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57 Cette union de la Mère avec son Fils dans l’oeuvre du salut se manifeste depuis le moment de la conception virginale du Christ jusqu’à sa mort ; et d’abord, quand Marie, partant en hâte pour visiter Élisabeth, est saluée par celle-ci comme bienheureuse pour sa foi dans le salut promis et que le Précurseur tressaille dans le sein de sa mère (cf. Lc 1,41-45) ; ensuite, lors de la nativité, quand la Mère de Dieu, pleine de joie, montre aux bergers et aux mages son Fils premier-né, qui n’a pas porté atteinte à sa virginité, mais l’a consacrée 10. Puis, quand elle le présenta au Seigneur dans le Temple, en offrant le don des pauvres, elle entendit Siméon prédisant à la fois que le Fils serait un signe de contradiction et qu’un glaive transpercerait l’âme de la Mère, pour que se révèlent les pensées intimes d’un grand nombre (cf. Lc 2,34-35). Et après avoir perdu l’enfant Jésus et après l’avoir cherché avec angoisse, ses parents le trouvèrent dans le Temple occupé aux affaires de son Père, et ils ne comprirent pas la parole du Fils. Mais sa mère conservait toutes ces choses dans son coeur et les méditait (cf. Lc 2,41-51).

10 Cf. Conc. du Latran 649, Can. 3 : Mansi 10, 1151. — Epist. ad Flav. : PL 54, 759. - Conc. Chalcédoine : Mansi 7, 462. - Ambroise, De instit. virg. : PL 16, 320.



58 Dans la vie publique de Jésus, sa Mère apparaît de façon significative dès le début, quand aux noces de Cana en Galilée, prise de pitié, elle obtint par son intercession que Jésus le Messie inaugurât ses miracles (cf. Jn 2,1-11). Au cours de la prédication de celui-ci, elle accueillit les paroles par lesquelles le Fils, situant le Royaume au-delà des considérations et des liens de la chair et du sang, proclamait heureux (cf. Mc 3,35 Lc 11,27-28) ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la gardent, comme elle-même le faisait fidèlement (cf. Lc 2,19 et 51). Ainsi la bienheureuse Vierge, elle aussi, avança dans son pèlerinage de foi et elle a gardé fidèlement son union avec son Fils jusqu’à la croix, au pied de laquelle, non sans un dessein divin, elle se tint debout (cf. Jn 19,25), compatissant vivement avec son Fils unique, s’associant d’un coeur maternel à son sacrifice et donnant le consentement de son amour à l’immolation de la victime née d’elle ; et finalement elle a été donnée par le même Christ Jésus, mourant sur la croix, comme mère au disciple, par ces paroles : « Femme, voici ton fils » (cf. Jn 19,26-27) 11.

11 Cf. Pie XII, Encycl. Mystici Corporis, 29 juin 1943 : AAS 35 (1943), p. 247-248.



59 Mais comme il a plu à Dieu de ne pas manifester solennellement le mystère du salut des hommes avant d’avoir répandu l’Esprit promis par le Christ, nous voyons les apôtres, avant la Pentecôte, « persévérant unanimement dans la prière, avec les femmes et Marie, la mère de Jésus, et ses frères » (Ac 1,14) et Marie implorant elle aussi par ses prières le don de l’Esprit, qui à l’Annonciation l’avait déjà couverte de son ombre. Enfin, la Vierge immaculée, préservée intacte de toute souillure de la faute originelle 12, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée, avec son corps et son âme, à la gloire du ciel13, et exaltée par le Seigneur, comme Reine de l’univers, pour être plus pleinement conformée à son Fils, le Seigneur des Seigneurs (cf. Ap 19,16), vainqueur du péché et de la mort14.

12 Cf. Pie IX, Bulle Ineffabilis, 8 déc. 1854 : Acta Pii IX, 1, I, p. 616 ; D. 1641 (2803).
13 Cf. Pie XII, Consi A|w>»t. Munificentissimus, 1er nov. 1950 : AAS 42 (1950) ; 2333 (3903). Cf. Jean de Damas, Enc. in dorm Dei genitricis, hom. 2 et 3 ; PG 96, 722-762, en particulier 728 B. - Germain de Constantinople, In S. Dei gen. dorm. serin. 1 : PG 98 (6), 340-348 ; serm. 3 : 362. — Modeste de Jérusalem, In dorm. SS. Deiparae : PG 86 (2)-,3277-3312.
14 Cf. Pie XII, Encycl. Ad coeli Reginam, 11 oct. 1954 ; AAS 46 (1954), p. 633-636 ; D. 3913 s. Cf. André de Crète, Hom. 3 in dorm. SS. Deiparae : PG 97. 1109. — Jean de Damas, De fide orth., IV, 14 : PG 94, 1153-1161.


