Discours 2005-2013 21100

À S. E. M. BOGDAN TATARU-CAZABAN, AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE ROUMANIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Jeudi 21 octobre 2010

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Monsieur l'Ambassadeur,

Je suis heureux de vous accueillir ce matin, au moment où vous présentez les Lettres qui vous accréditent en qualité d'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Roumanie près le Saint-Siège. Je vous remercie pour les paroles aimables que vous m’avez adressées. En retour, je vous saurais gré de bien vouloir exprimer à Son Excellence Monsieur Traian Basescu, Président de la Roumanie, mes voeux cordiaux pour Sa Personne et mes souhaits de bonheur et de paix pour le peuple roumain. Je salue aussi, à travers vous, le Gouvernement et toutes les autorités de votre pays. Je désire également saluer fraternellement Sa Béatitude Daniel, Patriarche de l’ Eglise orthodoxe de Roumanie.

Il y a vingt ans, la Roumanie a décidé d’écrire une nouvelle page de son histoire. Mais tant d’années vécues sous le joug d’une idéologie totalitaire laissent des blessures profondes dans les mentalités, dans la vie politico-économique et dans les individus. Après le temps de l’euphorie de la liberté, votre nation s’est engagée avec détermination dans un processus de reconstruction et de guérison. Son entrée dans l’Union Européenne a marqué ainsi une étape importante dans la recherche d’une démocratisation authentique. Pour poursuivre ce renouvellement en profondeur, les nouveaux défis à relever sont nombreux afin d’éviter que votre société ne soit basée uniquement sur la recherche du bien-être et sur l’appât du gain, conséquences compréhensibles d’une période de plus de 40 années de privations. Bien sûr, il convient avant tout que prévalent l’intégrité, l’honnêteté et la droiture. Ces vertus doivent inspirer et conduire toutes les composantes de la société pour une bonne gestion. En guidant les citoyens, elles contribueront de façon effective à la régénération du tissu politique, économique et social dans la complexité croissante du monde contemporain.

La Roumanie est constituée par une mosaïque de peuples. Une telle variété peut être lue comme un obstacle à l’unité nationale mais elle peut aussi être vue comme un enrichissement de son identité dont elle est l’une des caractéristiques. Il convient donc de faire en sorte que chaque individu ait sa place légitime dans la société en allant au-delà de cette variété et en la respectant. La gestion de l’héritage laissé par le communisme est difficile à cause de la désintégration de la société et de l’individu qu’il a favorisé. Les valeurs authentiques ont, de fait, été occultées au profit de fausses théories qui ont été idolâtrées par la raison d’Etat. Il s’agit donc aujourd’hui de s’engager dans la difficile tâche d’ordonner de façon juste les affaires humaines en faisant un bon usage de la liberté. Et la vraie liberté présuppose la recherche de la vérité, du bien, et elle s’accomplit précisément en connaissant et en faisant ce qui est opportun et juste. Dans ce processus de reconstruction du lien social, la famille a la première place. Tous les efforts doivent être faits pour qu’elle remplisse sa fonction de base dans la société. Avec la famille, il importe de favoriser l’existence d’un système éducatif qui encourage les jeunes générations et leur donne une formation à laquelle elles ont droit, capable de respecter et de nourrir leurs capacités à transcender les limites dans lesquelles on voudrait parfois les enfermer. En présence de grands idéaux, les jeunes aspireront à la vertu morale et à une vie ouverte aux autres à travers la compassion et la bonté. La famille et l’éducation sont le point de départ pour combattre la pauvreté et contribuer aussi au respect de chaque personne, au respect des minorités, au respect de la famille et de la vie elle-même. Elles sont le terreau dans lequel s’enracinent les valeurs éthiques fondamentales et où peut croître la vie religieuse.

Monsieur l’Ambassadeur, la Roumanie possède une longue et riche tradition religieuse, qui, elle aussi, a été blessée, par des décennies obscures et certaines de ces blessures sont toujours encore vives. Elles demandent donc à être soignées par des moyens qui soient acceptables par chacune des communautés. Il convient, en effet, de réparer les injustices héritées du passé, en n’ayant pas peur de rendre justice. Pour cela, il serait bon d’encourager une démarche qui pourrait se situer à un double niveau : à un niveau étatique, c'est-à-dire en favorisant un authentique dialogue entre l’Etat et les différents responsables religieux et, d’autre part, en encourageant les relations harmonieuses entre les différentes communautés religieuses de votre pays.

Je salue les efforts réalisés par les Gouvernements successifs pour établir des relations entre l’Eglise Catholique et la Roumanie. Je cite, entre autre, avec satisfaction, la reprise des rapports diplomatiques réciproques dont nous fêtons le 20ème anniversaire. Je note également la nouvelle Loi des Cultes que vous avez évoquée dans votre discours. Il existe aussi un organe de rencontre, la Commission Mixte établie en 1998, dont il conviendrait de réactiver les travaux.

