Discours 2001 - Samedi 17 mars 2001


AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE SUR LA LETTRE APOSTOLIQUE "NOVO MILLENNIO INEUNTE" PROMUE PAR LA PRÉLATURE DE L’OPUS DEI

Samedi 17 mars 2001


  Très chers frères et soeurs!

1. Soyez les bienvenus! Je salue de tout coeur chacun de vous, prêtres et laïcs, réunis à Rome pour participer aux journées de réflexion sur la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, et sur les perspectives que j'ai définies dans celle-ci pour l'avenir de l'évangélisation. Je salue en particulier votre Prélat, Mgr Javier Echevarría, qui a promu cette rencontre dans le but de renforcer le service rendu par la Prélature aux Eglises particulières, dans lesquelles ses fidèles sont présents.

Vous représentez ici les membres qui structurent organiquement la Prélature, c'est-à-dire des prêtres et des fidèles laïcs, hommes et femmes, avec à leur tête le Prélat. Cette nature hiérarchique de l'Opus Dei, établie dans la Constitution apostolique par laquelle j'ai érigé la Prélature (cf. Const. apost. Ut sit, 28 novembre 82), offre un point de départ pour des considérations pastorales riches d'applications pratiques. Je désire avant tout souligner que l'appartenance des fidèles laïcs tant à leur Eglise particulière qu'à la Prélature, à laquelle ils sont incorporés, fait que la mission particulière de la Prélature conflue avec l'engagement d'évangélisation de chaque Eglise particulière, comme le prévoit le Concile Vatican II lorsqu'il établit la figure des Prélatures personnelles.

La convergence organique de prêtres et de laïcs est l'un des terrains privilégiés sur lesquels prendra vie et se consolidera une pastorale imprégnée par ce "dynamisme nouveau" (cf. Lettre apost. Novo millennio ineunte NM 15), auquel nous nous sentons tous encouragés après le grand Jubilé. Dans ce contexte, il convient de rappeler l'importance de la "spiritualité de communion" soulignée par la Lettre apostolique (cf. ibid., NM NM 42-43).


2. Les laïcs, en tant que chrétiens, sont engagés à accomplir un apostolat missionnaire. Leurs compétences spécifiques dans les diverses activités humaines sont en premier lieu un instrument qui leur est confié par Dieu pour permettre "à l'annonce du Christ d'atteindre les personnes, de modeler les communautés, d'agir en profondeur par le témoignage des valeurs évangéliques sur la société et la culture" (ibid., NM NM 29). Ceux-ci doivent donc être encouragés à mettre de façon concrète leurs connaissances au service des "nouvelles frontières" qui s'annoncent comme autant de défis pour la présence salvifique de l'Eglise dans le monde.

Leur témoignage direct dans tous ces domaines montrera que seul dans le Christ les valeurs humaines les plus élevées atteignent leur plénitude. Et leur zèle apostolique, l'amitié fraternelle, la charité solidaire les rendront capables de transformer les rapports sociaux quotidiens en occasions pour susciter chez leurs semblables la soif de vérité qui est la première condition pour la rencontre salvifique avec le Christ.

Les prêtres, pour leur part, exercent une fonction primordiale irremplaçable: celle d'aider les âmes, une à une, dans les sacrements, dans la prédication, dans la direction spirituelle, à s'ouvrir au don de la grâce. Une spiritualité de communion valorisera au mieux les rôles de chaque composante ecclésiale.


3. Très chers amis, je vous exhorte à ne pas oublier dans tout votre travail le point central de l'expérience jubilaire: la rencontre avec le Christ. Le Jubilé a été une contemplation permanente et inoubliable du visage du Christ, Fils éternel, Dieu et homme, crucifié et ressuscité. Nous l'avons cherché dans le pèlerinage vers la Porte qui ouvre à l'homme la voie du ciel. Nous en avons expérimenté la douceur dans l'acte très humain et divin de pardonner au pécheur. Nous l'avons senti comme frère de tous les hommes, reconduits à l'unité dans le don de l'amour qui sauve. La soif de spiritualité qui est apparue dans notre société ne peut être étanchée que par le Christ.