III. La bienheureuse Vierge et l’Église

60 Unique est notre médiateur, selon les paroles de l’Apôtre : « Car il n’y a qu’un seul Dieu, qu’un seul médiateur aussi entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est donné en rançon pour tous » (1Tm 2,5-6). Or le rôle maternel de Marie à l’égard des hommes n’occulte et ne diminue en rien cette unique médiation du Christ, bien au contraire, il en montre la puissance. En effet, toute l’influence salutaire de la bienheureuse Vierge sur les hommes trouve son origine non dans quelque nécessité liée aux choses, mais dans la volonté bienveillante de Dieu : elle découle de la surabondance des mérites du Christ, s’appuie sur sa médiation, en dépend entièrement, en tire toute son efficacité ; elle n’empêche en aucune manière l’union immédiate des croyants avec le Christ, au contraire elle la favorise.


61 La bienheureuse Vierge, dont la prédestination à la maternité divine est allée de pair, de toute éternité, avec celle de l’Incarnation du Verbe de Dieu, fut sur terre, selon le dessein de la divine Providence, la sainte Mère du divin Rédempteur, et, singulièrement plus que les autres, la généreuse associée et l’humble servante du Seigneur. En concevant le Christ, en le mettant au monde, en le nourrissant, en le présentant au Père dans le Temple, en souffrant avec son Fils mourant sur la croix, elle a d’une façon tout à fait singulière coopéré à l’oeuvre du Sauveur par son obéissance, sa foi, son espérance et son ardente charité, en vue de la restauration de la vie surnaturelle des âmes. C’est pourquoi elle a été mère pour nous dans l’ordre de la grâce.


62 Cette maternité de Marie dans l’économie de la grâce se continue sans interruption, depuis le consentement qu’elle a donné dans la foi lors de l’Annonciation et qu’elle a maintenu sans hésiter au pied de la croix, jusqu’à la consommation éternelle de tous les élus. En effet, élevée au ciel, elle n’a pas renoncé à ce rôle pour notre salut, mais par sa multiple intercession, elle continue à nous obtenir les dons du salut éternel15. Dans sa charité maternelle, elle veille avec soin sur les frères de son Fils qui sont encore en chemin et qui sont en proie aux dangers et aux angoisses, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse. C’est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Église sous les titres d’Avocate, de Secours, d’Auxiliatrice, de Médiatrice 16. Cependant, cela s’entend de façon à ne rien enlever, rien ajouter à la dignité et à l’efficacité du Christ, unique Médiateur 17. En effet, aucune créature ne peut jamais être mise sur le même plan que le Verbe incarné et rédempteur ; mais de même que participent de diverses façons au sacerdoce du Christ tant les ministres que le peuple fidèle, et de même que l’unique bonté de Dieu se répand réellement sur les créatures sous des formes diverses, de même l’unique médiation du Rédempteur n’exclut pas, mais au contraire suscite chez les créatures une coopération variée qui est participation à l’unique source.

L’Eglise n’hésite pas à professer un tel rôle subordonné de Marie, elle en fait sans cesse l’expérience et le recommande au coeur des fidèles, pour que, s’appuyant sur cette protection maternelle, ils adhèrent plus intimement au Médiateur et Sauveur.

15 Cf. Kleutgen, texte modifié De mysterio Verbi incarnati, chap. IV : Mansi 53, 290. Cf. André de Crète, In nat. Mariae, sermon 4 : PG 97, 865 A. - Germain de Constantinople, In ann. Deiparae : PG 98, 321 BC. In dorm. Deiparae, III : 361 D. - Jean de Damas, In dorm. B. V. Mariae hom. 1,8: PG 96, 712 BC-713 A.
16 Cf. Léon XIII, Encycl. Adiutricem populi, 5 sept. 1895 : ASS 15 (1895-1896), p. 303. — Pie X, Encycl. Ad diem ilium, 2 févr. 1904 : Acta, I, p. 154 ; D. 1978 a (3370). - Pie XI, Encycl. Miserentissimus, 8 mai 1928 : AAS 20 (1928), p. 178. - Pie XII, message radiodiffusé, 13 mai 1946 : AAS 38 (1946), p. 266.
17 Ambroise, Epist. 63 : PL 16, 1218.




