III Pars (Drioux 1852) 1331

ARTICLE xi. — est-il convenable de distinguer trois baptêmes (1)?

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1 Il semble qu'il ne soit pas convenable de distinguer trois baptêmes, le baptême d'eau, le baptême de sang, et le baptême de feu (2). Car l'Apôtre dit (
Ep 4,5) : Il n'y a qu'une foi, qu'un baptême. Or, il n'y a qu'une foi, et par conséquent on ne doit pas dire qu'il y a trois baptêmes.

2 Le baptême est un sacrement, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (quest. lxv, art. 1). Or, il n'y a que le baptême d'eau qui soit un sacrement. On ne doit donc pas en reconnaître deux autres.

3
Saint Jean Damascène (Orth. fui. lib. iv, cap. 10) détermine plusieurs autres genres de baptêmes. On ne doit donc pas n'en reconnaître que trois.

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Mais c'est le contraire. Sur ces paroles de saint Paul (He 6) : Baptismatum doctrinae, la glose dit (or d.) : Il parle au pluriel, parce qu'il y ait baptême d'eau, le baptême de pénitence et le baptême de sang.


CONCLUSION. — Puisque l'homme peut être sanctifié, non-seulement par le baptême d’ eau, mais encore par le sang du Christ en se conformant à sa passion, en souffrant pour toi et par la vertu de l'Esprit-Saint qui opère intérieurement, il y a dans l'Ecriture trois baptêmes, le baptême d'eau, le baptême de sang et le baptême d'amour.

(t) Cette distinction ne se trouve pas seulement dans les scolastiques, mais on la rencontre encore dans les Pères, dans saint Ambroise (Ps. Civili), saint Grégoire de Nazianze (Orat, xxxix), saint Jérôme (sup. Ephes. Ep 4), saint Augustin (De Bapt. lib. iv, cap. 21), saint Bernard (Ep.lxxvil).
(2) Baptismus flaminis; ce baptême est ainsi appelé de l'Esprit-Saint (flamen), qui porte le coeur à aimer Dieu et à se repentir du péché.

21 Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. 2 huj. quaest. et quest. lxii, art. 5), le baptême d'eau tire son efficacité de la passion du Christ dont il nous imprime la ressemblance, et ultérieurement il la tire de l'Esprit-Saint, comme de sa cause première. Or, quoique l'effet dépende de la cause première, cependant la cause le surpasse et n'en dépend pas. — C'est pourquoi indépendamment du baptême d'eau on peut obtenir l'effet du sacrement qui résulte de la passion du Christ, lorsqu'on se rend conforme à elle en souffrant pour le Christ. D'où il est dit (Ap 7,14) : Ceux-ci sont venus ici après avoir passé par de grandes afflictions, et ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'agneau. Pour la même raison on obtient aussi l'effet du baptême par la vertu de l'Esprit-Saint, non- seulement sans le baptême d'eau, mais encore sans le baptême de sang, par exemple lorsque l'Esprit-Saint porte le coeur de quelqu'un à croire et à aimer Dieu, et à se repentir de ses péchés. C'est pour cela qu'on l'appelle aussi le baptême de la pénitence. C'est ce qui fait dire au prophète (Is 4,4) : Le Seigneur purifiera les souillures des filles de Sion et par un esprit de justice et par un esprit de feu, il lavera Jérusalem du sang impur qui est au milieu d'elle. — Chacun de ces baptêmes reçoit le nom de ce sacrement, parce qu'il supplée au baptême d'eau. D'où saint Augustin dit (De unie, bapt. parvulorum cont. Donatist. lib. iv, cap. 22) : Saint Cyprien nous apprend que le baptême peut être remplacé par la souffrance ; témoin le bon larron auquel il a été dit, sans qu'il fût baptisé : Vous serez avec moi aujourd'hui dans le paradis. Et en examinant la chose avec attention, je trouve, ajoute le même docteur, qu’on peut suppléer au baptême non-seulement en souffrant pour le nom du Christ, mais encore en y croyant et en se convertissant de coeur, si l'on se trouve dans une extrémité telle qu'on ne puisse recevoir le baptême.

31 Il faut répondre au premier argument, que les deux autres baptêmes sont renfermés dans le baptême d'eau qui tire son efficace lé de la passion du Christ et de l'Esprit-Saint. C'est pourquoi l'unité du baptême n'est pas par là détruite.     *

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Il faut répondre au second, que, comme nous l'avons dit (quest. lx, art. 1 et 2), un sacrement est un signe. Or, les deux autres baptêmes ont de commun avec le baptême d'eau, non ce qui se rapporte à la nature du signe, mais ce qui regarde l'effet du baptême. C'est pourquoi ce ne sont pas des sacrements (1).

