Révélations de Sainte Brigitte de Suède 1049

Chapitre 49

1049   Paroles que Jésus-Christ adressait à son épouse. Comment en figure Jésus-Christ ressemble à Moïse tirant le peuple d’Égypte. Comment les méchants prêtres, lesquels, au lieu de ses prophètes, il a choisis pour ses plus grands amis, crient maintenant : Retirez-vous de nous.

  Le Fils de Dieu parlait à son épouse : Dès le commencement, je me suis comparé en figure à Moïse. Lorsqu’il tirait le peuple de l’insupportable captivité, l’eau, à droite et à gauche, se tenait ferme et arrêtée comme un mur. Certainement, je suis ce Moïse en figure : j’ai tiré le peuple chrétien de la servitude, c’est-à-dire, je lui ai ouvert le ciel et montré le chemin. Mais maintenant, j’ai élu pour moi d’autres amis plus signalés et plus secrets que les prophètes, savoir : les prêtres, qui n’entendent pas seulement ma parole, et voient quand ils me voient moi-même ; mais aussi ils me touchent avec leurs mains sacrées, ce qu’aucun des prophètes ni des anges ne pourrait faire. Ces prêtres-là, que j’ai choisis de toute éternité pour amis au lieu de mes prophètes, crient après moi, non avec désir et charité comme les prophètes, mais ils crient avec deux voix contraires, car ils ne crient pas comme prophètes : Voyez, ô Seigneur, parce que vous êtes doux ; mais ils crient : Retirez-vous de nous, parce que vos paroles sont amères, et vos oeuvres sont lourdes et pesantes et nous font du scandale.

  Voyez ce que ces méchants prêtres disent. Je demeure devant eux comme une brebis très douce, dont ils prennent la laine pour se vêtir et le lait pour se nourrir ; et maintenant, en récompense d’un tel amour, ils m’ont en horreur et en abomination. Je demeure devant eux comme un hôte qui dit : Mon ami, donne-moi les choses nécessaires à la vie, parce que j’en ai besoin, et tu recevras de Dieu une très bonne récompense. Mais ceux-là me chassent comme un loup, épiant les brebis du père de famille, à raison de ma simplicité. A cause de mon hospitalité, ils me troublent, et ils refusent de me recevoir, et ils me traitent comme un traître indigne de loger chez eux. Mais que doit faire l’hôte, lorsqu’il est repoussé ? Ne doit-il pas prendre les armes contre le domestique qui l’a repoussé ? Nullement, car cela n’est pas justice, d’autant que celui qui jouit de son bien peut le donner et le refuser à qui bon lui semble.

  Que doit donc faire l’hôte ? Certainement, il est tenu et obligé de dire à celui qui le refuse : Mon ami, puisque vous ne voulez pas me recevoir, je m’en irai à un autre qui me fera miséricorde, qui me dira, venant à moi : Vous, soyez le bienvenu, mon Seigneur ! Tout ce que j’ai est à votre service.

Soyez maintenant maître, car pour moi, je veux être serviteur et hôte en une hôtellerie où j’entends une telle voix. Il me plaît d’y demeurer et d’y loger, car je suis comme l’hôte rebuté et repoussé des hommes. Mais bien que je puisse entrer partout par ma puissance, toutefois je n’y entre point, ma justice en étant éloignée : j’entre en ceux qui, avec une bonne volonté, me reçoivent, non pas comme hôte, mais comme vrai Seigneur, et qui mettent leur volonté entre mes mains.

Chapitre 50

1050   Paroles de louange et de bénédiction que la Mère et le Fils se disaient. De la grâce concédée par le Fils à sa Mère, pour ceux qui sont détenus en purgatoire et pour ceux qui demeurent en ce monde.

  La Mère de Dieu parlait à son Fils, disant : Mon cher Fils, que votre nom soit éternellement béni avec votre Divinité infinie ! Il y a en votre Divinité trois choses merveilleuses, savoir : votre puissance, votre sagesse et votre vertu.

  Votre puissance infinie est comme un feu très ardent, devant lequel tout ce qui est fort et ferme est coupé et rompu, comme la paille desséchée par le feu. Votre sagesse inscrutable est comme la mer, qui ne peut être épuisée à cause de sa grandeur, et qui couvre les vallées et les montagnes, lorsque ses flots impétueux croissent et décroissent : de même personne ne peut arriver ni atteindre à la connaissance de votre sagesse, ni ne peut trouver les voies pour la sonder et y parvenir. Oh ! Que sagement vous avez créé l’homme et l’avez constitué et établi sur toutes vos créatures ! Oh ! Que vous avez sagement disposé et mis en ordre les oiseaux en l’air, les bêtes sur la terre, les poissons dans la mer, et leur avez donné à tous et leur temps et leur ordre ! Oh ! Que merveilleusement vous donnez et ôtez la vie à tous ! Oh ! Que sagement vous donnez la sagesse aux insensés, et l’enlevez aux superbes ! Votre insigne et prodigieuse vertu est comme la lumière du soleil qui luit aux cieux et remplit la terre de son éclat : il en est de même de votre vertu, qui rassasie les choses d’en haut et d’en bas et les remplit toutes. Pour cela, soyez béni, ô mon cher Fils ! Vous qui êtes mon aimable Dieu et mon Seigneur de majesté !