63 La bienheureuse Vierge, par le don et la charge de la maternité divine qui l’unissent à son Fils, le Rédempteur, et par les grâces et les fonctions singulières qui sont les siennes, est aussi intimement unie à l’Église : la Mère de Dieu est, comme l’enseignait déjà saint Ambroise, le type ide l’Église dans l’ordre de la foi, de la charité et de la parfaite union au Christ 18. En effet, dans le mystère de l’Église qui, elle aussi, est à juste titre appelée mère et vierge, la bienheureuse Vierge Marie ouvre la marche, offrant d’une façon éminente et singulière le modèle de la Vierge et de la Mère 19. Par sa foi et son obéissance, elle a engendré sur la terre le propre Fils du Père, et cela sans connaître d’homme, mais couverte de l’ombre du Saint-Esprit, en tant que nouvelle Ève qui donna sa foi non à l’antique serpent, mais au messager de Dieu, foi qui ne fut altérée par aucun doute. Elle a mis au monde son Fils dont Dieu a fait le premier-né d’une multitude de frères (Rm 8,29), c’est-à-dire des fidèles, à la naissance et à l’éducation desquels elle coopère avec un amour maternel.

18 Ambroise, Expos Le. II, 7 : PL 15, 1555 ; SC 45.
19 Cf. Ps.-Pierre Damien, Serm. 63 : PL 144, 861 AB. - Godefroi de S. Victor, In nat. B. M., Ms. Paris, Mazarine, 1002, P 109 r. - Gerhoh de Reich., De gloria et honore Filii hominis, 10 : PL 194, 1105 AB.



64 Or, en contemplant la mystérieuse sainteté de Marie et imitant sa charité, en accomplissant fidèlement la volonté du Père, l’Église devient mère elle aussi, en recevant dans la foi la Parole de Dieu : par la prédication en effet et par le baptême elle engendre à une vie nouvelle et immortelle des fils conçus du Saint-Esprit et nés de Dieu. Et elle aussi est vierge, car elle garde dans son intégrité et sa pureté la foi qu’elle a donnée à son Époux et, imitant la Mère de son Seigneur, elle conserve virginalement, dans la puissance de l’Esprit Saint, une foi entière, une espérance ferme, une charité sincère 20.

20 Ambroise, l. c. et Expos. Le. X, 24-25 : PL 15, 1555 et 1810 ; SC 45. Augustin, In Io. Tr. 13, 12 : PL 35, 1499 ; BA 71. Cf. Serm. 191, 2, 3 : PL 38, 1010 ; etc. Voir aussi Bède, In Lc. Expos., I, chap. 2 : PL 92, 330. - Isaac de l’Étoile, Serm. 51 : PL 194, 1863 A.


65 Alors que l’Église, dans la bienheureuse Vierge Marie, atteint déjà à la perfection, qui la fait être sans tache ni ride (cf. Ep 5,27), les fidèles du Christ s’efforcent encore de vaincre le péché et de croître en sainteté ; c’est pourquoi ils lèvent les yeux vers Marie qui, en tant que modèle des vertus, est rayonnante de splendeur en tête de toute la communauté des élus. L’Église, en pensant pieusement à elle, et en la contemplant dans la lumière du Verbe fait homme, pénètre, avec vénération, plus profondément dans le mystère suprême de l’Incarnation et se conforme de plus en plus à son Époux. Marie, en effet, intimement engagée dans l’histoire du salut, unit et reflète en elle-même d’une certaine façon les plus importantes données de la foi, et quand elle est l’objet de la prédication et de la vénération, elle appelle les croyants à se tourner vers son Fils et son sacrifice, et vers l’amour du Père. L’Église, en cherchant la gloire du Christ, devient plus semblable à son type si éminent en progressant continuellement dans la foi, l’espérance et la charité, en recherchant en tout la volonté divine et en y obéissant. C’est pourquoi, dans son oeuvre apostolique aussi, l'Église regarde à bon droit vers celle qui a engendré le Christ, conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge justement afin de naître et de croître aussi par l’Église dans le coeur des fidèles. La Vierge a été dans sa vie le modèle de cet amour maternel, dont doivent être animés tous ceux qui coopèrent à la mission apostolique de l’Église en vue de régénérer les hommes.


