Homélies St Jean-Paul II 693


BÉATIFICATION DE REGINA PROTMANN, EDMUND BOJANOWSKI

ET 108 MARTYRS DE LA FOI

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II

Dimanche 13 juin 1999, Varsovie
«Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde» (Mt 5,7).


Très chers frères et soeurs!

1. En reprenant les paroles de cette béatitude du Christ, je m'arrête sur mon parcours de pèlerin parmi vous, peuple fidèle de Varsovie. Je salue cordialement ceux qui sont ici réunis, les prêtres, les religieux, les religieuses et les fidèles laïcs. J'adresse un salut fraternel aux évêques, en particulier au Cardinal-Primat et à ses collaborateurs, les Evêques auxiliaires de l'archidiocèse de Varsovie. Je salue le Président de la République, le Premier ministre, le Pré- sident du Sénat et le Président de la Diète, les représentants des Autorités de l'Etat, des Autorités locales et les per- sonnes qui ont été invitées.

Je rends grâce à la Divine Providen- ce, car il m'est à nouveau donné de me trouver ici, où il y a vingt ans, en la mémorable veillée de Pentecôte, nous avons vécu de façon spéciale le mystère du Cénacle. Avec le Primat du millénai- re, le Cardinal Stefan Wyszyñski, avec les évêques et le peuple de Dieu de la capitale, présent en grand nombre, nous avons alors invoqué avec ferveur le don de l'Esprit Saint. A cette époque difficile, nous avons supplié sa puissan- ce de se déverser dans les coeurs des hommes et d'éveiller en eux l'espéran- ce. Il s'agissait d'un cri qui naisssait de la foi que Dieu suscite et qui, avec la puissance de l'Esprit Saint, renouvelle et sanctifie chaque chose. Il s'agissait d'une imploration pour le renouvelle- ment du visage de la terre, de cette ter- re. Que ton Esprit descende et qu'Il re- nouvelle le visage de la terre, de cette terre! Comment ne pas rendre au- jourd'hui grâce à Dieu, Un et Trine, pour tout ce ce que, au cours des vingt dernières annés, nous interprétons comme une réponse à ce cri! Tout ce qui s'est accompli durant cette période en Europe et dans le monde, à com- mencer par notre patrie, n'est-il pas la réponse de Dieu? Sous nos yeux ont eu lieu les changements des systèmes poli- tiques, sociaux et économiques, grâce auxquels les individus et les nations ont à nouveau vu resplendir leur digni- té. La vérité et la justice sont en train de réacquérir leur valeur, devenant un défi pressant pour tous ceux qui savent apprécier le don de la liberté. C'est pourquoi nous rendons grâce à Dieu, en considérant l'avenir avec confiance.

694 Nous lui rendons en particulier gloi- re pour ce que ces vingt années ont ap- porté dans la vie de l'Eglise. En rendant grâce, nous nous unissons donc, parmi les peuples qui nous sont proches, aux Eglises de la tradition occidentale et orientale, qui sont sorties des catacom- bes et qui accomplissent ouvertement leur mission. Leur vitalité est un ma- gnifique témoignage de la puissance de la grâce du Christ, qui fait que les hommes faibles deviennent capables d'héroïsme, qui va souvent jusqu'au martyre. N'est-ce pas là le fruit de l'ac- tion de l'Esprit de Dieu? N'est-ce pas grâce à ce souffle, dans l'histoire très récente, que nous avons aujourd'hui l'occasion unique de faire l'expérience de l'universalité de l'Eglise et de notre responsabilité de témoigner le Christ et d'annoncer son Evangile «jusqu'aux ex- trémités de la terre»?

