Brentano - B. Emmerich: Myst. AT 1700

13 l'offrande du pain et du vin par Melchisédech

1700
J'ai vu, plusieurs fois, Melchisédech avec Abraham. Il venait de la même façon que les anges qui souvent se manifestaient à Abraham. un jour, i1 lui ordonna de faire une triple offrande de pigeons et d'autres oiseaux. et lui prophétisa le sort de Sodome et celui de Loth, lui annonçant qu'il reviendrait à lui pour accomplir l'offrande du pain et du vin il indiquait aussi ce qu'Abraham devait demander à Dieu dans la prière Abraham était rempli de respect devant Melchisédech, dans l'attente de l'offrande prophétisée aussi construisit-il un très bel autel qu'il abrita sous une hutte de feuillage. Melchisedech, arrivant pour l'offrande du pain et du vin, fit annoncer à Abraham sa venue comme roi de Salem, par des messagers. Abraham alla à sa rencontre, s'agenouilla devant lui et reçut sa bénédiction. Ceci se passa dans une vallée au sud de la plaine fertile qui s'étend vers Gaza.

Melchisédech vint de l'emplacement où plus tard s'éleva Jérusalem. Il avait avec lui une monture grise, très rapide, à l'encolure courte et trapue, très chargée : d'un côté, l'animal portait un tonneau de vin aplati sur la face qui touchait le flanc de la bête, de l'autre côté une caisse dans laquelle se trouvaient dresses les uns contre les autres des pains plats de forme ovale, ainsi que le calice même que j'ai vu plus tard lors de l'institution du Saint-Sacrement, au cours de la Cène, et des gobelets en forme de petits fûts : ces récipients n'étaient ni en or ni en argent, mais comme d'une pierre précieuse translucide, brune; ils me paraissaient avoir poussé (comme des plantes), et non avoir été fabriqués de main d'homme.

Melchisédech faisait la même impression que le Seigneur au cours de sa marche apostolique. Il était très mince et grand, extrêmement grave et doux. Il portait un long vêtement, si blanc et lumineux que cela me rappelait le vêtement blanc dans lequel le Seigneur se montra à la Transfiguration. La tunique d'Abraham était toute terne en comparaison. Il portait également une ceinture ornée de lettres, comme en eurent plus tard les prêtres juifs, et je vis que comme eux il était coiffé pour cette offrande d'un couvre-chef plissé. Ses cheveux étaient d'un jaune éclatant, comme de la soie longue et lumineuse, et son visage rayonnant.

Le roi de Sodome avait déjà établi ses campements non loin d'Abraham, lorsque Melchisedech s'approcha, et aux alentours étaient de nombreuses personnes avec des animaux, des sacs, des coffres. Tous étaient très silencieux et prêts pour une fête, remplis de respect envers Melchisedech dont la présence les intimidait.

Melchisédech s'approcha de l'autel : il s'y trouvait une sorte de tabernacle dans lequel il déposa le calice il y avait aussi un creux sur l'autel, sans doute pour le sacrifice. Comme à chaque cérémonie d'offrande, Abraham avait disposé les ossements d'Adam sur l'autel, reliques que Noé avait déjà avec lui dans l'Arche. Devant ces reliques, ils suppliaient que Dieu voulut bien réaliser la promesse du Messie annoncé à Adam.

Melchisédech étendit d'abord sur l'autel une couverture rouge qu'il avait apportée avec lui, puis, dessus, une nappe blanche transparente. Sa cérémonie me rappela la sainte messe. Je le vis élever le pain et le vin, les offrir, les bénir et rompre le pain. Il tendit à Abraham le calice qui devait servir plus tard à la Cène. afin qu'il y bût. Les autres burent dans les petits gobelets qui furent présentés à tout le peuple par Abraham et par les assistants les plus rapprochés de l'autel. ainsi que les pains rompus. Ils reçurent des morceaux plus grands que ceux qui furent donnés à la Cène. Je vis ces morceaux briller ils étaient seulement bénis, et non consacrés. Les anges ne peuvent pas consacrer. Tous furent stimulés à se tourner vers Dieu.

Melchisédech tendit à Abraham du pain et du vin pour son usage. et celui-ci reçut du pain plus fin et plus lumineux que les autres. Il en obtint beaucoup de force, et un tel accroissement de sa foi qu'il n'hésita pas, ultérieurement, à offrir son fils, enfant de la Promesse, sur l'ordre de Dieu. Il prophétisa et dit ces paroles : ce n'est pas ce que Moise donna aux Lévites sur le Sinaï. Je ne sais si Abraham lui-même effectua également l'offrande du pain et du vin, mais ce que je sais, c'est que le calice dans lequel il but est celui-là même dont Jésus se servit pour instituer l'Eucharistie.

Lorsque Melchisédech donna sa bénédiction à Abraham lors de l'offrande du pain et du vin, il l'institua prêtre. Il prononça sur lui ces paroles : "Le Seigneur dit à mon seigneur : siège à ma droite. Tu es prêtre à jamais selon l'ordre de Melchisédech. Le Seigneur l'a juré et ne s'en dédira point
Ps 110." Il étendit les mains sur Abraham, et par la suite, celui-ci lui versa la dîme : et j'eus connaissance de la signification du versement de la dîme par Abraham. Mais je ne me souviens plus de la cause pour laquelle c'était si important (cf. He 7).

J'ai vu aussi que lorsque David composa ce psaume. il eut une vision de la consécration d'Abraham par Melchisédech et qu'il reprit les paroles de ce dernier en leur donnant une portée prophétique. Les mots "siège à ma droite" ont une signification particulière. Lorsque la génération éternelle du Verbe m'est montrée sous forme d'image, je vois le Fils sortir de la droite du père dans une manifestation lumineuse entourée d'un triangle, comme lorsqu'on représente l'oeil de Dieu 3. Dans le sommet du triangle, je vois le Saint-Esprit. Mais cela est inexprimable.

J'ai vu également Eve sortir du côté droit d'Adam, et les patriarches qui portaient la bénédiction dans leur côté droit ils plaçaient à leur droite les enfants à qui ils donnaient leur bénédiction. Jésus a reçu le coup de lance à droite, et l'Eglise est née de son côté droit. Lorsque nous entrons dans l'Eglise, nous pénétrons dans le côté droit de Jésus et sommes en Lui unis au père 4.

Je pense que la mission de Melchisédech sur la terre fut achevée avec cette offrande et la consécration d'Abraham, car je ne je vis plus jamais par la suite. Il légua le calice et les six gobelets à Abraham.

3. Motif architectural et pictural très utilisé en Allemagne à l'époque baroque : triangle équilatéral renfermant un oeil ouvert. (NdT)
4. Cf. spiritualité de la Plaie du côte et du Sacré-Coeur. (NdT)



14 Abraham reçoit le sacrement de l'Ancienne Alliance

1800
Abraham se tenait en prière, assis devant sa tente, sous un arbre où aboutissait la route principale. Il venait souvent là pour proposer l'hospitalité aux voyageurs de passage. Tout en priant, il contemplait le ciel et eut alors la vision de Dieu, comme dans un rayon de soleil, qui lui annonça la venue des trois personnages vêtus de blanc. Aussitôt après, il immola un agneau et l'offrit en holocauste; je le vis ravi en extase devant l'autel, priant pour le salut des hommes.