  Son Fils lui répondit : Ma Mère bien-aimée, vis paroles me sont douces et agréables, parce qu’elles proviennent de votre âme, qui est toute belle et toute pure. Vous êtes comme la belle et blonde aurore, qui, vous levant avec clarté et sérénité, avez jeté vos rayons lumineux sur tous les cieux, et votre lumière et fermeté surpassent tous les anges. Par votre ineffable clarté, vous avez doucement attiré à vous le vrai Soleil, c’est-à-dire, ma Divinité, en tant que soleil de ma Divinité venant en vous, il s’est lié et uni à vous ; et vous avez été plus que tous échauffée de sa chaleur par mon amour, et par ma sagesse divine, vous avez été, plus que tous, illuminée de sa splendeur. Par vous se sont dissipées les épaisses ténèbres de la terre, et tous les cieux ont été illuminés. Je vous dis en vérité que votre pureté incomparable, qui m’a plus davantage que la pureté des anges, a attiré en vous mon adorable Divinité, afin que vous soyez enflammée du feu de cet Esprit divin, par lequel vous avez enfermé en votre sein le vrai Dieu et le vrai homme, et par lequel l’homme a été illuminé et les anges se sont réjouis.

  Partant, ô ma Mère ! Soyez bénie de votre Fils béni. Pour cet effet, vous ne me demanderez rien qui ne vous soit accordé ; et à cause de vous, tous ceux qui demanderont ma miséricorde avec volonté de se corriger, recevront ma grâce, parce que, de même que la chaleur procède du soleil, ainsi, par vous, toute miséricorde sera donnée : car vous êtes comme une fontaine qui s’épand de toutes parts au long et au large, et de laquelle ma miséricorde découle sur les méchants.

  De nouveau la Mère répondit à son Fils : Mon Fils, que toute gloire et toute vertu soient avec vous.

Vous êtes mon Dieu et ma miséricorde. Tout ce que j’ai de bien est de vous. Vous êtes comme la semence qui n’a point été semée, et qui, toutefois, a crû et donné son fruit au centuple et mille pour un.

Toute miséricorde prend sa source de vous, laquelle, parce qu’elle est indicible et innumérable, peut bien à propos être signifiée par le nombre cent, par lequel est marquée la perfection, parce que toute perfection et tout profit dépendent de vous.

  Le Fils dit à sa Mère : Ma Mère, vraiment, vous m’avez fort bien comparé à la semence qui n’a point été semée, et qui toutefois a crû, d’autant que je suis venu en vous avez ma Divinité et mon humanité, et elle n’a point été semée avec mélange, laquelle a toutefois crû en vous, et de laquelle ma miséricorde a coulé abondamment en tous et pour tous ; partant, vous avez bien dit.

Maintenant donc, demandez tout ce que vous voudrez, et il vous sera donné, car vous tirez puissamment ma miséricorde infinie, par les douces paroles de votre bouche.

  Sa Mère lui répondit, disant : Mon Fils, d’autant que j’ai acquis et obtenu de vous miséricorde, j’ose vous demander miséricorde et secours pour les pauvres misérables. Certes, il y a quatre lieux : le premier est le ciel, où sont les anges et les âmes des saints, qui n’ont besoin de personne, sinon de vous, qu’ils possèdent d’une manière ineffable, car en vous, ils jouissent à souhait de tout bien. Le deuxième lieu, c’est l’enfer effroyable, dont les habitants sont remplis de malice et de désespoir, et sont exclus de toute miséricorde : c’est pourquoi éternellement rien de bien ne peut entrer en eux.

Le troisième lieu est le purgatoire ; ceux qui y sont détenus ont besoin d’une triple miséricorde, parce qu’ils sont affligés triplement : 1° ils sont troublés en l’ouïe, parce qu’ils n’entendent que cris, douleurs, peines et misères ; 2° ils sont affligés par la vue, attendu qu’ils ne voient rien que leur misère ; 3° ils sont affligés par l’attouchement, d’autant qu’ils sentent la chaleur intolérable du feu et la gravité des peines. Mon Fils et mon Seigneur, donnez-leur miséricorde à raison de mes prières.

  Son Fils lui répondit : Je leur donnerai librement, par considération pour vous, une triple miséricorde: 1° leur ouïe sera allégée, leur vue sera adoucie, leur peine sera plus douce et plus agréable. De plus, tous ceux qui maintenant sont en la plus grande peine du purgatoire, viendront au milieu, et ceux qui sont au milieu viendront en une peine légère ; mais ceux qui sont en une peine légère, s’en iront dans le repos éternel.

  Sa Mère lui répondit : Mon Seigneur, louange et honneur vous soient donnés ! Et incontinent après, elle ajouta et dit à son cher Fils : Le quatrième lieu, c’est le monde, dont les habitants ont besoin de trois choses : 1° de contrition pour leurs péchés ; 2° de satisfaction ; 3° de force pour le bien.

  Son Fils lui répondit : Quiconque invoquera votre nom et aura espérance en vos prières, avec la résolution de corriger et d’amender ce qu’il aura fait, ces trois choses lui seront données, et après, le royaume céleste, car je sens tant de douceur en vos paroles que je ne puis refuser ce que vous me demandez ; car aussi vous ne voulez que ce que je veux. Enfin, vous êtes comme la flamme luisante et ardente par laquelle les lumières éteintes sont allumées, et leur ardeur augmente davantage : de même, à raison de votre charité, qui a monté dans mon coeur et m’a attiré à vous, ceux qui sont morts et tièdes dans les péchés comme de la fumée noire et fâcheuse, revivront en la vie vivante de mon amour infini.