A la lumière de l'Esprit Saint, l'Eglise qui est en Pologne relit les signes des temps et assume ses devoirs, libérée des limitations extérieures et des pressions, dont elle a fait encore récemment l'ex- périence. Comment ne pas rendre grâce aujourd'hui à Dieu, car dans l'esprit du respect et de l'amour réciproque, l'Eglise peut mener un dialogue créatif avec le monde de la culture et de la science! Comment ne pas rendre grâce du fait que les croyants peuvent s'ap- procher sans obstacle des Sacrements et écouter la parole de Dieu, pour pou- voir ensuite témoigner ouvertement de leur propre foi! Comment ne pas rendre gloire à Dieu pour cette multitude d'églises construites dernièrement dans notre pays! Comment ne pas rendre grâce, car les enfants et les jeunes peu- vent sans inquiétude connaître le Christ à l'école, où la présence du prêtre, de la religieuse ou du catéchiste est consi- dérée comme une aide précieuse dans le travail d'éducation des jeunes géné- rations! Comment ne pas louer Dieu, qui à travers son Esprit anime les com- munautés, les associations et les mou- vements ecclésiaux, et fait en sorte que la mission de l'évangélisation soit en- treprise par un cercle de laïcs toujours plus vaste!

Lorsqu'au cours de mon premier pèlerinage dans ma patrie, je me trouvais en ce lieu, la prière du Psalmiste me venait avec insistance à l'esprit:

«Souviens-toi de moi, Yahvé,
par amour de ton peuple,
visite-moi par ton salut,
que je vois le bonheur de tes élus,
joyeux de la joie de ton peuple,
glorieux avec ton héritage» (105 [106], 4-5).

Aujourd'hui, alors que nous tournons le regard vers ces vingt dernières années de notre siècle, l'exhortation du même Psaume nous vient à l'Esprit:

«Rendez grâce à Yahvé, car il est bon,
695 car éternel est son amour!
Qui dira les prouesses de Yahvé,
fera retentir sa louange?
Béni soit Yahvé [...]
depuis toujours jusqu'à toujours» (105 [106], 1-2. 48).

2. «Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde» (
Mt 5,7). La liturgie du dimanche d'aujourd'hui confère un caractère particulier à notre action de grâce. Elle permet en effet de voir tout ce qui se produit dans l'his- toire de cette génération, dans la perspective de la miséricorde éternelle de Dieu, qui s'est révélée plus pleinement dans l'oeuvre salvifique du Christ. Jésus fut «livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification» (Rm 4,25). Le mystère pascal de la mort et de la résurrection du Fils de Dieu a conféré un nouveau cours à l'histoire humaine. Si nous y observons les signes douloureux de l'action du mal, nous avons la certitude qu'en définitive, il ne peut pas dominer le destin du monde et de l'homme, il ne peut pas vaincre. Cette certitude naît de la foi dans la miséricorde du Père «qui a tant aimé le monde qu'il nous a donné son Fils unique, pour que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle» (Jn 3,16). C'est pourquoi, aujourd'hui, alors que saint Paul indique la foi d'Abraham, qui «appuyé sur la promesse de Dieu, sans hésitation ni incrédulité, mais avec une foi puissante, rendit gloire à Dieu» (Rm 4,20), il nous est donné d'apercevoir la source de cette force, grâce à laquelle même les épreuves les plus dures n'étaient pas en mesure de nous détourner de l'amour de Dieu.

Grâce à la foi dans la miséricorde divine, l'espérance est demeurée en nous. Elle ne concernait pas seulement la renaissance sociale et la restitution à l'homme de la dignité dans le cadre de ce monde. Notre espérance va beaucoup plus loin: en effet, elle se dirige vers les promesses divines qui dépassent de beaucoup le domaine temporel. Son objet définitif est la participation aux fruits de l'oeuvre salvifique du Christ. Elle peut nous être comptée comme justice, si «nous croyons en celui qui ressuscita d'entre les morts Jésus notre Seigneur» (Rm 4,24). Seule l'espérance qui naît de la foi dans la résurrection peut nous pousser à donner, dans la vie quotidienne, une réponse digne à l'amour infini de Dieu. Ce n'est qu'avec une telle espérance que nous pouvons aller chez ceux qui sont «les malades» (Mt 9,12) et être des apôtres de l'amour de Dieu qui guérit. Si je disais, il a vingt ans, que «la Pologne est devenue, de nos jours, la terre d'un témoignage particulièrement responsable» (Homélie sur la Place de la Victoire, 2.6.1979), il faut aujourd'hui ajouter qu'il doit s'agir d'un témoignage de miséricorde active, édifiée sur la foi dans la résurrection. Seul un témoignage de ce genre est un signe d'espérance pour l'homme d'aujourd'hui, en particulier pour les jeunes générations; et si pour certains, il est également un «signe de contradiction», cette contradiction ne doit jamais nous détourner de la fidélité au Christ crucifié et ressuscité.

