Catéchisme Eglise Cath. 402

Conséquences du péché d’Adam pour l’humanité

402 Tous les hommes sont impliqués dans le péché d’Adam. S. Paul l’affirme : " Par la désobéissance d’un seul homme, la multitude (c’est-à-dire tous les hommes) a été constituée pécheresse " (Rm 5,19) : " De même que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont péché... " (Rm 5,12). A l’universalité du péché et de la mort l’apôtre oppose l’universalité du salut dans le Christ : " Comme la faute d’un seul a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même l’oeuvre de justice d’un seul (celle du Christ) procure à tous une justification qui donne la vie " (Rm 5,18).


403 A la suite de S. Paul l’Église a toujours enseigné que l’immense misère qui opprime les hommes et leur inclination au mal et à la mort ne sont pas compréhensibles sans leur lien avec le péché d’Adam et le fait qu’il nous a transmis un péché dont nous naissons tous affectés et qui est " mort de l’âme " (cf. Cc. Trente : DS 1512). En raison de cette certitude de foi, l’Église donne le Baptême pour la rémission des péchés même aux petits enfants qui n’ont pas commis de péché personnel (cf. Cc. Trente : DS 1514).


404 Comment le péché d’Adam est-il devenu le péché de tous ses descendants ? Tout le genre humain est en Adam " comme l’unique corps d’un homme unique " (S. Thomas d’A. , mal. 4,1) Par cette " unité du genre humain " tous les hommes sont impliqués dans le péché d’Adam, comme tous sont impliqués dans la justice du Christ. Cependant, la transmission du péché originel est un mystère que nous ne pouvons pas comprendre pleinement. Mais nous savons par la Révélation qu’Adam avait reçu la sainteté et la justice originelles non pas pour lui seul, mais pour toute la nature humaine : en cédant au tentateur, Adam et Eve commettent un péché personnel, mais ce péché affecte la nature humaine qu’ils vont transmettre dans un état déchu (cf. Cc. Trente : DS 1511-1512). C’est un péché qui sera transmis par propagation à toute l’humanité, c’est-à-dire par la transmission d’une nature humaine privée de la sainteté et de la justice originelles. Et c’est pourquoi le péché originel est appelé " péché " de façon analogique : c’est un péché " contracté " et non pas " commis ", un état et non pas un acte.


405 Quoique propre à chacun (cf. Cc. Trente : DS 1513), le péché originel n’a, en aucun descendant d’Adam, un caractère de faute personnelle. C’est la privation de la sainteté et de la justice originelles, mais la nature humaine n’est pas totalement corrompue : elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et inclinée au péché (cette inclination au mal est appelée " concupiscence "). Le Baptême, en donnant la vie de la grâce du Christ, efface le péché originel et retourne l’homme vers Dieu, mais les conséquences pour la nature, affaiblie et inclinée au mal, persistent dans l’homme et l’appellent au combat spirituel.


406 La doctrine de l’Église sur la transmission du péché originel s’est précisée surtout au cinquième siècle, en particulier sous l’impulsion de la réflexion de S. Augustin contre le pélagianisme, et au seizième siècle, en opposition à la Réforme protestante. Pélage tenait que l’homme pouvait, par la force naturelle de sa volonté libre, sans l’aide nécessaire de la grâce de Dieu, mener une vie moralement bonne ; il réduisait ainsi l’influence de la faute d’Adam à celle d’un mauvais exemple. Les premiers réformateurs protestants, au contraire, enseignaient que l’homme était radicalement perverti et sa liberté annulée par le péché des origines ; ils identifiaient le péché hérité par chaque homme avec la tendance au mal (concupiscentia), qui serait insurmontable. L’Église s’est spécialement prononcée sur le sens du donné révélé concernant le péché originel au deuxième Concile d’Orange en 529 (cf. DS 371-372) et au Concile de Trente en 1546 (cf. DS 1510-1516).


Un dur combat...

407 La doctrine sur le péché originel – liée à celle de la Rédemption par le Christ – donne un regard de discernement lucide sur la situation de l’homme et de son agir dans le monde. Par le péché des premiers parents, le diable a acquis une certaine domination sur l’homme, bien que ce dernier demeure libre. Le péché originel entraîne " la servitude sous le pouvoir de celui qui possédait l’empire de la mort, c’est-à-dire du diable " (Cc. Trente : DS 1511 cf. He 2,14). Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l’éducation, de la politique, de l’action sociale (cf. CA 25) et des moeurs.