Chapitre 51

1051   Paroles de bénédiction de la Mère de Dieu à son Fils, en présence de l’épouse. En quelle manière le Fils glorieux figure très bien sa très douce Mère par une fleur éclose.

  La Mère de Dieu parlait à son Fils, disant : Que votre nom soit éternellement béni, ô Jésus-Christ, mon très cher Fils ! Honneur soit rendu à votre humanité par-dessus toutes les choses qui ont été créées. Gloire soit à votre Divinité éternelle, par-dessus tous les biens, Divinité qui est un Dieu avec votre humanité.

  Son Fils lui répondit : Ma très chère Mère, vous êtes semblable à cette fleur qui est éclose et qui a crû en une vallée proche de laquelle il y avait cinq hautes montagnes. Cette fleur est sortie de trois racines, avec une tige droite, laquelle n’avait aucuns noeuds ; elle avait cinq feuilles pleines de toute sorte de suavité et de douceur. Or, cette humble vallée s’est élevée avec sa fleur par-dessus ces cinq montagnes, et ses feuilles se sont élargies et épandues sur toute l’étendue du ciel et par-dessus tous les choeurs des anges. C’est vous, ma Mère bien-aimée, qui êtes cette vallée, à raison de votre humilité, que vous avez eue par-dessus les autres. Celle-ci a dépassé les cinq montagnes.

  La première montagne, c’était Moïse, à raison de sa puissance, car par ma loi, il a eu puissance sur mon peuple comme si ce peuple eût été enfermé dans son poing : mais vous avez enfermé dans votre sein le Seigneur et le législateur divin de toutes les lois : partant, vous êtes plus élevée que cette montagne.

  La deuxième montagne était Élie, qui a été tellement saint qu’il fut ravi et élevé en corps et en âme en un lieu sait : mais votre âme, ma très chère Mère, est montée, et avec elle, votre corps très pur, par-dessus tous les choeurs des anges : partant, vous êtes plus haute et plus éminente qu’Élie.

  La troisième montagne, c’était la force incomparable de Sanson, laquelle il a eue par-dessus tous les hommes, et toutefois, le diable l’a vaincu et surmonté par sa tromperie et sa subtilité : mais vous avez surmonté le diable par votre force admirable : partant, vous êtes plus forte que Samson.

  La quatrième montagne, c’était David, qui a été selon mon coeur et selon ma volonté, lequel toutefois est tombé en péché abominable et cruel : mais vous, ma Mère, vous avez suivi en tout et partout les arrêts et les décrets de ma volonté, et n’avez jamais péché.

  La cinquième et la dernière montagne, c’était Salomon, qui a été rempli de sagesse, et qui toutefois devint insensé : mais vous, ma Mère, vous avez été remplie de toute sagesse, et n’avez jamais été insensée, déçue ni trompée : partant, vous êtes bien plus éminente que Salomon.

Or, cette fleur est sortie de trois racines, d’autant que, dès votre jeunesse, vous avez eu trois choses : l’obéissance, la charité et l’intelligence divine. Certes, de ces trois racines s’est élevée cette tige droite et sans aucun noeud, c’est-à-dire, votre volonté, qui ne fléchissait jamais qu’à la mienne. Cette fleur aussi a eu cinq feuilles, qui se sont étendues par-dessus tous les choeurs des anges.

  Vraiment, ma Mère, vous êtes cette fleur à cinq feuilles.

  La première feuille, c’est votre honnêteté, en sorte que mes anges, la considérant, ont vu qu’elle surpassait la leur, qu’elle était beaucoup plus éminente en sainteté et en honnêteté que la leur ; partant, vous êtes plus excellente que les anges.

  La deuxième feuille, c’est votre miséricorde, qui a été si grande que, lorsque vous voyez la misère de toutes les âmes, vous en avez une grande compassion, et vous avez souffert et enduré une grande peine en ma mort. Les anges sont pleins de miséricorde ; toutefois ils ne souffrent jamais de douleur : mais vous, ma très chère Mère, vous avez eu pitié des misérables, lorsque vous sentiez toute la douleur de ma mort, et avez voulu souffrir et endurer plus de douleur à raison de votre miséricorde, que d’en être exempte: partant, votre miséricorde a excédé et surpassé celle de tous les anges.

La troisième feuille, c’est votre douceur : Certes, les anges sont bons et débonnaires, et désirent le bien à tous : mais vous, ma très chère Mère, comme un ange, vous avez eu en votre âme et en votre corps, devant votre mort, la volonté de bien faire à tous, et l’avez fait très spécialement ; et à présent, vous ne la refusez à aucun de ceux qui vous demandent avec raison leur profit et leur avancement : et partant, votre douceur est plus excellente que celle des anges.

  La quatrième feuille, c’est votre prodigieuse et admirable beauté, car les anges, considérant entre eux la beauté des uns et des autres, et admirant la beauté de toutes les âmes et de tous les corps, voient que toute la beauté de votre âme surpasse toutes les choses qui sont créées, et que l’honnêteté de votre corps surpasse celle de tous les hommes, qui ont été créés du néant : et de la sorte, votre beauté a surpassé tous les anges et toutes les choses qui ont été créées.

