Révélations de Sainte Brigitte de Suède 4114

Chapitre 114 prendre garde à la conversation des choses mondaines, qui sont les affections de Satan

4114   Jésus-Christ avertit son épouse de prendre garde à la conversation des choses mondaines, qui sont les affections de Satan. La Vierge Marie l’instruit aussi d’avoir en toutes ses actions l’intention droite, afin que l’honneur de Dieu s’augmente, car plusieurs servent Dieu par oeuvres, mais leur intention, étant corrompue, offusque toute sorte de biens.

  Le Fils de Dieu parle et dit : Prenez garde aux affectations du diable, qui les a cuites dans les feux de luxure et de cupidité ; car quand on met de la graisse dans le feu, il est nécessaire que quelque chose en distille : de même les péchés détestables distillent de la conversation et société mondaine ; et bien que les consciences nous soient cachées, néanmoins, les actions extérieures nous manifestent beaucoup l’intérieur et ce qui est caché en notre sein.

D’ailleurs, la Mère de celui qui est de toute éternité dans le sein du Père, parle et dit : Que toutes vos actions soient raisonnables et vos intentions droites, afin que tout ce que vous faites, vous le fassiez pour l’honneur de Dieu et l’utilité de l’âme soient préférés à la détestation corporelle. De fait, plusieurs servent Dieu par oeuvres, mais leur intention n’est pas pure, mais contamine tout le bien, comme vous le pourrez mieux comprendre par un exemple. p.430

Il y a un animal qui s’appelle ours. Quand il est pressé par la faim et qu’il voit la proie désirée, il met un pied sur la proie, et de l’autre, il cherche un lieu propre pour enfoncer ses griffes fortement, afin que la proie ne lui échappe ou qu’on ne lui la ravisse, et qu’il puisse assouvir ses appétits. Cet ours regarde sa proie sans intermission, ne cherche ni l’or, ni les herbes odoriférantes, ni les arbres aromatiques, mais seulement un lieu caché et sûr pour dévorer la proie qu’il a ravie. De même plusieurs me servent par oraisons et par jeûnes, mus à cela par la crainte, d’autant qu’ils considèrent les peines horribles de l’enfer et ma miséricorde très grande. Ils me cherchent par des oeuvres extérieures, mais par la volonté, ils font contre les commandements de mon Fils, car comme l’ours, ils ont leur volonté portée à la volupté de la chair et à la cupidité du monde ; mais d’autant qu’ils craignent la perte de la vie et le supplice futur, ils me servent en intention de ne perdre la grâce et de n’encourir la peine. Et ceci est clair, d’autant qu’ils ne considèrent jamais la passion de mon très cher Fils, qui est comme un or précieux, ni n’imitent les vies des saints, qui sont comme des pierres précieuses, ni ne considèrent point les dons du Saint-Esprit comme des herbes odoriférantes, et ne laissent leur propre volonté, ils ne font point les volontés de mon Fils, mais ils veulent seulement s’appuyer au monde, afin de pécher plus sûrement et avec plus de prospérité. Leur récompense sera brève, car leur oeuvre procède d’un coeur froid ; et comme l’ours, ayant consommé sa proie, ce se soucie plus d’assurer ses griffes, de même, l’heure venant, il faut mourir, et leurs voluptés charnelles ayant été accomplies, l‘appui qu’ils prennent sur moi leur sert de peu, attendu qu’ils n’ont pas voulu renoncer à leur propre volonté pour faire la mienne, ni ne m’ont pas cherché, mus à cela par amour, mais par crainte. En vérité néanmoins, s’ils s’amendent et s’ils changent leur volonté, leurs oeuvres seront bientôt renouvelées, et leurs volonté bannie sera réputée pour l’effet, si les oeuvres manquent.

p.431

ADDITION

  Celui-ci fut un prévôt qui a vécu selon son vouloir, qui, venant à Rome, corrigea sa vie très louablement, qui, ayant visité le mont Gargan et Saint-Nicolas par le conseil de sainte Brigitte, et étant retourné à elle, dit, entre autres choses, qu’il admirait que la grande et fameuse cité de Sisipont fût détruite, où tant de corps saints reposent. Lors, le jour suivant, Notre-Seigneur, apparaissant à sainte Brigitte, dit : Ce votre ami admire que cette ville-là soit détruite et ruinée. En vérité, ma fille, les péchés des habitants d’icelle l’ont mérité de la sorte, et les autres, certes, n’ont pas mérité les mêmes choses, mais un de mes amis visitait là les corps saints ; ayant envers moi une parfaite charité, il reprenait les moeurs insolents des habitants, et voyant leur obstination, me priait avec larmes, afin que le lieu fût plus désolé et déplorable, puisque tant d’âmes s’y perdaient et étaient en danger se d’y perdre. Et moi, regardant les larmes et qu’aucun ne se mettait parfaitement en devoir de me plaire, j’ai permis que ce que maintenant fût exécuté. p.432