"Non, ce n'est pas une formule qui vous sauvera, mais une Personne, et la certitude qu'elle nous inspire: Je suis avec vous!" (Lettre apost. Novo millennio ineunte NM 29). Nous, chrétiens, devons ouvrir au monde, à chaque homme qui est notre frère, la voie qui conduit au Christ. "C'est ta face, Yahvé, que je cherche" (Ps 27 [26], 8). Cette aspiration revenait souvent sur les lèvres du bienheureux Josemaría, homme assoiffé de Dieu et pour cela grand apôtre. Il a écrit: "Que Jésus soit dans nos intentions, notre but; dans nos affections, notre Amour; dans nos propos, notre thème; dans nos actes, notre modèle" (Chemin, n. 271).


4. Le temps est venu d'abandonner toute crainte et de nous lancer vers des objectifs apostoliques audacieux. Duc in altum! (Lc 5,4): l'invitation du Christ nous encourage à avancer au large, à cultiver des rêves ambitieux de sainteté personnelle et de fécondité apostolique. L'apostolat est toujours le débordement de la vie intérieure. Certes, il est aussi action, mais soutenue par la charité. Et la source de la charité se trouve toujours dans la dimension plus intime de la personne, là où l'on écoute la voix du Christ qui nous appelle à avancer au large avec lui. Puisse chacun de vous accueillir cette invitation du Christ à lui correspondre avec une générosité chaque jour renouvelée.
Avec ce souhait, tandis que je confie à l'intercession de Marie votre engagement de prière, de travail et de témoignage, je vous donne affectueusement ma Bénédiction.

 

AUX MEMBRES D'UNE EXPÉDITION AU PÔLE NORD

Mardi 20 mars 2001



Très chers frères!

1. Je vous accueille avec plaisir et je suis heureux d'adresser une cordiale bienvenue à chacun de vous, qui vous préparez à la prochaine expédition au Pôle Nord. Vous accomplissez celle-ci cent ans après celle du Prince Louis Amédée de Savoie Aoste, Duc des Abruzzes, à laquelle aurait dû prendre part également le jeune prêtre alpiniste dom Achille Ratti, futur Pie XI, qui ne put toutefois partir à cause de contretemps survenus quelques jours avant le départ.

Vous désirez en un certain sens compléter cette expédition difficile de 1900 et imiter les hommes audacieux qui se proposèrent d'atteindre, dans des conditions difficiles, des objectifs jusqu'alors jamais atteints par l'homme. Sur les traces de cette entreprise et de la suivante, accomplie en 1928 et guidée par Umberto Nobile, vous vous apprêtez à offrir un témoignage de l'aspiration jamais satisfaite de l'homme à ouvrir des pages encore peu explorées du merveilleux livre de la création. Je suis certain que ce singulier voyage vous permettra de partager l'émerveillement du psalmiste qui, face aux prodiges de la nature, s'exclame avec un étonnement mêlé d'extase: "Yahvé, notre Seigneur, qu'il est puissant ton nom par toute la terre!" (Ps 8,2).

Si Dieu le veut, vous arriverez au Pôle Nord précisément le jour de Pâques, et là, vous pourrez célébrer la Messe. C'est ainsi que se réalisera le désir que Pie XI ne réussit pas à concrétiser à son époque. En outre, vous réaliserez son autre désir: planter la Croix du Christ sur ce bout de terre à l'extrémité du globe terrestre. La croix processionnelle artistique, que je bénis aujourd'hui bien volontiers, représente des hommes et des femmes à la recherche du salut. Guidés par le Successeur de Pierre, ils rencontrent le Christ mort pour nous sur la Croix. C'est Lui le seul Sauveur du monde, hier, aujourd'hui et à jamais.