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II faut répondre au troisième, que saint Jean Damascène parle des baptêmes figuratifs; comme le déluge qui fut le signe de notre baptême relativement au salut des fidèles dans l'Eglise, parce qu'il n'y eut que quelques âmes qui furent sauvées dans l'arche, selon la remarque de saint Pierre (1. Ephes.3, 20). Il  parle aussi du passage de la mer Rouge, qui signifie notre baptême relativement à la délivrance de la servitude du péché. D'où l'Apôtre dit (1Co 10,2) : qu'ils ont tous été baptisés dans la nue et la mer. Il parle aussi des oblations diverses qui se faisaient sous la loi ancienne, qui étaient aussi des figures de notre baptême, par rapport à la purification des péchés. Enfin il rappelle le baptême de Jean qui fut une préparation au nôtre.



ARTICLE xii. — le baptême de sang est-il le plus excellent de tous les: BAPTÊMES (2)?

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1 Il semble que le baptême de sang ne soit pas le plus excellent des trois baptêmes. Carie baptême d'eau imprime le caractère; ce que ne fait pas le baptême de sang. Le baptême de sang ne l'emporte donc pas sur le baptême d'eau.

(I) Ou no leur donne lu nom de sacrements que d'une manière impropre et par analogie, parce qu'ils confèrent la grâce et remettent le péché. (2) Le baptême de sang remplace le baptême

2
Le baptême de sang ne vaut rien sans le baptême de leu qui est l'effet de la charité. Car saint Paul dit (1Co 13,3) : Quand je livrerais mon corps pour être brûlé, si je ri ai pas la charité, tout cela ne me sert de rien. Au contraire le baptême de feu est valide sans le baptême de sang, puisqu'il n'y a pas que les martyrs qui soient sauvés. Le baptême de sang n'est donc pas le plus excellent.

3 Comme le baptême d'eau tire son efficacité de la passion du Christ, à laquelle répond le baptême de sang, d'après ce que nous avons dit (art. préc.), de même la passion du Christ tire son efficacité de l'Esprit-Saint, d'après ces paroles de saint Paul (He 9,14) : Le sang du Christ, qui par l'Esprit-Saint s'est lui-même offert pour nous, purifiera notre conscience des oeuvres mortes, etc. Le baptême de feu l'emporte donc sur le baptême de sang, et par conséquent ce dernier n'est pas le plus excellent.

20 Mais c'est le contraire. Saint Augustin s'adressant à Fortunat et comparant ensemble les baptêmes dit (Gennadius, in Lib. de ecdes. dogm. cap. 74) : Celui qui est baptisé confesse sa foi devant le prêtre le martyr devant le persécuteur; l'un est aspergé d'eau après sa confession, l'autre l'est de son sang; l'un reçoit l'Esprit-Saint par l'imposition des mains du pontife, l'autre devient le temple de l'Esprit-Saint.


CONCLUSION. — Puisque dans le baptême de sang, la passion du Christ opère parce qu'on l'imite et la vertu de l'Esprit-Saint par la ferveur de l'amour, il est évident que des trois baptêmes le baptême de sang est le plus excellent, quant à l'effet du sacrement.

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Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. préc.), l'effusion du sang pour le Christ et l'opération intérieure de l'Esprit-Saint reçoivent le nom de baptêmes parce qu'ils produisent l'effet du baptême d'eau. Or, le baptême d'eau tire son efficacité de la passion du Christ et de l'Esprit-Saint, comme nous l'avons dit (art. préc.). Ces deux causes obèrent à la vérité dans chacun de ces trois baptêmes, mais elles opèrent de la manière la plus excellente dans le baptême de sang. Caria passion du Christ opère dans le baptême d'eau parce qu'il en est la représentation figurative ; elle opère dans le baptême de feu ou de pénitence par l'affection, et elle opère dans le baptême de sang, parce qu'il en est une imitation. — DS même la vertu de l'Esprit-Saint opère aussi dans le baptême d'eau par une vertu latente, dans le baptême de pénitence par les sentiments du coeur, mais dans le baptême de sang par une ferveur d'amour et d'affection qui est plus grande, d'après ces paroles (Jn 15,13) : Personne n'a un plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis.

31 Il faut répondre au premier argument, que le caractère est la chose et le sacrement. Or, nous ne disons pas que le baptême de sang l'emporte selon la nature du sacrement, mais quant à son effet.

lui, d'une manière active et physique, ex opere operato, mais il agit seulement ainsi d'une manière passive et morale.

d'eau, quant à la rémission de la faute et de la peine ; mais, par là même qu'il n'est pas un sacrement, il n'imprime pas de caractère comme le baptême á\m, et il n'agit pas non plus, comme

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Il faut répondre au second, que l'effusion du sang n'est pas un baptême, si elle a lieu sans la charité. D'où il est évident que le baptême de sang implique le baptême de feu et non réciproquement. Ce qui prouve par là même qu'il est plus parfait.

