Homélies St Jean-Paul II 7580

7 mai 1980, Nairobi

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Uhuru Park, Nairobi (Kenya)
Mercredi 7 mai 1980



Vénérables frères dans l’épiscopat,
Chers frères et soeurs dans le Christ,

1. Nous sommes rassemblés ici aujourd’hui pour célébrer et glorifier notre Père du ciel. Nous sommes réunis en ce lieu, hommes et femmes aux arrière-plans si différents, et pourtant tous unis à Celui en qui « tout est maintenu » (
Col 1,17), tous unis à la table de la parole de Dieu et à l’autel du sacrifice.

Mon coeur est plein de gratitude envers Dieu pour ce jour et pour l’occasion qui m’est donnée de célébrer l’eucharistie avec vous, de chanter les louanges du Seigneur pour avoir réconcilié toutes choses avec lui, « ayant établi la paix par le sang de sa croix » (Col 1,20).

198 Le jour où Jésus a été crucifié, il a dit à Pilate : « Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre hommage à la vérité » (Jn 18,37). Jésus est venu non pour faire sa propre volonté mais la volonté de son Père du ciel. Par ses paroles, par ses actes, par son existence même, il a porté témoignage à la vérité. En Jésus, la tyrannie de la tromperie et de la fausseté, la tyrannie du mensonge et de l’erreur, la tyrannie du péché ont été vaincues. Car le Christ est la Parole vivante de la vérité divine qui a promis : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres » (Jn 8,31-32).

2. L’Église a reçu cette même mission du Christ : cultiver un amour profond, une vénération profonde pour la vérité et harmoniser avec la foi les découvertes de la science et de la sagesse humaine — en toute chose pour porter témoignage à la vérité. Dans tous les siècles et dans tous les pays, l’Église réalise cette mission, dans la confiance que si Dieu est la source suprême de toute vérité, il ne peut y avoir d’opposition entre la sagesse naturelle et les vérités de la foi.

Tous les fidèles, chers frères et soeurs, ont un rôle à jouer dans la mission de l’Église en faveur de la vérité. C’est la raison pour laquelle j’ai déclaré dans mon Encyclique que « la responsabilité de l’Église envers la vérité divine se trouve partagée par tous, toujours davantage, et de bien des manières. Et que dire ici des spécialistes des diverses disciplines scientifiques, des littéraires, des médecins, des juristes, des artistes et des techniciens, des enseignants de tous niveaux et de toutes spécialités ? Tous, en tant que membres du peuple de Dieu, ils ont leur rôle propre dans la mission prophétique du Christ, dans son service de la vérité divine» (Redemptor Hominis RH 19). À l’intérieur de la communion des fidèles, et en particulier à l’intérieur de la communauté chrétienne locale, une particulière attention doit être portée à cette responsabilité de porter témoignage à la vérité. Dans son message à l’Afrique, mon prédécesseur Paul VI a adressé un message particulier aux intellectuels de ce continent, précisément parce qu’il était convaincu de l’importance de leur mission au service de la vérité. Et ces paroles raisonnent encore aujourd’hui : « L’Afrique a besoin de vous, de vos études, de vos recherches, de votre art, de votre enseignement… C’est à travers vous que les conceptions nouvelles et les transformations culturelles peuvent être interprétées et expliquées à tous. Soyez donc soucieux de la vérité, probes et loyaux » (Africae terrarum, 32).

3. Nous devons faire débuter notre témoignage à la vérité en cultivant la faim de la parole de Dieu, le désir de recevoir et de prendre à coeur le message vivifiant de l’Évangile dans toute sa plénitude. Lorsque vous écoutez attentivement la voix du Sauveur et que vous la mettez ensuite en pratique, vous partagez à coup sûr la mission de l’Église au service de la vérité. Vous portez témoignage devant le monde de votre foi ferme à la promesse faite par Dieu à travers Isaïe : « C’est que, comme descendent la pluie ou la neige du haut des cieux, et comme elles ne retournent pas là-haut sans avoir saturé la terre, sans l’avoir fait enfanter et bourgeonner, sans avoir donné semence au semeur et nourriture à celui qui mange, ainsi se comporte ma parole au moment où elle sort de ma bouche ; elle ne retourne pas vers moi sans résultat, sans avoir exécuté ce qui me plaît et fait aboutir ce pour quoi je l’avais envoyée. » (Is 55,10-11) Vous ne pouvez être les messagers de la vérité que si vous êtes les premiers de tous, les vrais auditeurs de la parole de Dieu.