3. «Omnipotens aeterne Deus, qui per glorificationem Sanctorum novissima dilectionis tuae nobis argumenta largiris, concede propitius, ut, ad Unigenitum tuum fideliter imitandum, et ipsorum intercessione commendemur, et incitemur exemplo»: c'est ainsi que l'Eglise prie, en rappelant les saints et les saintes dans l'Eucharistie: Ô Dieu, notre Père, qui dans le témoignage glorieux des saints donnes à ton Eglise des signes toujours nouveaux de ton amour miéricordieux, fais que nous sentions à nos côtés la présence réconfortante de ces frères, afin d'être encouragés à imiter le Christ ton Fils» (Comune sanctorum et sanctarum, Collecte). Aujourd'hui également, nous élevons cette invocation alors que nous admirons le témoignage qui nous est donné par les bienheureux qui viennent d'être élevés à la gloire des autels. Une foi vive, une espérance inébranlable et un amour généreux leur ont été attribués à juste titre, car ils étaient profondément enracinés dans le mystère pascal du Christ. C'est donc à raison que nous invitons à suivre fidèlement le Christ, selon leur exemple.

La bienheureuse Regina Protmann, Fondatrice de la Congrégation des Soeurs de Sainte-Catherine, originaire de Braniewo, se consacra de tout son coeur à l'oeuvre de renouveau de l'Eglise entre le XVI e et le XVII e siècle. Son activité, qui naissait de l'amour pour le Christ par-dessus toute chose, se déroula après le Concile de Trente. Elle s'inséra activement dans la réforme post-conciliaire de l'Eglise, accomplissant avec une grande générosité une humble oeuvre de miséricorde; elle fonda une Congrégation, qui unissait la contemplation des mystères de Dieu avec le soin des malades dans leur maison et l'instruction des enfants et de la jeunesse féminine. Elle consacra une attention particulière à la pastorale des femmes. Ne pensant qu'aux autres, la bienheureuse comprenait avec un regard clairvoyant les nécessités du peuple et de l'Eglise. Les paroles: «Comme Dieu le veut», devinrent la devise de sa vie. Un amour ardent l'invitait à accomplir la volonté du Père céleste, sur l'exemple du fils de Dieu. Elle ne craignait pas d'accepter la croix du service quotidien, en témoignant du Christ ressuscité.

L'apostolat de la miséricorde remplit également la vie du bienheureux Edmund Bojanowski. Ce propriétaire terrien de Wielkopolski, doté par Dieu de nombreux talents et d'une profondeur de vie spirituelle particulière, bien que de santé délicate, avec persévérance, prudence et générosité de coeur, accomplit et inspira une vaste activité en faveur de la population rurale. Guidé par un discernement empli de sensibilité envers les besoins des autres, il donna naissance à de nombreuses oeuvres éducatives, caritatives, culturelles et religieuses, pour soutenir matériellement et moralement les familles rurales. Tout en restant laïc, il fonda la Congrégation des Servantes de la Bienheureuse Vierge Immaculée, bien connue en Pologne. Chacune de ses initiatives était inspirée par le désir que tous puissent participer à la rédemption. Il s'est inscrit dans l'histoire humaine comme «un homme cordialement bon», qui par amour de Dieu et des hommes, savait réunir efficacement les divers milieux autour du bien. Sa riche activité précéda de beaucoup ce que le Concile Vatican II a formulé sur le thème de l'apostolat des laïcs. Il donna un exemple exceptionnel de travail généreux et sage pour l'homme, pour la patrie et pour l'Eglise. L'oeuvre du bienheureux Edmund Bojanowski est poursuivie par les Servantes de la Bienheureuse Vierge Immaculée, que je salue de tout coeur et que je remercie pour leur service silencieux et empli d'esprit de sacrifice en faveur de l'homme et de l'Eglise.