408 Les conséquences du péché originel et de tous les péchés personnels des hommes confèrent au monde dans son ensemble une condition pécheresse, qui peut être désignée par l’expression de Saint Jean : " le péché du monde " (Jn 1,29). Par cette expression on signifie aussi l’influence négative qu’exercent sur les personnes les situations communautaires et les structures sociales qui sont le fruit des péchés des hommes (cf. RP 16).


409 Cette situation dramatique du monde qui " tout entier gît au pouvoir du mauvais " (1Jn 5,19 cf. 1P 5,8) fait de la vie de l’homme un combat :

Un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l’histoire des hommes ; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l’a dit, jusqu’au dernier jour. Engagé dans cette bataille, l’homme doit sans cesse combattre pour s’attacher au bien ; et non sans grands efforts, avec la grâce de Dieu, il parvient à réaliser son unité intérieure (GS 37, § 2).


IV. " Tu ne l’as pas abandonné au pouvoir de la mort "

410 Après sa chute, l’homme n’a pas été abandonné par Dieu. Au contraire, Dieu l’appelle (cf. Gn 3,9) et lui annonce de façon mystérieuse la victoire sur le mal et le relèvement de sa chute (cf. Gn 3,15). Ce passage de la Genèse a été appelé " Protévangile ", étant la première annonce du Messie rédempteur, celle d’un combat entre le serpent et la Femme et de la victoire finale d’un descendant de celle-ci.


411 La tradition chrétienne voit dans ce passage une annonce du " nouvel Adam " (cf. 1Co 15,21-22 1Co 15,45) qui, par son " obéissance jusqu’à la mort de la Croix " (Ph 2,8) répare en surabondance la désobéissance d’Adam (cf. Rm 5,19-20). Par ailleurs, de nombreux Pères et docteurs de l’Église voient dans la femme annoncée dans le " protévangile " la mère du Christ, Marie, comme " nouvelle Eve ". Elle a été celle qui, la première et d’une manière unique, a bénéficié de la victoire sur le péché remportée par le Christ : elle a été préservée de toute souillure du péché originel (cf. Pie IX : DS 2803) et durant toute sa vie terrestre, par une grâce spéciale de Dieu, elle n’a commis aucune sorte de péché (cf. Cc. Trente : DS 1573).


412 Mais pourquoi Dieu n’a-t-il pas empêché le premier homme de pécher ? S. Léon le Grand répond : " La grâce ineffable du Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que l’envie du démon nous avait ôtés " (serm. 73, 4 : PL 54, 396). Et S. Thomas d’Aquin : " Rien ne s’oppose à ce que la nature humaine ait été destinée à une fin plus haute après le péché. Dieu permet, en effet, que les maux se fassent pour en tirer un plus grand bien. D’où le mot de S. Paul : ‘Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé’ (Rm 5,20). Et le chant de l’‘Exultet’ : ‘O heureuse faute qui a mérité un tel et un si grand Rédempteur’ " (S. Thomas d’A., s. th. III 1,3, ad 3 ; l’Exsultetchante ces paroles de saint Thomas).


En bref

413 " Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de la perte des vivants (...). C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde " (Sg 1,13 Sg 2,24).


414 Satan ou le diable et les autres démons sont des anges déchus pour avoir librement refusé de servir Dieu et son dessein. Leur choix contre Dieu est définitif. Ils tentent d’associer l’homme à leur révolte contre Dieu.


415 " Établi par Dieu dans un état de sainteté, l’homme séduit par le Malin, dès le début de l’histoire, a abusé de sa liberté, en se dressant contre Dieu et en désirant parvenir à sa fin hors de Dieu " (GS 13, § 1).


416 Par son péché, Adam, en tant que premier homme, a perdu la sainteté et la justice originelles qu’il avait reçues de Dieu non seulement pour lui, mais pour tous les humains.