4. Lorsque Pilate a demandé à Jésus s’il était roi, sa réponse a été claire et sans ambiguïté : « Ma royauté n’est pas de ce monde » (Jn 18,36). Le Christ est venu apporter la vie et le salut à tout homme : sa mission n’était pas d’ordre social, économique ou politique. De même le Christ n’a pas donné à l’Église une mission qui serait sociale, économique ou politique ; mais plutôt une mission religieuse (cf. Gaudium et Spes GS 42). Pourtant ce serait une erreur de penser que le chrétien individuel ne doit pas être engagé dans ces secteurs de la vie sociale. Sur ce point, les Pères de Vatican II ont été très clairs : « Ce divorce entre la foi dont ils se réclament et le comportement quotidien d’un grand nombre est à compter parmi les plus graves erreurs de notre temps… En manquant à ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations envers le prochain, bien plus envers Dieu lui-même, et il met en danger son salut éternel » (Gaudium et Spes GS 43).

Et c’est pourquoi les chrétiens, et tout particulièrement vous qui êtes des laïcs, sont appelés par Dieu à s’engager dans le monde de manière à le transformer selon l’Évangile. En menant à bien cette tâche, votre engagement personnel envers la vérité et l’honnêteté jouent un rôle important, parce que le sens des responsabilités à l’égard de la vérité est l’un des points fondamentaux de rencontre entre l’Église et la société, entre l’Église et chaque homme et chaque femme (cf. Redemptor Hominis RH 19). La foi chrétienne ne vous apporte pas des solutions toutes faites aux problèmes complexes de la société contemporaine. Mais elle vous donne une intelligence profonde de la nature de l’homme et de ses besoins en vous invitant à dire la vérité dans l’amour, à prendre vos responsabilités en tant que bons citoyens et à travailler avec vos voisins pour construire une société où les véritables valeurs humaines sont approfondies par une vision chrétienne de la vie qui soit partagée.

5. L’un de ces domaines qui occupe une place très importante dans la société et dans la vocation totale de toute personne humaine est la culture. « C’est le propre de la personne humaine de n’accéder vraiment et pleinement à l’humanité que par la culture, c’est-à-dire en cultivant les biens et les valeurs de la nature. Toutes les fois qu’il est question de vie humaine, nature et culture sont aussi étroitement liées que possible » (Gaudium et Spes GS 53). Le chrétien collaborera volontiers à la promotion de la vraie culture, car il sait que la Bonne Nouvelle du Christ renforce dans l’homme les valeurs spirituelles qui sont au coeur de la culture de chaque peuple et de chaque période de l’histoire. L’Église, qui se sent à l’aise dans toute culture, sans faire sienne exclusivement aucune culture donnée, encourage ses fils et ses filles qui sont actifs dans les écoles, les universités et autres instituts d’éducation, à donner le meilleur d’eux-mêmes dans cette activité. En harmonisant ces valeurs qui sont l’héritage unique de chaque peuple ou de chaque groupe avec le contenu de l’Évangile, le chrétien aidera son propre peuple à atteindre la vraie liberté et à devenir capable de répondre au défi de l’époque. Tout chrétien, uni au Christ dans le mystère du baptême, s’efforcera de se conformer au plan du Père pour son Fils : « Réunir l’univers entier sous un seul chef, le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre » (Ep 1,10).

6. Un autre défi important qui est lancé au chrétien est celui de la vie politique. Dans l’État, les citoyens ont le droit et le devoir de participer à la vie politique. Car une nation ne peut assurer le bien commun de tous, et réaliser les rêves et les aspirations de ses différents membres, que dans la mesure où tous les citoyens, dans une pleine liberté et avec une complète responsabilité, apportent leur contribution de plein gré et sans égoïsme pour le bien de tous.