4. «Munire digneris me, Domine Jesu Christe [...], signo sanctissimae Crucis tuae: ac concedere digneris mihi [...] ut, sicut hanc Crucem, Sanctorum tuorum reliquiis refertam, ante pectus memu teneo, sic semper mente retineam et memoriam passionis, et sanctorum victorias Martyrum: voici la prière que l'Evêque récite en endossant la croix perctorale. Aujourd'hui, je fais de cette invocation la prière de toute l'Eglise qui est en Pologne qui, portant depuis mille ans le signe de la passion du Christ, se régénère toujours par la semence du sang des martyrs et vit de la mémoire de la victoire qu'ils ont remportée sur cette terre.

696 Aujourd'hui précisément, nous célébrons la victoire de ceux qui, à notre époque, donnèrent leur vie temporelle pour le Christ, afin de la posséder pour les siècles des siècles dans sa gloire. Il s'agit d'une victoire particulière, car elle est partagée par des représentants du clergé et des laïcs, des jeunes et des personnes âgées, des personnes de différents milieux et conditions. Parmi elles se trouve l'Archevêque Antoni Julian Nowowiejski, pasteur du diocèse de Plock, torturé à mort à Dzialdowo; l'Evêque Wladislaw Goral de Lublin, torturé avec une haine particulière, uniquement parce qu'il était un Evêque catholique. Il y a des prêtres diocésains et religieux, qui moururent parce qu'ils ne voulurent pas abandonner leur ministère et ceux qui moururent en servant leurs compagnons prisonniers, malades du typhus; il y a également ceux qui furent torturés à mort pour avoir défendu des juifs. Dans le groupe des bienheureux, il y a des frères religieux et des soeurs, qui persévérèrent dans le service de la charité et dans l'offrande de leurs souffrances pour le prochain. Parmi ces bienheureux martyrs se trouvent également des laïcs. Il y a cinq jeunes formés au patronage salésien; un membre actif de l'Action catholique; un catéchiste laïc, torturé à mort pour son service; et une femme héroïque qui donna librement sa vie en échange de celle de sa belle-fille qui attendait un enfant. Ces bienheureux martyrs sont aujourd'hui inscrits dans l'histoire de la sainteté du peuple de Dieu en pèlerinage depuis plus de mille ans à travers la terre polonaise.

Si nous nous réjouissons aujourd'hui pour la béatification de cent-huit martyrs clercs et laïcs, nous le faisons tout d'abord parce qu'ils sont le témoignage de la victoire du Christ, le don qui restitue l'espérance. Alors que nous accomplissons cet acte solennel, dans un certain sens se ravive en nous la certitude que, indépendamment des circonstances, nous pouvons remporter la pleine victoire sur chaque chose, grâce à celui qui nous a aimés (cf.
Rm 8,37). Les bienheureux martyrs disent à nos coeurs: Croyez que Dieu est amour! Croyez dans le bien et dans le mal! Eveillez l'espérance en vous! Puisse-t-elle produire en vous le fruit de la fidélité à Dieu face à chaque épreuve!

5. Réjouis-toi, Pologne, pour les nouveaux bienheureux: Regina Protmann, Edmund Bojanowski et les cent-huit martyrs. Il a plu à Dieu «de démontrer l'extraordinaire richesse de sa grâce, par la bonté» de ses fils et de ses filles en Jésus-Christ (cf. Ep 2,7). Voilà «la richesse de sa grâce», voilà le fondement de notre confiance inébranlable dans la présence salvifique de Dieu sur les routes de l'homme au cours du troisième millénaire! Rendons-lui gloire pour les siècles des siècles. Amen!


CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE SUR LE PARVIS DE L'ÉGLISE DU BON PASTEUR

Lundi 14 juin 1999, Lowicz

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1. «A vous grâce et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ» (
Ga 1,3).