  La cinquième feuille, c’était votre divine délectation, d’autant que rien ne vous plaisait que Dieu, comme rien autre chose ne délecte les anges sinon Dieu, et chacun d’eux sent et ressent en soi une indicible délectation. Mais lorsqu’ils ont vu quel était le contentement, la délectation que vous preniez avec Dieu, il leur semblait en leur conscience que la leur brûlait comme une lumière en la divine charité ; mais voyant que votre délectation était comme un monceau de bois brûlant avec un feu très véhément et très ardent, qui s’élevait si haut que sa flamme approchait de ma Divinité, partant, ma très douce Mère, ils conclurent que votre délectation brûlait, et montait par-dessus tous les choeurs des anges ; et d’autant que cette fleur a eu ces cinq feuilles, savoir : l’honnêteté, la miséricorde, la douceur, la beauté et la grande délectation, elle était remplie de toute douceur et de toute suavité. Or, quiconque voudra goûter la douceur et la suavité, doit s’en approcher et la recevoir en soi, comme vous avez fait, ma bonne Mère ; car vous avez été si amoureusement douce à mon Père, qu’il vous a toute reçue en son esprit, et votre amoureuse douceur lui a plu par-dessus toutes les autres.

  Cette fleur aussi porte la semence par la chaleur et par la vertu du soleil, duquel croît le fruit. Mais ce soleil béni, savoir, ma Divinité, a reçu l’humanité de vos entrailles vierges : car de même que la semence, en quelque endroit qu’elle soit semée, engendre telles fleurs que la semence a été, de même mes membres ont été conformes et semblables aux vôtres en forme et en face ; toutefois, j’ai été homme, et vous, vous avez été Vierge Mère. Cette vallée et sa fleur ont été éminemment élevées par-dessus toutes les montagnes, quand votre corps et votre âme sainte ont été exaltés par-dessus tous les choeurs des anges.

Chapitre 52

1052   Paroles de bénédiction de la Mère de Dieu à son Fils, afin que ses paroles fussent dilatées et épandues par le monde, et prissent racine dans les coeurs de ses amis. Comme elle est merveilleusement signifiée par la fleur qui naît dans le jardin. Paroles de Jésus-Christ envoyées par son épouse sainte Brigitte au pape et aux autres prélats de son Église.

  La bienheureuse Vierge Marie parlait à son Fils, disant : Soyez béni, mon Fils, vous qui êtes mon Dieu, le Seigneur des anges et le Roi de gloire ! Je vous en prie, que les paroles que vous avez prêchées prennent racine dans les coeurs de vos amis, et qu’elles soient fixées et collées en leurs esprits, comme l’était la poix dont l’arche de Noé était enduite, que les vents ni les orages n’ont pu dissoudre ; qu’elles se dilatent et s’épandent aussi parmi le monde comme des rameaux et des fleurs suaves et douces, dont l’odeur s’exhale et se répand ; en outre, qu’elles fructifient, et deviennent douces comme la datte, dont la douceur délecte l’âme.

  Son cher Fils lui répondit : Soyez bénie, ma chère Mère ! Mon ange Gabriel vous dit : Marie, soyez bénie par-dessus toutes les femmes ; et moi, je porte témoignage assuré que vous êtes bénie et que vous êtes très sainte par-dessus tous les choeurs des anges. Vous êtes comme la fleur épanouie qui est dans le jardin, laquelle, bien qu’elle soit environnée de fleurs de diverses odeurs et senteurs, toutefois les surpasse toutes en odeur, en beauté et en vertu. Ces fleurs, qui sont plantées dans le jardin du monde, ont fleuri et relui par diverses vertus, lesquelles sont toutes élues et choisies d’Adam jusqu’à la fin du monde. Mais entre toutes celles qui ont été et qui seront et qui seront, vous avez été la plus excellente en odeur de bonne vie et d’humilité, en la beauté gracieuse de votre virginité et en la vertu de votre abstinence. Certes, je porterai témoignage de vous, que vous avez été plus que martyre en ma passion, plus sobre qu’aucun des confesseurs, et plus qu’un ange en votre miséricorde et en votre bonne volonté. C’est pourquoi, à cause de vous, j’enracinerai mes paroles comme de la poix très forte dans les coeurs de mes amis ; elles se dilateront et s’épandront comme des fleurs odoriférantes, et fructifieront comme la datte très douce et suave.

  Après, Notre Seigneur parlait à son épouse sainte Brigitte, lui disant : Dites à votre Père confesseur, qui est mon ami et est selon mon coeur, qu’il déclare diligemment ces paroles écrites à l’archevêque ; et ensuite, il les laissera par écrit à un autre évêque : lesquels étant diligemment informés, qu’il les envoie ensuite au troisième évêque.

  Dites-lui aussi de ma part : Je suis votre Créateur et le Rédempteur des âmes ; je suis ce Dieu que vous aimez par-dessus tout. Considérez et voyez que les âmes que j’ai rachetées par mon sang, sont comme les âmes de ceux qui ignorent Dieu, lesquelles sont si horriblement captives du diable, qu’il les afflige furieusement en tous leurs membres, comme dans un pressoir étroit, à cause de quoi, si vous goûtez et connaissez mes plaies en votre esprit ; si ma flagellation vous est présente, et si vous avez douleur de la réputation de quelqu’un, montrez à vos pauvres combien vous m’aimez, et déclarez en public les paroles que j’ai dites de ma propre bouche, et les annoncez personnellement au chef de l’Église.