Notre-Dame lui dit : O Seigneur, il est déplorable que plusieurs reliques de tant de saints et tant de corps soient là gisant comme des immondices et sans murailles.

Jésus-Christ répondit : Comme j’ai les âmes des élus en moi-même, j’ai soin aussi des reliques de mes amis, qui sont mes trésors, jusques à tant qu’ils reçoivent ma double promesse.

Notre-Dame parla encore : O Seigneur, mon très cher ami, je crois qu’en ce lieu, les saints pontifes avaient donné plusieurs grâces et rémissions : eh quoi ! d’autant que les murailles sont entièrement ruinées, les grâces seraient abolies ?

Notre-Seigneur repartit : Quel lieu y a-t-il eu plus saint que Jérusalem, où moi, Dieu ai imprimé mes vestiges ? Quel lieu y a-t-il maintenant plus méprisé, qui est maintenant habité et foulé par les infidèles ? Néanmoins, tous ceux qui viennent en Jérusalem trouvent la même première grâce et la même rémission. Le semblable est de ce même lieu, car quiconque vient en celui-là, mû par une volonté parfaite, participera à la même grâce et bénédiction que cette cité avait, lorsqu’elle était sur pied et en sa gloire magnifique, à raison de la foi et du labeur amoureux de ceux qui y viennent.


FIN DU TOME DEUXIEME



Chapitre 115 manière d’affranchir quelques démoniaques

4115   Notre Seigneur, parlant à son épouse de la manière d’affranchir quelques démoniaques, lui dit que, comme le corps a divers membres, de même l’âme a ses membres intérieurement en elle, et spirituellement, et Notre–Seigneur le déclare d’une manière fort belle

  Le Fils de Dieu parle, disant : Vous êtes, ô mon épouse ! comme une roue qui en suit une autre : de même vous devez suivre mes volontés. Je vous ai parlé de quelqu’un dont l’âme est possédée. Or, maintenant, je vous dirai en quel membre il est affligé. Je suis semblable à un homme qui dirait à son bourreau : Il y a en votre maison trois prisons. En la première sont tous ceux-là qui sont dignes de perdre la vie. En la deuxième sont ceux-là qui doivent être privés de quelque membre. En la troisième ceux-là qui doivent être fouettés et écorchés de coups, à qui le bourreau dirait : Seigneur, quelques-uns doivent être privés de la vie ; les autres doivent être mutilés et fustigés : pourquoi diffère-t-on le jugement ? Car s’ils étaient promptement jugés, leur douleur s’oublierait. p.2

Notre-Seigneur répondit : Ce que je fais, je ne le fais pas sans sujet ni raison, d’autant que ceux qui doivent être privés de la vie, doivent avoir leur temps, afin que les bons, voyant leurs misères, soient rendus meilleurs, et que les mauvais craignent et prennent garde à eux à l’avenir. Quant à ceux qui doivent être mutilés, il est nécessaire qu’ils en aient plutôt l’affliction au coeur, afin qu’ils se repentent des maux qu’ils ont perpétrés, et soient marris des crimes qu’ils ont commis. Ceux aussi qui doivent être fouettés, doivent aussi être éprouvés par les douleurs, afin que, ayant négligé de se connaître en la joie, ils se connaissent en la douleur, et partant, qu’ils prennent d’autant plus garde de ne tomber en mêmes crimes, qu’ils en sortent avec peine

Or, je suis ce seigneur-là : j’ai le diable pour bourreau de ma justice, pour me venger des mauvais selon les démérites d’un chacun, auquel est aussi donné puissance sur l’âme de celui-ci.