417 A leur descendance, Adam et Eve ont transmis la nature humaine blessée par leur premier péché, donc privée de la sainteté et la justice originelles. Cette privation est appelée " péché originel ".


418 En conséquence du péché originel, la nature humaine est affaiblie dans ses forces, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à la domination de la mort, et inclinée au péché (inclination appelée " concupiscence ").


419 " Nous tenons donc, avec le Concile de Trente, que le péché originel est transmis avec la nature humaine, ‘non par imitation, mais par propagation’, et qu’il est ainsi ‘propre à chacun’ " (SPF 16).


420 La victoire sur le péché remportée par le Christ nous a donné des biens meilleurs que ceux que le péché nous avait ôtés : " La où le péché a abondé, la grâce a surabondé " (Rm 5,20).


421 " Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du créateur ; il est tombé, certes, sous l’esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a libéré... " (GS 2, § 2).

Chapitre Deuxième

Je crois en Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu


La Bonne Nouvelle : Dieu a envoyé son Fils

422 " Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la loi, afin de racheter les sujets de la loi, afin de nous conférer l’adoption filiale " (Ga 4,4-5). Voici " la Bonne Nouvelle touchant Jésus-Christ, Fils de Dieu " (Mc 1,1) : Dieu a visité son peuple (cf. Lc 1,68), il a accompli les promesses faites à Abraham et à sa descendance (cf. Lc 1,55) ; il l’a fait au-delà de toute attente : Il a envoyé son " Fils bien-aimé " (Mc 1,11).


423 Nous croyons et confessons que Jésus de Nazareth, né juif d’une fille d’Israël, à Bethléem, au temps du roi Hérode le Grand et de l’empereur César Auguste ; de son métier charpentier, mort crucifié à Jérusalem, sous le procureur Ponce Pilate, pendant le règne de l’empereur Tibère, est le Fils éternel de Dieu fait homme, qu’il est " sorti de Dieu " (Jn 13,3), " descendu du ciel " (Jn 3,13 Jn 6,33), " venu dans la chair " (1Jn 4,2), car " le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité (...). Oui, de sa plénitude nous avons tous reçu et grâce pour grâce " (Jn 1,14 Jn 1,16).


424 Mûs par la grâce de l’Esprit Saint et attirés par le Père nous croyons et nous confessons au sujet de Jésus : " Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant " (Mt 16,16). C’est sur le roc de cette foi, confessée par S. Pierre, que le Christ a bâti son Église (cf. Mt 16,18 S. Léon le Grand, serm. 4,3, PL 54,151; 51, 1, PL 54, 309B ; 62,2, PL 350C-351A ; 83,3, PL 54, 432A).


" Annoncer l’insondable richesse du Christ "

(Ep 3,8)

425 La transmission de la foi chrétienne, c’est d’abord l’annonce de Jésus-Christ, pour conduire à la foi en Lui. Dès le commencement, les premiers disciples ont brûlé du désir d’annoncer le Christ : " Nous ne pouvons pas, quant à nous, ne pas publier ce que nous avons vu et entendu " (Ac 4,20). Et ils invitent les hommes de tous les temps à entrer dans la joie de leur communion avec le Christ :

Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie ; – car la vie s’est manifestée : nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous est apparue ; – ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie soit complète (1Jn 1,1-4).


Au coeur de la catéchèse : le Christ

426 " Au coeur de la catéchèse nous trouvons essentiellement une Personne, celle de Jésus de Nazareth, Fils unique du Père (...), qui a souffert et qui est mort pour nous et qui maintenant, ressuscité, vit avec nous pour toujours (...). Catéchiser (...), c’est dévoiler dans la Personne du Christ tout le dessein éternel de Dieu. C’est chercher à comprendre la signification des gestes et des paroles du Christ, des signes réalisés par lui " (Ct 5). Le but de la catéchèse : " Mettre en communion avec Jésus-Christ : lui seul peut conduire à l’amour du Père dans l’Esprit et nous faire participer à la vie de la Trinité Sainte " (ibid.).