  Certes, je vous donnerai mon Esprit. En quelque lieu que ce soit, quand il y aura dissension entre deux personnes, si elles croient en mon nom, vous pourrez les rallier et les réconcilier par la vertu qui vous est donnée. De plus, pour une plus grande évidence de mes paroles, vous porterez avec vous leur témoignage au pontife : ils les goûtent et se délectent en elles, car mes paroles sont comme de la graisse qui se fond et qui se liquéfie d’autant plus tôt qu’elle a plus de chaleur au-dedans ; mais lorsque la chaleur lui manque, elle est rejetée et ne parvient pas jusqu’au-dedans. Il en est de même de mes paroles, parce que, plus l’homme est enflammé de ma charité, plus il les médite et les dévore, et plus il s’engraisse de ma douceur, de la joie céleste et de celle de mon amour, et partant, plus il s’embrase en mon amour.

Mais il y en a qui n’aiment pas mes paroles, mais qui les ont en leur bouche comme de la graisse, qu’ils rejettent dès qu’ils l’ont goûtée, et la foulent aux pieds : de la sorte mes paroles sont méprisées de quelques-uns, d’autant qu’ils ne goûtent pas la douceur des choses spirituelles. Or, le prince de la terre, que j’ai élu et choisi pour mon membre et que j’ai fait vraiment mien, vous aidera virilement, et dans ce pèlerinage, vous administrera ce qui est nécessaire de ses biens justement acquis.

Chapitre 53

1053   Paroles de bénédiction et de louange que la Mère de Dieu et son Fils se disaient. Comme la Vierge est figurée par l’arche, où étaient la verge d’Aaron, la manne, et les tables de la loi. Dans cette figure sont contenues plusieurs choses admirables.

  La Vierge Marie parlait à son très cher Fils, disant : Soyez béni, mon Fils, vous qui êtes mon Dieu et le Seigneur des anges ! Vous êtes celui dont les prophètes ont entendu la voix, dont les apôtres ont vu le corps, et que les Juifs et vos ennemis ont ressenti. Vous êtes un Dieu avec la Divinité, l’humanité et le Saint-Esprit, car les prophètes ont entendu votre Esprit, les apôtres ont vu la gloire de votre Divinité, et les Juifs ont crucifié votre humanité. C’est pourquoi soyez béni, ô mon Fils, sans fin et sans commencement !

  Son Fils lui répondit, disant : Soyez bénie, vous qui êtes vierge et mère tout ensemble ! Vous êtes cette arche qui était en la loi, dans laquelle il y avait trois choses, savoir : la verge, la manne et la table.

  Trois choses ont été faites avec la verge : 1° elle a été changée en serpent, qui était sans venin ; 2° la mer a été divisée par elle ; 3° par elle l’eau est sortie de la pierre. Je suis cette verge en figure, moi qui suis resté dans votre sein et ai pris de vous mon humanité.

  Je suis, en premier lieu, terrible et épouvantable à mes ennemis, ainsi que le serpent l’était à Moïse ; car ils me fuient, comme ils fuient le regard du serpent ; ils ont peur de moi, et m’ont en horreur et en abomination comme un serpent, bien que toutefois je sois plein de toute miséricorde, et que je sois sans venin de malice. Je souffre qu’ils me tiennent et me touchent, s’ils veulent me tenir et me toucher ; s’ils me cherchent, je me trouvent vers eux ; s’ils m’invoquent et m’appellent à leur secours, je cours à eux, comme la mère court à son fils qu’elle avait perdu et qu’elle retrouve ; s’ils me demandent pardon de leurs fautes, je leur fais miséricorde et pardonne leurs péchés. Je leur fais toutes ces choses, et ils m’ont encore en horreur comme un serpent.

  Secondement, par cette verge, la mer a été divisée par la mer de mon sang, et par les torrents de ma douleur, j’ai ouvert le chemin pour aller au ciel, lequel était fermé par le péché. Certes, alors la mer a été rompue et divisée, et un chemin a été fait où il n’y en avait point, quand la douleur de tous mes membres s’est jointe à mon coeur, qui s’est brisé et divisé, à cause de la violence de la douleur. Après, le peuple étant passé par la mer, Moïse ne le mena pas tout aussitôt en la terre promise, mais il le conduisit au désert, afin qu’il y fût instruit et éprouvé : de même mon peuple, ayant maintenant reçu la foi et mon commandement, n’est pas tout aussitôt mis et introduit dans le ciel, mais il est nécessaire que les hommes soient éprouvés au désert, c’est-à-dire, dans le monde, pour voir et éprouver de quel amour ils aiment Dieu.

  Mais le peuple provoqua et irrita Dieu, au désert, par trois choses :

1° parce qu’il se fit une idole et l’adora ;

2° parce qu’il regretta et souhaita les viandes qu’il avait eues en Égypte ;

3° par la superbe, lorsqu’il voulut monter et combattre avec ses ennemis, sans la volonté de Dieu.