  Mais en quel nombre il exerce son malheur, je vous le dirai maintenant ; car comme le corps est composé au dehors par des membres, de m^me l’âme doit intérieurement être disposée spirituellement ; car comme le corps a les os, les moelles et la chair, en la chair, le sang, et le sang en la chair, de même l’âme doit avoir trois choses : la mémoire, la conscience et l’entendement ; car il y en a quelques-uns qui entendent des choses sublimes sur les saintes Ecritures, mais ils n’ont aucune raison : à ceux là il manque un membre. Il y en a qui ont une conscience raisonnable, mais ils n’ont aucune intelligence. D’autres ont bien de l’entendement, mais ils n’ont point de mémoire, et ceux-ci sont grandement infirmes ; mais ceux-là sont saints dans leur âme, qui ont la raison saine, la mémoire et l’intellect.

  D’ailleurs le corps a trois réceptacles : le premier est le coeur, sur lequel il y a une membrane grêle défendant que rien d’immonde n’attaque le coeur, car si une moindre tache touchait le coeur, soudain l’homme mourrait. Le deuxième réceptacle est l’estomac. Le troisième, ce sont les entrailles, par lesquelles toutes les choses nuisibles sont jetées dehors. p.3

De même l’âme doit avoir spirituellement trois réceptacles : le premier, un désir divin et véhément comme un coeur enflammé, de sorte que l’âme ne désire rien tant que moi qui suis son Dieu ; autrement, si quelque pernicieuse affection, bien que petite, entre en elle, soudain elle est tachée. Le deuxième est l’estomac, c’est-à-dire, une secrète disposition du temps et des oeuvres, car toutes les viandes sont cuites et digérées en l’estomac ; de même tout le temps les pensées et les oeuvres doivent être réglées et rangées selon l’ordre de la Providence divine, avec sagesse et utilité. Le troisième réceptacle, ce sont les entrailles, c’est-à-dire, la contrition divine, par laquelle les choses immondes sont purifiées, et la viande de la divine sagesse est mieux goûtée.

p.4

D’ailleurs, le corps a trois choses par lesquelles il s’avance : la tête, les mains et les pieds.

La tête marque la divine charité : car comme en la tête sont les cinq sens, de même l’âme goûte en la divine charité tout ce qui est vu, ouï ; et tout ce qui est commandé, elle l’accomplit très constamment. Partant, comme l’homme est mort, étant sans tête, de même l’âme est morte, étant sans charité envers Dieu, qui est la vie de l’âme.

  Les mains de l’âme signifient la foi : car comme en la main il y a plusieurs doigts, de même en la foi il y a plusieurs articles, bien qu’il n’y ait qu’une seule foi : c’est pourquoi, par la foi parfaite, la divine volonté est accomplie, et elle doit coopérer à toute bonne oeuvre ; car comme par la main on fait les oeuvres à l’extérieur, de même, par la foi accomplie, et elle, le Saint-Esprit opère infiniment en l’âme, car la foi est le fondement de toutes les vertus ; car là où la foi n’est pas, sont anéanties la charité et les bonnes oeuvres.

  Les pieds de l’âme sont l’espérance, car par elle, l’âme va à Dieu ; car comme le corps va par les pieds, de même l’âme s’approche de Dieu par le pas des désirs ardents et de l’espérance. La peau aussi est sur les membres signifie la consolation divine, qui apaise l’âme troublée. Et bien qu’il soit quelquefois permis au diable de troubler la mémoire, quelquefois les mains et les pieds, néanmoins Dieu défend toujours l’âme comme un lutteur, la console comme un père pieux, la médicamente comme un médecin, afin qu’elle ne meure. p.5

Partant, l’âme de cet homme, duquel je vous ai parlé, a été lors rendue captive, quand elle a mérité d’être privée de ses mains, pour l’inconstance de sa foi, car il n’avait pas une foi droite. Mais d’autant que maintenant le temps de faire miséricorde est arrivé, pour trois raisons :

1° en considération de mon amour ;

2° à raison des prières de mes serviteurs élus ;

3 ° qu’il fasse trois autres choses :

  1° qu’il restitue ce qu’il a mal acquis ;

2° qu’il tache d’avoir de la cour de Rome l’absolution de la désobéissance ;

3° qu’il ne reçoive point le corps de Notre-Seigneur avant d’être absous



Chapitre 116 Notre-Seigneur Jésus-Christ se plaint à son épouse, des Gentils, des Juifs et singulièrement des mauvais chrétiens

4116 Notre-Seigneur Jésus-Christ se plaint à son épouse, des Gentils, des Juifs et singulièrement des mauvais chrétiens, d’autant qu’ils ne reçoivent les saints sacrements avec dévotion et avec pureté, comme il est convenable, et attendu qu’ils négligent de se souvenir du bénéfice de la création, rédemption et divine consolation.