Les devoirs du bon citoyen chrétien ne consistent pas simplement à éviter la corruption ou à ne pas exploiter autrui ; ces devoirs comprennent positivement une contribution à l’établissement de lois et de structures justes qui favorisent les valeurs humaines. Si le chrétien découvre l’injustice ou quoi que ce soit qui s’oppose à l’amour, à la paix et à l’unité dans la société, il doit se demander : « En quoi ai-je failli ? qu’ai-je fait de mal ? que n’ai-je pas fait que la vérité de ma vocation m’invitait à faire ? Ai-je péché par omission ? ».

7. Ici, aujourd’hui au Kenya, comme je l’ai fait bien souvent, je désirerais adresser un message particulier aux couples mariés et aux familles. La famille est la communauté humaine fondamentale, c’est la cellule première et vitale de toute société. Ainsi la force et la vitalité de tout pays seront grandes dans la mesure même de la force et de la vitalité des familles à l’intérieur de ce pays. Aucun groupe n’a une plus profonde répercussion que la famille. Aucun groupe n’a un rôle plus influent pour l’avenir du monde.

Pour cette raison les couples chrétiens ont une mission irremplaçable dans le monde d’aujourd’hui. L’amour généreux et la fidélité de l’homme et de la femme offrent stabilité et espoir à un monde déchiré par la haine et la division. Par leur persévérance tout au long de leur vie dans un amour procréateur, ils montrent le caractère infrangible et sacré du bien sacramentel du mariage. En même temps, c’est la famille chrétienne qui promeut le plus simplement et le plus profondément la dignité et la valeur de la vie humaine à partir du moment de la conception.

199 La famille chrétienne est aussi le sanctuaire de l’Église. Dans un foyer chrétien se retrouvent différents aspects de l’Église toute entière, tels que l’amour mutuel, l’attention à la parole de Dieu et à la prière commune. Le foyer est l’endroit où l’Évangile est reçu et vécu, il est l’endroit à partir duquel l’évangile rayonne. Ainsi, la famille porte quotidiennement un témoignage, même tacite, à la vérité et à la grâce de la parole de Dieu. Pour cette raison, j’ai dit dans mon encyclique : « Les époux… doivent tendre de toutes leurs forces à persévérer dans l’union matrimoniale, en construisant par ce témoignage d’amour la communauté familiale et en éduquant de nouvelles générations d’hommes capables, eux aussi, de consacrer toute leur vie à leur propre vocation, c’est-à-dire à ce « service royal » dont l’exemple et le plus beau modèle nous sont offerts par Jésus-Christ. » (Redemptor Hominis RH 21).

8. Chers frères et soeurs, toutes les familles qui composent l’Église et tous les individus qui composent les familles, tous autant que nous sommes, nous sommes appelés à marcher avec le Christ, en rendant témoignage à sa vérité dans les circonstances de nos vies quotidiennes. Ce faisant, nous pouvons imprégner la société du levain de l’Évangile qui seul peut la transformer en royaume du Christ — un royaume de vérité et de vie, un royaume de sainteté et de grâce, un royaume de justice, d’amour et de paix ! Amen.


8 mai 1980, Independence Square, Accra (Ghana)

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Jeudi 8 mai 1980



Chers Frères et Soeurs dans le Christ,

1. Il y a un peu moins de dix ans, a été célébrée, ici à Accra, la première Rencontre panafricaine des laïcs. En ma qualité d’archevêque de Cracovie et également de consulteur au Conseil des laïcs, j’ai eu alors l’occasion, même si je n’y ai pas assisté personnellement, de suivre les points saillants de cet événement historique avec une attention particulière, avec intérêt et admiration. En effet, les laïcs, hommes et femmes, qui étaient venus de trente-six pays africains disaient à l’unisson : « Présent ! » Ils disaient au monde : « Nous sommes présents dans la communion des fidèles ; nous sommes présents dans la mission de l’Église du Christ en Afrique ! »