IV. Le culte de la bienheureuse Vierge dans l’Église

66 Marie exaltée, par la grâce de Dieu, au-dessous son Fils, au-dessus de tous les anges et de tous les hommes, en sa qualité de très sainte Mère de Dieu qui a pris part aux mystères du Christ, est à bon droit honorée d’un culte spécial dans l’Église. Et de fait, depuis les temps les plus anciens, la bienheureuse Vierge est honorée sous le titre de « Mère de Dieu », sous la protection de laquelle les fidèles se réfugient en la priant dans tous leurs périls et besoins 21. Aussi, surtout depuis le concile d’Éphèse, le culte du peuple de Dieu envers Marie a connu un merveilleux accroissement en vénération et en amour, en invocation et en imitation, selon ses propres paroles prophétiques : « Toutes les générations me diront bienheureuse, car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses » (Lc 1,48). Bien que ce culte, tel qu’il a toujours existé dans l’Église, soit tout à fait unique, il diffère cependant dans son essence du culte d’adoration qui est rendu au Verbe incarné au même titre qu’au Père et au Saint-Esprit, et il le favorise au plus haut point. En effet, les différentes formes de piété envers la Mère de Dieu, que l’Église, dans les limites d’une doctrine saine et orthodoxe, a approuvées en tenant compte des conditions de temps et de lieux et du caractère et de la mentalité des fidèles, font que, à travers l’honneur rendu à sa Mère, le Fils, pour qui sont toutes choses (cf. Col 1,15-16) et en qui le Père éternel « s’est plu à faire habiter toute la plénitude » (Col 1,19), soit connu, aimé, glorifié comme il se doit et que ses commandements soient observés.

21 Prière : Suh tuum praesidium ».


67 Cette doctrine catholique, le saint Concile l’enseigne de propos délibéré, et il engage en même temps tous les fils de l’Église à favoriser généreusement le culte, surtout liturgique, envers la bienheureuse Vierge, à tenir en haute estime les pratiques et exercices de piété en son honneur qui ont été recommandés par le Magistère au cours des siècles, et à observer religieusement ce qui dans le passé a été décrété sur le culte des images du Christ, de la bienheureuse Vierge et des saints 22. Quant aux théologiens et à ceux qui proclament la Parole de Dieu, il les exhorte instamment à s’abstenir soigneusement aussi bien de toute fausse exagération que de toute étroitesse d’esprit excessive, quand ils considèrent la dignité singulière de la Mère de Dieu 23. Que, s’adonnant sous la conduite du Magistère à l’étude de la sainte Écriture, des saints Pères et des docteurs et des liturgies de l’Église, ils mettent dans une juste lumière le rôle et les privilèges de la bienheureuse Vierge, qui sont toujours orientés vers le Christ, origine de toute vérité, sainteté et piété. Qu’ils écartent soigneusement tout ce qui, soit dans les paroles soit dans les faits, pourrait induire en erreur les frères séparés ou toute autre personne à propos de la véritable doctrine de l’Église. Que les fidèles se souviennent, de leur côté, que la vraie dévotion ne consiste ni dans des sentiments stériles et passagers ni dans une vaine crédulité, mais qu’elle procède de la vraie foi, qui nous amène à reconnaître la dignité éminente de la Mère de Dieu et qui nous incite à aimer notre Mère d’un amour filial et à imiter ses vertus.

22 Conc. Niccc II, 787 : Mansi 13, 378-379 ; D. 302 (600-601). - Concile de Trente, Sess. 25 : Mansi 33, 171-172.
23 Cf. Pie XII, message radiodiffusé, 24 oct. 1954 : AAS 46 (1954), p. 679. Encycl. Ad coeli Reginam, 11 oct. 1954 : AAS 46 (1954), p. 637.


V. Marie, signe d’espérance assurée et de consolation pour le peuple de Dieu en chemin

68 Cependant, de même qu’au ciel la Mère de Jésus, déjà glorifiée corps et âme, représente l’image et les prémices de l’Église qui doit connaître son achèvement dans le siècle à venir, de même sur cette terre, jusqu’à ce que vienne le jour du Seigneur (cf. 2P 3,10), elle brille comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le Peuple de Dieu en marche.