  Le Fils du Père éternel et le Fils de la Vierge dit : Je vous parle par similitude : supposez qu’il y eût trois hommes, et que le premier dit : Je crois que vous n’êtes ni Dieu ni homme, et un tel homme est appelé Gentil. Le deuxième, le Juif, crois que je suis Dieu, mais non pas homme. Le troisième, le chrétien, croit que je suis Dieu et homme, mais il ne croit point à mes paroles. Je suis celui sur lequel la voix du Père éternel était ouïe : Celui-ci est mon Fils, est. Partant, je me suis plaint de la part de ma Divinité que les hommes ne veulent point m’en tendre. Je criais et je disais : Je suis le principe. Si vous croyez en moi, vous aurez la vie éternelle. Mais ils ont méprisé mes paroles. Ils ont vu et connu la puissance de ma Déité, quand je ressuscitais les morts et faisais plusieurs autres merveilles, et néanmoins, ils n’y ont pas pris garde. Je me plains aussi de la part de l’humanité, d’autant que pas un ne se soucie de ce que j’ai institué en l’Eglise. p.6

En vérité, j’ai mis en l4eglise comme sept vases, qui seront tous entièrement purifiés, car j’ai institué le baptême en purification du pêché originel : le chrême enseigne la divine réconciliation, l’huile sainte la force contre la mort. J’ai institué la pénitence en rémission de tous les péchés, et les paroles saintes et sacrées par lesquelles les sacrements seraient sanctifiés et institués. J’ai institué le sacerdoce en dignité, connaissance et en remémoration de la divine charité ; le mariage en l’union des coeurs. Ces sacrements doivent être reçus avec humilité, gardés avec pureté, donnés sans avarice. Mais maintenant, ils sont pris avec superbe ; ils sont gardés en des vases immondes, et sont conférés avec ambition et cupidité.

Je me plains aussi qu’étant né et étant mort pour le salut des hommes, si l’homme ne me voulait aimer, d’autant que je l’ai créé, pour le moins il me devait aimer pour l’avoir racheté. Mais maintenant, les hommes me chassent de leur coeur comme un lépreux, et m’ont en abomination comme un drap contaminé. Je me plains aussi de la part de la Divinité, d’autant que les hommes n’en veulent point être consolés, et ne se soucient point de l’amour qu’elle leur porte.

p.7

Chapitre 117 L’épouse ouït que véritablement Dieu vient au-devant de ceux qui le désirent

4117 L’épouse ouït que véritablement Dieu vient au-devant de ceux qui le désirent, les console comme un père pieux et bénin, et leur rend faciles les choses difficiles

Pendant que quelqu’un disait le Pater noster, l’épouse ouït comment alors répondait l’Esprit, disant : Mon ami, je vous réponds, en premier lieu, de la part de la Divinité, que vous aurez l’héritage avec votre Père ; en second lieu, de la part de l’humanité, que vous serez mon temple ; en troisième lieu, de la part de l’Esprit que vous n’aurez point de tentation par-dessus ce que vous pouvez porter : car le Père vous défendra, et le Saint-Esprit vous enflammera. Car comme la mère, quand elle entend la voix de son fils, lui va au-devant avec joie ; et comme le père, voyant le fils qui travaille, lui va au-devant au milieu du chemin, et porte avec lui le fardeau, de même je vais au-devant de mes amis, et je leur rends faciles toutes les choses difficiles, et les leur fais porter avec joie. Et comme quand quelqu’un, voyant quelque chose délectable, ne se console point, si ce n’est que le voisin s’en approche, de même je m’approche de ceux qui me désirent.


p.8

Chapitre 118 le Père éternel attire à soi la bonne volonté des bons, la perfectionnant

4118   Notre-Seigneur dit à son épouse que le Père éternel attire à soi la bonne volonté des bons, la perfectionnant en choses bonnes ; et ceux qu’il voient de mauvaises volonté, il la leur change librement en une bonne, imprimant en elle un désir d’amender des crimes commis.

  La Sapience incarnée, le Fils de l’Eternel parle : Celui qui voudra entrer en société avec moi, doit tourner sa volonté vers moi et se repentir des crimes commis, et lors il est attiré par mon Père à la perfection, car mon Père attire celui-là qui change sa mauvaise volonté en bonne volonté, et désire franchement amender ses fautes.