Ces deux "signes" confèrent à votre expédition une claire valeur missionnaire. En plantant l'"arbre de la Croix" et en renouvelant le sacrifice eucharistique aux "extrémités de la Terre", vous voulez rappeler que l'humanité ne trouve sa dimension authentique que lorsqu'elle est capable de fixer son regard sur le Christ et qu'elle se confie pleinement à Lui.

En célébrant le divin Sacrifice au Pôle Nord précisément le jour de Pâques, vous voulez faire retentir de façon particulière et avec force, "jusqu'aux extrémités de la terre" (Ac 21,8), l'annonce du Seigneur ressuscité.

Je forme des voeux cordiaux afin que cette mission, si difficile et si chargée de signification, soit couronnée de succès et, à cette fin, je confie chacun de vous à la protection maternelle de la Vierge Marie, "Spes certa poli". Avec ces voeux, je vous donne de tout coeur la Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers à tous ceux qui collaborent à votre projet courageux.


  MESSAGE À L'OCCASION DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’UNION MONDIALE DES ORGANISATIONS CATHOLIQUES FÉMININES




A Mme María Eugenia Díaz de Pfennich
Présidente de l'Union mondiale des Organisations catholiques féminines

1. C'est avec joie que je salue les participantes à l'Assemblée générale de l'Union mondiale des Organisations catholiques féminines, qui a lieu à Rome du 17 au 21 mars 2001.

Depuis 1910, votre mouvement a rassemblé les femmes catholiques provenant de tous les continents et d'une grande variété de milieux et de cultures. Dans un esprit de respect pour ces diversités, vous formez à présent une vaste et dynamique famille au sein de l'Eglise catholique.

Votre rencontre au coeur de l'Eglise universelle constitue une occasion particulière pour réaffirmer votre identité et pour puiser aux grâces du Jubilé afin d'ouvrir au Christ les portes de vos coeurs, de vos maisons et de vos communautés dans lesquelles vous vivez, priez et suivez la vocation que Dieu a confiée à chacune de vous.


2. Au début d'un nouveau millénaire, les six cents déléguées présentes à cette Assemblée ont l'occasion de rendre grâce à Dieu pour tout ce qu'être une femme signifie dans le plan divin, et pour demander son aide afin de surmonter les nombreux obstacles qui empêchent encore la pleine reconnaissance de la dignité et de la mission des femmes dans la société et dans la communauté ecclésiale. Le chemin accompli au cours du siècle passé a été remarquable. Dans de nombreux pays, les femmes jouissent aujourd'hui de la liberté de déplacement, d'auto-détermination et d'expression, une liberté qu'elles ont acquise avec lucidité et courage. Elles expriment leur génie particulier dans de nombreux domaines. Dans le monde d'aujourd'hui, il existe une conscience croissante du besoin d'affirmer la dignité des femmes. Il ne s'agit pas d'un principe abstrait, car un effort concerté à tous les niveaux est nécessaire afin de s'opposer avec force à "toute pratique qui offense la femme dans sa liberté ou sa féminité: ce qui est défini comme "tourisme sexuel", la vente de jeunes filles, la stérilisation de masse, et, en général toute forme de violence" (Audience générale, 24 novembre 1999, n. 2, cf. ORLF n. 48 du 30 novembre 2001). Toutefois, les femmes doivent également faire face à de nombreux obstacles à leur plein épanouissement. La culture prédominante diffuse et impose des modèles de vie qui sont contraires à la nature la plus profonde des femmes. Il y a eu de graves aberrations, certaines provenant de l'égoïsme individuel et d'un refus d'aimer, d'autres d'une mentalité qui accorde une telle importance aux droits de chaque individu que le respect pour les droits des autres est affaibli, en particulier celui des enfants à naître et sans défense qui, dans de nombreux cas, sont privés de toute protection légale.


3. Votre Union existe pour vous aider à acquérir une conscience plus profonde de votre mission et pour la vivre pleinement. Elle fait entendre sa voix également dans les forums internationaux, pour insister sur le fait que chaque vie est un don de Dieu et mérite d'être respectée. En travaillant ensemble, vous devez cherchez à apporter un soutien matériel et moral croissant aux femmes en difficulté, aux victimes de la pauvreté et de la violence. N'oubliez jamais que ce travail important est enraciné dans l'amour de Dieu et portera des fruits dans la mesure où votre témoignage révélera son amour infini pour chaque personne humaine.