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II faut répondre au troisième, que le baptême de sang l'emporte sur les autres, non-seulement par rapport à la passion du Christ, mais encore par rapport à l'Esprit-Saint, comme nous l'avons dit ( in corp. art.).




QUESTION 67. DES MINISTRES QUI ADMINISTRENT LE SACREMENT DE BAPTÊME.

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Nous devons ensuite considérer les ministres qui administrent le sacrement de baptême. — A ce sujet huit questions se présentent : 1° Appartient-il au diacre de baptiser? —v Appartient-il au prêtre ou seulement à l'évêques de le faire?— .'i" Un laïque peut-il conférer le sacrement de baptême? — 4° Une femme peut-elle le faire?— 5" Celui qui n'est pas baptisé peut-il baptiser? — fi" Plusieurs personnes peuvent- elles simultanément baptiser un seul et même individu? — 7" Est-il nécessaire qu'il y ait quelqu'un qui tienne celui qui est baptisé sur les fonts sacrés?— 8° Celui qui tient quelqu'un sur les fonts sacrés est-il obligé de l'instruire?



ARTICLE 1. — aim»artient-1l a l'office du diacre de baptiser (i)?

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1 II semble qu'il appartienne à l'office du diacre de baptiser. Car le Seigneur donne tout à la fois l'ordre de prêcher l'Evangile et de baptiser, d'après ces paroles (
Mt 28 Mt 19) : Allez, enseignez toutes les nations et baptisez-les, etc. Or, il appartient à l'office du diacre d'évangéliser. il semble donc qu'il lui appartienne aussi de baptiser.

2 D'après saint Denis (De ecdes. hier. cap. 5) il appartient à l'office du diacre de purifier. Or, on est principalement purifié de ses péchés par le baptême, d'après saint Paul qui dit ( Ephes, Ep 5,20): Que le Christ purifie V Eglise par Veau où elle est lavée et par la, parole de vie. Il  semble donc qu'il appartienne au diacre de baptiser.

3 On lit à l'égard de saint Laurent que, quoiqu'il fût diacre, il baptisait beaucoup de personnes. Il semble donc qu'il appartienne au diacre de baptiser.

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Mais c'est le contraire. Le pape Gélase dit (Epist, ix, cap. 7, et hab. in Decret. dist. xcin, cap. 13) : Nous voulons que les diacres se tiennent dans leur propre rang; et plus loin : Qu'ils n'aient pas la témérité de baptiser sans l'évêque et sans le prêtre, à moins que, dans l'absence de ces derniers, la nécessité extrême ne les y contraigne.


CONCLUSION. — Selon la nature même du nom qu'il porte, il est évident qu'il n'appartient pas à un diacre de conférer le sacrement de baptême d'après son office propre, il doit seulement assister et aider ceux qui sont d'un ordre supérieur dans la collation de ce sacrement et des autres.

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Il faut répondre que, comme les propriétés des ordres célestes et leurs offices viennent de leurs noms, selon la remarque de saint Denis (De coelest. hier. cap. 1), de même on peut conclure des noms des ordres ecclésiastiques ce qui appartient à chacun d'eux. Or, les diacres reçoivent en quelque sorte le nom de ministres, parce qu'il ne leur appartient pas principalement de conférer un sacrement et de le faire en vertu de leur office propre, mais ils doivent seulement aider ceux qui sont d'un ordre supérieur dans l'administration des sacrements. Par conséquent il n'appartient pas au diacre d'après son office propre de conférer le sacrement de baptême, mais il lui appartient d'assister et d'aider ceux qui sont d'un ordre supérieur, lorsqu'ils administrent ce sacrement ou les autres. D'où saint Isidore dit (Epist, ad Laudefred.) : Il appartient au diacre d'assister et de servir les prêtres dans tout ce qu'ils font pour les sacrements du Christ, c'est-à-dire pour le baptême, le chrême, la patène et le calice.

(1) Dans le pontifical, l'évêque dit aux diacres qu'il ordonne : Cogitate magnopere, ad quantum gradum Ecdesiae ascenditis : Diaconum enim oportet ministrare ad altare, baptizare et praedicare. Ce qui signifie seulement que, par la force de son ORDINATION, le diacre a le pouvoir d'être délégué pour baptiser solennellement.