Mais en quelle manière est-ce que le Père l’attire ? Certainement, c’est que le perfectionnant le bonne volonté au bien : car si l’affection n’était bonne, le Père n’aurait de quoi l’attirer. Mais à quelques-uns je suis si froid que mes voies ne leur plaisent en façon quelconque. Aux autres je suis si doux qu’ils ne désirent que moi. A ceux-là je donnerai la joie qui n’aura point de fin.

p.9

Chapitre 119 sept biens qui sont en Jésus-Christ

4119   La Mère de Dieu raconte ici sept biens qui sont en Jésus-Christ, et sept contraires, qui étaient repris des hommes

  La Mère de Dieu parle disant : Mon Fils a sept biens :

1° il est très puissant comme un feu consumant ;

2° il est très sage ; sa sagesse surpasse la connaissance des hommes, comme ils ne sauraient épuiser la mer ;

3° il est très fort comme une montage immobile ;

4° il est très vertueux comme l’herbe agréable aux mouches ;

5° très beau comme un soleil luisant ;

6° très juste comme un roi qui ne pardonne à pas contre la justice ;

7° très pieux comme un seigneur qui se donne pour la vie de son serviteur.

  Et d’un autre côté, il a enduré sept autres choses, car au lieu de la puissance, il a été fait comme un vermisseau ; au lieu de sa sagesse, il a été estimé fou ; pour sa force, comme un enfant lié de petits drapeaux ; pour sa beauté, comme un lépreux ; pour sa vertu, il était nu et attaché ; pour sa justice, il était estimé mensonger et est mort pour la piété.


Chapitre 120 il y a deux sortes de délectations : spirituelles et charnelle

4120   Jésus-Christ dit à l’épouse qu’il y a deux sortes de délectations : spirituelles et charnelle. La délectation spirituelle consiste à se plaire dans les bienfaits de Dieu.

p.10

Le Fils de Dieu parle et dit à sainte Brigitte : Entre moi et celui que vous savez, il y a quelque membrane qui lui empêche de goûter mes douceurs; mais quelque autre chose qui lui plaît.

Et l’épouse, qui entendait ceci, dit à Notre-Seigneur : Ne pourra-t-il jamais avoir quelque délectation?

Notre-Seigneur repartit et lui dit : Il y a deux sortes de délectations : L’une est charnelle et l’autre spirituelle. La charnelle ou naturelle est et consiste en ce que la nature le requérant ainsi par nécessité, on prend la réfection, en laquelle l’homme se doit entretenir en ces pensées : O Seigneur ! qui nous avez commandé de nous rafraîchir et de nous nourrir selon la nécessité, louange vous soit ! Je vous en supplie, donnez-moi la grâce que je ne pêche point en mangeant. Que si quelque plaisir surprend le coeur des biens temporels, qu’il occupe son esprit en ces considérations : O Seigneur ! Toutes les choses terrestres ne sont que terre coulante : partant, donnez-moi la grâce d’en disposer et d’en user en telle sorte que j’en puisse rendre raison à tous. La délectation spirituelle consiste en ce que l’âme se plaît dans les bénéfices divins, use des choses temporelles pour la nécessité, et s’y occupe comme contrainte. Or, cette membrane est alors ôtée, quand Dieu est doux à l’âme, et que l’âme a toujours la crainte de Dieu.

p.11

Chapitre 121 Que l’habit ne fait pas le moine, mais bien la vertu d’obéissance et d’observance régulière

4121 Que l’habit ne fait pas le moine, mais bien la vertu d’obéissance et d’observance régulière, et que la vraie contrition de coeur ; avec propos de s’amender, affranchit l’âme de la main du diable

  Le diable, ennemi de Dieu et des hommes, apparut et dit : Le moine s’en est allé ; el n’en demeure que la seule effigie. Et Notre-Seigneur dit : Quel est ce moine ?- Je le ferai, dit-il mais par contrainte. Le moine est gardien de soi-même ; son habit est l’obéissance et l’observance de sa profession, car comme le corps est couvert du vêtement, de même l’âme doit être enrichie de ses vertus. Donc, l’habit extérieur ne profite de rien, si l’habit extérieur n’y est pas, car l’habit ne fait pas le moine, mais la vertu. Ce même s’en est allé lorsqu’il avait ces pensées : Je connais mon pêché ; j’amenderai du reste et ne pécherai plus, moyennant la grâce de Dieu. Par cette volonté, il s’est retiré et arraché de moi, et il est maintenant à vous.