Pour sa part, l’Eglise catholique désire continuer d’apporter à votre Nation une contribution spécifique aussi bien dans la poursuite de l’édification de la société roumaine que dans le dialogue désiré avec l’ensemble des communautés chrétiennes non catholiques. En ce sens, elle voit dans le dialogue oecuménique un chemin privilégié pour rencontrer ses frères dans la foi et pour construire avec eux le Royaume de Dieu, en respectant la spécificité de chacun. Le témoignage de fraternité entre catholiques et orthodoxes, dans un esprit de charité et de justice, doit prévaloir sur les difficultés et ouvrir les coeurs à la réconciliation. Dans ce domaine, les fruits de la visite historique effectuée, il y a une dizaine d’années, par le Pape Jean Paul II, la première dans une nation à majorité orthodoxe, sont nombreux. Ils doivent fortifier l’engagement à dialoguer dans la charité et la vérité et à promouvoir des initiatives communes. Un tel dialogue constructif ne manquera pas d’être un ferment d’unité et de concorde non seulement pour votre pays mais aussi pour l’Europe entière. En cette heureuse circonstance, je voudrais aussi saluer chaleureusement les Evêques et les fidèles de l’Eglise catholique en Roumanie.

Au moment où commence votre mission, je vous offre, Monsieur l'Ambassadeur, mes souhaits les meilleurs pour la noble tache qui vous attend, vous assurant que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs un accueil attentif et une compréhension cordiale. Sur vous, Excellence, sur votre famille et sur vos collaborateurs, sur l’ensemble du peuple roumain et sur ses dirigeants, j’invoque de grand coeur l’abondance des Bénédictions de Dieu.





DÉJEUNER AVEC LES PÈRES DE L'ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR LE MOYEN-ORIENT DU SYNODE DES ÉVÊQUES Atrium de la salle Paul VI Samedi 23 octobre 2010

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Chers amis,

Selon une belle tradition lancée par le Pape Jean-Paul II, les Synodes se terminent par un repas, un acte convivial qui s’inscrit même tout à fait dans le climat de ce Synode qui parle de la communion: non seulement il en a parlé, mais il nous a fait réaliser la communion.

C’est le moment pour moi de vous dire merci. Merci au Secrétaire général du Synode et à son équipe, qui ont préparé et sont en train de préparer également la suite des travaux. Merci aux Présidents délégués, merci surtout au Rapporteur et au Secrétaire adjoint, qui ont fait un travail incroyable. Merci! J’ai été moi-même une fois rapporteur lors du Synode sur la famille et j’imagine plus ou moins le travail que vous avez fait. Merci aussi à tous les Pères qui ont présenté la voix de l’Église en Orient, aux Auditeurs, aux délégués fraternels, à tous!

Communion et témoignage. En ce moment, rendons grâce au Seigneur pour la communion qu’Il nous a donnée et qu’il nous donne. Nous avons vu la richesse, la diversité de cette communion. Vous êtes des Églises de rites différents, qui forment toutefois, avec tous les autres rites, la seule Église catholique. Il est beau de voir cette véritable catholicité qui est si riche en diversités, si riche en possibilités, en cultures différentes; et toutefois, c’est justement ainsi que croît la polyphonie d’une unique foi, d’une véritable communion des coeurs que seul le Seigneur peut donner. Pour cette expérience de la communion, nous remercions le Seigneur, et je vous remercie tous. Le don du Synode le plus important que nous avons vécu et réalisé me semble peut-être celui-ci: la communion qui nous lie à tous et qui est aussi en soi un témoignage.

Communion. La communion catholique, chrétienne, est une communion ouverte, de dialogue. C’est ainsi que nous étions en dialogue permanent, intérieurement et extérieurement, avec les frères orthodoxes, avec les autres Communautés ecclésiales. Et nous avons senti que c’est justement en ceci que nous sommes unis — même s’il existe des divisions extérieures: nous avons senti la profonde communion dans le Seigneur, dans le don de sa Parole, et nous espérons que le Seigneur puisse nous guider pour avancer dans cette profonde communion.

Nous sommes unis au Seigneur et ainsi — on peut le dire — nous sommes «trouvés» par la vérité. Et cette vérité ne renferme pas, elle ne met pas de limites, mais elle ouvre. C’est pourquoi, nous étions également en dialogue franc et ouvert avec nos frères musulmans, avec nos frères juifs, tous ensemble responsables pour le don de la paix, pour la paix justement dans cette partie de la terre bénie par le Seigneur, berceau du christianisme et également des deux autres religions. Nous voulons continuer dans ce chemin avec force, avec tendresse et humilité, et avec le courage de la vérité qui est amour et qui s’ouvre dans l’amour.

J’ai dit que nous terminons ce Synode par un repas. Mais, demain, la véritable conclusion est la convivialité avec le Seigneur, la célébration de l’Eucharistie. L’Eucharistie, en réalité, n’est pas une conclusion, mais une ouverture. Le Seigneur marche avec nous, Il est avec nous, le Seigneur nous met en mouvement. Ainsi, en ce sens, nous sommes en Synode, c’est-à-dire sur un chemin qui se poursuit, même dispersés: nous sommes en Synode, sur un chemin commun. Prions le Seigneur afin qu’Il nous aide. Et merci à vous tous!


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES Salle Clémentine Jeudi 28 octobre 2010

Excellences,
1190 Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous saluer, vous tous ici présents, alors que l’Académie pontificale des sciences se réunit pour son assemblée plénière afin de réfléchir sur le thème: «L’héritage scientifique du XXe siècle». Je salue en particulier Mgr Marcelo Sanchez Sorondo, chancelier de l’Académie. Je profite également de cette occasion pour rappeler avec affection et gratitude le professeur Nicola Cabibbo, votre regretté président. Avec vous tous, dans la prière, je confie sa noble âme à Dieu, Père de miséricorde.