2. Dix ans plus tard, Dieu m’a donné l’occasion de me rendre à Accra pour être avec vous aujourd’hui, pour célébrer l’Eucharistie avec vous, pour vous parler et, à travers vous, pour adresser un message à tous les laïcs catholiques de l’Afrique. Aujourd’hui, c’est le successeur de Pierre, c’est le Pape Jean-Paul II qui dit : « Présent ! » Oui, je suis présent au milieu des laïcs de l’Afrique ; je viens comme votre Père et comme Pasteur de l’Église universelle. Je suis présent comme votre frère dans la foi ! Comme un frère dans le Christ, je veux vous dire combien je suis proche de vous dans l’amour infini du Seigneur crucifié et ressuscité, combien je vous aime, combien j’aime les laïcs de l’Afrique !

Comme votre Pasteur, je désire vous confirmer dans vos efforts pour demeurer fidèles à l’Évangile et à votre mission de porter aux autres la Bonne Nouvelle de notre salut. Je désire vous exhorter, laïcs, à renouveler à travers l’Eucharistie la puissance de votre engagement chrétien, à faire revivre la joie d’être membres du Corps du Christ, à vous consacrer encore une fois, comme chrétiens en Afrique, à la promotion du développement authentique et intégral de ce grand continent. Avec vous, je désire remercier le Père céleste « gardant le souvenir de votre foi active, de votre amour qui se met en peine et de votre persévérante espérance en notre Seigneur Jésus-Christ » (
1Th 1,3).

3. Frères et Soeurs dans le Christ, je désire adresser mes paroles et ma bénédiction aux laïcs catholiques dans chaque pays d’Afrique. Je désire dépasser les frontières linguistiques, géographiques et ethniques et, sans distinction, confier chacun au Christ Seigneur. Pour cela, je demande à chacun de vous qui écoutez mon message de solidarité fraternelle et d’instruction pastorale, de le transmettre aux autres. Je vous demande de faire voyager mon message de village en village, de famille en famille. Dites à vos frères et à vos soeurs dans la foi que le Pape vous aime tous et qu’il vous embrasse tous dans la paix du Christ.

4. Ce vaste continent africain a été doté par le Créateur de multiples ressources naturelles. Dans notre monde contemporain nous avons vu combien le développement et l’utilisation de ces nombreuses ressources avaient contribué grandement au progrès matériel et social de vos pays particuliers. Pendant que nous remercions Dieu pour les bienfaits de ce progrès, nous ne devons pas oublier, nous n’osons pas oublier que la plus grande ressource et le trésor le plus précieux qui vous ont été confiés et à tous les autres, c’est le don de la foi, c’est le terrible privilège de connaître Jésus-Christ comme le Seigneur.

Vous, laïcs dans l’Église, qui possédez la foi, la plus grande des ressources, vous avez une occasion unique et une responsabilité cruciale. À travers la vie de chacun de vous, au milieu de vos activités quotidiennes dans le monde, vous montrez le pouvoir que la foi possède pour transformer le monde et pour renouveler la famille humaine. Même s’il est caché et ignoré comme le levain ou comme le sel de la terre dont parle l’Évangile, votre rôle comme laïcs est indispensable à l’Église dans l’accomplissement de sa mission reçue du Christ. Ceci nous a été indiqué avec clarté par les pères du Concile Vatican II quand ils ont dit : « L’Église n’est pas fondée vraiment, elle ne vit pas pleinement, elle n’est pas le signe parfait du Christ parmi les hommes si un laïcat authentique n’existe pas et ne travaille pas avec la hiérarchie. L’Évangile ne peut s’enfoncer profondément dans les esprits, dans la vie, dans le travail d’un peuple, sans la présence active des laïcs. » (Ad Gentes, n° 21)