Notre-Seigneur lui dit : Comment son effigie demeure-t-elle ?-Le démon dit : C’est quand on ne se souvient point de ses pêchés et que l’on ne s ‘en repent point comme il faudrait.

  DECLARATION

  Ce frère vit, dans les mains du prêtre qui levait le corps de Notre Seigneur, le petit Jésus qui lui disait: je suis le Fils de Dieu et le Fils de la Vierge. Il vit aussi que, dans un an, il mourrait, et en connut l’heure. Il est parlé de celui-ci en plusieurs chapitres, en la légende de saint Brigitte; son frère s’appelait Géréchinus. Celui-ci fut d’une signalée continence, qui, avant de mourir, vit une écriture d’or en laquelle il y avait ces trois lettres d’or : P.O. et T. ; et racontant ceci à ses frères, il dit : Venez, ô Pierre ! Hâtez-vous, ô Olave et Thordo ! et il mourut. Or, ces trois ainsi appelés moururent en une semaine et le suivirent. Il est parlé du même frère en l’Extravagante, chapitre LV.


Chapitre 122 Que la vie de l’homme tiède et lâche est comme un pont étroit et périlleux

4122 Que la vie de l’homme tiède et lâche est comme un pont étroit et périlleux, duquel, s’il ne se détourne soudain, descendant dans le navire de pénitence et de vertu, il sera précipité dans les fondrières de l’enfer par le démon, son ennemi.

  Celui-là est mon ennemi capital, qui se moque de moi en se jouant, il tâche autant qu’il peut de contenter ses volontés et de remplir et assouvir ses cupidités ; il est comme celui qui est couché en un pont fort étroit, qui a en sa gauche un grand chaos, duquel ne se relève jamais celui qui est une fois tombé du côté gauche ; il y a un navire ; s’il y saute, il sera sauvé avec labeur, et néanmoins, il y a espérance de vie éternelle. Ce pont est sa vie lamentable et brève, en laquelle il n’est pas comme un homme qui combat généreusement, non pas comme un homme pèlerin qui avance toujours chemin, mais bien comme un homme lâche et paresseux qui désire insatiablement boire les eaux de volupté. Deux choses donc s’opposent à lui, car il se lève du pont et descend donc dans l’abîme, c’est-à-dire, aux oeuvres de la chair, ou s’il saute dans le navire, il esquivera avec grand labeur, car s’il embrasse la rigueur de la Sainte Eglise et son institution, cela lui est paisible, néanmoins, il sera sauvé par cela. Qu’il se tourne donc le plus tôt vers le navire, de peur que l’ennemi juré ne le précipite du pont dans les abîmes, car lors il criera, mais il ne sera pas exaucé, mais sera éternellement puni.

  ADDITION

  Celui-ci, voyant ce roi changé et qu’il ne l’oyait pas chez soi comme il avait accoutumé, portait envie à sainte Brigitte, laquelle passant par une rue fort étroite ; il épancha sur elle d’en haut un grand vase d’eau ; elle patienta à merveille et dit : Dieu vous le pardonne et ne vous le rende point au siècle futur ! Lors Notre-Seigneur apparut à elle à la messe, lui disant : Cet homme qui de la fenêtre, a jeté sur vous de l’eau, mu à cela par l’envie, désire le sang, répand le sang, désire la terre et non moi ; s’il adore sa chair au lieu de moi, qui suis son Dieu ; il me chasse de son coeur. Qu’il se donne garde aussi de mourir en son sang. Après, cet homme vécut bien peu ; et le flux de sang sortant de son nez, il mourut comme elle l’a dit.


p.14

Chapitre 123

4123   Jésus-Christ défend son épouse sainte Brigitte, c’est-à-dire, l’âme convertie du monde à la vie spirituelle, laquelle le père, mère, frère et soeur, tâchaient de retirer de l’amour et du chaste mariage.

  Le Fils de l’Eternel dit à se chère épouse : Je suis comme un époux qui a pris une épouse que le père, mère, frère et soeur me demandent, car le Père dit : Rendez-moi ma fille, car elle est née de mon sang. La mère dit : rendez-moi ma fille, car elle a été nourrie de mon lait. Le frère dit : Rendez-moi ma soeur, car il appartient à moi de la régir. La soeur dit : Rendez-moi ma soeur, car elle a été nourrie avec moi. L’époux leur répondit : O père, si votre fille est née de votre sang, elle doit être maintenant remplie de mon sang. O mère, si vous l’avez nourrie de votre lait, je la repaîtrai de les délices. O frère, si vous l’avez régie jusqu’à maintenant, je la régirai maintenant. O soeur, si elle est nourrie selon vos coutumes, elle prendra maintenant les miennes.