La sainteté féminine, à laquelle chacune de vous est appelée, est indispensable à la vie de l'Eglise. "Le Concile Vatican II, en confirmant l'enseignement de toute la tradition, a rappelé que, dans la hiérarchie de la sainteté, c'est justement la "femme", Marie de Nazareth, qui est "figure" de l'Eglise. Elle nous "précède" tous sur la voie de la sainteté" (Mulieris dignitatem MD 27). Les femmes qui vivent dans la sainteté sont "un modèle de "sequela Christi", un exemple de la manière dont l'Epouse doit répondre avec amour à l'amour de son Epoux" (Ibid., MD 27).

Le thème de votre Assemblée, La mission prophétique des femmes, devrait vous offrir une occasion de vous lancer dans une vaste réflexion sur votre engagement. Le monde et l'Eglise ont besoin de votre témoignage spécifique. La fonction prophétique du Christ est partagée par tout le Peuple de Dieu et consiste avant tout à écouter la Parole de Dieu et à la comprendre (cf. Lumen gentium LG 12). Les femmes catholiques qui vivent dans la foi et la charité et honorent le nom de Dieu dans la prière et le service (cf. Ibid. LG LG 12), ont toujours joué un rôle extrêmement fécond et indispensable dans la transmission du sens véritable de la foi et dans son application à toutes les circonstances de la vie. Aujourd'hui, à une époque de profonde crise spirituelle et culturelle, cette tâche revêt une urgence qui ne peut être sous-estimée. La présence et l'action de l'Eglise dans le nouveau millénaire passe par la capacité de la femme à recevoir et à conserver la Parole de Dieu. En vertu de son charisme spécifique, la femme possède un don unique pour transmettre le message et le mystère chrétien dans la famille et dans le monde du travail, des études et des loisirs.


5. Le récent Jubilé des Laïcs a été l'occasion de renouveler l'appel adressé par le Concile Vatican II à tous les fidèles laïcs à proclamer la Bonne Nouvelle du Christ, à travers la parole et le témoignage. Dans la famille et la société, votre travail contribue "comme du dedans à la sanctification du monde" (Lumen gentium LG 31). Chaque tâche, même la plus ordinaire, à condition d'être accomplie avec amour, contribue à la sanctification du monde. Il s'agit d'une vérité qu'il est important de rappeler aujourd'hui, dans un monde attiré par le succès et l'efficacité, mais dans lequel de nombreuses personnes n'ont aucune part aux bénéfices du progrès global et deviennent toujours plus pauvres et laissées-pour-compte.

Le Jubilé a apporté de nouvelles énergies à toute l'Eglise. Avançons dans l'espérance! (cf. Novo millennio ineunte NM 58). Aujourd'hui, tandis que l'Eglise reprend son chemin pour proclamer le Christ au monde, elle a besoin de femmes qui contemplent le visage du Christ, qui gardent leur regard fixé sur lui et qui le reconnaissent dans les membres les plus faibles de son Corps. "En vérité, je vous le dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,40). Veillez, soyez une présence attentive et forte, ne manquez jamais de regarder le Christ, de le suivre, de garder sa parole dans votre coeur. De cette façon, votre espérance ne sera pas vaine; elle se diffusera à travers le monde en cette époque prometteuse et pleine de défis.

Je vous assure une fois de plus de ma proximité dans la prière, certain que cette Assemblée sera pour vous l'occasion de trouver des énergies renouvelées pour votre mission. En vous confiant toutes à la protection de Marie, Mère du Rédempteur, je vous donne cordialement ma Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 7 mars 2001

\


À LA DÉLÉGATION DE L'ÉGLISE PRESBYTÉRIENNE DES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

Jeudi 22 mars 2001



Chers amis dans le Christ,

La visite d'une délégation de la Presbyterian Church USA est assurément un motif de joie pour moi. Je vous salue tous avec affection dans le Seigneur.