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Il faut répondre m premier argument, qu'il appartient au diacre de réciter l'Evangile dans l'église, et de le prêcher à la manière de celui qui catéchise. C'est pour cela que saint Denis dit (De eccies. hier. cap. 5) que les diacres ont pouvoir sur ceux qui sont immondes; parmi lesquels il met les catéchumènes. Mais l'enseignement ou l'explication de l'Evangile appartient en propre à l'évêque dont l'acte consiste à perfectionner, d'après le même Père (De eccies. hier. cap. r>), et perfectionner, c'est la même chose qu'enseigner. Il ne suit donc pas de là que l'office de baptiser appartienne aux diacres.

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Il faut répondre au second, que, comme le dit saint Denis (De eccies. hier. cap. 2), le baptême n'a pas seulement une vertu purgative, mais encore une vertu illuminative. C'est pourquoi il excède l'office du diacre auquel il appartient seulement de purger, soit en repoussant ceux qui sont impurs, soit en les disposant à recevoir le sacrement.

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Il faut répondre au troisième, que le baptême étant un sacrement nécessaire, il est permis au diacre, dans une nécessité pressante (l),de baptiser dans l'absence de ceux qui sont au-dessus de lui, comme on le voit d'après le passage du pape Gélase (loc. cit.). C'est ainsi que saint Laurent qui était diacre a baptisé.



ARTICLE 2. — appartient-ii. à l'office des prêtres de baptiser (2)?

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1 Il semble qu'il n'appartienne pas à l'office des prêtres de baptiser, mais seulement à celui des évoques. Car, comme nous l'avons dit (quest. préc. art. 5, arg. 1, et art. préc. arg. 1), c'est le même précepte qui enjoint d'enseigner et de baptiser (
Mt 28). Or, il appartient à l'office de l'évêque d'enseigner, ce qui est la même chose que perfectionner, comme on le voit dans saint Denis (De eccies. hier. cap. 5 et^O). Il  n'appartient donc qu'à l'office de l'évêque de baptiser.

2 Parle baptême on met quelqu'un au nombre des chrétiens; ce qui parait n'appartenir qu'à l'office d'un prince. Or, les évêques tiennent le rang de prince dans l'Eglise, puisque, comme l'observe la glose ( or d. liedae, sup. illud : Designavit Dr,minus, Luc. Lc 10), ils tiennent la place des apôtres dont il est dit (Ps 44,17): Fous les établirez- princes sur toute la terre. Il semble donc qu'il n'appartienne qu'à l'office de l'évêque de baptiser.

3 Saint Isidore dit (loc. cit. art. préc.) qu'il appartient à l'évêque de consacrer les basiliques, d'oindre l'autel, de faire te saint chrême, de conférer les ordres dans l'Eglise et de bénir les vierges consacrées à Dieu. Or, le sacrement de baptême l'emporte sur toutes ces choses. Il semble donc qu'à plus forte raison il n'appartienne qu'à l'office de l'évêque de baptiser.

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Mais c'est le contraire. Saint Isidore dit (De offic. lib. ii, cap. 24) : Il est constant que le droit de baptiser n'a été remis qu'aux prêtres.

(I) On n'exige pas que celte nécessité soit extrême, mais i! faut qu'il y ait une raison notable «l'utilité pour l'Eglise ou le prochain. Si un diacre baptisait-ans délégation de la part de l'évêque ou d'un prêtre, d'après le sentiment le plus commun, il encourrait I irrégularité, d'après ce canon (cap. Si quis i, extra lib. v, cap. 2(i . Si quis baptizaverit, aut aliquod divinum officium ejcercuerit, non ordinatus, propter temeritatem de Ecdesia alliciatur et nunquam ordinetur.

L'évêque et le prêtre sont les ministres ordinaires du sacrement de baptême, mais, dedr«it ecclésiastique, il a été établi qu'un prêtre ou qu'un évêque ne peuvent licitement baptiser, hors le cas de nécessité, s'ils n'ont la juridiction ordinaire ou déléguée, ('.'est ce qu'exprime le Rituel romain, quand il dit qu'il faut que le ministre du baptême soit le propre pasteur ou un autre prêtre délégué parle propre pasteur ou par l'ordinaire du lieu. Toutefois la juridiction ou la délégation n'est pas exigée pour la validité, mais pour la Ii ci té du sacrement. Et il n'y a pas d'irrégularité prononcée contre le prêtre qui serait dans ce cas.


CONCLUSION. — Puisque par le baptême l'homme devient participant de l'unité de l'Eglise dont l'eucharistie est le sacrement, il est évident qu'il appartient proprement aux prêtres d'administrer le sacrement de baptême, comme il leur appartient aussi de consacrer l'eucharistie.