L’histoire de la science au XXe siècle a connu des conquêtes indiscutables et de grands progrès. Malheureusement, l’image populaire de la science du XXe siècle est parfois caractérisée différemment, de deux façons extrêmes. D’une part, la science est considérée par certains comme une panacée, démontrée par les résultats importants qu’elle a obtenus au siècle dernier. En effet, ses innombrables progrès ont été tellement déterminants et si rapides qu’ils semblaient confirmer l’opinion selon laquelle la science pourrait répondre à toutes les interrogations liées à l’existence de l’homme et même à ses plus hautes aspirations. D’autre part, certains ont peur de la science et s’en éloignent à cause de certains développements qui font réfléchir, comme la construction et l’utilisation terrifiante d’armes nucléaires.

Il est certain que la science n’est définie par aucun de ces deux extrêmes. Son devoir était et demeure une recherche patiente et toutefois passionnée de la vérité sur l’univers, sur la nature et sur la constitution de l’être humain. Dans cette recherche, il y a eu de nombreux succès et des échecs, des victoires et des reculs. Les développements de la science ont été aussi bien exaltants, comme lorsqu’ont été découverts la complexité de la nature et ses phénomènes, qui ont dépassé nos attentes, qu’humiliants, comme lorsque certaines des théories qui auraient pu expliquer ces phénomènes se sont démontrées une fois pour toutes uniquement partielles. Néanmoins, même les résultats provisoires représentent une réelle contribution en vue de dévoiler la correspondance entre l’intellect et les réalités naturelles, sur laquelle les générations successives pourront se fonder pour poursuivre leurs développements.

Les progrès accomplis dans la connaissance scientifique au XXe siècle, dans toutes ses diverses disciplines, a conduit à une conscience résolument accrue de la place que l’homme et cette planète occupent dans l’univers. Dans toutes les sciences, le dénominateur commun continue d’être la notion de l’expérimentation comme méthode organisée pour observer la nature. Au cours du dernier siècle, l’homme a certainement accompli davantage de progrès — sans doute pas toujours dans sa connaissance de lui-même et de Dieu, mais assurément dans sa connaissance des microcosmes et macrocosmes — qu’au cours de toute l’histoire précédente de l’humanité. Chers amis, notre rencontre ici aujourd’hui est la preuve de l’estime de l’Eglise pour la recherche scientifique constante, et de sa gratitude pour les efforts scientifiques qu’elle encourage et dont elle tire profit. De nos jours, les scientifiques eux-mêmes apprécient toujours plus le besoin d’être ouverts à la philosophie s’ils veulent découvrir le fondement logique et épistémologique de leur méthodologie et de leurs conclusions. Pour sa part, l’Eglise est convaincue que l’activité scientifique bénéficie en fin de compte de la reconnaissance de la dimension spirituelle de l’homme et de sa recherche des réponses ultimes qui permettent la reconnaissance d’un monde qui existe indépendamment de nous, que nous ne comprenons pas entièrement et que nous ne pouvons comprendre que dans la mesure où nous percevons sa logique intrinsèque. Les scientifiques ne créent pas le monde; ils apprennent des choses sur lui et tentent de l’imiter, en suivant les lois et l’intelligibilité que la nature nous manifeste. L’expérience du scientifique en tant qu’être humain consiste donc à percevoir une constante, une loi, un logos, qu’il n’a pas créé, mais qu’il a au contraire observé: en effet, cela nous conduit à admettre l’existence d’une raison toute-puissante, qui est différente de celle de l’homme, et qui soutient le monde. Tel est le point de rencontre entre les sciences naturelles et la religion. Par conséquent, la science devient un lieu de dialogue, une rencontre entre l’homme et la nature, et, de façon potentielle, également entre l’homme et son Créateur.

Tandis que nous nous tournons vers le XXIe siècle, je voudrais vous soumettre deux pensées sur lesquelles poursuivre votre réflexion. Tout d’abord, alors que les résultats toujours plus nombreux des sciences accroissent notre émerveillement face à la complexité de la nature, le besoin d’une approche interdisciplinaire liée à la réflexion théologique qui conduise à une synthèse est toujours plus fort. En deuxième lieu, les progrès scientifiques au cours de ce nouveau siècle devraient toujours être guidés par les impératifs de fraternité et de paix, contribuant à résoudre les grands problèmes de l’humanité, et orientant les efforts de chacun vers le bien véritable de l’homme et le développement intégral des peuples du monde. Les résultats positifs de la science du XXIe siècle dépendront certainement dans une large mesure de la capacité du scientifique à rechercher la vérité et à appliquer les découvertes d’une façon qui aille de pair avec la recherche de ce qui est juste et bon.

Avec ces sentiments, je vous invite à tourner votre regard vers le Christ, la Sagesse non créée, et à reconnaître sur son visage, le Logos du Créateur de toutes choses. En renouvelant mes meilleurs voeux pour votre travail, je vous donne avec plaisir ma Bénédiction apostolique.




RENCONTRE AVEC LES JEUNES ET LES ENFANTS DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE

Place Saint-Pierre Samedi 30 octobre 2010



Question d’un jeune de l’Action catholique italienne:

1191 Votre Sainteté, que signifie devenir grands? Qu'est-ce que je dois faire pour grandir en suivant Jésus? Qui peut m'aider?