Il en a été fait de la sorte avec vous, car si le père, c’est-à-dire, la volupté de la chair, vous demande, sachez que je vous remplirai de charité et d’amour. Si la mère, c’est-à-dire, les soins du monde vous redemandent, c’est à moi de vous remplir du lait de mes indicibles consolations. Si le frère vous redemande, c’est-à-dire, la volonté propre, dites que vous êtes obligée de faire mes volontés. Si la soeur, c’est-à-dire, la coutume de la conversation humaine vous redemande, dites que vous êtes obligée de faire mes volontés.

p.15

Chapitre 124 En quelle manière sainte Agnès mettait en la tête de l’épouse une couronne

4124   En quelle manière sainte Agnès mettait en la tête de l’épouse une couronne de sept pierres précieuses, savoir : la patience dans les tribulations, etc.

  Sainte Agnès parle disant : Venez, ma fille, et je mettrai sur votre tête une couronne faite de sept pierres précieuses. Qu’est-ce que cette couronne, sinon une épreuve d’une patience invincible, qui est faite d’afflictions, est ornée et enrichie de Dieu par des couronnes ?

Donc, la première pierre de cette couronne est un jaspe qu’a mis sur votre tête celui qui vomissait sur vous des paroles injurieuses, disant qu’il ne savait de quel esprit vous parliez, et qu’il vous était plus convenable de filer subtilement à la manière des femmes que de disputer de la sainte Ecriture. Partant, comme le jaspe subtilise la vue et allume la joie en l’âme par la tribulation, illumine l’esprit pour comprendre les choses spirituelles, et mortifie l’âme des mouvements déréglés.

La deuxième pierre est un saphir, que celui qui vous louait devant vous et médisait de vous en votre absence, a mis en votre couronne. Donc, comme le saphir est de la couleur du ciel et conserve aussi les membres en santé, de même la malice des hommes éprouve le juste, afin qu’il devienne tout céleste, et garde les puissances de l’âme, afin que la superbe ne la surprenne.

p.16 La troisième pierre est une émeraude qu’a ajoutée à votre couronne celui qui vous dit que vous aviez parlé sans y avoir pensé et sans savoir ce que vous disiez. Partant, comme l’émeraude est fragile de soi, néanmoins, elle est belle et d’une couleur verte ; de même soudain soin mensonge sera bientôt anéanti ; il fera néanmoins l’âme belle à raison de la rémunération et récompense de la patience invincible.

La quatrième pierre est la marguerite, perle que vous donna celui qui, en votre présence, offensa d’injures l’ami de Dieu, desquelles injures vous aviez plus de ressentiments que les vôtres. Partant, comme la perle est belle et blanche, elle soulage les passions du coeur ; de même la douleur d’amour introduit Dieu en l’âme, et apaise les passions de l’ire et de l’impatience.

La cinquième pierre est une topaze. Celui qui vous parlait amèrement vous a donné cette pierre, lequel vous avez béni au contraire. Partant, comme la topaze est d’une couleur d’or et garde la chasteté et la beauté, de même il n’y a rien de si beau ni de plus agréable à Dieu que d’aimer celui qui nous a lésé et offensés, et de prier Dieu pour ceux qui nous persécutent. p.17

La sixième pierre est un diamant. Cette pierre vous a été donnée par celui qui vous endommagea grandement le corps, ce que vous tolérâtes avec une grande patience, et ne le voulûtes déshonorer. Partant, comme le diamant ne se casse point avec les coups, mais avec le sang de bouc, de m^me Dieu se plaît grandement qu’on ne se venge point, mais qu’on oublie tout le dommage pour l’amour de Dieu, pensant incessamment à ce qu Dieu a fait pour l’amour de l’homme.

La septième pierre est une escarboucle. Cette pierre vous a été donnée par celui qui vous annonça de fausses nouvelles, vous disant que votre fils Charles était mort, lorsque vous eûtes pris cette mort avec patience et résignation. Partant, comme l’escarboucle luit en la maison, et est très belle en l’anneau, de même l’homme qui est patient en la perte de quelque chose qui lui est très chère, provoque Dieu à l’aimer, reluit en la présence des saints, et agrée comme une pierre précieuse.