69 C’est une source de grande joie et consolation pour le saint Concile de voir que parmi les frères séparés aussi il n’en manque pas qui rendent à la Mère du Seigneur et Sauveur l’honneur qui lui est dû, en particulier chez les Orientaux, qui dans un élan fervent et d’une âme pleine de piété se montrent unis pour vénérer la Mère de Dieu toujours Vierge24. Que tous les chrétiens adressent à la Mère de Dieu et à la Mère des hommes d’instantes supplications, afin que celle qui, par sa prière, a assisté les débuts de l’Église, maintenant qu’elle est exaltée au ciel, au-dessus de tous les anges et de tous les bienheureux, intercède encore auprès de son Fils, dans la communion de tous les saints, jusqu’à ce que toutes les familles de peuples, qu’elles soient parées du nom de chrétien ou qu’elles ignorent encore leur Sauveur, aient le bonheur de se rassembler dans la paix et la concorde dans l’unique Peuple de Dieu, pour la gloire de la très sainte et indivisible Trinité.

24 Cf. Pie XI, Encycl. Ecclesiam Dei, 12 nov. 1923 : AAS 15 (1923), p. 581. — Pie XII, Encycl. Fulgens corona, 8 sept. 1953 : AAS 45 (1953), p. 590-591.


Extrait des Actes du concile oecuménique Vatican II


Notifications

faites par son Excellence le Secrétaire général du saint Concile à la 123e congrégation générale, le 16 novembre 1964

Il a été demandé quelle doit être la qualification théologique de la doctrine exposée dans le schéma De Ecclesia et soumise au vote.

La Commission doctrinale a répondu à cette question, lors de l’examen des Modi concernant le chapitre III du schéma De Ecclesia dans les termes suivants.

« Comme il est évident de soi, un texte de concile doit toujours être interprété selon les règles générales connues de tous. »

À cette occasion, la Commission doctrinale renvoie à sa Déclaration du 6 mars 1964, dont nous transcrivons ici le texte :

« Compte tenu de l’usage des conciles et de la fin pastorale du présent concile, ce saint Concile définit comme devant être tenus par l’Église en matière de foi et de moeurs les seuls points qu’il aura clairement déclarés comme tels.

Quant aux autres points proposés par le concile, en tant qu’ils sont l’enseignement du Magistère suprême de l’Église, tous et chacun des fidèles doivent les recevoir et y adhérer selon l’esprit même du Concile, qui ressort soit de la matière traitée soit de la manière de s’exprimer, selon les normes de l’interprétation théologique. »

De par l’autorité supérieure est communiquée aux Pères une note explicative préliminaire au sujet des Modi relatifs au chapitre III du schéma De Ecclesia. La doctrine exposée dans ce chapitre III doit être expliquée et comprise selon l’esprit et le sens de cette note.


Note explicative préliminaire


« La Commission a décidé de faire précéder l’examen des Modi par les observations générales suivantes.

101 1. Collège n’est pas entendu au sens strictement juridique, c’est-à-dire au sens d’un groupe d’égaux qui délégueraient leur pouvoir à leur président, mais d’un groupe stable, dont la structure et l’autorité doivent être déduites de la Révélation. C’est pourquoi, dans la réponse au Modus 12 il est explicitement dit des Douze que le Seigneur les a établis “à la manière d’un collège ou groupe stable”. Cf. aussi le Modus 53 c. - Pour la même raison, on emploie aussi çà et là, au sujet du Collège des évêques, les termes d'Ordre ou de Corps. Le parallèle entre Pierre et les autres apôtres, d’une part, et le Souverain Pontife et les évêques, d’autre part, n’implique pas la transmission du pouvoir extraordinaire des apôtres à leurs successeurs ni, comme il est évident, l'égalité entre la Tête et les membres du Collège, mais seulement une proportionnalité entre le premier rapport (Pierre-apôtres) et le second (pape-évêques). C’est pourquoi la Commission a décidé d’écrire au n. 22 : non pas de la même manière, mais d’une manière semblable. Cf. Modus 57.

102 2. L’on devient membre du collège en vertu de la consécration épiscopale et la communion hiérarchique avec la Tête du Collège et ses membres. Cf. n. 22, § 1, fin. Dans la consécration est donnée la participation ontologique aux charges sacrées, comme cela ressort de façon indubitable de la Tradition, même de la tradition liturgique. De propos délibéré, on emploie le terme de charges et non celui de pouvoirs, parce que ce dernier mot pourrait être compris comme pouvoir apte à s’exercer en acte. Mais pour qu’existe un tel pouvoir apte à s’exercer en acte, il faut que s’y ajoute la détermination canonique ou juridique de la part de l’autorité hiérarchique. Cette détermination du pouvoir peut consister dans la concession d’une fonction particulière ou dans l’assignation de sujets, et elle est donnée selon les normes approuvées par l’autorité suprême. Une telle norme ultérieure est requise par la nature de la chose, parce qu’il s’agit de charges qui doivent être exercées par plusieurs sujets, qui suivant la volonté du Christ, coopèrent hiérarchiquement. Il est évident que cette « communion » a été appliquée dans la vie de l’Église selon les circonstances des temps avant d’avoir été pour ainsi dire codifiée dans le droit.