Chers amis de l'Action catholique italienne!

Je suis vraiment heureux de vous rencontrer, aussi nombreux, sur cette belle place et je vous remercie de tout coeur pour votre affection! Je vous souhaite à tous la bienvenue. Je salue en particulier le président, le Pr. Franco Miano, et l'assistant général, Mgr Domenico Sigalini. Je salue le cardinal Angelo Bagnasco, président de la Conférence épiscopale italienne, les autres évêques, les prêtres, les éducateurs et les parents qui ont bien voulu vous accompagner.

Je viens d’écouter la question du jeune de l'Action catholique. La réponse la plus belle à ce que cela signifie de devenir grands, est inscrite sur vos tee-shirts, sur vos casquettes, sur vos banderoles: «Il y a autre chose». Cette devise qui est la vôtre et que je ne connaissais pas, me fait réfléchir. Que fait un enfant pour voir s'il grandit? Il compare sa taille à celle de ses compagnons; il imagine qu'il devient plus grand, pour se sentir plus grand. Quand j'étais enfant, quand j'avais votre âge, j'étais un des plus petits de la classe, et cela me donnait un désir d'autant plus grand de devenir un jour très grand; et pas seulement grand en taille. Je voulais faire quelque chose de grand, de plus, dans ma vie, même si je ne connaissais pas cette expression «c'è di più» (il y a autre chose). Grandir en taille implique ce «il y a autre chose». Votre coeur vous le dit, ce coeur qui désire avoir tant d'amis, qui est heureux quand il se comporte bien, quand il sait donner de la joie à son père et sa mère, mais surtout quand il rencontre un ami comme Jésus qui dépasse tous les autres, qui est extrêmement bon et unique. Vous savez combien Jésus aimait les enfants et les jeunes! Un jour, de nombreux enfants comme vous se sont approchés de Jésus parce qu'une belle entente s'était établie entre eux, et dans son regard ils voyaient le reflet de l'amour de Dieu; mais il y avait aussi des adultes qui se sentaient en revanche dérangés par ces enfants. Cela vous arrive à vous aussi parfois, quand vous jouez, quand vous vous amusez avec vos amis, que les grandes personnes vous disent de ne pas les déranger... Eh bien, Jésus réprimande précisément ces adultes et leur dit: laissez là tous ces enfants car ils ont le secret du Royaume de Dieu dans le coeur. Jésus a ainsi enseigné aux adultes que vous aussi, vous êtes «grands» et qu'ils doivent préserver cette grandeur, qui est celle d'avoir un coeur qui aime Jésus. Chers enfants, chers jeunes: être «grands» signifie aimer beaucoup Jésus, l'écouter et lui parler dans la prière, le rencontrer dans les sacrements, dans la messe, dans la confession; cela veut dire le connaître toujours mieux et le faire connaître aussi aux autres, cela veut dire passer du temps avec vos amis, y compris les plus pauvres, les malades, pour grandir ensemble. Et l'ACR (Azione Cattolica Ragazzi) fait justement partie de cet «autre chose», parce que vous n'êtes pas seuls à aimer Jésus — vous êtes nombreux, on le voit aussi ce matin! — mais vous vous entraidez, parce que vous ne voulez pas qu'un de vos amis soit seul, mais vous voulez dire à tous d'une voix forte qu’il est beau d'avoir Jésus comme ami, qu’il est beau d'être les amis de Jésus; et qu'il est beau de l'être ensemble, avec l'aide de vos parents, des prêtres, des animateurs! De cette façon, vous devenez vraiment grands, non seulement parce que vous grandissez en taille, mais parce que votre coeur s'ouvre à la joie et à l'amour que Jésus vous donne. Et ainsi, il s'ouvre à la vraie grandeur qui est de demeurer dans le grand amour de Dieu qui est aussi toujours amour des amis. Espérons et prions pour grandir dans ce sens, pour trouver cet «autre chose» et pour être vraiment des personnes avec un grand coeur, avec un grand Ami qui nous donne sa grandeur, à nous aussi. Merci.

Question d’une adolescente:

Votre Sainteté, nos éducateurs de l'Action catholique nous disent que pour devenir grands, il faut apprendre à aimer mais souvent, nous nous perdons et nous souffrons dans nos relations, dans nos amitiés, dans nos premiers amours. Qu'est-ce que cela signifie aimer jusqu'au bout? Comment peut-on apprendre à aimer vraiment?

Une grande question. C'est très important — je dirais fondamental — d'apprendre à aimer, à aimer vraiment, d'apprendre l'art de l'amour authentique! A l'adolescence on s'arrête devant le miroir et on s'aperçoit qu'on est en train de changer. Mais tant qu'on ne cesse pas de se regarder, on ne devient jamais grands! Vous devenez grands quand vous ne laissez plus le miroir être l'unique vérité sur vous-mêmes, mais quand vous laissez ceux qui sont vos amis la dire. Vous devenez grands si vous êtes capables de faire de votre vie un don aux autres, non de vous chercher vous-mêmes mais de vous donner aux autres: voilà l'école de l'amour. Mais cet amour doit se donner dans cet «autre chose» que vous criez aujourd'hui à tous. «Il y a encore davantage»! Comme je vous l'ai déjà dit, moi aussi, quand j'étais jeune, je voulais quelque chose de plus que ce que me présentaient la société et la mentalité de l'époque. Je voulais respirer de l'air pur, je voulais surtout un monde beau et bon, comme notre Dieu, le Père de Jésus, l'avait voulu pour tous. Et j'ai compris toujours davantage que le monde devient beau et devient bon si l'on connaît cette volonté de Dieu et si le monde est en harmonie avec cette volonté de Dieu qui est la vraie lumière, la beauté, l'amour qui donne un sens au monde.