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Il faut répondre que les prêtres sont ordonnés pour consacrer le corps du Christ, comme nous l'avons dit (quest. lxiii, art. 2 et 6, et quest. lxv, art. 3). Or, ce sacrement est celui de l'unité de l'Eglise, d'après ces paroles de saint Paul (1Co 10,17) : Parce que ce pain est unique, étant plusieurs, nous ne sommes qu'un seul corps, car nous participons au même pain et au même calice. — Par le baptême on devient participant de l'unité de l'Eglise, et, par conséquent, on reçoit le droit de s'approcher de la table du Seigneur. C'est pourquoi, comme il appartient au prêtre de consacrer l'eucharistie (ce qui est le but principal du sacerdoce), de même il appartient aussi à son office propre de baptiser. Car il semble que ce soit au même qu'il convienne d'opérer le tout, et de disposer les parties pour le tout.

31 Il faut répondre au premier argument, que le Seigneur a enjoint aux apôtres, dont les évêques sont les successeurs, le double office d'enseigner et de baptiser, mais il ne leur a pas enjoint l'un et l'autre de la même manière. Car le Christ leur a confié l'office d'enseigner, pour qu'ils l'exerçassent par eux-mêmes, comme la chose principale. C'est pourquoi les apôtres ont dit (Ac 6,2) : Il n’ est pas raisonnable que nous quittions la prédication de la parole de Dieu pour le service des tables, mais il leur a confié l'office de baptiser pour qu'ils l'exerçassent par les autres. D'où saint Paul dit (1Co 1,17) : Le Christ ne m'a pas envoyé baptiser, mais évangéliser. Et il en est ainsi parce que le mérite et la sagesse du ministre n'opèrent rien dans le baptême, tandis qu'il n'en est pas de même pour l'enseignement, comme on 1e voit d'après ce que nous avons dit (quest. lxiv, art. 5, fi et 9). C'est aussi en signe de cela que Je Seigneur n'a pas baptisé lui-même, mais que ses disciples baptisaient, comme on le voit (Jn 4). Toutefois cela n'empêche pas que les évêques puissent baptiser ; car ce que peut une puissance inférieure, la puissance supérieure le peut aussi. C'est pourquoi l'Apôtre dit lui-même (ibid.) qu'il en a baptisé quelques-uns.

32 Il faut répondre au second, que dans tout Etat les moindres charges appartiennent à ceux qui sont d'un rang inférieur, et les plus importantes sont réservées à ceux qui occupent le rang le plus élevé, d'après ces paroles de la loi (Ex 18,22) : Qu'ils vous rapportent toutes les grandes affaires, et qu'ils jugent par eux-mêmes toutes les petites. C'est pour ce motif qu'il appartient aux magistrats inférieurs de la cité de disposer du bas peuple, tandis que c'est aux princes à régler ce qui regarde les premiers personnages de l'Etat. Et, comme par le baptême on n'acquiert que le dernier rang dans le peuple chrétien, ii s'ensuit qu'il appartient aux princes inférieurs de le conférer, c'est-à-dire aux prêtres, qui tiennent la place des soixante-douze disciples du Christ, comme le dit la glose (Lc 10, cit. in arg.).

33 Il faut répondre au troisième, que, comme nous l'avons dit (quest. lxv, art. 3 in corp. et ad 4), le sacrement de baptême est le plus nécessaire, niais par rapport à la perfection il y en a d'autres qui l'emportent sur lui. et qui sont réservés aux évêques.



ARTICLE iii.— un laïque peut-il baptiser (i)?

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1 II semble qu'un laïque ne puisse pas baptiser. Car l'action de baptiser, comme nous l'avons dit (art. préc.), appartient en propre à l'ordre sacerdotal. Or, les choses qui appartiennent à l'ordre ne peuvent être confiées à celui qui n'est pas ordonné. Il  semble donc qu'un laïque qui n'a pas reçu l'ordre ne puisse baptiser.

2
C'est une plus grande chose de baptiser que de l'aire les autres choses sacramentelles qui se rapportent au baptême, comme catéchiser, exorciser, bénir l'eau baptismale. Or, les laïques ne peuvent faire ces choses, mais il n'y a que les prêtres. Il  semble donc que les laïques puissent encore beaucoup moins baptiser.

3
Comme le baptême est un sacrement nécessaire, de même aussi la pénitence. Or, le laïque ne peut absoudre au for de la pénitence. Il ne peut donc pas non plus baptiser.

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Mais c'est le contraire. Le pape Gélase 1er (Epist, ix, cap. 7) et saint Isidore (De offic. lib. ii, cap. 24), disent qu'ordinairement on accorde aux laïques qui sont chrétiens là l’acuité de baptiser dans le cas de nécessité.