200 5. Le rôle des laïcs dans la mission de l’Église va dans deux directions : en union avec vos pasteurs et sous leur direction, vous édifiez la communion des fidèles ; en outre, comme citoyens responsables, vous imprégnez la société où vous vivez avec le levain de l’Évangile, en agissant sur ses dimensions économiques, sociales, politiques, culturelles et intellectuelles, Lorsque vous jouez avec fidélité ces deux rôles, comme citoyens aussi bien de la cité terrestre que du royaume des cieux, alors s’accomplissent les paroles du Christ : « Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde. » (Mt 5,13-14)

6. Aujourd’hui, nos frères et nos soeurs reçoivent la vie nouvelle par l’eau et par l’Esprit-Saint (cf. Jn 3,3 ss). Par le baptême, ils se trouvent incorporés dans l’Église et renaissent comme fils de Dieu. Ils reçoivent la plus haute dignité que n’importe quelle personne puisse avoir. Comme l’a dit saint Pierre, ils deviennent « la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple que Dieu s’est choisi pour qu’il proclame ses oeuvres merveilleuses » (1P 2,9). Par le sacrement de confirmation, ils deviennent plus intimement unis à l’Église, dotés d’une force spéciale par l’Esprit-Saint (cf. Lumen gentium, LG 11). Par ces deux grands sacrements, le Christ appelle son peuple, le Christ appelle chaque laïc à accepter sa part de responsabilité dans la construction de la communion des fidèles.

Comme laïcs, vous êtes appelés à prendre une part active dans la vie sacramentelle et liturgique de l’Église et, d’une manière spéciale, dans le sacrifice eucharistique. En même temps, vous êtes appelés à propager activement l’Évangile par les oeuvres de charité et votre engagement actif dans les efforts catéchétiques et missionnaires selon les dons que chacun de vous a reçus (cf. 1Co 12 ss). Dans chaque communauté chrétienne, qu’elle soit l’« Église domestique » constituée par la famille ou la paroisse dans la collaboration avec le prêtre ou le diocèse dans l’union autour de l’évêque, les laïcs s’efforcent, comme les disciples du Christ au premier siècle, de rester fidèles à l’enseignement des apôtres, fidèles au service fraternel, fidèles à la prière et à la célébration de l’eucharistie (cf. Ac Ac 2,42).

7. Votre vocation chrétienne ne vous sépare pas de vos frères et de vos soeurs. Elle ne vous interdit pas de vous engager dans les affaires civiles ni ne vous dispense pas de vos responsabilités de citoyens. Elle ne vous marginalise pas par rapport à la société et elle ne vous épargne pas les épreuves quotidiennes de la vie. Au contraire, votre engagement continuel dans les activités et les professions séculières fait partie de manière authentique de votre vocation. En effet, vous êtes appelés à rendre l’Église présente et féconde dans les circonstances ordinaires de la vie, dans la vie conjugale et familiale, dans les conditions quotidiennes pour gagner votre pain, dans les responsabilités politiques et civiques, et dans vos intérêts culturels, scientifiques et éducatifs. Aucune activité humaine n’est étrangère à l’Évangile. Dieu veut que tout ce qui a été créé soit ordonné vers son Royaume et c’est tout particulièrement aux laïcs que le Seigneur a confié cette tâche.

8. Les laïcs de l’Église en Afrique ont un rôle crucial à jouer pour résoudre les problèmes et les défis pressants que ce vaste continent doit affronter. Comme laïcs chrétiens, l’Église attend de vous que vous façonniez l’avenir de vos pays particuliers, que vous contribuiez à leur développement dans n’importe quel domaine particulier. L’Église vous demande de porter l’influence de l’Évangile et la présence du Christ dans chaque activité humaine et de chercher à construire une société dans laquelle la dignité de chaque personne soit respectée et où l’égalité, la justice et la liberté soient défendues et promues.