C'est vrai: vous ne pouvez pas et vous ne devez pas vous conformer à un amour qui se réduit à une marchandise que l'on échange, que l'on consomme sans égard pour soi et pour les autres, incapable de chasteté et de pureté. Ce n'est pas ça la liberté. Une grande partie de l'«amour» proposé par les médias, sur Internet, n'est pas de l'amour mais de l'égoïsme, un repli sur soi. Il vous donne l'illusion d'un moment mais ne vous rend pas heureux, il ne vous fait pas grandir, il vous lie comme une chaîne qui étouffe les pensées et les sentiments les plus beaux, les vrais élans du coeur, cette force impossible à supprimer qui est l'amour et qui trouve en Jésus son expression la plus grande et dans l'Esprit Saint la force et le feu qui embrase vos vies, vos pensées, vos liens d'affection. Certes, vivre l'amour de façon vraie suppose aussi des sacrifices — sans renoncements on n'arrive pas à cette route — mais je suis sûr que vous n'avez pas peur des exigences d'un amour qui vous engage et qui est authentique. C'est le seul qui, en définitive, donne la vraie joie! Il y a une façon de vérifier si votre amour grandit bien: si vous n'excluez pas les autres de votre vie, surtout vos amis qui souffrent et qui sont seuls, les personnes en difficulté, et si vous ouvrez votre coeur au grand Ami qui est Jésus. L'Action catholique aussi vous enseigne les chemins pour apprendre l'amour authentique: la participation à la vie de l'Eglise, de votre communauté chrétienne, le fait d'aimer vos amis du groupe de l'ACR, de l'AC, la disponibilité envers les jeunes de votre âge que vous rencontrez à l'école, en paroisse ou dans d'autres milieux, la compagnie de la Mère de Jésus, Marie qui sait garder votre coeur et vous guider sur le chemin du bien. D'ailleurs, dans l'Action catholique, vous avez beaucoup d'exemples d'amour authentique, beau, vrai: le bienheureux Pier Giorgio Frassati, le bienheureux Alberto Marvelli; un amour qui va aussi jusqu'au sacrifice de sa propre vie, comme la bienheureuse Pierina Morosini et la bienheureuse Antonia Mesina.

Chers jeunes de l'Action catholique, aspirez à de grandes choses, parce que Dieu vous en donne la force. L’«autre chose» c'est être des adolescents et des jeunes qui décident d'aimer comme Jésus, d'être des acteurs de leur propre vie, des acteurs dans l'Eglise, des témoins de la foi parmi les jeunes de leur âge. L’«autre chose» c'est la formation humaine et chrétienne que vous recevez dans l'Action catholique, qui unit la vie spirituelle, la vie fraternelle, le témoignage public de la foi, la communion ecclésiale, l'amour pour l'Eglise, la collaboration avec les évêques et les prêtres, l'amitié spirituelle. «Grandir ensemble» souligne l'importance de faire partie d'un groupe et d'une communauté qui vous aident à grandir, à découvrir votre vocation et à apprendre le véritable amour. Merci.

Question d’une éducatrice:

Votre Sainteté, que signifie aujourd'hui être éducateurs? Comment pouvons-nous affronter les difficultés que nous rencontrons dans notre service? Et comment faire en sorte que chacun prenne soin du présent et de l'avenir des nouvelles générations? Merci.

1192 Une question importante. Nous le voyons dans cette situation du problème de l'éducation. Je dirais qu'être éducateurs signifie avoir la joie dans le coeur et la communiquer à tous pour rendre la vie belle et bonne; cela signifie offrir des raisons et des objectifs au chemin de la vie, offrir la beauté de la personne de Jésus et faire que l'on devienne amoureux de Lui, de son style de vie, de sa liberté, de son grand amour plein de confiance en Dieu le Père. Cela signifie surtout garder toujours haute la barre de toute vie, vers cet «autre chose» qui vient de Dieu. Cela demande une connaissance personnelle de Jésus, un contact personnel, quotidien, amoureux, avec Lui dans la prière, dans la méditation de la Parole de Dieu, dans la fidélité aux sacrements, à l'Eucharistie, à la confession; cela demande de communiquer la joie d'être dans l'Eglise, d'avoir des amis avec qui partager non seulement les difficultés, mais aussi la beauté et les surprises de la vie de foi.