427 " Dans la catéchèse, c’est le Christ, Verbe incarné et Fils de Dieu, qui est enseigné – tout le reste l’est en référence à lui ; et seul le Christ enseigne, tout autre le fait dans la mesure où il est son porte-parole, permettant au Christ d’enseigner par sa bouche (...). Tout catéchiste devrait pouvoir s’appliquer à lui-même la mystérieuse parole de Jésus : ‘Ma doctrine n’est pas de moi, mais de celui qui m’a envoyé’ (Jn 7,16) " (ibid., 6).


428 Celui qui est appelé à " enseigner le Christ ", doit donc d’abord chercher " ce gain suréminent qu’est la connaissance du Christ " ; il faut " accepter de tout perdre (...) afin de gagner le Christ et d’être trouvé en lui ", et de " le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans la mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts " (Ph 3,8-11).


429 C’est de cette connaissance amoureuse du Christ que jaillit le désir de L’annoncer, d’" évangéliser ", et de conduire d’autres au " oui " de la foi en Jésus-Christ. Mais en même temps se fait sentir le besoin de toujours mieux connaître cette foi. A cette fin, en suivant l’ordre du Symbole de la foi, seront d’abord présentés les principaux titres de Jésus : le Christ, le Fils de Dieu, le Seigneur (article 2). Le Symbole confesse ensuite les principaux mystères de la vie du Christ : ceux de son Incarnation (article 3), ceux de sa Pâque (articles 4 et 5), enfin ceux de sa glorification (articles 6 et 7).

Article 2

" Et en Jésus-Christ, son Fils Unique,

Notre Seigneur "


I. Jésus

430 Jésus veut dire en hébreu : " Dieu sauve ". Lors de l’Annonciation, l’ange Gabriel lui donne comme nom propre le nom de Jésus qui exprime à la fois son identité et sa mission (cf. Lc 1,31). Puisque " Dieu seul peut remettre les péchés " (Mc 2,7), c’est lui qui, en Jésus, son Fils éternel fait homme " sauvera son peuple de ses péchés " (Mt 1,21). En Jésus, Dieu récapitule ainsi toute son histoire de salut en faveur des hommes.


431 Dans l’histoire du salut, Dieu ne s’est pas contenté de délivrer Israël de " la maison de servitude " (Dt 5,6) en le faisant sortir d’Égypte. Il le sauve encore de son péché. Parce que le péché est toujours une offense faite à Dieu (cf. Ps 51,6), c’est Lui seul qui peut l’absoudre (cf. Ps 51,12). C’est pourquoi Israël, en prenant de plus en plus conscience de l’universalité du péché, ne pourra plus chercher le salut que dans l’invocation du nom du Dieu Rédempteur (cf. Ps 79,9).


432 Le nom de Jésus signifie que le nom même de Dieu est présent en la personne de son Fils (cf. Ac 5,41 3Jn 7) fait homme pour la rédemption universelle et définitive des péchés. Il est le nom divin qui seul apporte le salut (cf. Jn 3,5 Ac 2,21) et il peut désormais être invoqué de tous car il s’est uni à tous les hommes par l’Incarnation (cf. Rm 10,6-13) de telle sorte qu’" il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes par lequel nous puissions être sauvés " (Ac 4,12 cf. Ac 9,14 Jc 2,7).


433 Le nom du Dieu Sauveur était invoqué une seule fois par an par le grand prêtre pour l’expiation des péchés d’Israël, quand il avait aspergé le propitiatoire du Saint des Saints avec le sang du sacrifice (cf. Lv Lv 16,15-16 Si 50,20 He 9,7). Le propitiatoire était le lieu de la présence de Dieu (cf. Ex 25,22 Lv 16,2 Nb 7,89 He 9,5). Quand S. Paul dit de Jésus que " Dieu l’a destiné à être propitiatoire par son propre sang " (Rm 3,25), il signifie que dans l’humanité de celui-ci, " c’était Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde " (2Co 5,19).


434 La Résurrection de Jésus glorifie le nom du Dieu Sauveur (cf. Jn 12,28) car désormais, c’est le nom de Jésus qui manifeste en plénitude la puissance suprême du " nom au-dessus de tout nom " (Ph 2,9-10). Les esprits mauvais craignent son nom (cf. Ac 16,16-18 Ac 19,13-16) et c’est en son nom que les disciples de Jésus font des miracles (cf. Mc 16,17), car tout ce qu’ils demandent au Père en son nom, celui-ci le leur accorde (Jn 15,16).