Avec les paroles de l'Apôtre Paul, je salue cordialement ceux qui sont réunis ici pour cette Eucharistie. Ces paroles nous sont également transmises par ce temple très ancien de Leczyca, qui fut le témoin de la vie de l'Eglise sur cette terre des Piast, de nombreux Synodes et de nombreux documents législatifs, qui démontraient la sagesse des Evêques, Pasteurs du Peuple de Dieu sur cette terre des Piast. Je suis reconnaissant à la Divine Providence pour la grâce de cette rencontre. Me trouvant près de cet autel, parmi vous, je désire me joindre à tous ceux qui sont venus ici, et également à tous ceux qui se rassemblent chaque jour dans les églises autour de leurs prêtres, témoignant de la foi, de l'espérance et de la charité. Dans l'Eucharistie, le Christ a révélé de la façon la plus parfaite l'amour infini de Dieu pour l'homme: «Nul n'a plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis» (Jn 15,13).

Dans le cadre de ce temple, je salue la jeune Eglise de Lowicz, ainsi que son pasteur, Mgr Alojzy, et l'Evêque auxiliaire, Mgr Józef. Je salue tous les invités: les cardinaux, les archevêques et les évêques, et dans le même temps, le clergé diocésain et religieux, les frères et les soeurs religieux, tous les fidèles de ce diocèse et, de façon particulière, les nombreux enfants et les jeunes ici réunis. Je salue les pèlerins venus pour cette rencontre des archidiocèses voisins de Varsovie et de Lódz, des diocèses de Plock et de Wloclawek, ainsi que leurs pasteurs et également les pèlerins venus des autres régions de la Pologne et de l'étranger.

Je te salue, terre de Lowicz, avec ta riche histoire. Ce fut en effet ici, dans la ville de Lowicz, que pendant des siècles eurent leur Siège les Archevêques de Gniezno - Primats de Pologne. Beaucoup d'entre eux trouvèrent le lieu du repos éternel dans la crypte de l'ancienne collégiale de Lowicz, aujourd'hui cathédrale.

Je te salue, terre de la bienheureuse Maria Franciszka Siedliska, fondatrice de la Congrégation de la Sainte Famille de Nazareth; terre de la bienheureuse Boleslawa Lament, fondatrice de la Congrégation des Soeurs de la Sainte Famille. Ici, grâce à l'oeuvre de dom Stanislaw Konarski, fut réalisée la réforme des écoles des Scolopes. L'histoire nous a appris quelle importance elle eut lors de la période de l'Illuminisme polonais et quels grands fruits issus de cette réforme purent recueillir les générations polonaises qui vécurent les divisions.

Je te salue, terre si abondamment riche de la tradition chrétienne et de la foi de ton peuple, qui malgré les tempêtes de l'histoire, as toujours persévéré, sans changements, aux côtés du Christ et de son Eglise.

2. «Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à mener une vie digne de l'appel que vous avez reçu».

697 C'est ce que saint Paul écrit dans la Lettre aux Ephésiens (4, 1). L'Evêque Michal Kozal, prisonnier dans le camp de concentration de Dachau, pourrait nous adresser les mêmes paroles, ainsi qu'à ses compatriotes. C'est aujourd'hui la fête liturgique de ce fidèle témoin du Christ. La grâce «accordée par Dieu n'a pas été stérile» (cf. 1Co 15,10) et elle a porté des fruits jusqu'à aujourd'hui. Le bienheureux Evêque Kozal nous exhorte à nous comporter de façon digne de notre vocation humaine et chrétienne, comme des fils et des filles de cette terre, de cette patrie, dont il fut le fils. Saint Paul indique la grandeur de cette vocation. Nous sommes des membres du Corps du Christ, c'est-à-dire de l'Eglise, qu'Il a instituée et dont il est le Chef. Dans cette Eglise, l'Esprit Saint distribue sans cesse les dons nécessaires pour les divers services et devoirs.

Ils constituent la grande richesse de l'Eglise et servent au bien de tous.