Votre visite dans cette Ville, où les Apôtres Pierre et Paul ont versé leur sang au nom du Christ, a lieu après la célébration, qui a duré un an, du grand Jubilé de l'Incarnation et à l'aube du troisième millénaire chrétien. La participation de tant d'Eglises et de communautés ecclésiales au cours d'un grand nombre d'événements jubilaires témoigne de notre action de grâce commune pour les grâces abondantes qui ont accompagné la première venue du Seigneur. Elle confirme notre engagement à oeuvrer pour la pleine unité chrétienne tandis que nous attendons Son retour dans la gloire.

En dépit des étapes importantes accomplies au cours des dernières décennies vers l'objectif de l'unité visible, nous devons reconnaître que "malheureusement, le triste héritage du passé nous suit encore au-delà du seuil du nouveau millénaire", et nous savons qu'"un long chemin reste encore à parcourir" (Novo millennio ineunte NM 48). Puissions-nous voir à présent l'avenir qui s'ouvre à nous comme un avertissement de la part du Seigneur à être toujours plus "renouvelés par une transformation spirituelle et revêtir l'Homme Nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité" (cf. Ep 4,24). Il s'agit en effet d'une condition pour que nous soyons capables de surmonter les obstacles qui séparent encore les chrétiens.

Puissent votre séjour et vos entretiens avec le Conseil pontifical pour l'Unité des Chrétiens, apporter des fruits abondants pour l'engagement oecuménique qui vous attend. Sur vous et vos familles, j'invoque la joie et la paix de notre Seigneur Jésus-Christ.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE CORÉE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 24 mars 2001


Chers frères dans l'épiscopat,

1. C'est avec une grande affection dans le Seigneur que je vous souhaite la bienvenue, Evêques de Corée, à l'occasion de votre visite ad limina Apostolorum. Vous êtes venus, une fois encore, en pèlerinage auprès des tombes des Apôtres Pierre et Paul pour professer la foi apostolique et pour prier pour votre ministère épiscopal et les nécessités de l'Eglise dans votre pays. Au cours de cette rencontre, nous célébrons ensemble les liens de vérité et de communion qui unissent vos Eglises locales au Siège de Pierre. Alors que vous contemplez le témoignage offert par les Apôtres usque ad effusionem sanguinis, vous pouvez réfléchir sur votre ministère à la lumière de leur enseignement et de leur exemple, et tirer une inspiration nouvelle pour votre travail au service de l'Evangile et pour l'édification du Corps du Christ, l'Eglise.

Ma pensée revient aux deux visites que j'ai accomplies dans votre pays, lorsque j'ai pu constater personnellement à quel point l'Eglise s'est développée et a fleuri depuis l'époque où fut jetée pour la première fois la semence de l'Evangile, il y a plus de deux siècles. En effet, vous commémorez cette année le deux centième anniversaire de la première grande vague de persécutions en Corée, qui a conduit au martyre plus de trois cents fidèles. Ces hommes et ces femmes saints avaient pris à coeur les paroles de l'Apôtre des Nations: "Désormais je considère tout comme désavantageux à cause de la supériorité de la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. A cause de lui j'ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ" (Ph 3,8). Le premier prêtre autochtone coréen, saint André Kim Tae-gôn, que j'ai eu la joie de canoniser en 1984, exhorta les fidèles à accepter la persécution car l'Eglise en Corée ne pouvait pas rester étrangère aux souffrances du Christ et des Apôtres. Le sacrifice de vos martyrs, bien volontiers accepté pour Jésus-Christ qui les avait gagnés à sa cause, comme il l'avait fait avec saint Paul (cf. Ph Ph 3,12), a assurément donné une récolte abondante et nous devons prier afin qu'elle continue à être source d'orgueil, d'espérance, de force et d'inspiration pour tous les chrétiens de toute la péninsule.