435 Le nom de Jésus est au coeur de la prière chrétienne. Toutes les oraisons liturgiques se concluent par la formule " par notre Seigneur Jésus-Christ ". Le " Je vous salue, Marie " culmine dans " et Jésus, le fruit de tes entrailles, est béni ". La prière du coeur orientale appelée " prière à Jésus " dit : " Jésus-Christ, Fils de Dieu, Seigneur prend pitié de moi pécheur ". De nombreux chrétiens meurent en ayant, comme Ste Jeanne d’Arc, le seul mot de " Jésus " aux lèvres (cf. P. Doncoeur et Y. Lanhers, La réhabilitation de Jeanne la Pucelle, p. 39. 45. 56).


II. Christ

436 Christ vient de la traduction grecque du terme hébreu " Messie " qui veut dire " oint ". Il ne devient le nom propre de Jésus que parce que celui-ci accomplit parfaitement la mission divine qu’il signifie. En effet en Israël étaient oints au nom de Dieu ceux qui lui étaient consacrés pour une mission venant de lui. C’était le cas des rois (cf. 1S 9,16 1S 10,1 1S 16,1 1S 16,12-13 1R 1,39), des prêtres (cf. Ex 29,7 Lv 8,12) et, en de rares cas, des prophètes (cf. 1R 19,16). Ce devait être par excellence le cas du Messie que Dieu enverrait pour instaurer définitivement son Royaume (cf. Ps 2,2 Ac 4,26-27). Le Messie devait être oint par l’Esprit du Seigneur (cf. Is 11,2) à la fois comme roi et prêtre (cf. Za Za 4,14 Za 6,13) mais aussi comme prophète (cf. Is 61,1 Lc 4,16-21). Jésus a accompli l’espérance messianique d’Israël dans sa triple fonction de prêtre, de prophète et de roi .


437 L’ange a annoncé aux bergers la naissance de Jésus comme celle du Messie promis à Israël : " Aujourd’hui, dans la ville de David vous est né un Sauveur qui est le Christ Seigneur " (Lc 2,11). Dès l’origine il est " celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde " (Jn 10,36), conçu comme " saint " (Lc 1,35) dans le sein virginal de Marie. Joseph a été appelé par Dieu à " prendre chez lui Marie son épouse " enceinte de " ce qui a été engendré en elle par l’Esprit Saint " (Mt 1,21) afin que Jésus " que l’on appelle Christ " naisse de l’épouse de Joseph dans la descendance messianique de David (Mt 1,16 cf. Rm 1,3 2Tm 2,8 Ap 22,16).


438 La consécration messianique de Jésus manifeste sa mission divine. " C’est d’ailleurs ce qu’indique son nom lui-même, car dans le nom de Christ est sous-entendu Celui qui a oint, Celui qui a été oint et l’Onction même dont il a été oint : Celui qui a oint, c’est le Père, Celui qui a été oint, c’est le Fils, et il l’a été dans l’Esprit qui est l’Onction " (S. Irénée, haer. 3, 18, 3). Sa consécration messianique éternelle s’est révélée dans le temps de sa vie terrestre lors de son baptême par Jean quand " Dieu l’a oint de l’Esprit Saint et de puissance " (Ac 10,38) " pour qu’il fût manifesté à Israël " (Jn 1,31) comme son Messie. Ses oeuvres et ses paroles le feront connaître comme " le saint de Dieu " (Mc 1,24 Jn 6,69 Ac 3,14).


439 De nombreux juifs et même certains païens qui partageaient leur espérance ont reconnu en Jésus les traits fondamentaux du " fils de David " messianique promis par Dieu à Israël (cf. Mt 2,2 Mt 9,27 Mt 12,23 Mt 15,22 Mt 20,30 Mt 21,9 Mt 21,15). Jésus a accepté le titre de Messie auquel il avait droit (cf. Jn 4,25-26 Jn 11,27), mais non sans réserve parce que celui-ci était compris par une partie de ses contemporains selon une conception trop humaine (cf. Mt 22,41-46), essentiellement politique (cf. Jn 6,15 Lc 24,21).