9. Aujourd’hui, je voudrais aussi souligner l’existence d’une formation permanente et d’une catéchisation du laïcat. En effet, seule une sérieuse formation spirituelle et doctrinale dans votre identité chrétienne de même qu’une préparation civique et humaine adéquate pour les activités séculières rendront possible cette contribution du laïcat à l’avenir de l’Afrique qui est si fortement désiré. Dans ce contexte, pensons à l’exhortation de saint Paul : « Nous vous exhortons et nous vous supplions dans le Seigneur Jésus : vous avez appris de nous comment vous devez vous conduire pour plaire à Dieu et c’est ainsi que vous vous conduisez ; cherchez à agir toujours ainsi pour vous distinguer encore davantage » (1Th 4,1). Pour atteindre ce but, une connaissance plus profonde du mystère du Christ est nécessaire. Il est nécessaire que le laïcat pénètre dans ce mystère du Christ et suive une formation spécifique concernant la parole de Dieu qui conduit au salut. L’Esprit-Saint demande à l’Église de poursuivre ce chemin avec une ténacité et une persévérance affectueuses. Je voudrais donc encourager, à tous les niveaux, ces dignes initiatives qui ont été déjà entreprises dans ce domaine. Que ces efforts se poursuivent et qu’ils préparent les laïcs à accomplir toujours davantage leur mission pour qu’ils puissent, à travers la sainteté de leur vie, satisfaire les si nombreux besoins qui attendent devant eux et que toute l’Église en Afrique puisse communiquer le Christ avec une efficacité croissante.

10. Mes frères et soeurs, la seconde lecture de la messe d’aujourd’hui nous rappelle que Jésus-Christ « est la pierre vivante » (1P 2,4). Jésus-Christ est celui sur qui se construit l’avenir du monde et dont l’avenir de chaque homme et de chaque femme dépend. Nous devons regarder vers lui à chaque occasion : à chaque occasion nous devons construire sur lui. C’est pour cela que je vous répète ce que j’ai dit au monde le jour de Pâques : « Ne rejetez pas le Christ vous qui construisez le monde humain. Ne le rejetez pas vous qui de quelque manière et en quelque secteur que ce soit construisez le monde d’aujourd’hui et le monde de demain, le monde de la culture et de la civilisation, le monde de l’économie et de la politique, le monde de la science et de l’information. Vous qui construisez le monde de la paix… ne rejetez pas le Christ : il est la pierre angulaire ».

11. Avec les paroles de l’apôtre Pierre, je vous invite à « vous approcher de lui afin que vous aussi… puissiez être engagé comme pierres vivantes pour la construction d’un édifice spirituel » (1P 2,4-5), en édifiant l’Église en Afrique et en faisant progresser le royaume de Dieu sur la terre.

C’est dans cet esprit que nous prions notre Père céleste : « Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Amen

Chers frères et soeurs du Togo et du Bénin :

Merci d’être venus si nombreux, d’avoir marché longuement pour rencontrer le Vicaire du Christ. Je vous invite, vous aussi, à demeurer fermes dans la foi et très unis entre vous. Le Seigneur est fidèle ; il ne vous abandonnera pas si vous lui donnez votre confiance. Et il vous rendra forts pour que vous témoigniez de votre foi, non seulement à l’église, mais dans les actes de votre vie quotidienne où il faut sans cesse choisir de vivre selon la vérité, selon la pureté, selon la charité de l’Évangile. Continuez à vous instruire des vérités de la foi. Et approchez-vous avec joie des sacrements de pénitence et de l’Eucharistie, en pensant que c’est le Seigneur qui vous pardonne, qui vous nourrit, qui vous donne sa grâce. C’est le signe visible de sa présence invisible. Comme disait Jésus ressuscité : « Paix à vous ». « Ne craignez pas ». Que le Seigneur vous bénisse.


9 mai 1980, Messe pour les catéchistes, Kumasi (Ghana)

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Vendredi 9 mai 1980



Chers frères et soeurs,

1. Aujourd’hui est un jour de grande joie et je l’ai attendu longtemps. J’ai voulu venir et dire aux catéchistes combien je les aime, combien l’Église a besoin d’eux. Aujourd’hui est aussi un jour d’une signification profonde parce que Jésus-Christ — le fils de Dieu, le Seigneur de l’histoire, le Sauveur du monde — est présent au milieu de nous. Par son saint Évangile, il nous parle avec des mots qu’il a une fois adressés aux disciples : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (
Mt 28,18-19).