2. Deux événements importants se trouvent à la base de votre actuelle visite ad limina: l'Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Evêques et l'expérience, riche de grâces, du grand Jubilé de l'An 2000. Plusieurs d'entre vous ont participé à cette Assemblée, qui s'est déroulée d'avril à mai 1998 et qui a constitué une occasion pour réfléchir de façon féconde et constructive sur les défis que rencontre l'évangélisation, sur un continent où les chrétiens représentent une très petite minorité. Inspiré par le thème: Jésus-Christ le Sauveur et sa mission d'amour et de service en Asie: "Pour qu'on ait la vie, et qu'on l'ait surabondante" (Jn 10,10), le Synode a examiné les façons d'"éclairer et d'approfondir la doctrine sur le Christ unique Médiateur entre Dieu et les hommes" (Tertio millennio adveniente TMA 38). Sur la base de l'Exhortation apostolique Ecclesia in Asia et, ensuite, de l'expérience du grand Jubilé de l'An 2000, la tâche qui vous attend est celle de recueillir les fruits de ces célébrations et de jeter des bases solides pour un nouveau printemps du christianisme dans votre pays et sur tout le continent.

Au terme de l'"année de grâce" qu'à constitué le grand Jubilé pour toute l'Eglise, j'ai offert dans ma Lettre apostolique Novo millennio ineunte diverses réflexions sur la façon dont nous pourrons tirer profit des nombreuses bénédictions, en traduisant les grâces reçues en pratiques, en résolutions et en lignes d'action (cf. NM NM 3). Le succès de toutes nos initiatives dépendra en définitive du fait qu'elles sont fondées sur le Christ lui-même, qui continue à accompagner l'Eglise dans son pèlerinage "jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20). Dans un certain sens, le programme à accomplir existe déjà: il se trouve dans l'Evangile et dans la Tradition vivante de l'Eglise. Il est axé sur le Christ lui-même, "qu'il faut connaître, aimer, imiter pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l'histoire jusqu'à son achèvement dans la Jérusalem céleste" (Novo millennio ineunte NM 29). Bien qu'il faille tenir compte des circonstances temporelles et géographiques, afin d'établir un véritable dialogue et une communication efficace, ce programme ne change pas selon les diverses attitudes prédominantes. C'est vous qui avez la responsabilité de déterminer les lignes d'un plan pastoral adapté aux exigences et aux aspirations du Peuple de Dieu, un plan qui permettra à tous d'entendre de façon toujours plus claire la Bonne Nouvelle du Christ et qui conduira les vérités et les valeurs de l'Evangile à devenir toujours plus incisives dans la famille, la culture, et la société elle-même. Les successeurs des apôtres ne doivent jamais avoir peur de proclamer la pleine vérité sur Jésus-Christ, dans toute sa réalité et ses exigences riches de défis, car la vérité a le pouvoir intrinsèque d'attirer le coeur humain vers tout ce qui est bon, noble et beau.


3. A ce propos, j'ai eu beaucoup de plaisir à apprendre les efforts accomplis pour promouvoir l'apostolat biblique. La possibilité de trouver une traduction coréenne moderne de la Bible, un projet que vous avez entrepris pour le bicentenaire de l'avènement de la foi dans votre pays, a pour effet que tous les fidèles peuvent directement accéder à la Parole salvifique de Dieu. Il faut en particulier recommander l'ancienne pratique de la lectio divina comme puissant instrument d'évangélisation, car cette pieuse lecture des Saintes Ecritures nous fait saisir "la parole vivante qui interpelle, qui oriente, qui façonne l'existence" (Novo millennio ineunte NM 39). Il faut en particulier présenter les Ecritures - l'"école de la foi" - aux jeunes dès leur plus jeune âge, de façon à ce qu'ils découvrent la figure authentique de Jésus qui les aime, qui répond à leurs désirs les plus profonds et qui les appelle à le suivre avec un coeur généreux et indivis.