440 Jésus a accueilli la profession de foi de Pierre qui le reconnaissait comme le Messie en annonçant la passion prochaine du Fils de l’Homme (cf. Mt 16,16-23). Il a dévoilé le contenu authentique de sa royauté messianique à la fois dans l’identité transcendante du Fils de l’Homme " qui est descendu du ciel " (Jn 3,13 cf. Jn 6,62 Da 7,13) et dans sa mission rédemptrice comme Serviteur souffrant : " Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt 20,28 cf. Is 53,10-12). C’est pourquoi le vrai sens de sa royauté n’est manifesté que du haut de la Croix (cf. Jn 19,19-22 Lc 23,39-43). C’est seulement après sa Résurrection que sa royauté messianique pourra être proclamée par Pierre devant le Peuple de Dieu : " Que toute la maison d’Israël le sache avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié " (Ac 2,36).


III. Fils unique de Dieu

441 Fils de Dieu, dans l’Ancien Testament, est un titre donné aux anges (cf. Dt 32,8 Jb 1,6), au peuple de l’Élection (cf. Ex 4,22 Os 11,1 Jr 3,19 Si 36,11 Sg 18,13), aux enfants d’Israël (cf. Dt 14,1 Os 2,1) et à leurs rois (cf. 2S 7,14 Ps 82,6). Il signifie alors une filiation adoptive qui établit entre Dieu et sa créature des relations d’une intimité particulière. Quand le Roi-Messie promis est dit " fils de Dieu " (cf. 1Ch 17,13 Ps 2,7), cela n’implique pas nécessairement, selon le sens littéral de ces textes, qu’il soit plus qu’humain. Ceux qui ont désigné ainsi Jésus en tant que Messie d’Israël (cf. Mt 27,54) n’ont peut-être pas voulu dire davantage (cf. Lc 23,47).


442 Il n’en va pas de même pour Pierre quand il confesse Jésus comme " le Christ, le Fils du Dieu vivant " (Mt 16,16) car celui-ci lui répond avec solennité : " Cetterévélation ne t’est pas venue de la chair et du sang mais de mon Père qui est dans les cieux " (Mt 16,17). Parallèlement Paul dira à propos de sa conversion sur le chemin de Damas : " Quand Celui qui dès le sein maternel m’a mis à part et appelé par sa grâce daigna révéler en moi son Fils pour que je l’annonce parmi les païens... " (Ga 1,15-16). " Aussitôt il se mit à prêcher Jésus dans les synagogues, proclamant qu’il est le Fils de Dieu " (Ac 9,20). Ce sera dès le début (cf. 1Th 1,10) le centre de la foi apostolique (cf. Jn 20,31) professée d’abord par Pierre comme fondement de l’Église (cf. Mt 16,18).


443 Si Pierre a pu reconnaître le caractère transcendant de la filiation divine de Jésus Messie, c’est que celui-ci l’a nettement laissé entendre. Devant le Sanhédrin, à la demande de ses accusateurs : " Tu es donc le Fils de Dieu ", Jésus a répondu : " Vous le dites bien, je le suis " (Lc 22,70 cf. Mt 26,64 Mc 14,61). Bien avant déjà, Il s’est désigné comme " le Fils " qui connaît le Père (cf. Mt 11,27 Mt 21,37-38), qui est distinct des " serviteurs " que Dieu a auparavant envoyés à son peuple (cf. Mt 21,34-36), supérieur aux anges eux-mêmes (cf. Mt 24,36). Il a distingué sa filiation de celle de ses disciples en ne disant jamais " notre Père " (cf. Mt 5,48 Mt 6,8 Mt 7,21 Lc 11,13) sauf pour leur ordonner " vous donc priez ainsi : Notre Père " (Mt 6,9) ; et il a souligné cette distinction : " Mon Père et votre Père " (Jn 20,17).


444 Les Évangiles rapportent en deux moments solennels, le Baptême et la transfiguration du Christ, la voix du Père qui Le désigne comme son " Fils bien-aimé " (cf. Mt 3,17 Mt 17,5). Jésus se désigne Lui-même comme " le Fils Unique de Dieu " (Jn 3,16) et affirme par ce titre sa préexistence éternelle (cf. Jn 10,36). Il demande la foi " au nom du Fils unique de Dieu " (Jn 3,18). Cette confession chrétienne apparaît déjà dans l’exclamation du centurion face à Jésus en croix : " Vraiment cet homme était Fils de Dieu " (Mc 15,39). Dans le mystère pascal seulement le croyant peut donner sa portée ultime au titre de " Fils de Dieu ".