L'autel se dressait à droite du grand arbre, dans une enceinte à ciel ouvert; plus à droite de l'arbre s'élevait une autre tente dans laquelle on rangeait les instruments pour le sacrifice, et dans laquelle Abraham se tenait le plus souvent lorsqu'il avait à traiter avec ses bergers des environs. Assez loin de cet endroit l'habitation de Sara et de sa maisonnée bordait la route : les femmes vivaient toujours à part.

Le sacrifice d'Abraham se terminait à peine qu'il aperçut les trois anges sur la route. Ils s'avançaient sur la route, à égale distance l'un de l'autre; ils portaient des vêtements retroussés. Abraham se hâta vers eux et s'inclina devant eux en louant Dieu (
Gn 18,2-3); il les conduisit vers l'enceinte de l'autel, où ils déposèrent leurs vêtements. Ils ordonnèrent au patriarche de s'agenouiller.

Je vis la merveilleuse opération qui se réalisa par l'intermédiaire des anges pour Abraham, ravi en extase, seulement 1. Tout s'effectua en peu de temps, comme tout ce qui se passe en de telles circonstances.

Je vis le premier ange annoncer au patriarche agenouillé que Dieu voulait susciter dans sa descendance une vierge immaculée, sans péché, destinée à enfanter le Sauveur. Mais que lui-même, Abraham, devait recevoir ce qu'Adam avait perdu par le péché. Alors l'ange lui présenta une parcelle de nourriture étincelante et lui fit boire le liquide lumineux contenu dans une petite coupe.

Sur ce, il traça de sa droite une bénédiction sur Abraham, comme une ligne droite de la tête jusqu'au-dessous du torse, et ensuite de l'épaule droite, puis de l'épaule gauche jusqu'au-dessous du torse, où les trois traits de la bénédiction se rejoignaient. Ensuite, l'ange tendit à deux mains quelque chose de lumineux vers la poitrine du patriarche, comme une petite nuée, que je vis pénétrer en Abraham 2, et j'eus l'impression que celui-ci recevait le Saint-Sacrement.

1 Par la suite la bénédiction, avec son "support" concret, matériel, se transmit différemment (NdT)
2 La bénédiction est accordée comme réalité spirituelle et comme réalité concrète qui deviendra le "dépôt sacré" (NdT)


Le second ange annonça à Abraham qu'il devait, avant de mourir, transmettre au premier-né de Sara le secret de cette bénédiction, comme il l'avait reçue, et que son petit-fils Jacob serait le père de douze garçons qui fonderaient douze tribus.

L'ange dit également que cette bénédiction serait retirée à Jacob lorsque celui-ci aurait donné naissance à un peuple, et qu'elle serait rendue comme mystère sacré et bénédiction pour tout le peuple, dans l'Arche d'Alliance 3. Ce mystère ne pourrait être obtenu que par la prière.

L'ange révéla à Abraham que ce dépôt sacré, à cause de l'impiété des hommes, passerait aux prophètes et serait finalement transmis à un homme destiné à être le père de la Vierge. J'entendis également, au cours de cette prophétie, que six voyantes 4 et des signes dans les étoiles annonceraient aux païens la réalisation du salut du monde par la médiation d'une Vierge.

Tout ceci fut révélé à Abraham dans une vision où il contempla également une apparition de la Vierge dans le ciel, un ange se tenant à sa droite et lui effleurant la bouche avec un rameau. Et l'Eglise, sortant du manteau de la Vierge, s'épanouit alors 5.

3. Cf. chap. 17
4. Les "Sibylles" de l'Antiquité. (NdT)
5. Cf. Marie "mère de l'Eglise" (NdT)


Le troisième ange annonça à Abraham la naissance d'Isaac : je vis le patriarche si émerveillé par l'annonce de la Vierge et par son apparition qu'il ne songeait guère à Isaac. Je pense que la promesse de cette Vierge lui rendit également plus supportable, ultérieurement, la perspective du sacrifice d'Isaac.

C'est seulement après ces saintes révélations que je vis l'hospitalité accordée aux anges et le rire de Sara (Gn 18,12). Je vis aussi Abraham accompagner les anges et intercéder pour Sodome Cf Gn 18,22-33.

Lorsqu'Abraham revint de son extase, il conduisit les anges sous l'arbre et leur dressa des escabeaux autour du tronc; ils s'assirent afin que le patriarche leur lavât les pieds; puis il se hâta vers la tente de Sara, pour qu'elle préparât un repas; elle vint un peu plus tard l'apporter à mi-chemin, s'avançant vers eux la face voilée (Gn 18,4-6).

Apres le repas, Abraham accompagna les anges sur une certaine distance, et c'est là que, comme ils lui parlaient de la naissance de son fils, Sara se mit à rire (Gn 18,12); elle s'était approchée d'eux, derrière l'enceinte de son campement, et avait entendu leurs paroles. J'ai vu beaucoup de pigeons autour des tentes, aussi familiers que des poules. Le repas se composait de ces volatiles, de pains ronds et de miel.

Abraham avait déjà reçu le secret de la bénédiction bien longtemps auparavant : un ange le lui avait révélé lors du départ de Chaldée (Gn 12), mais de façon voilée et seulement comme un gage de la Promesse : c'était juste l'annonce qu'il serait le père d'un peuple innombrable. A présent, le mystère lui avait été découvert par les anges, et il en possédait toute la signification.



15 Jacob

1900

Rébécca 1 savait qu'Esaü n'avait point de part au mystère divin et à sa splendeur. Esaü était balourd, rustre et paresseux
Gn 25,25). Jacob, par son caractère avisé et par sa souplesse, ressemblait davantage à sa mère. Or Isaac préférait Esaü, car celui-ci était le premier-né.

Esaü passait son temps à chasser. Rébécca se creusait la tête pour savoir comment elle pourrait faire transmettre le droit d'aînesse et la bénédiction à Jacob. Elle enseigna à celui-ci le mets destiné à acheter à Esaü le droit d'aînesse : c'était un plat de légumes avec de la viande et des feuilles vertes, comme de la laitue 2. Esaü revint de la chasse épuisé : Jacob le natta et obtint ainsi la cession du droit d'aînesse (Gn 25,29).

Isaac, qui était déjà fort âgé et aveugle, appréhendait la mort et voulut donner sa bénédiction à Esaü. Rébécca savait que Jacob avait acquis le droit à cette bénédiction, mais elle ne put en convaincre Isaac. Elle en était très affligée et ne cessait de tourner en rond, en proie a un grand trouble. Or voici qu'Isaac refusa de reporter davantage sa décision et fit appeler Esaü, qui se trouvait dans les environs Rébécca s'employa à cacher Jacob, afin que son frère ne le vit pas 3, et l'envoya chercher un chevreau du troupeau : de son côté. Isaac ordonna à Esaü d'aller capturer une pièce de gibier. Esaü se mettait à peine en route que le mets destiné à Jacob était déjà prêt.