CONCLUSION. — De peur que l'homme ne manque son salut pour n'avoir pas été baptisé, on a établi avec raison que tout le monde était Je ministre de ce sacrement, même ceux qui n'ont pas été ordonnés.

21
Il faut répondre que la miséricorde de Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés, demande qu'à l'égard des choses qui sont nécessaires au salut, l'homme trouve facilement un remède. Or, parmi tous les sacrements, le plus nécessaire est le baptême, qui est la régénération de l'homme à la vie spirituelle. Car on ne peut nullement venir en aide autrement aux enfants, et les adultes ne peuvent aussi obtenir que par le baptême la pleine rémission de leur faute et de leur peine. C'est pourquoi, pour que l'homme ne put pas être privé d'un remède qui lui est si nécessaire, il a été établi que la matière du baptême serait commune, on a ainsi choisi l'eau que tout le monde peut se procurer facilement, et on a voulu également que le ministre du baptême fût toute personne quelconque, même celle qui n'a point été ordonnée, dans la crainte que l'homme ne vînt à manquer son salut pour n'avoir pas reçu ce sacrement (2).

31
Il faut répondre au premier argument, que le baptême appartient à l'ordre sacerdotal, pour ce qui est de la convenance et de la solennité, mais il n'en est pas de même de la nécessité de ce sacrement. Par conséquent, quoiqu’un laïque pèche en baptisant hors le cas de nécessité, néanmoins il confère réellement le baptême, et on ne doit pas rebaptiser celui qu'il a ainsi baptisé.

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Il faut répondre au second, que ces actes sacramentels qui accompagnent le baptême appartiennent à la solennité du sacrement, mais ils ne sont pas nécessaires. C'est pourquoi un laïque ne doit pas et ne peut pas les faire -, il n'y a que le prêtre à qui il appartienne de baptiser solennellement.

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Il faut répondre au troisième, que, comme nous l'avons dit (quest. lxv, art. 3 et 4), la pénitence n'est pas aussi nécessaire que le baptême. Car on peut suppléer par la contrition à l'absolution du prêtre, qui ne délivre pas de tonte la peine due au péché, et qu'on n'applique pas aux enfants. C'est pourquoi il n'y a pas de parité avec le baptême dont l'effet ne peut être suppléé par aucun autre moyen.

(!) Calvin a attaqué le baptême conféré par les laïques, mais la doctrine de l'Eglise est constante sur ce point : Sacramentum Haptismi, dit le concile de Latran, à quocumque ritu collatum, proficit ad salutem. Le concile de Florence 11 est pas moins formel : In causd necessitatis, non solum sacerdos et diaconus, sed etiam laicus vel mulier ; imo etiam par/anus et liep- retiens baptizare potest, dummodo formam Ecdesiae servet et facere intendat quod facit Ecdesia.
(2) Voyez, sur cet ARTICLE et les précédents, le Catéchisme du concile de Trente, où la doctrine «le l'Eglise est parfaitement exposée (part. II, n" 18'.



ARTICLE iv. — une femme peut-elle baptiser?

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1 Il semble qu'une femme ne puisse baptiser. Car on lit dans le concile de Cartilage (iv, can. 99) : Qu'une femme, quoique instruite et sainte, n'ait pas la présomption d'enseigner les hommes publiquement et de conférer le baptême. Or, il n'est permis, d'aucune manière, à une femme, d'enseigner dans les assemblées des fidèles, d'après ces paroles de saint Paul (
1Co 14,35) : II eat honteux aux femmes de parler dans V église. Il semble donc qu'il ne soit pas permis non plus à la femme de baptiser d'aucune manière.

2 L'action de baptiser appartient à l'office du prélat ; par conséquent, le droit de baptiser doit appartenir aux prêtres qui ont charge d'âmes. Or, ce droit ne peut convenir à une femme, puisque saint Paul dit (1Tm 2,12) : Je ne permets point aux femmes d'enseigner publiquement, ni de prendre autorité sur leur mari, mais de rester en silence. La femme ne peut donc pas baptiser.

3 Dans la régénération spirituelle, il semble que l'eau remplace le sein de la mère, comme le dit saint Augustin (Tract, xi in ) sur ces paroles de saint Jean (3, 4) : Un homme peut-il de nouveau entrer dans le sein de sa mère pour naître une seconde fois ? Mais celui qui baptise paraît plutôt remplir l'office du père. Or, ce rôle ne convient pas à une femme, et, par conséquent, il semble qu'elle ne puisse pas baptiser.