Partant, ma fille, demeurez stable, car pour accomplir votre couronne, d’autres pierres vous sont encore nécessaires ; car Abraham et Job, ont été meilleurs, plus connus et plus fameux par la probation, et saint Jean plus saint par le témoignage de la vérité infaillible.


Chapitre 125 belle figure de sept animaux, par lesquels quatre sortes d’hommes vicieux et trois sortes d’hommes vertueux

4125   La Mère de Dieu parle à sa fille, épouse de Jésus-Christ, mettant en avant une belle figure de sept animaux, par lesquels quatre sortes d’hommes vicieux et trois sortes d’hommes vertueux sont notamment désignés.

  La Mère de Dieu parle, disant : Il y a sept animaux.

Le premier a des cornes très grandes, desquelles enflé de superbe et faisant la guerre contre les autres animaux, il meurt bientôt, d’autant qu’à raison de ses cornes, il ne peut courir vivement, mais il est retenu par les halliers et par les troncs.

Le deuxième animal est petit, ayant une corne, et sous icelle une pierre précieuse ? Cet animal ne peut être pris que par une vierge, car (ici il manque la fin et certains chapitres du Livre 4)



Livre V – livre des Questions





PROLOGUE DU LIVRE DES QUESTIONS

 
5000 P.100

  Le livre V des célestes Révélations de Jésus-Christ à sainte Brigitte, du royaume de Suède, est intitulé à juste raison LIVRE DES QUESTIONS,d’autant qu’il traite en questions tous les sujets auxquels Notre-Seigneur donne d’admirables solutions, et a été révélé à ladite dame d’une manière tout à fait admirable, comme elle et ses confesseurs l’ont témoigné de vive voix ; car une fois il arriva qu’étant en chemin à cheval, elle s’en allait à son bourg à Uvatzsten, étant accompagnée de plusieurs de ses familiers amis, qui étaient à cheval. Or, elle, allant ainsi à cheval, éleva son esprit à Dieu, et soudain elle fut ravie et comme aliénée des sens d’une manière signalée, suspendue en la contemplation. Elle voyait comme une échelle fichée en terre, le bout de laquelle touchait au ciel ; et dans les hauteurs du ciel, elle voyait Notre-Seigneur Jésus-Christ assis sur un trône sublime et admirable, comme un juge jugeant, aux pieds duquel la Sainte Vierge était assise ; et autour du trône était une innombrable compagnie d’anges et une très grande assemblée de saints ; et au milieu de l’échelle, elle voyait un religieux qu’elle connaissait, qui vivait encore, savant en théologie, fin et trompeur, rempli de malice diabolique, qui marquait en sa mine et en sa façon d’être impatient, plus diable que religieux. Elle voyait lors les pensées et les affections intérieures de ce religieux, et comment lui-même les déclarait à Jésus-Christ, juge séant au trône avec un geste déréglé et inquiet par manière de question, comme nous le verrons dans le cours de ce livre. Elle voyait et oyait en esprit comme Jésus-Christ, juge, répondait doucement et honnêtement à ces questions avec brièveté et sagesse, et comment quelquefois Notre-Dame disait quelques paroles à Brigitte, comme ce livre le déclarera très bien.


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  Mais en même instant que cette sainte eut conçu en esprit le contenu de ce livre, il arriva qu’elle fût ravie en la connaissance d’icelui à son bourg. Or, lors, ses familiers amis arrêtant le cheval, excitant cette sainte en la secouant pour la faire revenir du ravissement, elle fut très marrie d’avoir été privée se si grandes douceurs divines. CE livre des Questions demeura tellement imprimé dans son coeur, gravé dans sa mémoire, comme s’il eût été buriné sur le marbre. Or, elle l’écrivit soudain en son langage vulgaire, que son confesseur traduisit ensuite en latin, comme il avait coutume de traduire les autres livres.

Ce livre des Questions se partage par demandes et se subdivise par questions. Il contient seize interrogations, en chacune desquelles Jésus-Christ est interrogé, auxquelles, comme juge, il répond distinctement et admirablement, de sorte que chaque interrogation contient un certain nombre de questions. Et après suivent les solutions et les réponses, comme on le verra au progrès du livre.

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Révélations de Sainte Brigitte de Suède 4114