Rébécca donna alors à Jacob les propres vêtements d’Esaü : c'était surtout une tunique semblable à celle de Jacob, mais plus rude et ornée de broderies multicolores sur la poitrine. Esaü était très velu, en particulier aux bras et sur le torse, où sa toison abondante était noire et aussi fournie qu'un' fourrure c'est pourquoi Rébécca entoura les bras de Jacob de peaux de bêtes, et en plaça aussi sur sa poitrine, à l'échancrure de la tunique. Ce vêtement se différenciait des autres seulement par sa finition 4 : il était fendu sur le côté, l'encolure était taillée dans du cuir brun, souple on l'enfilait par la tête, et il était fermé sur le côté par des cordons. une ceinture le serrait à la taille, et servait de poche. Ils ne portaient que ce vêtement, à même le corps cette tunique n'avait pas de manches, et la poitrine était dégagée. Le costume comportait en outre un bandeau pour la tête et un tablier, de couleur brunâtre ou grise.

3. Esaü aurait soupçonné quelque chose s'il avait vu Isaac auprès de leurs parents à ce moment précis. Chaque membre de la famille vivait dans son propre campement. (cf. chap. précédent). (NdT)
4. La tunique de l'ainé, souvent offerte par le père était plus richement décorée que celle des autres. (cf. chap. 16. la tunique de Joseph). (NdT)


J'ai vu Isaac palper le torse et les mains de Jacob, endroits où Esaü était très velu il fut troublé, eut un léger vertige et se mit à douter mais comme c'était le moment, et surtout comme c'était la volonté de Dieu, il crut toutefois qu'il avait Esaü en face de lui et il donna à Jacob la bénédiction qu'il avait reçue d'Abraham et que celui-ci avait reçue de l'ange Il avait auparavant préparé avec Rébecca quelque chose qui était lié à la bénédiction : c'était un breuvage dans une coupe.

Les enfants ne connaissaient rien de tout cela seul celui qui recevait la bénédiction était appelé à partager ce mystère, qui restait néanmoins un mystère, comme le Saint-Sacrement pour nous. La coupe était plus aplatie d'un côté que de l'autre transparente et irisée comme de la nacre, elle était pleine d'un liquide rouge, et j'eus l'impression que c'était comme du sang, comme le sang d'Isaac Rébecca avait assisté à la préparation de ce breuvage.

Mais lorsqu'Isaac bénit Jacob, ils étaient tous deux seuls Jacob découvrit sa poitrine et se tint devant son père : celui-ci traça de sa main la bénédiction sur Jacob, du front à la base de l'estomac, puis de l'épaule droite et de l'épaule gauche à ce même point. Il lui posa ensuite la main droite sur la tête et la gauche sur le coeur Jacob dut ensuite boire le contenu de la coupe, et finalement, ce fut comme si Isaac lui transmettait tout, toute sa force et sa puissance, en retirant de ses deux mains quelque chose de son propre corps et en le déposant dans le corps de Jacob. Je sentis que c était la ce qui constituait sa force et sa bénédiction. Tout au cours de ces rites, Isaac priait à haute voix il était dressé sur sa couche pour la bénédiction' au cours de laquelle il exultait d'allégresse tandis qu'une lumière sortie de son corps l'enveloppait. Pendant qu'il traçait les lignes de la bénédiction Jacob tenait les mains ouvertes, à moitié levées, comme le prêtre au DOMINUS VOBISCUM.

5. C'est le mystérieux "dépôt sacré". (NdT)


Lorsqu'Isaac priait, Jacob tenait les mains croisées sur sa poitrine Lorsqu'Isaac transmit la bénédiction (le "dépôt sacré "), Jacob le reçut, puis croisa ses mains sur son coeur comme quelqu'un qui renferme quelque chose en soi Finalement, Isaac lui posa les mains sur la tête et sur l'estomac Jacob reçut également le récipient dont il avait bu le contenu.

Lorsque la bénédiction fut achevée, par la transmission du "dépôt sacré ", je vis Isaac complètement épuisé à cause de la transmission même et de la perte de cette force qui était en lui Par contre, je vis Jacob tout épanoui, devenu très vigoureux, plein de vie et de vigueur C'est alors qu'Esaü revint.

Isaac apprit alors que la bénédiction avait été transmise à Jacob mais il n'en fut guère affecté, car il reconnut en cela la volonté de Dieu Esaü, au contraire, était furieux et s'arrachait les cheveux, mais c'était plus par jalousie envers Jacob que par regret de n'avoir pas reçu la bénédiction.

Les deux fils étaient déjà des hommes d'âge mûr, lorsque la bénédiction fut donnée Esaü avait déjà deux épouses, qui ne plaisaient guère à ses parents. Lui et son frère avaient plus de quarante ans. Lorsque Rébecca vit la fureur d'Esaü, elle envoya secrètement Jacob chez son propre frère Laban. Je le vis se mettre en route : il portait une tunique qui descendait jusqu'aux genoux, et une cape jusqu'à la ceinture, et avait des sandales aux pieds et un bandeau autour de la tête. Jacob ne prit rien d'autre qu'une houlette de pâtre, une sacoche de pain qu'il attacha à son épaule et une cruche sous le bras. Je le vis aussi prendre congé de sa mère en larmes. Isaac le bénit une nouvelle fois et lui recommanda de partir auprès de Laban 7 et de prendre femme là-bas. Les parents étaient très contrariés par Esaü, en particulier Rébecca, qui avait beaucoup de chagrin.

Au cours de son voyage vers la Mésopotamie, j'ai vu Jacob dormir à l'endroit où s'éleva plus tard Bethel'. Le soleil était couché, Jacob cala une pierre sous sa tête et s'endormit, allongé sur le dos, tenant son bâton à la main. Je vis alors également l'échelle qu'il contempla en songe et dont l'histoire biblique dit : "Elle était dressée à terre, et son sommet touchait le ciel (Gn 28,12)". Mais j'ai vu cette échelle s'élever à partir de Jacob lui-même, qui était allongé par terre, et atteindre le ciel, comparable à l'arbre vivant de sa descendance elle m'apparut comme on représente les arbres généalogiques. Elle était semblable à une vigne verdoyante issue du corps même de Jacob endormi sur le sol, qui se divisait en trois branches, chacune de ces branches s'élevait vers le ciel comme une pyramide à trois faces au sommet pointu. Ces trois branches étaient reliées entre elles de trois côtés par des rameaux latéraux dont les pousses constituaient une échelle pyramidale à trois faces.

6. une sorte de turban. (NdT)
7. Laban : (hebr. Laban : "le blanc ") l'Araméen, fils de Bethuel, frère de Rébecca, père de Léa et Rachel. (Gn 25,20 etc.)
8. Bethel (hébr. "maison de Dieu ") nom ancien de Beitin, village sacré situé sur la route antique de Jérusalem à Sichem, à 15 Km. au nord de Jérusalem. (NdT)


J'ai vu cette échelle entourée de nombreuses apparitions. J'ai vu les descendants de Jacob monter sur cette échelle, dessinant la lignée humaine de Jésus. Ils gravissaient les échelons en passant souvent d'un côté à l'autre, certains précédaient les autres. Quelques-uns demeuraient en retrait, précédés par d'autres venus d'un côté différent, tout ceci selon que le germe de l'Humanité sainte de Jésus était troublé par le péché ou purifié par la sainteté, et jusqu'à l'éclosion sur la plus haute cime de l'échelle de la fleur pure, de la Vierge sainte de laquelle Dieu voulait prendre chair pour se faire homme J'ai vu le ciel ouvert et la gloire de Dieu au-dessus d'elle. Et Dieu parla à Jacob.