Par mandat du Christ, l'Evêque est appelé à enseigner - "à temps et à contretemps" (2Tm 4,20) - la foi immuable de l'Eglise, telle qu'elle doit être appliquée et vécue aujourd'hui. Dans son diocèse, l'Evêque enseigne la foi avec l'autorité dérivant de l'ordination épiscopale et de la communion avec le Collège épiscopal dirigé par son chef (cf. Lumen gentium LG 22). Il enseigne de façon pastorale, en cherchant à éclairer les problèmes actuels par la lumière de l'Evangile et en aidant les fidèles à vivre une vie pleinement chrétienne face aux défis de la société contemporaine. A ce propos, il est important que vous souteniez et encouragiez le travail des théologiens, dans la mesure où ils réfléchissent dans le domaine de la foi sur les façons de communiquer le message chrétien de manière toujours plus efficace et adaptée à la situation locale. Dans le même temps, vous devez avoir soin de sauvegarder l'interprétation authentique de la doctrine de l'Eglise et donc assurer que l'Eglise locale persiste dans la foi, qui seule sauve et libère. Un discernement surnaturel est nécessaire pour défendre "le bon dépôt avec l'aide de l'Esprit Saint qui habite en nous" (2Tm 1,14).


4. Dans votre patrie, vous devez affronter les défis d'une mentalité toujours plus matérialiste qui érode un grand nombre des valeurs humaines authentiques sur lesquelles se fonde traditionnellement la société coréenne. Cela exige une engagement renouvelé pour affronter la crise des valeurs profondément ressentie et renforcer le sens du transcendant dans la vie des fidèles. Votre récente initiative pour promouvoir l'Evangile de la vie à travers l'institution d'un sous-comité spécial du Comité pour la Doctrine de la Foi, au sein de votre Conférence épiscopale, qui traite des questions bioéthiques  est louable, ainsi que votre ferme opposition à l'avortement, non seulement parce qu'il s'agit d'une terrible offense au don de Dieu de la vie, mais également parce qu'il introduit dans la société une attitude relativiste envers tous les principes moraux et éthiques fondamentaux.
Dans ce domaine, comme dans de nombreux autres domaines de la vie de l'Eglise, le rôle des fidèles laïcs est indispensable. Il est significatif que la foi ait été introduite dans votre patrie à la fin du XVIIIème siècle grâce aux efforts persistants de laïcs engagés. Parmi ceux qui sont morts au cours de la persécution de 1801 se trouvait la première femme catéchiste de Corée, Colomba Kang Wansuk, qui a diffusé sans peur l'Evangile à Séoul et dans tous le pays, avant d'être exécutée avec quatre autres personnes qui s'étaient converties grâce à son influence. Des 103 martyrs canonisés en 1984, victimes pour la plupart des persécutions de 1839 et de 1866, 92 étaient des laïcs. Quelle meilleure inspiration peut-on trouver que ces témoins et cet héritage pour les fidèles laïcs de Corée dans leur généreux engagement pour l'évangélisation, la catéchèse, la promotion de la doctrine sociale catholique et les oeuvres de charité! C'est à vous que revient la tâche de discerner les dons des laïcs, de promouvoir en eux une conscience plus profonde de la mission à laquelle ils participent en communion avec l'Eglise, et de les encourager à utiliser leurs capacités pour le renouvellement de la société et la diffusion d'une culture fondée sur le respect de chaque personne humaine.


5. Vos plus proches collaborateurs dans l'oeuvre de l'évangélisation sont vos prêtres, appelés par leur ordination à être d'authentiques pasteurs du troupeau, des prédicateurs de l'Evangile du salut et de dignes ministres des sacrements. La Corée est bénie par un nombre élevé de vocations sacerdotales, elle possède des pasteurs dont la vie est profondément caractérisée par la fidélité au Christ et par un généreux dévouement à leurs frères et à leurs soeurs. Il est important que les fidèles voient leurs prêtres comme des hommes dont les esprits et les coeurs sont tournés vers les choses profondes de l'Esprit (cf. Rm 8,5), comme des hommes de prière engagés dans leur ministère sacerdotal et qui se distinguent par leur rectitude morale. Le nouveau Collège pontifical coréen, ici à Rome, est un signe de votre décision de garantir à vos prêtres une solide formation permanente qui les aidera à apporter un témoignage convaincant du Christ et à accomplir les tâches de leur ministère avec dévouement et joie.