20
Mais c'est le contraire. Le pape Urbain dit (hab. in Decret. xxx, quest. m, cap. 4) : A l'égard des choses sur lesquelles vous nous avez consulté dans votre amour, nous croyons devoir vous répondre que le baptême est valide, si, dans le cas de nécessité, une femme baptise un enfant au nom delà sainte Trinité.


CONCLUSION. — Les femmes; peuvent baptiser dans le cas de nécessité, quand il n'y a pas d'homme là pour le faire, comme un laïque le peut, quand il n'y a là ni prêtre, ni derc.

21
Il faut répondre que c'est le Christ qui est l'auteur principal du baptême, d'après ces paroles (Jn 1,33): Celui sur qui vous verrez l'Esprit-Saint descendre et s'arrêter, c'est celui-là qui baptise. Or, saint Paul dit (Col 3) que le Christ ne fait pas de distinction entre les hommes et les femmes. Par conséquent, comme un homme qui est laïque peut baptiser en qualité de ministre du Christ, de même aussi une femme. —Mais parce que l'homme est le chef de la femme, et le Christ le chef de l'homme, d'après le même apôtre (1Co 11), la femme ne doit pas baptiser, s'il v a là un homme qui puisse le faire (1), comme un laïque ne doit pas le faire en présence d'un derc, ni celui-ci en présence d'un prêtre (2). Cependant le prêtre peut baptiser en présence de l'évêque, parce que cette action appartient à l'office sacerdotal.

(2) Mgr Gousset pense qu'il n'y aurait pas péché mortel, si l'on venait à intervertir cet ordre, à moins qu'un laïque ne se permît de baptiser lin enfant qui aurait pu l'être par un prêtre.
(!) D'après le rituel romain, il va deux exceptions à cette règle : Nisi, pudoris gratia, deceat foeminarn potiti s quam virum baptizare infantem, non omnino editum, vel nisi melius foemina sciret formam cl modum baptizandum.

31 II faut répondre au premier argument, que, comme il n'est pas permis à une femme d'enseigner publiquement, mais qu'elle peut cependant le faire on particulier, ou en donnant des avis, de même il ne lui est pas permis de baptiser publiquement et avec solennité; mais cependant elle peut le faire dans le cas de nécessité.

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Il faut répondre au second, quo quand le baptême est administré solennellement et selon le rite ordinaire, on doit le recevoir d'un prêtre qui a charge d'âmes ou de quelqu'un qui lient sa place. Mais cela n'est pas requis pour le cas de nécessité dans lequel une femme peut baptiser.

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Il faut répondre au troisième, que dans la génération charnelle l'homme et la femme opèrent selon la vertu de leur propre nature. C'est pour ce motif que la femme no peut être le principe actif de la génération, mais seulement le principe passif ; au lieu que dans la génération spirituelle, ils n'opèrent ni l'un ni l'autre par leur vertu propre ; ils ne sont que des instruments qui agissent par la vertu du Christ. C'est pourquoi l'homme et la femme peuvent également baptiser dans le cas de nécessité. Si cependant une femme baptisait hors le cas de nécessité, on ne devrait pas rebaptiser l'enfant, comme nous l'avons dit au sujet des laïques (art.préc.), mais elle pécherait en le baptisant, et il en serait de même de ceux qui auraient coopéré à son action, soit en recevant d'elle le baptême, soit en lui offrant quelqu'un à baptiser.



ARTICLE v. — celui on n'est pas baptisé peut-il conférer le sacrement le baptême (1)?

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1 Il semble que celui qui n'a pas été baptisé ne puisse conférer le sacrement de baptême. Car personne ne (Jonne ce qu'il n'a pas. Or, celui qui n'est pas baptisé n'a pas le sacrement de baptême. Il ne peut donc le conférer.

2
On confère le sacrement de baptême selon qu'on est ministre de l'Eglise. Or, celui qui n'a pas été baptisé n'appartient d'aucune manière à l'Eglise, ni par la chose, ni par le sacrement. II ne peut donc pas conférer le sacrement de baptême.

3
C'est une plus grande chose de conferem ini sacrement que de le recevoir. Or, celui qui n'est pas baptisé ne peut recevoir d'autres sacrements. Il  peut donc encore beaucoup moins en conférer un.

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Mais c'est le contraire. Saint Isidore dit (hab. cap. Si quis per ignorantiam, i, quest. 1) : Le pontife romain ne juge pas l'homme qui baptise, mais l'Esprit-Saint s'en sert pour conférer la grâce du baptême, quand même celui qui baptise serait un païen. Or on ne donne pas le nom de païen à celui qui est baptisé. Par conséquent, celui qui ne l'est pas peut conférer le baptême.


