ici sans avoir l'habit de noces? Comme l'autre restait muet, le roi dit aux serviteurs: Prenez-le par les pieds et par les mains et jetez-le dans les ténèbres extérieures: là il y aura les pleurs et le grincement des dents. Car il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus Mt 22,1-14."

Par ces paroles encore, le Seigneur a tout mis en pleine lumière: l n'y a qu'un seul Roi et Seigneur, le Père de toutes choses, au sujet de qui il disait précédemment: "Ne jure pas non plus par Jérusalem, parce que c'est la ville du grand Roi Mt 5,35"; dès le commencement, il prépara des noces pour son Fils et, dans sa suréminente bonté, par l'entremise de ses serviteurs, il invita les anciens au festin des noces; comme ceux-ci refusaient de les écouter, à nouveau il envoya d'autres serviteurs les appeler, mais ils n'écoutèrent pas davantage, allant même jusqu'à lapider et mettre à mort ceux qui leur faisaient entendre l'appel, alors, ayant envoyé ses armées, il les fit périr et incendia leur ville; puis, de tous les chemins, c'est-à-dire des diverses nations, il invita les hommes au festin des noces de son Fils. Comme il le dit par Jérémie: "Je vous ai envoyé mes serviteurs les prophètes pour dire: Détournez-vous chacun de votre voie mauvaise et rendez bonnes vos oeuvres Jr 35,15." Et derechef par le même: "Je vous ai envoyé tous mes serviteurs les prophètes, de jour et avant la lumière, mais ils ne m'ont pas écouté et n'ont pas prêté l'oreille. Et tu leur diras cette parole: Voici la nation qui n'a pas écouté la voix du Seigneur ni reçu son enseignement, la foi a fait défaut dans leur bouche Jr 7,25-28." Ainsi donc, le Dieu qui nous a appelés de partout par les apôtres, c'est lui qui appelait les anciens par les prophètes, comme le montrent les paroles du Seigneur. Les prophètes ne venaient pas de la part d'un Dieu et les apôtres de la part d'un autre, même s'ils prêchaient à des peuples différents; mais, de la part d'un seul et même Dieu, les uns annonçaient le Seigneur, tandis que les autres portaient la bonne nouvelle du Père, et les uns annonçaient à l'avance la venue du Fils de Dieu, tandis que les autres le prêchaient, alors qu'il était déjà là, "à ceux qui étaient loin Is 57,19 Ep 2,17".

6 I1 a encore fait connaître que, en plus de l'appel, il nous faut être ornés des oeuvres de la justice pour que repose sur nous l'Esprit de Dieu. Car c'est lui l'habit de noces, dont l'Apôtre dit: "Nous ne voulons pas nous dépouiller, mais le revêtir par-dessus, afin que ce qui est mortel soit absorbé par l'Immortalité 2Co 5,4." Quant à ceux qui, invités au repas de Dieu, n'auront point eu part à l'Esprit Saint à cause de leur conduite mauvaise, "ils seront, dit-il, jetés dans les ténèbres extérieures Mt 22,13". Il montre clairement par là que le même Roi qui a invité les hommes de partout aux noces de son Fils et donné le festin de l'incorruptibilité, fait aussi jeter dans les ténèbres extérieures celui qui n'a pas l'habit de noces, c'est-à-dire le contempteur. Car, de même que sous la première alliance "il n'eut point pour agréables la plupart d'entre eux 1Co 10,5", ainsi, maintenant encore, "il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus Mt 22,14". Autre n'est donc pas le Dieu qui juge et autre le Père qui appelle au salut, ni autre Celui qui donne l'éternelle lumière et autre Celui qui fait jeter dans les ténèbres extérieures ceux qui n'ont pas l'habit de noces, mais c'est un seul et le même, à savoir le Père de notre Seigneur, par qui aussi les prophètes furent envoyés: il appelle des indignes à cause de sa suréminente bonté, mais il examine les appelés pour voir s'ils ont l'habit convenable et adapté aux noces de son Fils. Car rien d'inconvenant ni de mauvais ne saurait lui plaire, comme le dit le Seigneur à celui qui avait été guéri: "Te voilà devenu sain: ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire ": lui qui est bon, juste, pur et sans tache, ne souffrira rien de mauvais ni d'injuste ni d'exécrable dans sa chambre nuptiale.

Et c'est lui le Père de notre Seigneur: tout subsiste par sa providence et tout est régi par son commandement; il donne gratuitement à qui cela convient et il distribue selon leur mérite aux ingrats et à ceux qui sont insensibles à sa bonté. Et c'est pourquoi il dit: "Ayant envoyé ses armées, il fit périr ces meurtriers et incendia leur ville Mt 22,7." Il dit "ses armées", parce que tous les hommes sont à Dieu, car "au Seigneur appartient la terre et ce qui la remplit, le monde et tous ceux qui l'habitent Ps 24,1". Et c'est pourquoi l'apôtre Paul dit dans l'épître aux Romains: "II n'y a point d'autorité qui ne vieillie de Dieu, et celles qui existent ont été établies par Dieu. Aussi celui qui résiste à l'autorité résiste à l'ordre établi par Dieu. Or ceux qui résistent attirent sur eux la condamnation. Car les magistrats sont à craindre non pour les bonnes actions, mais pour les mauvaises. Veux-tu ne pas craindre l'autorité? Fais le bien, et tu en recevras des éloges, car elle est pour toi ministre de Dieu en vue du bien. Mais si tu fais le mal, crains, car ce n'est pas pour rien qu'elle porte le glaive: elle est, en effet, ministre de Dieu pour exercer la colère et tirer vengeance de celui qui fait le mal. Aussi faut-il se soumettre, non seulement par crainte de la colère, mais encore par motif de conscience. C'est aussi pour cette raison que vous payez les impôts, car les magistrats sont les ministres de Dieu en s'employant assidûment à cela même Rm 13,1-6." Ainsi donc, le Seigneur aussi bien que l'Apôtre annonçait un seul Dieu Père, Celui-là même qui a donné la Loi, qui a envoyé les prophètes, qui a fait toutes choses; et c'est pourquoi il dit: "ayant envoyé ses armées Mt 22,7", car tout homme, selon qu'il est homme, est l'ouvrage de ses mains, lors même qu'il ignorerait son Seigneur: car à tous il donne l'existence, lui "qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et pleuvoir sur les justes et les injustes Mt 5,45".