Lorsque Jacob s'éveilla au matin, je le vis édifier une petite assise de pierres disposées en cercle, sur lesquelles il plaça un rocher plat et, par-dessus, la pierre qui lui avait servi de chevet il alluma un feu et offrit un sacrifice, il versa également quelque chose dans le feu, sur la pierre Il priait à genoux Je crois qu'il faisait le feu en frottant des pierres les unes contre les autres, comme les trois Mages.

Puis je l'ai vu en voyage, son bâton à la main, s'arrêtant en divers endroits avant d'arriver chez Laban. Il fit halte à Aïnon 10, entre autres, comme à Bethel il était déjà venu dans ce lieu et y avait remis en état une citerne qui devait plus tard devenir la fontaine baptismale de saint Jean-Baptiste. Je l'ai vu prier déjà à ce moment à Mahanaïm ", demandant à Dieu de le protéger et lui confiant ses vêtements, afin qu'il pût faire bonne figure en arrivant en Mésopotamie et Laban pût le reconnaître. Il eut alors la vision de deux armées qui l'escortaient dans le ciel, comparables à des troupes de guerriers : c'était le signe qu'il serait gardé par Dieu et qu'il deviendrait fort puissant. J'ai vu la réalisation de cette promesse lors de son retour.

10. Ainon (hebr. "les sources ") localité sur le Jourdain, siège de la prédication de saint Jean-Baptiste. (NdT)
11. Mahanaim (hebr. Makhanayim : "le Camp ") ville à l'est du Jourdain. cf. Gn 32,2-3. (NdT)


Puis je le vis plus loin vers l'est, longeant la rive méridionale du Jacob 12 il passa une nuit à l'endroit où, plus tard, il lutta contre l'ange (Gn 32,22), là aussi, il eut une vision.

Lors du retour de Mésopotamie, le campement de Jacob fut dressé à l'est de l'emplacement de la future Jabesh-Gilead 14. J'ai vu son beau-père Laban le poursuivre, parce qu'on lui avait dérobé ses dieux domestiques, et le rejoindre à cet endroit, où ils eurent de violentes altercations à cause de ces idoles. Jacob ne savait pas que Rachel 15 avait secrètement emporté ces statuettes Lorsque Rachel s'aperçut que son père faisait fouiller tout le campement pour retrouver ses idoles et qu'il allait arriver à sa tente, elle dissimula les objets détournés - c'étaient cinq poupées de métal emmaillotées, longues comme la moitié du bras -  dans un très grand tas de foin destiné aux chameaux, qui avait été rassemblé non loin de son campement, sur le versant méridional de la vallée du Jaboc Elle s'assit sur ce tas de foin, toute voilée, comme si elle était malade et indisposée (Gn 31,17-54). Plusieurs autres femmes prirent place autour d'elle, C'est sur un tas comparable, mais encore plus gros, que j'ai vu Job se retirer lorsqu'il était lépreux Le tas sur lequel s'assit Rachel équivalait à une pleine charretée. Ils emportaient beaucoup de foin avec eux, au cours de leurs voyages, et en chargeaient les chameaux et ils s'approvisionnaient encore très souvent en cours de route. Rachel était depuis longtemps fort irritée contre son père à cause de ces idoles et ne les avait emportées que pour les soustraire définitivement.

12. Le Jaboc. aujourd'hui Nahr ez-Zerka ("rivière bleue") important affluent du Jourdain. rive gauche. (NdT)
14 Jabesh-Gilead : ville de Galaad où fut inhumé le roi Saul (cf. 1S 31,8-13) (NdT)
15 Rachel ("brebis .) fille de Laban, épouse de Jacob. (cf. Gn 29,20 sq.). (NdT)


Jacob avait envoyé des messagers à Esaü, car il le redoutait et ceux-ci étaient revenus en annonçant l'approche d'Esaü à la tête de quatre cents hommes. Alors Jacob répartit tous ses biens en deux lots, il divisa le premier lot de troupeaux en plusieurs groupes qu'il dépêcha à la rencontre d'Esaü il les accompagna jusqu'à Manahaim, où il eut de nouveau la vision dont il avait été favorisé lors de son départ : l'armée des anges (Gn 32,2). Alors il dit : "Je suis parti avec mon bâton et suis devenu riche de deux armées !" C'est alors seulement qu'il comprit le sens de sa vision d'autrefois.

Lorsque tout eut franchi le Jaboc, Jacob fit passer également ses femmes et ses enfants, et il demeura seul. C'était la nuit. Il fit dresser sa tente à l'endroit où il avait vu la face de Dieu, lors de son départ de Palestine, car il voulait prier là toute la nuit Il fit fermer sa tente de tous les côtés et renvoya ses serviteurs Je le vis invoquer Dieu de tout son coeur et tout lui confier, en particulier sa grande peur d'Esaü. La tente était ouverte vers le haut, afin qu'il pût mieux voir le ciel en priant.

Je vis alors Jacob lutter contre l'ange (Gn 32,25-33); cela se passa en une vision. Il se tenait debout en prière, lorsqu'une grande lumière descendit du ciel un personnage robuste et éclatant apparut et commença à lutter contre Jacob, comme s'il voulait le chasser de la terre. Ils se combattirent dans la tente, de tous côtés l'apparition semblait pousser Jacob dans toutes les directions du monde, mais Jacob revenait toujours se camper au milieu de la tente. Ceci était comme la préfiguration du destin d'Israël qui, attaqué de toutes part, ne devait pas être déraciné de la Terre Promise.

Alors que Jacob se retrouvait une nouvelle fois au milieu de la tente, l'ange le frappa à la hanche. Je vis ceci arriver quand Jacob, qui luttait dans sa vision, voulut s'allonger sur sa couche ou tomba sur elle. En frappant Jacob à la hanche, accomplissant ainsi ce qu'il désirait, l'ange lui dit : "Laisse-moi partir, car l'aurore point !" En effet, Jacob le tenait encore fermement C'est alors qu'il revint à lui, s'éveillant de sa vision et du combat. mais il vit l'ange de Dieu, qui se tenait toujours devant lui, et il lui dit : "Non, je ne te laisserai pas aller avant que tu ne m'aies béni !" Car il sentait qu'il avait besoin de la bénédiction de Dieu il se trouvait affaibli, et l'arrivée d'Esaü était imminente, alors l'ange lui demanda : "Comment t'appelles-tu ?" Il répondit :- "Jacob" (c'était là le premier rite de la bénédiction, comme Abram qui devint Abraham à cette occasion). L'ange dit : "Tu te nommeras Israël, car tu as lutté contre Dieu et contre des hommes, et tu l'as emporté". Jacob demanda à son tour : "Et toi, quel est ton nom ?" L'ange fit cette réponse : "Pourquoi me demandes-tu une telle chose ?" ce qui équivaut a : "Ne me connais-tu pas ? Ne m'as-tu donc pas rencontré précédemment ?" Alors Jacob s'agenouilla devant lui et reçut la bénédiction. L'ange le bénit suivant le rite révélé par Dieu à Abraham, et par celui-ci à Isaac, de qui Jacob le tenait : il traça les trois lignes de bénédiction. Ceci renforça particulièrement la patience et la persévérance de Jacob. L'ange disparut alors, et Jacob vit les premiers feux de l'aurore il nomma cet endroit Phanuel 19, Puis il fit démonter sa tente et, traversant le Jaboc, il rejoignit sa famille Comme le soleil se levait, il boitait du côté droit car c'est là que Dieu l'avait touché.