445 C’est après sa Résurrection que sa filiation divine apparaît dans la puissance de son humanité glorifiée : " Selon l’Esprit qui sanctifie, par sa Résurrection d’entre les morts, il a été établi comme Fils de Dieu dans sa puissance " (Rm 1,4 cf. Ac 13,33). Les apôtres pourront confesser : " Nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité " (Jn 1,14).


IV. Seigneur

446 Dans la traduction grecque des livres de l’Ancien Testament, le nom ineffable sous lequel Dieu s’est révélé à Moïse (cf. Ex 3,14), YHWH, est rendu par Kyrios(" Seigneur "). Seigneur devient dès lors le nom le plus habituel pour désigner la divinité même du Dieu d’Israël. C’est dans ce sens fort que le Nouveau Testament utilise le titre de " Seigneur " à la fois pour le Père, mais aussi, et c’est là la nouveauté, pour Jésus reconnu ainsi comme Dieu lui-même (cf. 1Co 2,8).


447 Jésus lui-même s’attribue de façon voilée ce titre lorsqu’il discute avec les Pharisiens sur le sens du Psaume 109 (cf. Mt 22,41-46 cf. aussi Ac Mt 2,34-36 He 1,13), mais aussi de manière explicite en s’adressant à ses apôtres (cf. Jn 13,13). Tout au long de sa vie publique ses gestes de domination sur la nature, sur les maladies, sur les démons, sur la mort et le péché, démontraient sa souveraineté divine.


448 Très souvent, dans les Évangiles, des personnes s’adressent à Jésus en l’appelant " Seigneur ". Ce titre exprime le respect et la confiance de ceux qui s’approchent de Jésus et qui attendent de lui secours et guérison (cf. Mt 8,2 Mt 14,30 Mt 15,22). Sous la motion de l’Esprit Saint, il exprime la reconnaissance du mystère divin de Jésus (cf. Lc 1,43 Lc 2,11). Dans la rencontre avec Jésus ressuscité, il devient adoration : " Mon Seigneur et mon Dieu ! " (Jn 20,28). Il prend alors une connotation d’amour et d’affection qui va rester le propre de la tradition chrétienne : " C’est le Seigneur ! " (Jn 21,7).


449 En attribuant à Jésus le titre divin de Seigneur, les premières confessions de foi de l’Église affirment, dès l’origine (cf. Ac 2,34-36), que le pouvoir, l’honneur et la gloire dus à Dieu le Père conviennent aussi à Jésus (cf. Rm 9,5 Tt 2,13 Ap 5,13) parce qu’il est de " condition divine " (Ph 2,6) et que le Père a manifesté cette souveraineté de Jésus en le ressuscitant des morts et en l’exaltant dans sa gloire (cf. Rm 10,9 1Co 12,3 Ph 2,11).


450 Dès le commencement de l’histoire chrétienne, l’affirmation de la seigneurie de Jésus sur le monde et sur l’histoire (cf. Ap 11,15) signifie aussi la reconnaissance que l’homme ne doit soumettre sa liberté personnelle, de façon absolue, à aucun pouvoir terrestre, mais seulement à Dieu le Père et au Seigneur Jésus-Christ : César n’est pas " le Seigneur " (cf. Mc 12,17 Ac 5,29). " L’Église croit (...) que la clé, le centre et la fin de toute histoire humaine se trouve en son Seigneur et Maître " (GS 10, § 2 ; cf. 45, § 2).


451 La prière chrétienne est marquée par le titre " Seigneur ", que ce soit l’invitation à la prière " le Seigneur soit avec vous ", ou la conclusion de la prière " par Jésus-Christ notre Seigneur " ou encore le cri plein de confiance et d’espérance : " Maran atha " (" le Seigneur vient ! ") ou " Marana tha " (" Viens, Seigneur ! ") (1Co 16,22) : " Amen, viens, Seigneur Jésus ! " (Ap 22,20).