En rappelant ces paroles, je pense en particulier à vous, chers parents. Dieu vous a donné une vocation particulière. Pour conserver la vie humaine sur la terre, il a institué la société familiale. C'est vous qui êtes les premiers gardiens et protecteurs de la vie qui n'est pas encore venue au jour, mais qui est déjà conçue. Acceptez le don de la vie comme la plus grande grâce de Dieu, comme sa bénédiction pour la famille, pour la nation et pour l'Eglise. Ici, de ce lieu, je crie à tous les pères et à tou- tes les mères de ma patrie et du monde entier, à tous les hommes, sans aucune exception: chaque homme conçu dans le sein de sa mère a droit à la vie! Je répète encore une fois ce que j'ai déjà dit de nombreuses fois: «La vie humaine est sacrée. Personne en aucune circonstance ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent. Dieu se proclame le Seigneur absolu de la vie de l'homme, formé à son image et ressemblance (cf. Gn 1,26-28). Par conséquent, la vie humaine présente un caractère sacré et inviolable, dans lequel se reflète l'inviolabilité même du Créateur» (cf. Evangelium vitae EV 53). Dieu protège la vie par la ferme interdiction prononcée sur le Sinaï: «Tu ne tueras pas» (Ex 20,13). Restez fidèles à ce commandement. Le Cardinal Stefan Wyszynski, le Primat du Millénaire, disait: «Nous voulons être une nation de personne vivantes, et non de morts».

La famille est également appelée à l'éducation de ses enfants. Le premier endroit où commence le processus d'éducation d'un jeune est la maison paternelle. Chaque enfant a le droit naturel inaliénable d'avoir une famille, des parents, des frères et des soeurs, au milieu desquels il peut reconnaître qu'il est une personne qui a besoin d'amour et qui est capable de donner le même sentiment à d'autres, à ses proches. Que votre exemple soit toujours la Sainte Famille de Nazareth, dans laquelle le Christ grandissait avec sa Mère Marie et son Père putatif Joseph. Puisque les parents donnent la vie à leurs enfants, c'est à eux que revient le droit d'être reconnus comme leurs premiers et principaux éducateurs. Ils ont également le devoir de créer une atmosphère familiale, imprégnée par l'amour et par le respect pour Dieu et pour les hommes, favorisant l'éducation personnelle et sociale des enfants. Quelle grande tâche attend la mère! Grâce au lien particulièrement profond qui l'unit à son enfant, elle peut lui faire connaître avec succès le Christ et l'Eglise. Elle attend cependant toujours l'aide de son mari - père de famille.

Chers parents, vous savez bien qu'à notre époque, il n'est pas facile de créer les conditions chrétiennes nécessaires à l'éducation des enfants. Vous devez faire tout ce qui est en votre pouvoir afin que Dieu soit présent et honoré dans vos familles. N'oubliez pas la prière quotidienne commune, en particulier celle du soir; la sanctification du dimanche et la participation à la Messe dominicale. Vous êtes pour vos enfants les premiers maîtres de prière et de vertus chrétiennes et personne ne peut vous remplacer dans ce rôle. Observez les usages religieux et cultivez la tradition chrétienne, enseignez à vos enfants le respect pour chaque homme. Que votre plus grand désir soit d'éduquer la jeune génération en union avec le Christ et avec l'Eglise. Ce n'est qu'ainsi que vous serez fidèles à votre vocation de parents et que vous pourvoirez aux nécessités spirituelles de vos enfants.

3. La famille ne peut pas être laissée seule face à ce devoir et responsabilité de l'éducation. Elle a besoin d'aide et elle l'attend de la part de l'Eglise et de l'Etat. Il ne s'agit pas ici de remplacer la famille dans ses devoirs, mais d'unir chacun harmonieusement dans cette grande tâche.

Je m'adresse donc à vous, frères prêtres, et à tous ceux qui sont engagés dans la catéchèse: ouvrez grandes les portes de l'Eglise afin que tous, et en particulier les jeunes, puissent puiser abondamment à son immense trésor spirituel et en tirer profit. Aujourd'hui, dans notre pays, l'Eglise peut enseigner sans obstacles la religion dans les écoles. Le temps des luttes pour la liberté de la catéchèse est passé. Beaucoup d'entre nous savent combien de sacrifices et combien de courage cela a coûté à la société catholique polonaise. Un des torts faits aux croyants à l'époque du système totalitaire a été réparé.

Le grand bien qu'est l'enseignement de la religion dans les écoles demande un engagement sincère et responsable. Nous devrions faire le meilleur usage possible de ce bien. Grâce à la catéchèse, l'Eglise peut accomplir son activité évangélisatrice avec une efficacité encore plus grande et amplifier ainsi l'étendue de sa mission.