Vous savez bien que vous n'êtes pas patrons des jeunes, mais serviteurs de leur joie au nom de Jésus, que vous êtes des guides vers Lui. Vous avez reçu le mandat de l'Eglise pour cette tâche. Quand vous adhérez à l'Action catholique, vous vous dites à vous-mêmes et vous dites à tous que vous aimez l'Eglise, que vous êtes disposés à être coresponsables avec les pasteurs, de sa vie et de sa mission, dans une association qui se prodigue pour le bien des personnes, pour leurs chemins de sainteté et le vôtre, pour la vie des communautés chrétiennes dans le quotidien de leur mission. Vous êtes de bons éducateurs si vous savez impliquer toute personne pour le bien des plus jeunes. Vous ne pouvez pas être auto-suffisants, mais vous devez faire sentir l'urgence de l'éducation des jeunes générations à tous les niveaux. Sans la présence de la famille, par exemple, vous risquez de construire sur le sable; sans une collaboration avec l'école on ne peut pas former une intelligence profonde de la foi; sans un engagement des différentes agents du temps libre et de la communication, votre oeuvre patiente risque de ne pas être efficace, de ne pas avoir d'influence sur la vie quotidienne. Je suis certain que l'Action catholique est bien enracinée sur le territoire et a le courage d'être le sel et la lumière. Votre présence ici, ce matin, me dit non seulement à moi mais à tous qu'il est possible d'éduquer, que c'est difficile mais beau de donner de l'enthousiasme aux enfants et aux adolescents. Ayez le courage, je dirais l'audace de faire qu'aucun milieu ne soit privé de Jésus, de sa tendresse que vous faite vivre à tous, y compris à ceux qui en ont le plus besoin, qui sont marginalisés, à travers votre mission d'éducateurs.

Chers amis, je vous remercie enfin d'avoir participé à cette rencontre. J'aimerais pouvoir rester plus longtemps avec vous parce que quand je suis au milieu de tant de joie et d'enthousiasme, je suis moi aussi rempli de joie, je me sens rajeuni! Mais malheureusement, le temps passe vite, d'autres m'attendent. Mais mon coeur est avec vous et reste avec vous! Je vous invite, chers amis, à poursuivre votre route, à être fidèles à l'identité et la finalité de l'Action catholique. La force de l'amour de Dieu peut faire de grandes choses en vous. Je vous assure tous de mon souvenir dans la prière et je vous confie à l'intercession maternelle de la Vierge Marie, Mère de l'Eglise, afin que, comme elle, vous puissiez témoigner qu'«il y a autre chose», la joie de la vie remplie de la présence du Seigneur. Merci de tout coeur à vous tous!





VOYAGE APOSTOLIQUE À SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE ET BARCELONE (6-7 NOVEMBRE 2010)


CONFÉRENCE DE PRESSE À BORD DE L'AVION EN VOL VERS L'ESPAGNE Vol papal Samedi 6 novembre 2010

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P. Lombardi. Votre Sainteté, soyez le bienvenu à cette traditionnelle rencontre avec nos collègues journalistes au début de ce beau voyage. Il s’agit d’un voyage bref, mais qui suscite beaucoup d’intérêt. Je peux dire que, selon les informations des derniers jours, plus de 3000 journalistes représentant plus de 300 titres sont accrédités en Espagne pour le suivre, entre Saint-Jacques et Barcelone. Il y a donc véritablement un grand intérêt. Et ici, en vol, avec vous, se trouvent 61 journalistes, 61 collègues, parmi lesquels il y a naturellement une importante représentation espagnole: huit collègues espagnols accrédités à Rome qui voyagent avec vous, et huit collègues espagnols venus exprès d’Espagne pour suivre tout le voyage, y compris ce vol avec vous. Je voudrais signaler la présence de la télévision de Galice et de la télévision de Catalogne, qui assureront la retransmission complète des événements de ce voyage également par leur travail, et nous leur sommes très reconnaissants.

Alors, comme d’habitude, je vous propose certaines questions qui ont été formulées par nos collègues ces jours-ci et que nous avons ensuite choisies en suivant un critère d’intérêt commun pour apporter des éclaircissements sur le sens de ce voyage. Commençons naturellement par Saint-Jacques-de-Compostelle:

Votre Sainteté, dans le message au récent Congrès des sanctuaires qui se déroulait précisément à Saint-Jacques-de-Compostelle (cf. ORLF n. 39 du 28 septembre 2010), vous avez déclaré vivre votre pontificat «avec des sentiments de pèlerins». Dans votre devise également, figure la coquille du pèlerin. Pouvez-vous nous parler de la perspective du pèlerinage, notamment dans votre vie personnelle et dans votre spiritualité, et des sentiments qui vous animent en tant que pèlerin à Saint-Jacques?

Le Saint-Père.Bonjour! Je pourrais dire qu’être en chemin est déjà inscrit dans ma biographie — Marktl, Tittmoning, Aschau, Traunstein, Munich, Freising, Bonn, Münster, Tübingen, Ratisbonne, Munich, Rome — mais sans doute ceci est quelque chose d’extérieur. Toutefois, cela m’a fait penser au caractère instable de cette vie, être en chemin... Naturellement, contre le pèlerinage, on pourrait dire: Dieu est partout, il n’y a pas besoin d’aller dans un autre lieu. Mais il est également vrai que la foi, par essence, est une «existence de pèlerin».