En bref

452 Le nom de Jésus signifie " Dieu qui sauve ". L’enfant né de la Vierge Marie est appelé " Jésus " " car c’est Lui qui sauvera son peuple de ses péchés " (Mt 1,21) : " Il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes par lequel il nous faille être sauvés " (Ac 4,12).


453 Le nom de Christ signifie " oint ", " Messie ". Jésus est le Christ car " Dieu L’a oint de l’Esprit Saint et de puissance " (Ac 10,38). Il était " celui qui doit venir " (Lc 7,19), l’objet de " l’espérance d’Israël " (Ac 28,20).


454 Le nom de Fils de Dieu signifie la relation unique et éternelle de Jésus-Christ à Dieu son Père : Il est le Fils unique du Père (cf. Jn 1,14 Jn 1,18 Jn 3,16 Jn 3,18) et Dieu lui-même (cf. Jn 1,1). Croire que Jésus-Christ est le Fils de Dieu est nécessaire pour être chrétien (cf. Ac 8,37 1Jn 2,23).


455 Le nom de Seigneur signifie la souveraineté divine. Confesser ou invoquer Jésus comme Seigneur, c’est croire en sa divinité. " Nul ne peut dire ‘Jésus est Seigneur’ s’il n’est avec l’Esprit Saint " (1Co 12,3)

Article 3

" Jésus-Christ a été conçu du Saint-Esprit, Il est né de la Vierge Marie "


Paragraphe 1. Le Fils de Dieu s’est fait homme

I. Pourquoi le Verbe s’est-il fait chair

456 Avec le Credo de Nicée-Constantinople, nous répondons en confessant : " Pour nous les hommes et pour notre salut Il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, Il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme ".


457 Le Verbe s’est fait chair pour nous sauver en nous réconciliant avec Dieu : " C’est Dieu qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés " (1Jn 4,10). " Le Père a envoyé son Fils, le sauveur du monde " (1Jn 4,14). " Celui-là a paru pour ôter les péchés " (1Jn 3,5) :

Malade, notre nature demandait à être guérie ; déchue, à être relevée ; morte, à être ressuscitée. Nous avions perdu la possession du bien, il fallait nous la rendre. Enfermés dans les ténèbres, il fallait nous porter la lumière ; captifs, nous attendions un sauveur ; prisonniers, un secours ; esclaves, un libérateur. Ces raisons-là étaient-elles sans importance ? Ne méritaient-elles pas d’émouvoir Dieu au point de le faire descendre jusqu’à notre nature humaine pour la visiter, puisque l’humanité se trouvait dans un état si misérable et si malheureux ? (S. Grégoire de Nysse, or. catech. 15 : PG 45,48B).


458 Le Verbe s’est fait chair pour que nous connaissions ainsi l’amour de Dieu : " En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui " (1Jn 4,9). " Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle " (Jn 3,16).


459 Le Verbe s’est fait chair pour être notre modèle de sainteté : " Prenez sur vous mon joug et apprenez de moi... " (Mt 11,29). " Je suis la voie, la vérité et la vie ; nul ne vient au Père sans passer par moi " (Jn 14,6). Et le Père, sur la montagne de la Transfiguration, ordonne : " Écoutez-le " (Mc 9,7 cf. Dt 6,4-5). Il est en effet le modèle des Béatitudes et la norme de la Loi nouvelle : " Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 15,12). Cet amour implique l’offrande effective de soi-même à sa suite (cf. Mc 8,34).


460 Le Verbe s’est fait chair pour nous rendre " participants de la nature divine " (2P 1,4) : " Car telle est la raison pour laquelle le Verbe s’est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l’homme : c’est pour que l’homme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu " (S. Irénée, haer. 3, 19, 1). " Car le Fils de Dieu s’est fait homme pour nous faire Dieu " (S. Athanase, inc. 54, 3 : PG 25, 192B). " Le Fils unique de Dieu, voulant que nous participions à sa divinité, assuma notre nature, afin que Lui, fait homme, fit les hommes Dieu " (S. Thomas d’A., opusc. 57 in festo Corp. Chr. 1).



Catéchisme Eglise Cath. 402