Je m'adresse également à vous, chers professeurs et éducateurs. Vous avez assumé le devoir important de la transmission de la science et de l'éducation des enfants et des jeunes qui vous sont confiés. Vous vous trouvez face à un appel difficile et sérieux. Les jeunes ont besoin de vous. Ils recherchent des modèles comme point de référence. Ils attendent des réponses à de nombreuses questions existentielles, qui assaillent leurs esprits et leurs coeurs, et surtout ils exigent de vous un exemple de vie. Il faut que vous soyez leurs amis, de fidèles compagnons et des alliés dans la lutte des jeunes. Aidez-les à construire les bases de leur avenir.

Je me réjouis du fait qu'en Pologne, de plus en plus d'écoles catholiques sont créées. C'est le signe que l'Eglise est présente de façon concrète dans le domaine de l'instruction. Ces écoles doivent être soutenues et il faut créer des conditions telles que celles-ci, en collaboration avec tout le monde scolaire de la Pologne, puissent contribuer au bien commun de la société. Un exemple d'une telle activité nous a été donné par dom Stanislaw Konarski.

Ceux qui sont engagés dans l'école doivent faire preuve d'une sensibilité particulière, afin de créer un climat de dialogue amical et ouvert. Que domine dans toutes les écoles un esprit familial et de respect réciproque, ce qui était et est la caractéristique de l'école polonaise. L'école devrait être le creuset des vertus sociales, dont notre nation a tant besoin. Il faut qu'un tel climat contribue à faire en sorte que les enfants et les jeunes puissent ouvertement déclarer leurs convictions religieuses et se comporter conformément à celles-ci. Cherchons à développer et à approfondir dans le coeur des enfants et des jeunes des sentiments patriotiques et un lien avec la patrie. Cherchons à les sensibiliser au bien commun de la nation et à leur enseigner leurs responsabilités pour l'avenir. L'éducation de la jeune génération dans l'esprit de l'amour de la patrie possède une grande importance pour l'avenir de la nation. Il n'est pas possible en effet de servir le bien de la nation sans connaître son histoire, sa riche tradition et sa culture. La Pologne a besoin d'hommes ouverts au monde qui aiment leur pays.

698 Chers professeurs et éducateurs, je désire vous exprimer ma satisfaction pour votre oeuvre dans l'éducation de la jeune génération. Je vous remercie cordialement pour votre travail particulièrement important et difficile. Je vous remercie pour votre service à la patrie. J'ai moi-même une dette de gratitude personnelle à l'égard de l'école polonaise, des professeurs et des éducateurs, dont je me rappelle aujourd'hui encore et pour lesquels je prie chaque jour. Ce que j'ai reçu lors des années d'école porte aujourd'hui encore des fruits dans ma vie.

Que le bien de la jeune génération soit le souci de votre vie et de votre travail d'éducation. Saint Paul dit: «Je vous exhorte [...] à mener une vie digne de l'appel que vous avez reçu [...] en vue de la construction du Corps du Christ» (
Ep 4,1 Ep 4,12). Peut-il exister une vocation plus grande que celle que Dieu vous a donnée?

4. «Cependant chacun de nous a reçu sa part de la faveur divine selon que le Christ a mesuré ses dons» (Ep 4,7) - nous enseigne saint Paul, qui nous rappelle dans le même temps que la grâce est le don au moyen duquel Dieu nous donne sa vie, en faisant de nous ses enfants et en nous faisant participer à sa nature. La question suivante apparaît donc: comment dois-je vivre, afin que se manifeste en moi de la façon la plus pleine possible la puissance de la grâce de Dieu, comment se révèle la puissance mystérieuse d'un grain de blé qui produit le centuple?

Chers garçons et filles, élèves des écoles primaires et secondaires du diocèse de Lowicz et des diocèses voisins, ainsi que d'autres parties de la Pologne. Il est bon que vous soyez ici présents aujourd'hui. Je suis très heureux de cette rencontre. Ce que vous venez d'entendre concerne vos personnes et votre éducation en particulier. Je désire vous assurer que le Pape vous aime beaucoup et que votre avenir lui tient à coeur, ainsi qu'à beaucoup de personnes, afin que vous vous prépariez bien aux tâches qui vous attendent.

