Révélations de Sainte Brigitte de Suède 6006

Chapitre 6 Jésus-Christ reprend l'épouse de quelque impatience qu'elle eut, l'instruisant qu'elle ne doit plus se fâcher

6006   Jésus-Christ reprend l'épouse de quelque impatience qu'elle eut, l'instruisant qu'elle ne doit plus se fâcher à l'avenir, ni répondre un seul mot à ceux qui la provoquent à cela, jusqu'à ce que l'émotion soit pacifiée, et qu'elle voie qu'elle peut profiter par ses paroles.

  Je suis votre Créateur et votre Époux ; et vous, ma nouvelle épouse, vous avez maintenant péché en quatre manières en la colère.

1.Vous avez eu de l'impatience en votre coeur contre les paroles qu'on vous a dites, et moi j'ai souffert pour vous les coups de fouets, et étant devant le juge, je n'ai pas dit un seul mot.

2.Vous avez répondu rudement, et avez trop élevé votre voix en dédaignant, et moi, j'ai été cloué en un gibet ; je regardais le ciel et ne disais mot.

3.Vous m'avez méprisé, moi pour l'amour duquel vous deviez souffrir toutes choses.

4.D'autant que vous n'avez pas édifié votre prochain, car si vous eussiez été patiente aux injures, vous l'eussiez gagné ; c'est pourquoi je vous dis que désormais vous ne vous colériez point.

Quand vous serez provoquée à colère par quelqu'un, ne parlez point jusqu à ce que la colère, l'émotion et l'occasion de la colère, cessent en votre coeur ; parlez avec douceur ou taisez-vous. Que si vous voyez que vos paroles ne profitent point, il est plus méritoire de se taire.


Chapitre 7 Jésus-Christ commanda par son épouse à un certain diacre fort dévot, de prêcher la parole de Dieu avec ferveur et courage

6007   Jésus-Christ commanda par son épouse à un certain diacre fort dévot, de prêcher la parole de Dieu avec ferveur et courage à ses compagnons et aux autres pécheurs, instruisant les infirmes, reprenant les déréglés, et exposant son âme à la mort pour le salut des âmes.

  Je suis votre Dieu et le Créateur de toutes choses, bien que je sois méprisé. Vous direz à celui pour lequel vous priez, et qui m'aime, vous le savez : Quand on vous a fait diacre, on vous a donné la charge de prêcher ; vous en avez reçu l'autorité, afin d'instruire les infirmes et de reprendre les déréglés. Je n'ai pas refusé de faire cela pour moi-même ; cela même ont fait mes apôtres et mes disciples, qui, pour acquérir une âme à Dieu, ont parcouru divers lieux, cités et villes, et ont donné leurs âmes pour le salut des âmes. D'autant donc que votre office est de prêcher, il n'est pas décent ni expédient que vous vous taisiez, car mes ennemis sont autour de vous, et vous marchez au milieu d'eux. En vérité leur maudite gueule m'est aussi odieuse que si on mangeait même de la viande le vendredi saint. Ils sont comme des vases ouverts de chaque bout, qui si on y versait toute la mer, ne seraient pas pourtant remplis, ni ne pourraient être rassasiés, la gourmandise desquels est augmentée par le péché de lasciveté.

  Ils chassent et éloignent d'eux mes anges, qui sont destinés à leur garde, et appellent les démons, qui sont maintenant plus proches d'eux que les bons. Ils assistent au choeur, non pour me plaire, mais afin qu'ils ne soient repris des autres et afin de ne leur déplaire. Ils se montrent imitateurs des Pères anciens, mais ils sont devant moi menteurs et dissimulés pipeurs, car ils m'ont faussé la foi qu'ils m'avaient promise, et trompent les âmes, du bénéfice desquelles elles vivent, sans en être reconnaissants ni par la vie ni par les prières.

  Partant, je jure devant les anges et les saints, qu'en vérité je suis la vérité et que de ma bouche il n'est jamais sorti que la vérité. Que s'ils s'amendent, je permettrai que peu de temps ils marchent par la voie de leurs volontés, et après, je les conduirai par la voie semblable aux épines et à des pointes aiguës ; et afin qu'ils ne puissent s'en écarter, je mettrai à droite et à gauche mes serviteurs, qui les empêcheront de s'en détourner, et ils les contraindront d'aller ; et de là, comme un corps mort tombe à terre, de mp même promptitude leurs âmes tomberont dans les précipices de l'enfer, si profondément que jamais ils n'en sortiront.