19. Phanuel (Hébr. Penuel . "Face à Dieu") localité située sur la rive sud du Jaboc. Cf Gn 32,31.
20. Sukkoth (" les cabanes ".) campement de Jacob au nord du Jaboc. (Gn 33,17). (NdT)


Lorsqu'Esaü fut reparti, Jacob s'établit à Mahanaim et occupa toute la région de Sukkoth 20 jusqu'à la colline d'Aïnon, avec ses troupeaux et ses serviteurs il vécut lui-même dix ans à Ainon, puis il étendit son domaine vers l'occident, au-delà du Jourdain jusqu'à Salem 21 il implanta ses campements jusqu'à la résidence de Sichem 22 et acheta un champ par là.

J'ai vu Dina (Gn 34,1), se promener dans cette région avec ses suivantes et, par curiosité, se mettre à parler avec les Sichémites. J'ai vu comment Sichem noua une idylle avec elle, et comment les suivantes la quittèrent puis Sichem l'emmena avec elle dans sa ville. Ce fut l'occasion de grandes peines pour elle, et de massacre et de mort pour les Sichémites. Sichar était alors une ville encore modeste, bâtie en pierres taillées, et n'avait qu'une porte.

21. C'est Jérusalem, alors simple bourgade. (NdT)
22. Sichem prince des Sichémites, dont la capitale était Sychar. (NdT)


2000 Les patriarches Abraham, Isaac et Jacob étaient un peu plus forts du côté droit que du gauche. Mais cela ne se voyait guère, car ils portaient des vêtements amples et larges. Ils avaient au côté droit comme un renflement dans lequel était le dépôt sacré, la bénédiction, le mystère 24. Il avait la forme d'un haricot avec un germe et était lumineux. Le premier-né le recevait de son père, ce qui lui conférait une si grande prééminence. Jacob le reçut à la place d'Esaü parce que sa mère savait qu'il y était prédestiné. Lorsque l'ange frappa Jacob, il lui retira le dépôt sacré sans toutefois lui causer de plaie : c'était comme si le renflement s'était résorbé. Jacob ne fut plus aussi assuré par la suite et rechercha la protection de Dieu. Auparavant, il était comme quelqu'un qui se trouve fortifié par un sacrement qu'il porte en soi; par la suite, il fut plus humilié, plus soucieux, et connut le malheur. Il sentit bien que l'ange lui ôtait le dépôt sacré, c'est pourquoi il lui demanda sa bénédiction, pour en être fortifié. C'est Joseph qui, par la suite, reçut de nouveau d'un ange la bénédiction et le dépôt sacré, lorsqu'il se trouvait dans la prison de Pharaon, en Egypte.

24. Cf. annexe : "la bénédiction de Dieu .. en fin d'ouvrage.



16 Joseph et Aseneth (1)

2100
1. Aseneth était la fille ou suivante de Putiphar, prêtre d'Héliopolis, et l'épouse de Joseph qui la rendit mère de Manassé et Ephraim. (
Gn 41,45 Gn 41,50-52) ;


Lorsque Joseph fut vendu et conduit en Egypte, il avait seize ans (Gn 37,28). Il était de taille moyenne, très mince, souple, agile de corps et d'esprit. Il était tout différent de ses frères. Chacun était porté à l'aimer. Si son père ne l'avait pas autant chéri, ses frères l'eussent aimé beaucoup. Ruben aussi était plus souple que les autres Benjamin, par contre, était un très grand garçon, lourdaud, mais très bon et avisé.

Joseph portait les cheveux partagés en trois mèches : une de chaque côté de la tête, la troisième en arrière, très longue et fournie. Lorsqu'il devint un grand d'Egypte, il se rasa le crâne (Gn 41,14), mais plus tard il porta de nouveau les cheveux longs (cf. Gn 39,6).

En même temps que la tunique multicolore (Gn 37,3, Jacob avait donné à Joseph les ossements d'Adam, sans toutefois que Joseph sût ce que c'était. Jacob les lui remit comme une amulette protectrice, car il savait parfaitement que ses frères lui voulaient du mal (Gn 37,4-5).

Joseph portait ces reliques dans une petite bourse de cuir arrondie suspendue à son cou. Lorsque ses frères le vendirent, ils lui ôtèrent simplement sa tunique multicolore et son vêtement courant mais il avait encore un pagne autour des reins et une sorte de scapulaire sur le torse, sous lequel il portait cette petite bourse. La tunique multicolore était blanche, avec des rayures rouges et trois bandes noires ornées de motifs jaunes à l'avant; ce vêtement, très ample en haut - si bien que Joseph pouvait y glisser quelque chose - était étroit en bas, mais avec une fente sur le côté, de façon à ne pas entraver la marche. Il descendait jusqu'à terre, un peu plus long en arrière, avec l'avant quelque peu dégagé 2. Quant au vêtement ordinaire de Joseph, il n'arrivait que jusqu'aux genoux (cf. Gn 37,23 Gn 37,31-33).

2. Cf. les robes des Assyriens et Chaldéens, dans les fresques et émaux retrouvés dans les ruines d'Ur. (NdT)

Joseph était déjà connu du Pharaon et de son épouse bien avant d'être jeté en prison. Il gérait si parfaitement les affaires de Putiphar, et celui-ci accomplissait si bien ses fonctions à la cour pendant la présence de Joseph chez lui, et en retirait tant de bénédictions (cf. Gn 39,5), que Pharaon voulut connaître ce serviteur modèle. La femme de Pharaon, qui était très soucieuse de son salut et très dévote, et, comme tous les Egyptiens, très avide de connaître de nouvelles divinités, fut si étonnée devant ce merveilleux et sage adolescent qu'était Joseph - un étranger si spirituel - qu'elle l'honorait secrètement comme un dieu et ne cessait de répéter à son époux : "Cet homme est envoyé par nos dieux, ce n'est pas un être humain comme nous !"

Il n'en fut pas moins jeté en prison (Gn 39,20), où il devint par la suite gardien des autres captifs (Gn 39,22). La Grande Dame 3 déplora beaucoup son erreur quand elle le vit emprisonné comme adultère mais lorsqu'il fut remis en liberté, elle lui accorda de nouveau et à jamais toute sa bienveillance. Et cette coupe qu'il fit glisser dans les affaires de Benjamin (Gn 44,2), c'était précisément le premier présent que lui fit l'épouse de Pharaon. Je connais bien cet objet, qui avait deux anses et pas de pied. Il était comme taillé dans une pierre précieuse ou dans une masse translucide, que je ne connais pas, et avait la forme de la partie supérieure du calice de la Cène : il fut également placé parmi les récipients que les enfants d'Israël ramenèrent d'Egypte, et on le garda par la suite dans l'Arche d'Alliance 5.