Vous savez bien que nous nous approchons du grand Jubilé de l'An 2000. A ce propos, ils se peut que beaucoup d'entre vous se posent la question suivante: comment sera le nouveau troisième millénaire qui approche? Sera-t-il meilleur que celui qui se termine? Apportera-t-il des changements importants, positifs dans le monde ou bien tout restera-t-il comme avant? Je veux vous dire que l'avenir du monde, de la Pologne et de l'Eglise dépend dans une grande mesure de vous. C'est vous qui le formerez, sur vous pèse le grave devoir de construire les temps qui viendront. A présent, vous comprenez pourquoi auparavant, j'ai tant parlé de l'éducation des jeunes.

N'ayez pas peur de prendre la route de votre vocation, ne craignez pas de chercher la vérité sur vous-mêmes et sur le monde qui vous entoure. Je voudrais tant que règne dans vos maisons à tous une atmosphère d'amour authentique. Dieu vous a donné vos parents et vous devriez souvent le remercier de ce grand don. Respectez et aimez vos parents. Ils vous ont engendrés et vous éduquent. Ils jouent pour vous le rôle de Dieu créateur et Père. Ils sont également - ils devraient être - pour vous les amis les plus chers, dont vous devriez rechercher l'aide et les conseils face aux problèmes de votre vie. En cet instant, je pense avec douleur et avec une profonde inquiétude à tous les jeunes de votre âge qui n'ont pas de maison paternelle, qui sont privés de l'amour et de la chaleur de leurs parents. Dites-leur que le Pape se souvient d'eux dans ses prières et qu'il les aime beaucoup.

Votre âge est la saison la plus fructueuse de la vie pour semer et pour préparer le terrain pour les récoltes futures. Plus l'engagement avec lequel vous assumez vos devoirs sera profond, plus grande sera l'efficacité avec laquelle vous accomplirez votre mission à l'avenir. Engagez-vous avec un grand élan dans les études. Apprenez à connaître des matières nouvelles. En effet, le savoir ouvre les horizons et favorise le développement spirituel de l'homme. L'homme qui désire toujours à nouveau apprendre quelque chose est vraiment grand.

La jeunesse cherche des modèles et des exemples. Le Christ lui-même vous vient en aide, lui qui a consacré toute sa vie au bien des autres. Tournez votre regard vers Lui. Qu'il soit présent dans vos pensées au cours de vos jeux et dans vos conversations. Vous devriez toujours vivre en amitié vec Lui. Le Seigneur Jésus désire vous aider. Il veut être votre soutien et vous fortifier dans les luttes de jeunesse pour conquérir des vertus comme la foi, l'amour, l'honnêteté, la pureté et la générosité. Lorsque vous devrez affronter quelque chose de difficile, quand vous ferez l'expérience au cours de votre vie d'un échec ou d'une déception, que votre pensée se tourne vers le Christ, qui vous aime, qui est un compagnon de voyage fidèle et qui vous aide à surmonter chaque difficulté. Sachez que vous n'êtes jamais seuls. Quelqu'un qui ne vous décevra jamais vous accompagne. Le Christ comprend les désirs les plus secrets de votre coeur. Il attend votre amour et votre témoignage.

5. «Vous n'avez qu'un Maître, et tous vous êtes des frères» (Mt 23,8).

Chers frères et soeurs, tournons nos coeurs vers le Christ, «lumière véritable qui éclaire tout homme» (cf. Jn 1,9). Il est le Maître, le Ressuscité qui contient la vie en lui et qui demeure toujours présent dans l'Eglise et dans le monde. C'est Lui qui nous révèle la volonté du Père et qui nous enseigne comment réaliser la vocation reçue de Dieu par l'oeuvre de l'Esprit Saint. Confions au Christ la grande oeuvre de l'éducation. Lui seul connaît suprêmement l'homme et sait ce qui se cache au plus profond de son coeur. Aujourd'hui, le Christ nous dit: «Hors de moi vous ne pouvez rien faire» (Jn 15,5) - moi, votre Maître, je désire être pour vous la voie et la lumière, la vie et la vérité «pour toujours jusqu'à la fin du monde» (Mt 28,20). Amen.

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