2. Ce commandement et cette promesse de Jésus ont inspiré l’évangélisation du Ghana et de toute l’Afrique, orientant la vie de tous ceux qui ont collaboré à la cause de l’Évangile. Ces paroles ont été gravées d’une manière particulière dans le coeur de nombreux catéchistes au cours du siècle dernier. Et aujourd’hui, je veux manifester la profonde estime de l’Église pour ces travailleurs dévoués au service de l’Évangile. J’exprime la gratitude de l’Église catholique toute entière à ces catéchistes qui sont ici aujourd’hui, à leurs prédécesseurs dans la foi et à leurs collègues catéchistes dans tout le continent africain — gratitude pour l’aide apportée pour faire des disciples du Christ ; l’aide donnée au peuple pour croire que Jésus est le Fils de Dieu ; l’aide pour instruire leurs frères et leurs soeurs dans sa vie et ainsi, pour édifier son corps, l’Église. L’activité d’innombrables catéchistes et leur profond attachement à la personne de Jésus-Christ reste un chapitre de gloire dans l’histoire de ce pays et de ce continent.

3. L’Église reconnaît dans ces catéchistes des personnes appelées à exercer une tâche ecclésiale particulière et à participer de manière spéciale à la responsabilité de propager l’Évangile. Elle voit en eux des témoins de la foi, des serviteurs de Jésus-Christ et de son Église, des collaborateurs efficaces pour la mission d’établir, de développer et de fortifier la vie de la communauté chrétienne. Dans l’histoire de l’évangélisation, beaucoup de ces catéchistes ont été de fait des maîtres de religion, des guides pour leurs communautés, des missionnaires laïcs zélés, des exemples de foi. Ils ont aidé fidèlement les missionnaires et le clergé local en appuyant leur ministère par l’accomplissement de leur tâche propre. Les catéchistes ont rendu de nombreux services, liés à la propagation de la connaissance du Christ, à l’implantation de l’Église et à la pénétration de la puissance transformatrice et régénératrice de l’Évangile toujours plus profondément dans la vie de leurs frères et de leurs soeurs. Ils ont assisté le peuple dans ses nombreuses exigences humaines, contribuant à leur développement et à leur progrès.

4. Dans tout cela ils ont explicitement fait connaître le nom et la personne de Jésus-Christ, son enseignement, sa vie, ses promesses et son royaume. Les communautés qu’ils ont contribué à construire, ont été fondées sur les mêmes bases que celles de la première Église : sur l’enseignement et la fraternité des apôtres, sur l’eucharistie et la prière (cf. Ac Ac 2,42). C’est pourquoi la souveraineté du Christ a été propagée d’une communauté à l’autre et d’une génération à la suivante. Par leur travail généreux, le commandement du Christ se trouve continuellement accompli et sa promesse confirmée.

5. L’Église n’est pas seulement reconnaissante envers ce que les catéchistes ont accompli dans le passé, mais elle est confiante dans l’avenir. En dépit de nouvelles conditions, de nouvelles exigences et de nouveaux obstacles, l’importance de ce grand apostolat n’est pas amoindrie, parce qu’il sera toujours nécessaire de développer une foi initiale et de conduire le peuple à la plénitude de la vie chrétienne. Une conscience croissante de la dignité et de l’importance des rôles du catéchiste est la conséquence de l’insistance de Vatican II sur le fait que l’Église tout entière est impliquée dans la responsabilité vis-à-vis de l’Évangile. C’est seulement avec la collaboration de ses catéchistes que l’Église pourra répondre de manière adéquate au défi que j’ai décrit dans mon Exhortation apostolique sur la catéchèse en notre temps : « L’Église, en ce XXe siècle finissant, est invitée par Dieu et par les événements qui sont autant d’appels de la part de Dieu, à renouveler sa confiance dans l’action catéchétique comme dans une tâche tout à fait primordiale de sa mission. Elle est invitée à consacrer à la catéchèse ses meilleures ressources en hommes et en énergies, sans ménager efforts, fatigues et moyens matériels, afin de mieux l’organiser et de former un personnel qualifié. Ce n’est pas là un simple calcul humain, c’est une attitude de foi ». (Catechesi Tradendae CTR 5).