Joseph demeura sept ans en prison c'est là qu'il reçut, en pleine tribulation, le secret de Jacob, comme ses ancêtres l'avaient reçu eux aussi, et qu'il eut la vision d'une nombreuse postérité. Je connais bien la femme de Putiphar, j'ai vu également comment elle voulut séduire Joseph, mais après la faveur dont il fut ensuite honoré, elle fit pénitence et devint pieuse et chaste. C'était une grande femme potelée, avec une peau brun-jaune, éclatante comme de la soie. Elle portait une robe de couleur, avec un fin vêtement orné de figures brodées, sous lequel la robe apparaissait comme à travers de la dentelle. Joseph se trouvait souvent avec elle, car son maître lui confiait toutes les affaires de la maison. Lorsqu'il s'aperçut qu'elle devenait entreprenante, il ne dormit plus dans la maison du maître lorsque celui-ci s'absentait. Mais elle venait souvent le déranger pour lui faire des avances, lorsqu'il travaillait aux écritures. Je la vis une fois venir vers lui, vêtue de façon très provocante, alors qu'il était dans un angle d'une salle, en train d'écrire. On écrivait alors sur des rouleaux étalés sur des plans inclinés fixés au mur, devant lesquels on pouvait se tenir debout ou s'asseoir. Elle lui parla et s'attira une réponse nette, mais elle s'enhardit, si bien qu'il tourna les talons et se dépêcha de sortir. Mais elle l'attrapa par son manteau, qu'il lui laissa entre les mains (cf. Gn 39,12).

Je vis Joseph auprès du prêtre idolâtre Putiphar, à Héliopolis; dans la maison du prêtre vivaient huit jeunes servantes, parmi lesquelles Aseneth, fille de Dina et de Sichem 6, prophétesse et chargée du soin des idoles. Putiphar l'avait achetée à sa nourrice alors qu'elle n'avait que cinq ans, et que toutes deux avaient été expédiées au bord de la Mer Rouge par Jacob, qui craignait que ses fils ne tuent l'enfant. Aseneth possédait l'esprit de prophétie et avait les fonctions d'oracle auprès de Putiphar. Joseph la connaissait, sans savoir qu'elle fût sa nièce. Elle était très réservée, recherchait la solitude et détestait les hommes qui tournaient autour d'elle à cause de sa radieuse beauté. Favorisée de visions très remarquables, elle était fort versée dans l'astrologie égyptienne, mais avait une profonde intuition de la religion des Patriarches je n'ai pas vu qu'elle fût adonnée à la magie. Elle contemplait en vision tout le mystère de la vie, de l'exil, de l'avenir et de l'exode d'Israël, et toute la traversée du désert. Elle remplissait de feuilles d'une plante aquatique 7 et de peaux, d'une merveilleuse écriture dont les lettres ressemblaient à des têtes d'animaux et d'oiseaux 8. Ces ouvrages étaient déjà incompris de ses contemporains égyptiens et on en faisait mauvais usage, en interprétant toutes sortes d'horreurs. Aseneth était fort troublée par cette incompréhension, établie par le diable, et pleurait beaucoup. Elle avait plus de visions que n'importe quel personnage de son époque et était d'une remarquable sagesse. Mais elle agissait en tout très discrètement, conseillant les uns et les autres. Elle savait également filer et broder, et sa sagesse était si profonde qu'elle reconnaissait bien les égarements et les déviations de l'humanité C'est pour cela qu'elle se tenait si réservée avec un maintien grave et silencieux.

J'ai vu qu'Aseneth, à cause de l'interprétation erronée de ses visions et de ses écrits, fut à l'origine du culte idolâtrique qui l'assimilait à Isis et qui faisait de Joseph Osiris. C'est Peut-être pour cela qu'elle pleurait tant; elle a également écrit des rouleaux contre ces abus, annonçant qu'on l'honorerait comme la mère de tous les dieux.

Lorsque Putiphar offrait un sacrifice, Aseneth montait dans une tour où elle se trouvait comme dans un petit jardin, et elle observait les étoiles à la lueur de la lune. Elle était ravie en extase et voyait toutes choses très clairement dans les astres, et la vérité sous les symboles, car elle avait été prédestinée par Dieu.

Mais j'ai vu aussi des prêtres idolâtres qui voyaient les choses les plus horribles, car ils étaient égarés dans des univers complètement étrangers et diaboliques. C'est à cause de ces visions démoniaques que les révélations mystérieuses d'Aseneth furent déformées en horribles idolâtries.

Aseneth avait introduit beaucoup de choses en Egypte. Elle fit venir beaucoup d'animaux utiles, les vaches par exemple 9; elle enseigna aussi la fabrication du fromage, le tissage et de nombreux arts inconnus. C'est à Joseph que l'on doit l'introduction de la charrue en Egypte, car il était seul à en connaître le maniement 10.

9. C est Isis qui, dans la mythologie égyptienne donna la vache aux habitants du Nil. Ce trait corrobore parfaitement l'identification Isis-Aseneth révélée à A.C. Emmerick. (NdT)
10. De même, c'est à Osiris qu'est attribuée l'invention de la charrue et de la culture du blé en Egypte. là encore l'identification Osiris-Joseph est parfaitement claire. (NdT)


Il y a une chose qui m'a vraiment plongée dans l'admiration : Aseneth faisait bouillir longuement la chair des nombreux animaux offerts en sacrifice, dans de grands chaudrons à moitié enterrés en plein air, jusqu'à ce que cette viande devint une masse ayant la consistance de la colle; on s'en servait comme alimentation dans les campagnes militaires et en temps de famine. Les Egyptiens en étaient très heureux et tout étonnés.

Lorsque Joseph vit Aseneth chez le prêtre des idoles, celle-ci s'approcha de lui et voulut le serrer dans ses bras. Ce n'était pas là de la provocation, mais une sorte de prescience, un geste prophétique; c'est pour ce don qu'elle était dans l'entourage du prêtre des idoles. Aseneth était tenue pour sainte. Mais je vis que Joseph la repoussait, les mains tendues en avant, et lui adressait des paroles sévères. Et je la vis alors très troublée : elle se retira dans sa chambre et vécut dés lors dans le deuil et la pénitence.

Je vis Aseneth dans son appartement : elle se tenait derrière une tenture, ses longs et abondants cheveux dénoués et terminés en boucles. Elle avait, au creux de l'estomac, un signe merveilleux imprimé sur la peau. Dans une figure, semblable à une coupe en forme de coeur, se tenait un enfant aux bras ouverts, tenant dans une main un petit plateau et dans l'autre un gobelet ou un calice. Sur le plateau étaient trois épis souples issus d'une même tige, et la figure d'une colombe qui semblait picorer le raisin contenu dans le calice.

Jacob connaissait ce signe : c'est pour cela qu'il fut obligé d'éloigner Aseneth, pour la soustraire à la colère de ses fils. Lorsqu'il se rendit plus tard en Egypte auprès de Joseph, et que celui-ci lui eût confié toutes ces particularités, il reconnut sa petite-fille, à cause du signe qu'elle portait. Joseph aussi avait un signe sur le torse : c'était une grappe de raisin aux nombreux grains.

Puis je vis un ange apparaître, vêtu d'une robe très riche, tenant une fleur de lotus dans la main. Il salua Aseneth, celle-ci le regarda et se voila la face. Il lui ordonna de ne plus se lamenter et de s'habiller avec apparat; il lui demanda de lui préparer un plat. Elle se leva et partit se vêtir, puis revint toute parée, portant sur une légère table basse du vin et de petits pains aplatis cuits sous la cendre. Elle n'était nullement effrayée, mais très simple et humble, comme Abraham et d'autres patriarches en face de saintes apparitions; lorsque l'ange lui parlait, elle se voilait. L'ange lui demanda du miel alors elle répondit qu'elle n'en avait pas comme les autres jeunes filles, qui le mangeaient. L'ange lui dit qu'elle trouverait du miel entre les statues d'idoles qui se dressaient dans l'appartement, représentant diverses figures entourées de bandelettes, avec des têtes d'animaux et des queues de serpent enroulées.