C’est pourquoi on dit expressément qu’est requise la communion hiérarchique avec la Tête de l’Église et avec ses membres. La communion est une notion tenue en grand honneur dans l’Église ancienne (comme aujourd’hui encore, surtout en Orient). Elle ne s’entend pas de quelque vague sentiment, mais d’une réalité organique, qui requiert une forme juridique et est animée en même temps par la charité. C’est pourquoi la Commission, d’un consentement presque unanime, a décidé qu’il fallait écrire : “en communion hiérarchique”. Cf. Modus 40, et aussi ce qui est dit de la mission canonique au n. 24.

Les documents des Souverains Pontifes récents au sujet de la juridiction des évêques doivent être interprétés d’après cette nécessaire détermination des pouvoirs.

103 3. Il est dit du Collège, qui n’existe pas sans sa Tête, qu’il « est aussi sujet du pouvoir suprême et plénier sur l’Église tout entière ». Cela doit nécessairement être admis, pour que la plénitude du pouvoir du Pontife romain ne soit pas mise en question. Car le Collège est à entendre nécessairement et toujours avec sa Tête, qui dans le Collège garde intégralement sa charge de Vicaire du Christ et de Pasteur de l’Église universelle. En d’autres termes, la distinction n’est pas entre le Pontife romain et les évêques pris globalement, mais entre le Pontife romain à lui seul et le Pontife romain avec les évêques. Mais puisque le Souverain Pontife est la Tête du Collège, lui seul peut poser certains actes qui ne reviennent nullement aux évêques, par exemple convoquer le Collège et le diriger, en approuver les normes d’action, etc. Cf. Modus 81. Il revient au jugement du Souverain Pontife, à qui a été confié le soin de tout le troupeau du Christ, de déterminer, selon les besoins de l’Église qui varient au cours des temps, de quelle manière il lui convient de faire passer ce soin à l’acte, soit de manière personnelle, soit de manière collégiale. Pour ordonner, promouvoir, approuver l’exercice collégial, le Souverain Pontife procède suivant sa propre discrétion, eu égard au bien de l’Église.

104 4. En tant que Pasteur suprême de l’Église, le Souverain Pontife peut en tout temps exercer à son gré son pouvoir, selon ce que requiert sa charge elle-même. Mais le Collège, tout en existant toujours, n’agit pas pour autant en permanence par une action strictement collégiale, ainsi qu’il ressort de la tradition de l’Église. En d’autres termes, il n’est pas toujours « en acte plein », bien plus, ce n’est que par intervalles, et non sans le consentement de la Tête qu’il agit par un acte strictement collégial. Il est dit “non sans le consentement de la Tête", pour qu’on ne pense pas à une dépendance comme par rapport à quelqu’un d'étranger ; le terme de « consentement » au contraire évoque la communion entre la Tête et les membres et implique la nécessité d’un acte qui revient en propre à la Tête. La chose est affirmée explicitement au n. 22, § 2, et expliquée au même endroit, vers la fin. La formule négative « non sans » comprend tous les cas : d’où il ressort avec évidence que les normes approuvées par l’autorité suprême doivent toujours être observées. Cf. Modus 84.

En tout cela, il apparaît qu’il s’agit de Y union étroite entre les évêques et leur Tête, mais jamais d’une action des évêques indépendamment du Pape. En ce cas, l’action de la Tête faisant défaut, les évêques ne peuvent agir en tant que Collège, ainsi qu’il ressort de la notion de « Collège ». Cette communion hiérarchique de tous les évêques avec le Souverain Pontife est certainement habituelle dans la Tradition.

N.B. Sans cette communion hiérarchique la charge sacramentelle-ontologique, qui est à distinguer de l’aspect canonique-juridique, ne peut être exercée. Mais la Commission a estimé qu’il ne fallait pas entrer dans les questions de licéité et de validité, qui sont laissées à la discussion des théologiens, spécialement pour ce qui est du pouvoir qui est exercé de fait chez les Orientaux séparés, et pour l’explication duquel il existe diverses opinions. »

+ Pericle Felici

archevêque titulaire de Samosate, secrétaire général du concile.





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