La Lettre aux Hébreux démontre ce qu’est la foi dans la figure d’Abraham, qui quitte sa terre et demeure un pèlerin vers l’avenir pendant toute sa vie; et ce mouvement d’Abraham demeure dans l’acte de foi, c’est un pèlerinage avant tout intérieur, mais qui doit s’exprimer également de l’extérieur. Parfois, sortir du quotidien, du monde de l’utile, de l’utilitarisme, sortir uniquement pour être réellement en chemin vers la transcendance; se transcender soi-même, transcender le quotidien et trouver ainsi une nouvelle liberté, un temps de réflexion intérieure, d’identification de soi, pour voir l’autre, Dieu, et c’est également toujours ce qu’est le pèlerinage: non seulement sortir de soi, pour aller vers le plus grand, mais également aller ensemble. Le pèlerinage rassemble: nous allons ensemble vers l’autre et ainsi, nous nous retrouvons réciproquement. Il suffit de dire que les chemins de Saint-Jacques sont un élément dans la formation de l’unité spirituelle du continent européen. Ici, en pèlerinage, ils se sont trouvés, ils ont trouvé l’identité commune européenne, et aujourd’hui aussi, ce mouvement renaît, ce besoin d’être en mouvement spirituellement et physiquement, de se trouver l’un l’autre et de trouver ainsi le silence, la liberté, le renouveau, et de trouver Dieu.

P. Lombardi. Merci, Votre Sainteté. Et maintenant tournons notre regard vers Barcelone. Quelle signification peut avoir la consécration d’un temple comme la Sainte Famille au début du XXIe siècle? Est-ce qu’il y a un aspect spécifique de la vision de Gaudí qui vous a frappé en particulier?

Le Saint-Père. En réalité, cette cathédrale est aussi un signe précisément pour notre temps. Je trouve surtout trois éléments dans la vision de Gaudí.

Le premier, cette synthèse entre continuité et nouveauté, tradition et créativité. Gaudí a eu le courage de s’inscrire dans la grande tradition des cathédrales, d’oser à nouveau, dans son siècle — avec une vision totalement nouvelle — cette réalité: la cathédrale, lieu de la rencontre entre Dieu et l’homme, dans une grande solennité; et ce courage de rester dans la tradition, mais avec une nouvelle créativité, qui renouvelle la tradition et démontre ainsi l’unité de l’histoire et le progrès de l’histoire, est une belle chose.

Deuxièmement. Gaudí voulait ce trinôme: livre de la nature, livre des Ecritures, livre de la liturgie. Et cette synthèse, précisément aujourd’hui, est d’une grande importance. Dans la liturgie, les Ecritures deviennent présentes, deviennent réalité aujourd’hui : ce ne sont plus les Ecritures d’il y a deux mille ans, mais elles doivent être célébrées, réalisées. Et dans la célébration des Ecritures, la création parle, la création parle et trouve sa véritable réponse, car, comme nous le dit saint Paul, la créature souffre, et, au lieu d’être détruite, méprisée, elle attend les enfants de Dieu, c’est-à-dire ceux qui la voient dans la lumière de Dieu. Et ainsi — je pense —, cette synthèse entre le sens de la création, les Ecritures et l’adoration, est précisément un message très important pour aujourd’hui.

Et enfin, — troisième point — cette cathédrale est née d’une dévotion typique du XIXe siècle: saint Joseph, la sainte Famille de Nazareth, le mystère de Nazareth. Mais précisément cette dévotion d’hier, pourrait-on dire, est d’une très grande actualité, car le problème de la famille, du renouveau de la famille comme cellule fondamentale de la société, est le grand thème d’aujourd’hui et nous indique où nous pouvons aller, aussi bien dans la construction de la société que dans l’unité entre foi et vie, entre religion et société. La famille est le thème fondamental qui s’exprime ici, en proclamant que Dieu lui-même s’est fait fils dans une famille et nous appelle à construire et vivre la famille.

P. Lombardi. Gaudí et la Sainte Famille représentent de manière concrète et particulière le binôme foi-art. Comment la foi peut-elle retrouver aujourd’hui sa place dans le monde de l’art et de la culture? Est-ce l’un des thèmes importants de votre pontificat?

Le Saint-Père. Il en est ainsi. Vous savez que j’insiste beaucoup sur la relation entre foi et raison, que la foi, et la foi chrétienne, n’a son identité que dans l’ouverture à la raison, et que la raison devient elle-même si on la transcende vers la foi. Mais la relation entre foi et art est tout aussi importante, car la vérité, but et objectif de la raison, s’exprime dans la beauté et devient elle-même dans la beauté, se prouve comme vérité. Là où se trouve la vérité doit donc naître la beauté, là où l’être humain se réalise de manière correcte, bonne, il s’exprime dans la beauté. La relation entre vérité et beauté est inséparable et nous avons donc besoin de la beauté. Dans l’Eglise, depuis le début, également dans la grande modestie et pauvreté de l’époque des persécutions, l’art, la peinture, l’expression du salut de Dieu dans les images du monde, le chant, et ensuite également les édifices, tout cela est constitutif pour l’Eglise et reste constitutif pour toujours. Ainsi l’Eglise a été la mère des arts pendant des siècles et des siècles: le grand trésor de l’art occidental — que ce soit la musique, l’architecture ou la peinture — est né de la foi à l’intérieur de l’Eglise. Aujourd’hui, il y a un certain «désaccord», mais cela fait du mal aussi bien à l’art qu’à la foi: l’art qui perdrait la racine de la transcendance n’irait plus vers Dieu, ce serait un art diminué, il perdrait sa racine vivante; et une foi qui ne posséderait que l’art du passé, ne serait plus une foi dans le présent; et aujourd’hui elle doit s’exprimer à nouveau comme vérité, qui est toujours présente. C’est pourquoi le dialogue ou la rencontre, je dirais l’ensemble, entre art et foi est inscrit dans l’essence la plus profonde de la foi; nous devons faire tout ce qui est possible pour qu’aujourd’hui aussi, la foi s’exprime à travers un art authentique, comme Gaudí, dans la continuité et dans la nouveauté, et que l’art ne perde pas le contact avec la foi.