Alors elle découvrit un grand rayon de miel, blanc comme une hostie, très beau, qu'elle posa devant l'ange qui lui ordonna d'en manger. Il bénit le miel, que je vis tout illuminé et rayonnant entre eux. Je ne peux plus exprimer tout à fait la signification de ce miel céleste, car lorsqu'on voit de pareilles choses, on sait tout, car on comprend alors tout mais à présent, le miel ne signifie pour les hommes rien de plus que ce qu'il est - du miel - , sans que l'on saisisse ce que les fleurs, les abeilles et le miel représentent effectivement Je peux simplement en dire ceci : Aseneth n'avait vraiment que du pain et du vin chez elle, mais pas de miel en mangeant de ce miel, elle fut détachée du culte des idoles et le culte d'Israël (c'est-à-dire le salut de l'Ancienne Alliance) s'éveilla en elle. Ce fut comme si elle devait aider beaucoup d'hommes et comme si beaucoup devaient, tels des abeilles, bâtir autour d'elle. Elle-même dit qu'elle ne voulait plus boire de vin, que le miel lui suffisait. À Midian, chez Jethro 11 j'ai vu beaucoup de miel, beaucoup d'abeilles.

11. Jethro, beau-père de Moise, prêtre de Midian (Madian). Cf Ex 2,16 sq.


L'ange bénit le rayon de miel avec son doigt, le dirigeant vers toutes les régions du monde cela signifie que par sa présence, par son exemple et par le mystère qu'elle renfermait en elle, Aseneth devait être une mère et une éducatrice pour beaucoup d'hommes. Lorsque plus tard on la vénéra comme une déesse et qu'on la représenta sous forme d'une statue aux nombreux seins 12, ce fut parce qu'on interpréta de cette façon sa vision dans laquelle elle comprit qu'elle comprit qu'elle devait nourrir un si grand nombre d'hommes.

L'ange lui dit également qu'elle était la fiancée de Joseph et qu'elle devait l'épouser. Il la bénit, comme Isaac avait béni Jacob, comme l'ange avait béni Abraham, mais les trois traits de bénédiction se dédoublèrent sur elle, se dirigeant d'une part sur le coeur, d'autre part sur son giron.

Plus tard, j'ai eu une vision dans laquelle Joseph revenait chez Putiphar, pour lui demander la main d'Aseneth : comme l'ange, il tenait une fleur de lotus dans la main. Il connaissait la remarquable sagesse d'Aseneth, mais leur parenté leur restait mystérieusement cachée à tous les deux (cf. Gn 41,45).

J'ai vu aussi que le fils de Pharaon était épris d'Aseneth, si bien qu'elle devait se tenir cachée ; qu'il fut détourné de cette passion par Juda, sinon Dan 13 et Gad 14, à l'instigation du fils de Pharaon avec qui ils avaient mis sur pied une embuscade, auraient assassiné Joseph.

12. La fameuse "Diane d'Ephèse", déesse alliant les attributs hellénistiques d'Artémis (Diane) et Egyptiens d'Isis. (NdT)
13. Dan. fils de Jacob et de Bilba. (Gn 30,3-6)
14. Gad. fils de Jacob et de Zilpa. (Gn 30,9-11)

Je crois que Juda avait reçu en songe un avertissement divin et qu'il avait conseillé à Joseph de prendre un autre chemin. Je me souviens aussi que Benjamin a joué également un rôle dans cette affaire et qu'il a protégé Aseneth. Dan et Gad subirent un châtiment, certains de leurs enfants moururent brusquement; ils avaient eux aussi été prévenus par Dieu, avant que quiconque eût connaissance de cette machination.

Lorsque Joseph et Aseneth paraissaient devant le peuple, ils tenaient à la main comme le prêtre Putiphar - un l'emblème de leur toute-puissance que l'on considérait comme sacré. La partie supérieure de cet emblème était un anneau, la base une croix latine, un T. Ce sceptre servait de sceau, et, au moment de la moisson, lorsque le blé était distribué, les tas étaient mesurés en y enfonçant le sceptre c'est également au moyen de cette sorte de mesure que l'on délimitait les greniers à blé et les canaux, que l'on calculait les crues et les décrues du Nil. Les actes écrits étaient scellés avec cet instrument, après avoir été marqués avec le suc rouge d'une plante. Lorsque Joseph exerçait une fonction, cet emblème était posé prés de lui sur un tapis, la croix repliée dans l'anneau. Cela me semblait être également comme une préfiguration du mystère de l'Arche d'Alliance, mystère que Joseph portait encore en lui.

Aseneth avait également un instrument comme une verge, avec lequel, marchant en extase, elle frappait le sol là où cet instrument vibrait : on découvrait à ces endroits de l'eau et des sources souterraines. Cela était accompli sous l'influence des étoiles 15.

Note : 15 Il s'agit de la rhadomancie, technique encore utilisée par les sourciers. (NdT)


Au cours des cortèges solennels. Joseph et Aseneth s'avançaient dans un char étincelant. Aseneth portait un corselet tout doré, qui entourait tout son corps sous les bras ce vêtement était orné de nombreux signes et de figures, et descendait jusqu'au-dessus des genoux les jambes étaient entourées de bandelettes. Elle avait sur les épaules un ample manteau, ramené en avant et attaché au-dessus des genoux. Les chaussures avaient des pointes recourbées, comme des skis. La coiffure, semblable à un casque, était composée de plumes et de perles multicolores.

Joseph portait une étroite tunique à manches courtes, et un corselet d'or par-dessus, orné de figures et retenu aux épaules par des courroies croisées garnies de clous d'or il avait un grand manteau sur les épaules, et sa coiffure était également composée de plumes et d'orfèvrerie.

Lorsque Joseph arriva en Egypte, on bâtissait Memphis-la-Neuve, qui se trouvait à quelque sept heures de marche au nord de Memphis, l'ancienne cité. Entre les deux villes, une grande route bordée d'allées avait été aménagée sur des digues; ça et là, entre les arbres, se dressaient des statues de divinités féminines aux visages très sévères et tristes; elles avaient des corps de chien et étaient assises sur des socles de pierre. Il n'y avait guère de beaux bâtiments, mais des grands remparts et des montagnes artificielles en pierre 16, pleines de couloirs et de chambres.

Note : 16. Les pyramides. (NdT)


Les habitations étaient des constructions légères aux toits de bois. Il y avait encore de vastes forêts et des marécages. Le Nil avait déjà modifié son cours, lors de la fuite de la Vierge Marie en Egypte.

Les Egyptiens adoraient toutes sortes d'animaux, des crapauds, des serpents, des crocodiles. Ils restaient parfaitement paisibles lorsqu'un homme était dévoré par un crocodile. Lorsque Joseph vint en Egypte, le dieu taureau n'était pas encore à l'honneur mais son culte suivit de peu le songe de Pharaon, à cause du symbolisme des sept vaches grasses et des sept vaches maigres.

Ils avaient beaucoup de statues de dieux; certaines étaient comme des enfants langés, d'autres lovées comme des serpents : parmi celles-ci il y en avait qui pouvaient être étirées ou raccourcies. Beaucoup de ces effigies d'idoles étaient ornées de plastrons (d'or) sur lesquels on gravait de façon remarquable les plans des villes et les cours du Nil. Ces plastrons étaient confectionnés d'après les images que les prêtres idolâtres, du haut de leurs tours, découvraient dans les étoiles : ils faisaient construire villes et canaux en fonction de ces images. C'est ainsi que fut bâtie Memphis-la-Neuve.