Chapitre 8 Notre Seigneur donne courage à l'épouse, qui craignait de reprendre fidèlement quelques religieux

6008   Notre Seigneur donne courage à l'épouse, qui craignait de reprendre fidèlement quelques religieux plongés en des péchés abominables, chez lesquels elle était logée, lui assurant que sa répréhension ne lui serait point imputée à péché, mais à mérite, bien qu'ils s'en scandalisassent et s'en endurcissent.

  O épouse, vous avez pensé à part vous ce qui suit : Puisque mon Dieu Seigneur de toutes choses, tout-puissant, et a patiemment souffert le traître, pourquoi ne souffrirai-je sa créature, ceux qui demeurent avec moi, de peur que, de mon avertissement et répréhension, ils ne deviennent pires ?

  Je réponds maintenant à cette pensée, qu'elle était en partie pieuse mais moins fervente, car un bon soldat qui est entre les mauvais, voyant l'offense de son seigneur, s'il ne peut corriger par oeuvre la faute, parle pour le moins de la bonté de son maître, et souffre patiemment les contumélies qui résultent de là : de même vous, parlez-leur fidèlement de leurs excès, qui, à raison de la diuturnité des péchés dans lesquels ils croupissent, me sont rendus abominables ; et bien qu'ils s'endurcissent en quelque manière que ce soit, à raison de votre répréhension, il ne vous sera pas imputé à péché, mais bien à plus grande récompense. Car comme les apôtres, qui prêchaient à plusieurs, et tous ne se convertissaient pas, n'étaient pas pour cela privés de la récompense, de même vous en arrivera-t-il, car bien que tous ne vous écoutent point, néanmoins, il y en aura quelques-uns qui seront édifiés par vos paroles et qui seront guéris.

  Dites-leur donc que, s'ils ne s'amendent, il viendra promptement et sévèrement à eux, et tous ceux qui l'oiront en gémiront de crainte et d'effroi, et tous ceux qui goûteront ma sévérité, défaudront. Je les jugerai comme des larrons, par des confusions inexprimables devant les anges et tous les saints, et ce, d'autant qu'ils ont reçu l'habit de religion, non pour bien vivre. C'est pourquoi ils sont devant moi comme des larrons qui possèdent les biens qui ne leur appartiennent pas, mais sont à ceux qui vivent bien, et comme défraudateurs, je les jugerai et les condamnerai à mon glaive, qui coupera leurs membres de la tête jusqu aux pieds. Je les remplirai encore d'un feu bouillant qui ne s'éteindra jamais. Je les en ai avertis, comme un père plein de pitié, et ils n'ont point voulu m'écouter ! Je leur ai montré les paroles de ma bouche plus que jamais je n'avais fait auparavant, et ils m'ont méprisé ! Si j'eusse envoyé mes paroles aux païens, peut-être se fussent-ils convertis et eussent fait pénitence. Partant, je ne leur pardonnerai point, ni ne recevrai point les prières ni celles que ma Mère et mes saints, font pour eux, mais ils seront tout autant dans la peine que je serai dans la gloire qui sera sans fin. Néanmoins, tant que leur âme sera dans leur corps, ma miséricorde leur sera ouverte.


Chapitre 9 combien il est abominable devant Dieu qu'un prêtre célèbre en péché mortel

6009   Jésus-Christ révèle à son épouse combien il est abominable devant Dieu qu'un prêtre célèbre en péché mortel, et en quelle manière les diables y assistent. Il traite aussi de la célébration de la messe, et de sa très horrible peine, s'il ne s'amende.

  Le prêtre pour lequel vous me priez est comme une pincette avec laquelle il attire l'or de ma vertu ; il est comme un souffle dégénéré qui ne se soucie d'entendre la voix de la mère. Quand il vient à l'autel, deux diables assistent à ses deux côtés, l'âme duquel ils possèdent, d'autant qu'elle est morte devant moi.

  Quand il met le surhuméral, les démons couvrent son âme et l'occupent ailleurs, afin qu'elle ne pense et n'entende combien il est horrible d'approcher de mon autel, et combien pur doit être celui qui s'approche de moi, qui suis très pur.

  Quand il s'habille de l'aube, il se revêt de la dureté du coeur et de l'indévotion, d'autant qu'il croit que son péché n'est pas grand, que le supplice éternel ne sera pas si dur, et il ne lui arrive jamais à l'esprit qu'elle est la joie des bienheureux.

  Quand il met l'étole, le diable pose un grand joug lourd et pesant sur son col, d'autant que la douceur du péché lui plaît grandement ; et ainsi, il charge son âme, ne la laisse pas gémir ni considérer son péché.

  Quand il prend la manipule, toutes les oeuvres divines lui sont à charge, à honte, et les oeuvres terrestres lui sont faciles.