  De même aussi l’homme pèche maintenant contre moi en ce monde :

1° il adore l’idole, d’autant qu’il aime plus le monde et toutes les choses qui y sont, que moi qui suis son Créateur. Oui, le monde est son Dieu, et moi je ne le suis pas. Certes, j’ai dit, dans mon Évangile, que là où est le trésor de l’homme, là est son coeur : mais le trésor de l’homme, c’est le monde, d’autant qu’il a son coeur en lui et non en moi ; c’est pourquoi, ainsi que ceux-là sont tombés, au désert, par le glaive en leur corps, de même ceux-ci tomberont en leur âme par le glaive de l’éternelle damnation, en laquelle ils vivront sans fin.

  2° Il a péché par la concupiscence des viandes, car j’ai donné à l’homme toutes les choses nécessaires pour l’honnêteté et par mesure, mais il veut avoir toutes choses sans mesure et sans discrétion, car si la nature pouvait y satisfaire, il voudrait s’adonner sans cesse au péché de volupté, voire sans relâche et désirer outre mesure les choses vaines. Car tant qu’il aurait le moyen et la commodité de pécher, il ne s’en abstiendrait jamais, c’est pourquoi il leur arrive comme il arriva à ceux-là du désert, qui y moururent d’une mort subite et inopinée. Qu’est-ce en effet que la vie de ce temps, sinon un certain point passager, au regard de l’éternité ? Pour cela, leur corps mourra comme d’une mort subite à raison de la brièveté de cette vie, et leur âme vivra dans une peine insupportable et dans un tourment sans fin.

  3° Il péchait au désert par la superbe, parce qu’il voulait monter au combat sans la volonté de Dieu : de même les hommes veulent monter au ciel par leur superbe, et ne se fient point en moi, mais en eux, faisant leur volonté et laissant la mienne. C’est pourquoi, de même que ceux-là ont été défaits et tués par leurs ennemis, de même seront-ils défaits et tués par les diables en leurs âmes, et leur tourment sera éternel. Ils me haïssent donc comme ils haïssent un serpent, et en mon lieu et place, ils adorent une idole ; ils ont plus en recommandation leur concupiscence que moi, et au lieu de mon humilité profonde, ils aiment leur superbe exécrable. Toutefois, je suis encore si miséricordieux, que, s’ils se convertissent à moi avec un coeur contrit, je me tournerai vers eux et les recevrai comme un père pieux reçoit son enfant.

  Troisièmement, par cette verge, la pierre donna de l’eau. Cette pierre, c’est le coeur endurci de l’homme, car s’il est une fois frappé par la crainte et par mon amour, tout aussitôt les larmes de contrition et de pénitence en coulent. Il n’y a personne, quelque méchant qu’il soit, qui n’éprouve un tressaillement dans tous ses membres qui le presse à la dévotion, et qui verse un torrent de larmes, s’il se tourne vers moi ; s’il considère ma passion du plus profond de son coeur ; s’il jette les yeux sur ma puissance ; s’il pèse et considère avec soin ma bonté, qui fructifie comme la terre et les arbres.

  Ensuite, la manne a demeuré dans l’arche : de même le pain des anges, des saintes âmes et de ceux qui sont justes sur la terre, auxquels rien ne plaît, sinon ma douceur, et à qui tout le monde est mort, et qui, si c’était ma volonté, voudraient être sans aucune viande corporelle, a demeuré en vous, qui en vous, qui êtes vierge et mère tout ensemble.

  En dernier lieu, les tables de la loi étaient en cette arche : de même en vous, ô ma Mère ! était le Seigneur, le législateur de toutes les lois.

Pour cela, ô ma Mère ! soyez bénie par-dessus toutes les choses qui sont créées au ciel et sur la terre.

  Ensuite, Notre Seigneur parlait à son épouse sainte Brigitte, disant : Dites à mes amis trois choses : Je conversais au monde avec mon corps ; j’ai tempéré mes paroles de telle sorte que les bons devenaient d’eux-mêmes plus forts et plus fervents, et les méchants devenaient meilleurs, comme il paraît en sainte Magdeleine, en saint Matthieu et en plusieurs autres. J’ai aussi tellement tempéré mes paroles que mes ennemis ne les pourraient affaiblir, à cette cause, que ceux-là travaillent avec ferveur, auxquels mes paroles sont envoyées, afin que, par mes paroles, les bons deviennent plus ardents pour le bien, et que les méchants se retirent du mal et qu’ils prennent garde que mes paroles ne soient empêchées par mes ennemis. Certes, je ne fais point une plus grande injure au diable qu’aux anges qui sont dans le ciel, car si je voulais, je pourrais parler que tout le monde m’entendrait: il me suffirait aussi d’ouvrir l’enfer, afin que tout le monde vît les supplices qu’on y endure ; mais cela ne serait pas juste, d’autant que l’homme me servirait alors avec crainte, au lieu de me servir, comme il le doit, avec amour et charité, car personne n’entrera au royaume des cieux, sinon celui qui a la charité.

Alors, certes, je ferais injure au diable, si je recevais de lui, sans bonnes oeuvres, celui qui lui est obligé de droit ; je ferais injure à l’ange qui est dans le ciel, si l’esprit de l’homme immonde était égal et pareil au sien, qui est pur et très fervent en charité.

Partant, personne n’entrera dans le ciel, sinon celui qui aura été éprouvé comme l’or dans le feu du purgatoire, ou par les bonnes oeuvres, et qui s’est exercé de telle sorte dans le monde par une épreuve journalière, qu’il n’y a tache en lui qui ait besoin d’être nettoyé et effacée.