6. La sacrée Congrégation pour l’Évangélisation des peuples, de nombreux évêques et conférences épiscopales ont insisté avec force sur la formation des catéchistes et en cela ils méritent les plus vives louanges. Le destin de l’Église en Afrique est indubitablement lié au succès de cette initiative. C’est pourquoi je désire encourager pleinement ce travail merveilleux. L’avenir de l’action catéchétique dépendra de la solidité des programmes de préparation qui comprennent une formation toujours plus grande des catéchistes, qui donnent priorité à leur formation spirituelle et doctrinale, les mettant à même d’expérimenter dans cette mesure le sens authentique de la communauté chrétienne qu’ils sont appelés à construire.

Les méthodes de la catéchèse méritent elles aussi l’attention qui leur est due, y compris un matériel catéchétique efficace qui tienne compte de la nécessité d’incarner l’Évangile dans des cultures locales déterminées. C’est pourquoi l’Église tout entière doit se sentir intéressée pour faire face aux difficultés et aux problèmes inhérents au soutien des programmes catéchétiques. D’une manière spéciale, la communauté ecclésiale tout entière doit montrer son estime pour la vocation importante du catéchiste qui doit se sentir soutenu par ses frères et ses soeurs.

7. Avant tout, pour assurer le succès de toute action catéchétique, il est nécessaire que demeure clair comme le jour le but même de la catéchèse : la catéchèse est un travail de foi qui va bien au delà de toute technique ; elle est un engagement de l’Église du Christ. Son objet premier et essentiel c’est le mystère du Christ ; son but final est de mettre le peuple en communion avec Jésus-Christ (cf. Catechesi Tradendae CTR 5). Par la catéchèse, l’action de Jésus le Maître se poursuit ; il sollicite de ses frères l’adhésion à sa personne, et par sa parole et ses sacrements il les conduit vers son Père et à la plénitude de la vie dans la Très Sainte Trinité.

8. Réunis ici aujourd’hui pour célébrer le sacrifice de l’eucharistie, nous exprimons notre confiance dans le pouvoir du Saint-Esprit pour qu’il continue à faire surgir et à soutenir, pour la gloire du Royaume de Dieu, de nouvelles générations de catéchistes qui transmettront fidèlement la Bonne Nouvelle du salut et qui rendront témoignage au Christ et au Christ crucifié.

202 9. Aujourd’hui, l’Église offre aux catéchistes le signe de l’amour du Christ, le grand symbole de la rédemption : la croix du Sauveur. Pour les catéchistes de tout temps la croix constitue les lettres de créance pour l’authenticité et la mesure du succès. Le message de la croix est en vérité « la puissance de Dieu » (1Co 1,18).

Chers catéchistes, chers frères et soeurs : dans l’accomplissement de votre tâche, en faisant connaître le Christ, rappelez-vous les paroles d’un pionnier de la catéchèse du quatrième siècle, saint Cyrille de Jérusalem : « l’Église catholique est fière de tous les actes du Christ, mais sa plus grande gloire se trouve dans la croix. » (Cat.13).

Avec cette croix, avec le crucifix que vous recevez aujourd’hui comme un signe de votre mission dans l’Église, allez de l’avant, avec confiance et pleins de joie. Rappelez-vous aussi que Marie se tient toujours auprès de Jésus, à côté de vous ; elle est toujours auprès de la croix. Elle vous guidera sûrement à la victoire de la résurrection et elle vous aidera à transmettre aux autres le mystère pascal de son fils.

Chers catéchistes du Ghana et de toute l’Afrique : le Christ vous appelle à son service ; l’Église vous envoie. Le Pape vous bénit et vous recommande à la Reine des Cieux. Amen.






Homélies St Jean-Paul II 7580