Je vous encourage à prêter une attention particulière à la formation de ceux qui enseigneront dans les séminaires. Ils doivent non seulement posséder une solide formation touchant les sciences sacrées, mais également une formation spécifique concernant les milieux de la spiritualité sacerdotale, l'art de la direction spirituelle et les autres aspects de la tâche délicate et difficile qui les attend dans la formation des futurs prêtres (cf. Ecclesia in Asia ). J'adresse encore une fois une parole de pieux encouragement à la Korean Foreign Mission Society, en demandant au Seigneur de bénir son travail et de lui accorder une croissance des vocations pour la récolte abondante qui se présente à l'Eglise du troisième millénaire.


6. Les documents du Concile Vatican II contiennent de nombreuses références à propos de l'importance pour l'Eglise universelle, et pour chaque Eglise particulière, du témoignage et de l'apostolat des hommes et des femmes consacrés. A travers l'observance des conseils évangéliques, ils rendent visible dans l'Eglise la forme que le Verbe incarné a prise au cours de sa vie terrestre (cf. Vita consecrata VC 14). Ils sont un signe de la nouvelle création souhaitée par le Christ et rendue possible en nous par la grâce et par la force de l'Esprit Saint, et ils témoignent de la suprématie de Dieu et du caractère sublime de la connaissance du Christ (cf. Ph Ph 3,8). Outre les diverses formes de service inestimables que les hommes et les femmes consacrés accomplissent dans les oeuvres caritatives, l'apostolat intellectuel, l'assistance médicale et d'autres domaines de l'activité ecclésiale, leur charisme particulier est d'offrir une réponse à la demande, aujourd'hui très répandue, d'une spiritualité authentique qui s'exprime en grande partie comme une recherche de prière et de direction spirituelle. Je vous invite à protéger la vie consacrée comme un don spécial de Dieu à vos communautés locales et à donner aux hommes et aux femmes consacrés le soutien de votre ministère et de votre amitié.


7. Chers frères dans l'épiscopat, votre terre natale est toujours dans mes prières. Je me réjouis chaque fois que j'apprends les progrès accomplis dans la promotion de la réconciliation, la compréhension réciproque et la coopération de tous les membres de la famille coréenne. Il s'agit d'un milieu d'action et de service que l'Eglise que vous présidez doit poursuivre de façon résolue, jour après jour, en discernant et en suivant les signes que la Providence lui offre. Offrir une solidarité matérielle et spirituelle à la communauté catholique et à tout le peuple de la Corée du Nord, selon des modalités appropriées et avec charité pastorale, se révélera sans aucun doute un pas positif vers la réconciliation. Je prie afin que Dieu tout puissant continue à bénir les efforts de ceux qui oeuvrent pour le bien de tout le peuple de la péninsule.

Je vous remercie encore une fois de votre générosité et de votre engagement dans l'exécution des devoirs de votre ministère épiscopal, ainsi que de la communion spirituelle et du soutien que vous m'avez toujours démontré. J'exprime encore une fois mon encouragement sincère aux prêtres, aux religieux et aux laïcs de la Corée et je prie de façon particulière pour les personnes âgées et les malades dont la souffrance en union avec le Seigneur crucifié constitue une immense source de richesse spirituelle pour tout le Peuple de Dieu. Avec ces sentiments, je vous recommande tous à Marie, Mère du Rédempteur, et je Lui confie les exigences de l'Eglise qui est en Corée, ainsi que les joies et les difficultés de votre ministère. Je demande à l'Esprit Saint de répandre sur vos diocèses de nouvelles grâces et énergies pour la mission qui reste à accomplir. A chacun de vous, ainsi qu'aux membres de l'Eglise dans votre pays, je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.

 

Discours 2001 - Samedi 17 mars 2001