CONCLUSION. — Celui qui n'est pas baptisé peut conférer le baptême dans le cas de nécessité, en faisant usage de la forme employée par l'Eglise ; s'il n'y avait pas nécessité il pécherait grièvement en le baptisant, mais Je sacrement serait néanmoins valide.

(I) Cet ARTICLE est une réfutation de l'erreur des arméniens, qui prétendaient qu'on devait rebaptiser ceux qui avaient été baptisés par des hérétiques, des juifs ou des païens. Ce que le concile de Trente a ainsi condamné (sess, vii, can. i) : Si quis dixerit baptismum qui etiam datur ab hoereticis in nomine Patris, et Filii, et Spirilûs sancti, cum, intentione faciendi quod facit Ecdesia, non esse verum baptismum, anathema sit.

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Il faut répondre que saint Augustin laisse cette question sans la résoudre. Car il dit (Cont. Epist. Parmen. lib. ii, cap. .13) : Il reste une autre question; par exemple, si ceux qui n'ont jamais été chrétiens peuvent baptiser: on ne doit rien affirmer à ce sujet avec témérité, sans s'appuyer sur l'autorité d’un concile qui ait assez de poids pour résoudre une affaire de cette importance il). Mais l'Eglise a ensuite décidé que ceux qui ne sont pas baptisés, qu'ils soient juifs ou païens, peuvent conférer le sacrement de baptême, pourvu qu'ils fassent usage de la forme adoptée dans l'Eglise (2). D'où le pape Nicolas Ier a fait cette réponse aux Bulgares (De consecrat, dist. iv, cap. 2í, ad consulta Bulgar. cap. 104) : Vous m'apprenez que dans votre pays ii y en a beaucoup qui ont été baptisés par un juif, sans que vous sachiez s'il a été chrétien ou païen, et vous me demandez ce que l'on doit faire. On ne doit certainement pas les rebaptiser, s'ils l'ont été au nom de la sainte Trinité; mais s'il n'a pas observé la forme de l'Eglise, le sacrement du baptême n'a pas été réellement conféré. C'est dans ce sens qu'il faut entendre ce que Grégoire III écrit à l'évêque Boniface (Epist, i, can. 1, et hab. cap. 32 De consecrat, dist. iv): Nous vous ordonnons de baptiser de nouveau au nom de la Trinité ceux que vous savez avoir été baptisés par les païens; c'est-à-dire de telle sorte qu'on n'a pas observé la forme de l'Eglise. — La raison en est que comme du côté de la matière, par rapport à la nécessité du sacrement, toute eau quelle qu'elle soit salit; de même du côté du ministre tout homme su Hit aussi. C'est pourquoi celui qui n'est pas baptisé peut baptiser à l'ARTICLE de la mort, de manière que si deux individus qui ne sont pas baptisés se baptisaient mutuellement, pourvu que l'un baptisât, l'autre d'abord et qu'il fût ensuite baptisé par lui ; ils recevraient l'un et l'autre non-seulement le sacrement, mais encore la chose du sacrement (3). Mais s'ils le faisaient hors le cas de nécessité, ils pécheraient grièvement l'un et l'autre, celui qui baptise et celui qui est baptisé, et par là l'effet du baptême (4) serait empêché, quoique le sacrement lui-même fût valide.

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Il faut répondre au premier argument, que celui qui baptise ne remplit qu'un ministère extérieur, mais c'est le Christ qui baptise intérieurement, et il peut se servir de tous les hommes pour tout ce qu'il veut. C'est pourquoi ceux qui ne sont pas baptisés peuvent conférer le baptême, parce que, comme le dit le pape Nicolas, le baptême n'est pas à ceux qui baptisent, mais au Christ (hoc hab. exprès. August. lib. iii Cont. Cresc. cap. 6).

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II faut répondre au second, que celui qui n'a pas été baptisé, quoiqu'il n'appartienne à l'Eglise, ni par la chose, ni par le sacrement (r>), peut cependant lui appartenir par l'intention et la ressemblance de l'acte, dans le sens qu'il a l'intention de faire ce que l'Eglise fait, et qu'il observe en baptisant la forme de l'Eglise. Et ainsi il opère comme ministre du Christ, qui n'a pas enchaîné sa vertu à ceux qui sont baptisés, pas plus qu'il ne l'a enchaînée aux sacrements eux-mêmes.

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Il faut répondre au troisième, que les autres sacrements ne sont pas aussi nécessaires que le baptême. C'est pourquoi on accorde plutôt à celui qui n'est pas baptisé le pouvoir de baptiser les autres, qu'on ne lui accorde le pouvoir de recevoir d'autres sacrements.




III Pars (Drioux 1852) 1331