  Si vous ignorez à qui mes paroles doivent être envoyées, je vous dirai que celui-là est digne de les avoir, de les concevoir et de les goûter (afin qu’il arrive au royaume des cieux), qui veut mériter et bien faire par oeuvres, ou celui qui les avait méritées par de bonnes oeuvres précédentes : ou, c’est à ceux-là que mes paroles doivent être déclarées ; elles doivent entrer dans leurs coeurs, car ceux qui goûtent mes paroles, qui espère humblement que leur nom soit écrit au livre de vie, ceux-là ont mes paroles ; mais ceux qui ne les goûtent point, certes, ils les considèrent, et tout aussitôt, ils les rejettent et les vomissent.

Chapitre 54

1054   Paroles de l’ange à l’épouse sainte Brigitte, touchant l’esprit de ses pensées, savoir, s’il était bon ou mauvais ; et comme il y a deux esprits, l’un incréé et l’autre créé, et de leurs qualités.

  Il y a deux esprits, disait l’ange à l’épouse sainte Brigitte, l’un incréé, l’autre créé.

L’incréé contient en soi trois choses : 1° il est chaud ; 2° il est doux ; 3° il est pur et net.

  1° Il échauffe, non par le moyen de quelques choses créées, mais de soi-même, d’autant qu’il est avec le Père et le Fils tout-puissant et créateur de toutes choses, mais il échauffe, quand l’âme brûle en l’amour de Dieu.

2° Il est doux, quand rien ne plaît à l’âme que Dieu, et qu’elle n’a autre douceur ni ne goûte autre que lui et le souvenir de ses bienfaits et de ses oeuvres admirables.

3° Il est pur et net, de sorte qu’il ne peut se trouver en lui aucun péché, rien de difforme, rien de corruptible, rien de changeant.

Mais il échauffe, non pas comme le feu matériel ni comme le soleil visible, qui fond et ramollit quelque chose, mais sa chaleur, c’est l’amour intérieur de l’âme, qui remplit son désir l’abîme en Dieu. Il est aussi doux à l’âme, non pas comme le vin désirable, ou la misérable volupté, ou quelque autre chose mondaine ; mais la douceur de cet esprit surpasse toutes les douceurs temporelles, et personne ne peut atteindre à la connaissance et au sentiment de cette douceur. Enfin, cet esprit est pur et net ainsi que les rayons du soleil, auxquels on ne peut trouver aucune tache ni souillure.

Le second esprit, qui est créé, contient pareillement en soi trois choses : 1° il brûle ; 2° il est amer ; 3° il est impur.

  1° Il brûle et consume le feu, parce qu’il possède l’âme, qu’il enflamme toute par le feu de la luxure et de la convoitise dépravée, de sorte que l’âme ne peut penser ni désirer autre chose, sinon que de se rassasier de ces choses, dans lesquelles elle perd la vie temporelle, tout son honneur et toute sa consolation.

2° Il est amer comme du fiel, d’autant qu’il embrase en telle sorte l’âme par sa délectation, que les joies futures lui semblent être nulles et vaines, et les biens éternelles, des sottises. Toutes les choses aussi qui sont et proviennent de la source divine, et qu’il est obligé de faire, lui semblent amères et abominables comme du fiel.

3° Il est impur, d’autant qu’il fait en telle sorte l’âme vile et encline au péché, qu’il ne rougirait d’aucun et ne le quitterait, s’il ne craignait plus la honte des hommes que celle de Dieu, attendu que cet esprit est ardent comme du feu, d’autant qu’il brûle à raison des feux de l’iniquité, et allume avec soi tous les autres. Il est amer aussi, parce que tout bien lui est amer, et veut que les autres soient amers avec lui ; mais il est impur, d’autant que tout son contentement et tout son plaisir ne sont que dans l’impureté, et il cherche d’avoir avec soi des personnes qui lui soient semblables.

  Mais vous pouvez maintenant me demander et me dire : Pourquoi donc n’êtes-vous pas tel ? Je vous réponds que je suis vraiment créé par le même Dieu que lui, d’autant qu’il n’y a qu’un seul Dieu : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et ces trois ne sont pas trois dieux, mais un seul. Et nous sommes tous deux créés pour le bien, d’autant que tout ce que Dieu a créé est bon. Mais moi, je suis comme une étoile, parce que je suis demeuré en la bonté et en la charité de Dieu, en lesquelles j’ai été créé ; mais lui, il est comme un charbon, parce qu’il s’est retiré de l’amour de Dieu. Donc, ainsi qu’une étoile n’est point sans clarté ni sans lumière, ni un charbon sans noirceur, de même un bon ange, qui est comme une étoile, n’est pas sans le Saint-Esprit, car tout ce qu’il a, il l’a de Dieu, c’est-à-dire, du Père, du Fils et du Saint-Esprit, par l’amour duquel il s’échauffe par sa splendeur, et lui est continuellement attaché, et se conforme entièrement à sa volonté, ni ne veut jamais autre chose que Dieu, c’est pourquoi il brûle et est pur et net. Mais le diable est difforme et laid comme un charbon, plus laid que toutes les créatures, d’autant que, tout ainsi qu’il était la plus belle des créatures, il est devenu aussi la plus laide de toutes, parce qu’il s’est opposé à son Créateur. Et tout ainsi que l’ange brille par la lumière de Dieu et brûle incessamment de son amour, de même le diable brûle, étant détenu, serré et affligé continuellement par le feu de sa malice enragée, de laquelle il est insatiable, comme sont inénarrable la bonté de l’Esprit de Dieu et sa grâce. Car il n’y a personne au monde, quelque enraciné qu’il soit avec le diable, que le bon Esprit ne visite quelque fois, et ne lui excite et émeuve le coeur. Il n’y aussi personne, quelque bon qu’il soit, que le diable ne tourmente par quelque tentation. Certes, il y a plusieurs bons et plusieurs juges qui sont tentés par le démon, enragé par la permission de Dieu, et non pour leurs maux, mais pour la plus grande gloire de Dieu, car le Fils de Dieu, un en Divinité avec le Père et le Saint-Esprit, après avoir pris notre humanité, fut tenté : combien à plus forte raison le seront davantage ses élus, pour leur plus grande récompense.