P. Lombardi. Actuellement est en train d'être mis en place le nouveau dicastère pour la «nouvelle évangélisation». Et beaucoup se sont demandés si l'Espagne, avec les développements de la sécularisation et la diminution rapide de la pratique religieuse, est l'un des pays auquel vous avez pensé comme objectif de ce nouveau dicastère, voire si elle en serait l'objectif principal. Voilà la question que nous nous posons.

Le Saint-Père.Avec ce dicastère, j'ai pensé au monde tout entier, parce que la nouveauté de la pensée, la difficulté de réfléchir sur les concepts des Ecritures, de la théologie, est universelle, mais il y a naturellement un centre et il s'agit du monde occidental avec son sécularisme, sa laïcité et la continuité de la foi qui doit essayer de se renouveler pour être une foi d'aujourd'hui et pour répondre au défi de la laïcité. En Occident, tous les grands pays vivent chacun à leur manière ce problème: nous avons eu par exemple les voyages en France, en République tchèque, au Royaume-Uni, où le même problème est présent partout de manière spécifique à chaque nation, à chaque histoire, et cela vaut aussi et de manière forte pour l'Espagne. L'Espagne a été, depuis toujours, un pays «originaire» de la foi; rappelons-nous que la renaissance du catholicisme à l'époque moderne advint surtout grâce à l'Espagne; des figures comme saint Ignace de Loyala, sainte Thérèse d'Avila et saint Jean d'Avila, sont des personnalités qui ont réellement renouvelé le catholicisme, ont formé la physionomie du catholicisme moderne. Mais il est aussi vrai qu'en Espagne sont nés également une laïcité, un anticléricalisme, un sécularisme fort et agressif, comme nous l'avons vu précisément dans les années Trente, et ce débat, voire ce conflit entre foi et modernité, toutes deux très vives, se réalise encore aujourd'hui de nouveau en Espagne: c'est pourquoi l'avenir de la foi et de la rencontre — non pas le conflit, mais la rencontre entre foi et laïcité — trouve un point central également dans la culture espagnole. En ce sens, j'ai pensé à tous les grands pays d'Occident, mais surtout également à l'Espagne.

P. Lombardi. Avec le voyage à Madrid de l'année prochaine pour la Journée mondiale de la jeunesse, vous aurez accompli trois voyages en Espagne, ce qui n'est le cas pour aucun autre pays. Pourquoi un tel privilège? Est-ce un signe d'amour ou d'inquiétude particulière?

Le Saint-Père.C'est naturellement un signe d'amour. On pourrait dire que c'est le hasard qui a fait que je suis venu trois fois en Espagne. La première, pour la grande rencontre internationale des familles, à Valence: comment le Pape pourrait-il être absent, si les familles du monde se rencontrent? L'année prochaine la JMJ, la rencontre de la jeunesse du monde, à Madrid, et le Pape ne peut être absent à cette occasion. Et, enfin, nous avons l'Année sainte de saint Jacques, nous avons la consécration, après plus de cent ans de travaux, de la cathédrale de la Sagrada Familia de Barcelone, comment le Pape pourrait-il ne pas venir? En soi, par conséquent, les occasions sont des défis, presque une obligation à honorer, mais le fait que ce soit précisément en Espagne que se concentrent un si grand nombre d'occasions, montre aussi que c'est véritablement un pays plein de dynamisme, plein de force de la foi, et la foi répond aux défis qui sont également présents en Espagne; c'est pourquoi nous disons: le hasard a fait en sorte que je vienne, mais ce hasard démontre une réalité plus profonde, la force de la foi et la force du défi pour la foi.

P. Lombardi. Merci, Très Saint-Père. Voulez-vous à présent ajouter quelque chose pour conclure notre rencontre? Y a-t-il un message particulier que vous espérez adresser à l'Espagne et au monde d'aujourd'hui avec ce voyage?

Le Saint-Père. Je dirais que ce voyage a deux thèmes. Le thème du pèlerinage, de l'être en chemin, et le thème de la beauté, de l'expression de la vérité de la beauté, de la continuité entre tradition et renouveau. Je pense que ces deux thèmes du voyage sont aussi un message: être en chemin, ne pas perdre le chemin de la foi, chercher la beauté de la foi, la nouveauté et la tradition de la foi qui sait s'exprimer et sait rencontrer la beauté moderne, avec le monde d'aujourd'hui. Merci.

P. Lombardi. Merci à vous, Très Saint-Père, d'avoir passé du temps avec nous et de nous avoir aussi apporté de si belles réponses. Je crois que ce voyage est en particulier un beau voyage en raison des thèmes qu'il affronte, pour les moments que nous allons vivre ensemble et je crois que nous tous qui sommes présents ici comme communicateurs, nous essaierons d'accompagner et de collaborer de la meilleure façon possible afin de pouvoir transmettre votre message de joie et d'espérance. Votre Sainteté, merci!





Discours 2005-2013 21100