Autres paraboles

7 Ce n'est pas seulement par les paroles ci-dessus rapportées, mais encore par la parabole des deux fils, dont le plus jeune dissipa ses biens dans la débauche en vivant avec des courtisanes Lc 15,11-32, qu'il a enseigné un seul et même Père: à l'aîné de ses fils, il n'avait pas même accordé un chevreau, mais, pour celui qui avait été perdu, son cadet, il fit tuer le veau gras et il lui donna la meilleure robe.

La parabole des ouvriers envoyés à la vigne à des moments différents Mt 20,1-16 montre, elle aussi, qu'il n'y a qu'un seul et même Maître de maison, qui a appelé les uns aussitôt, dès le début de la formation du monde, d'autres par la suite, d'autres vers le milieu du temps, d'autres quand les temps étaient déjà avancés, et d'autres encore tout à la fin: de la sorte, nombreux sont les ouvriers selon leurs époques, mais unique est le Maître de maison qui les appelle. I1 n'y a en effet qu'une seule vigne, parce qu'il n'y a aussi qu'une seule justice; il n'y a qu'un seul intendant, car unique est l'Esprit de Dieu qui administre toutes choses; de même encore il n'y a qu'un seul salaire, car tous " reçurent chacun un denier Mt 20,9", image et inscription Mt 22,20 Mc 12,16 Lc 20,24 du Roi, c'est-à-dire la connaissance du Fils de Dieu qui est l'incorruptibilité: et c'est pourquoi il a donné le salaire en commençant par les derniers Mt 20,8, parce que c'est dans les derniers temps que le Seigneur, en se manifestant, s'est rendu lui-même présent à tous.

8 Et le publicain qui surpassa le Pharisien dans sa prière Lc 18,10-14, ce n'est pas parce qu'il priait un autre Père qu'il reçut du Seigneur ce témoignage qu'il était justifié de préférence, mais parce que, avec grande humilité, sans orgueil ni jactance, il faisait à ce même Dieu l'aveu de ses péchés.

Et la parabole des deux fils envoyés à la vigne Mt 21,28-32, dont l'un répliqua à son père, puis se repentit, alors qu'aucun profit ne résultait pour lui de son repentir, et dont l'autre promit aussitôt à son père d'y aller, mais n'y alla point - car "tout homme est menteur Ps 116,2" et, si vouloir est à sa portée, il ne trouve pas la force de faire Rm 7,18 -, cette parabole aussi montre qu'il n'y a qu'un seul et même Père.

De même encore la parabole du figuier Lc 13,6-9, au sujet duquel le Seigneur dit: "Voici trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier et que je n'en trouve pas Lc 13,7": cette parabole indiquait clairement sa venue par les prophètes, par lesquels il était venu maintes fois chercher chez eux le fruit de la justice Am 6,12, sans le trouver; elle indiquait aussi que le figuier serait coupé pour la raison qui vient d'être dite.

De même encore, mais cette fois sans parabole, le Seigneur disait à Jérusalem: "Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, que de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n'avez pas voulu ! Voici que votre maison va vous être abandonnée Mt 23,37-38 Lc 13,34-35." Car ce qu'il disait en manière de parabole: "Voici trois ans que je viens chercher du fruit", et qu'il redisait en langage clair: "Que de fois ai-je voulu rassembler tes enfants !" - serait un mensonge si nous ne le comprenions de sa venue par les prophètes, car il n'est venu vers ceux-là qu'une seule fois, et alors pour la première fois. Mais la preuve que c'est bien le même Verbe de Dieu qui fit choix des patriarches, visita ceux-là maintes fois par l'Esprit prophétique et nous appela de partout par sa venue, c'est que, outre ces paroles dites par lui en toute vérité, il disait encore ceci: " Beaucoup viendront du levant et du couchant et prendront place à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, tandis que les fils du royaume iront dans les ténèbres extérieures: là il y aura les pleurs et le grincement des dents Mt 8,11-12." Si donc ceux qui, du levant et du couchant, ont cru en lui grâce à la prédication des apôtres doivent prendre place avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux et avoir part au même festin qu'eux, la preuve est faite qu'il n'y a qu'un seul et même Dieu, qui fit choix des patriarches, visita le peuple et appela les gentils.




II. LA LIBERTÉ HUMAINE




Irénée adv. Hérésies Liv.4 ch.34