Quelquefois aussi, plusieurs bonnes personnes tombent en des péchés, et leur conscience est obscurcie par la fallace du diable ; mais elles se relèvent courageusement, et se tiennent vaillamment debout par la vertu du Saint-Esprit. Mais toutefois, il n’y a personne qui ne sache en sa conscience, s’il veut l’examiner avec soin, si la suggestion du diable conduit, ou à la difformité du péché ou au bien.

C’est pourquoi, ô épouse de mon Seigneur, vous ne devez douter de l’esprit de vos pensées, savoir, s’il est bon ou mauvais, car votre conscience vous dicte clairement les choses qu’il faut laisser et celles qu’il faut choisir.

  Mais que fera celui qui a le diable avec lui ? Certes, le bon esprit ne peut pas entrer en lui, parce qu’il est rempli du méchant esprit.

  Il faut qu’il fasse trois choses :

1° une pure et entière confession de ses péchés, laquelle, bien qu’elle soit dans un coeur contrit, il ne pourra tout aussitôt mettre à exécution, à raison du coeur endurci ; elle lui sert toutefois, en tant qu’à cause d’elle, le diable donne quelque relâche et entrée au bon esprit.

2° Il faut qu’il ait l’humilité, savoir, qu’il se propose de corriger les péchés qu’il a commis, et de faire de bonnes oeuvres autant qu’il pourra : alors, le diable commence de sortir d’une telle personne.

3° Afin qu’il obtienne de nouveau le bon esprit, il doit, avec une humble prière, faire requête à Dieu, et se repentir avec une vraie charité, des péchés qu’il a commis, d’autant que la vraie charité en Dieu chasse le diable : car le diable aimerait cent fois mieux mourir, avant que l’homme fit à son Dieu le moindre bien de charité ; et ainsi, il est envieux et malicieux.

  Après, la bienheureuse Vierge parlait à l’épouse sainte Brigitte, disant : O épouse nouvelle de mon Fils ! Revêtez-vous de vos vêtements ; mettez votre collier à votre cou, c’est-à-dire, la passion de mon Fils.

  Sainte Brigitte lui répondit : Mettez-le moi, ô Vierge sainte !

Et la Vierge lui dit : Certes, je le ferai de bon coeur, et je vous dirai comment mon Fils était disposé, et pourquoi il était désiré des Pères avec tant de ferveur.

  Il se tenait debout comme un homme entre deux villes ; et une voix de la ville où il était né, criait à lui, disant : O homme qui êtes debout au milieu du chemin qui est entre les deux villes, vous êtes sage, car vous savez vous garder des périls qui se penchent sur votre tête. Vous êtes pareillement fort à endurer les maux qui arrivent inopinément. Vous êtes aussi magnanime et généreux, d’autant que vous ne craignez rien. Certes, nous vous avons désiré, et maintenant nous vous attendons. Ouvrez donc notre porte, de peur qu’elle ne soit ouverte à nos ennemis et qu’ils ne l’assiègent.

  On entendait une voix de la seconde ville ; cette voix disait : O homme très débonnaire et très fort, entendez notre complainte et notre gémissement. Nous sommes assis dans d’épaisses ténèbres, et nous endurons la faim, enragés et la soif insupportable. Considérez donc notre misère et notre pitoyable disette. Certes, nous sommes frappés comme le foin qu’on coupe avec la faux ; nous sommes privés de tout bien, et notre force nous manque. Venez à nous, ô Seigneur ! Et sauvez-nous, parce que nous n’avons attendu que vous, et nous n’avons espéré notre affranchissement et notre délivrance que de vous seul.

Venez donc, et pourvoyez à notre disette ; changez notre complainte en joie, et soyez notre secours et notre salut.

Venez, ô corps très digne et béni, qui est venu de la Vierge pure et immaculée.

  Mon Fils a entendu ces deux voix de deux villes, savoir, du ciel et de l’enfer : c’est pourquoi, étant saisi de compassion, il ouvrit, par sa passion très amère et par l’effusion de son sang, la porte de l’enfer, et délivra ses amis ; il ouvrit le ciel, réjouissant tous les anges ; il y mit ceux qu’il avait délivrés des limbes. Pensez à toutes ces choses, ma fille, et ayez-les toujours devant les yeux.


Révélations de Sainte Brigitte de Suède 1049