Les mauvais esprits devaient avoir à cette époque une autre puissance, bien plus matérielle, car j'ai vu la magie égyptienne procéder surtout de la terre et de ses profondeurs. Lorsqu'un prêtre d'idoles exerçait ses pouvoirs maléfiques, je voyais de tous côtés d'épouvantables figures d'animaux surgir du sol autour du magicien et entrer dans sa bouche comme un filet de vapeur noirâtre. Il en était alors enivré et avait des visions. Mais c'était comme si, en même temps que chacun de ces esprits qui faisait intrusion en lui, un monde secret entrait également en lui et il voyait alors des choses proches et éloignées, les profondeurs de la terre, des pays et leurs peuples, des faits secrets, cachés, c'est-à-dire tout ce que chaque esprit gouvernait. Par la suite, la magie me parut toujours plus sous l'influence des esprits aériens : ce que les magiciens croyaient alors grâce à ces démons ressemblait à des illusions, à des hallucinations provoquées par ces mêmes esprits. Je pouvais apercevoir ces esprits en arrière de ces visions, ils étaient comme des ombres entrevues derrière un rideau 17.

Note : 17 Rapprocher tout ce paragraphe de chap. 8, note 8.


Lorsque les prêtres idolâtres égyptiens voulaient lire dans les étoiles, ils se préparaient par le jeûne et des purifications, se recouvraient la tête de cendres et revêtaient des sacs. Pendant qu'ils observaient le ciel, du haut de leurs tours, on offrait des sacrifices. Les païens de cette époque avaient une connaissance complètement déviée des mystères de la religion du vrai Dieu, qui avaient été transmis par Seth, Noé, Henoch et les patriarches au peuple élu c'est pour cela qu'il y avait toutes sortes d'horreurs dans leurs cultes idolâtres; par ces horreurs, comme plus tard par les hérésies, le diable travaillait contre la Révélation de Dieu aux hommes, Révélation qui s'était gardée dans sa pureté et sa rigueur. C'est à cause de cela que Dieu entoura de feu le mystère de l'Arche d'Alliance, afin de la préserver.

Je vis qu'au temps de Joseph les femmes égyptiennes étaient encore vêtues comme Sémiramis. Jacob, lorsqu'il rejoignit Joseph en Egypte, prit un chemin que devait emprunter plus tard Moïse pour aller vers la Terre Promise.

Il avait su qu'il reverrait Joseph, et ceci lui pesait sur le coeur; déjà lorsqu'il s'était rendu en Mésopotamie, il avait eu une vision sur ses futurs fils, là où il dressa une pierre, et non à l'endroit où il vit l'échelle des anges (Gn 28,12); il avait vu que l'un de ses fils s'enfonçait dans la région où Joseph fut vendu et reparaissait comme une brillante étoile plus au Sud. C'est pour cela qu'il dit, lorsqu'on lui présenta la tunique tachée de sang : "je veux pleurer Joseph jusqu'à ce que je le retrouve " Gn 37,35), car le souvenir de cette vision, complètement oubliée, lui revint alors.

Jacob avait d'abord cherché à savoir par Ruben qui était l'épouse de Joseph, mais n'avait pas immédiatement révélé à Joseph qu'elle était sa nièce. Il se lia d'amitié avec Putiphar et celui-ci, après de longues relations d'estime, se fit circoncire et servit le Dieu de Jacob.

Jacob vivait à une journée de marche environ de la maison de Joseph (Gn 47,27), et lorsqu'il fut malade, son fils se rendit chez lui. Jacob interrogea alors beaucoup Joseph au sujet d'Aseneth et, ayant appris l'existence du signe que celle-ci portait sous la poitrine, il dit à Joseph : "C'est la chair de ta chair, ce sont les os de tes os ", et lui révéla l'identité d'Aseneth. Joseph en fut si bouleversé qu'il en tomba évanoui, et, lorsqu'il revint chez lui, il en parla à son épouse : tous deux pleurèrent alors ensemble, de reconnaissance.

Par la suite, Jacob fut encore plus malade, et Joseph se rendit de nouveau auprès de lui. Jacob étendit ses jambes en dehors de la couche, et Joseph dut poser sa main sous la hanche de son père et lui jurer de l'inhumer à Canaan Gn 47,29). Après ce serment, Jacob accorda sa bénédiction à Joseph (Gn 48,15-16). Il savait que Joseph avait reçu la bénédiction de l'ange, celui-là même qui s'était avancé contre lui. Joseph garda cette bénédiction dans son côté droit jusqu'à sa mort. La bénédiction demeura également dans son cadavre, jusqu'au moment où elle fut recueillie par Moïse dans la nuit de l'Exode et déposée avec les reliques de Joseph dans l'Arche d'Alliance, comme dépôt sacré du Peuple Elu.

C'est trois mois après cette visite que mourut Jacob. Après sa mort, on publia un panégyrique dans lequel on le louait beaucoup avec amour. Aseneth rendit Joseph père de Manassé et d'Ephraïm, tout d'abord, puis en tout de dix-huit enfants parmi lesquels plusieurs jumeaux (Gn 48,6). Elle mourut trois ans avant Joseph et fut embaumée par des femmes juives. Tant que Joseph vécut, le corps d'Aseneth demeura dans le monument funéraire qu'il avait fait élever pour elle et lui.

Mais les Anciens du peuple avaient cependant recueilli un peu de ses entrailles, qui étaient conservées dans un récipient d'or. Comme les Egyptiens convoitaient également ces restes sacrés, on les confia aux sages-femmes d'Israël, et l'une d'entre elles les cacha dans un cylindre enduit de poix, au milieu des roseaux prés du canal. Dans la nuit de l'exode, une nourrice de la tribu d'Asser révéla ce secret à Moise. Elle se nommait Sara.

A sa mort, Joseph fut embaumé par les juifs en présence des Egyptiens, et on réunit les momies de Joseph et d'Aseneth, conformément aux révélations qu'avait faites Aseneth à partir de ses visions, dont le récit avait été légué aux juifs (Gn 50,26). Les prêtres égyptiens et les astrologues, qui avaient placé Joseph et Aseneth parmi leurs divinités, connaissaient également ces révélations et avaient une intuition de la profonde signification que revêtait pour Israël la bénédiction de Joseph et d'Aseneth; aussi cherchèrent-ils à ravir cette bénédiction à Israël pour l'accaparer. C'est à cause de cela que les Israélites, qui s'étaient étonnamment multipliés après la mort de Joseph, furent si rudement persécutés par Pharaon. Les Egyptiens savaient également qu'Israël ne quitterait jamais leur pays sans les ossements de Joseph; aussi dérobèrent-ils à maintes reprises la momie de Joseph, et ils finirent par la garder en leur possession. L'ensemble du Peuple juif connaissait seulement l'existence des restes de Joseph, sans savoir le mystère qu'ils renfermaient : ce mystère était presque généralement ignoré. Mais tout le Peuple tomba dans une grande consternation quand on fit savoir aux Anciens que le dépôt sacré, auquel était liée la Promesse, avait été dérobé.



Brentano - B. Emmerich: Myst. AT 1700