Quand il prend la ceinture, lors sa volonté est liée au diable, de sorte qu’il propose aucunement de mourir en son péché ; et lors, ma charité se retire de lui, d’autant que sa volonté se porte à tout ce que le diable veut et lui suggère, excepté quand les jugements effroyables de ma juste indignation le retiennent.

  Quand il prend la chasuble, lors le diable le revêt de perfidie.

  Quand il dit le Confiteor, les diables répondent et disent : Tu as menti ! Nous en sommes témoins : ta confession est semblable à celle de Judas, d’autant qu’il a une chose au coeur et une autre à la bouche.

  Quand il s’approche de l’autel, lors je détourne ma face de lui.

  Quand il dit la messe, soit de ma Mère ou de quelque’autre saint, il m’est aussi agréable que si une méchante femme offrait un vase immonde à quelque seigneur, ou si quelqu’un disait à son ennemi : Donnez vous garde, je cherche votre mort.

  Quand il consacre mon coeur et dit : Ceci est mon corps, lors les diables s’enfuient de lui, et son corps demeure comme un tronc, car son âme est morte devant mes yeux.

  Quand il approche mon corps de sa bouche, de la présomption qu’il a de le recevoir sans craindre, toute la troupe des démons retourne à lui, d’autant qu’il ne m’aime point. En vérité, je suis si miséricordieux que, s’il disait d’un coeur contrit et avec résolution de s’amender : Seigneur, je vous en supplie, pardonnez mes péchés par le mérite de votre passion et de votre amour, je le prendrais, et les diables ne retourneraient point à lui. Mais hélas ! Il n’a que la méchanceté du monde en la bouche ; dans son coeur grouillent les vers à troupes, qui l’empêchent de goûter ma parole ; les paroles inutiles de son coeur le rongent incessamment et l’occupent, afin qu’il ne pense point à moi. Voilà pourquoi il n’arrivera jamais à mon autel.

  Or, quel est mon autel, si ce n’est la table céleste et a gloire dans les cieux, dont les anges et les saints se réjouissent ? Cela est représenté par l’autel de pierre qui est dans l’église, et sur lequel est sacrifié le corps qui fut autrefois crucifié en la croix. Les sacrifices signifiaient jadis ce qui se fait maintenant et l’Eglise. Or, que marque la table céleste, si ce n’est la jubilation et la joie des anges ?

  Or, ce prêtre ne goûtera jamais cette joie indicible en la gloire éternelle ; il n’assistera jamais devant ce mien autel, ni ne verra jamais ma face. Je suis comme le vrai pélican, qui leur donne mon propre sang, et les réfectionne, en cette vie et en la vie future, jusqu’à rassasiement. Or, cet aigle abominable les repaîtra, l’aigle dont la coutume est de ravir à ses petits quelquefois les choses nécessaires, de sorte que la maigreur de la faim paraît en eux tout le temps de leur vie : de même le diable repaît de ses délectations quelque temps, afin qu’après, il ressente la famine de la joie, faim qui durera éternellement en lui. Néanmoins, je lui ferai miséricorde, s’il se convertit pendant qu’il vit.

  DECLARATION.

  Ce prêtre fut avocat et collecteur d’argent. Il fut déposé de sa charge à la persuasion de sainte Brigitte. Etant furibond, il lui dit : Vous m’avez privé de mon honneur et de mon office : quel gain en avez-vous ? Il vous eût été meilleur de demeurer en votre maison, et non pas de semer des discordes.

  Elle répondit : Tout ce que le roi a fait, je lui ai conseillé pour le salut de votre âme et pour votre honneur, car un prêtre peut faire une telle charge sans le danger de son âme.

  Il lui répondit : Qu’avez-vous à faire de mon âme ? Laissez-moi passer en ce monde comme je pourrai, car mon âme se contentera bien en l’autre.

  Elle lui repartit : C’est pourquoi je vous dis, et cela sans doute comme je l’ai ouï dans les jugements de Dieu, que si vous ne vous amendez et ne vous corrigez, vous n’esquiverez point le jugement et la mort effroyable, aussi vrai que je m’appelle Brigitte !

  C’est pourquoi aussi, peu de temps après, l’évêque l’ayant privé de l’église, il mourut d’une mort inouïe, car lorsqu’on fondait une cloche, le métal fondu sortit du fourneau, l’environna et le brûla tout à l’entour.



Chapitre 10

6010   La Mère de Dieu raconte à l’épouse sa grandeur et sa dignité, et les bienfaits que tout le monde reçoit d’elle. Elle enseigne aussi la manière et les suffrages pour lesquels l’âme d’un grand prince décédé, pour lequel sainte Brigitte priait, pouvait être affranchie du purgatoire. Ce document est très bon.

  Je suis la Reine du ciel et la Reine de miséricorde. Je suis la voie et l’entrée des pécheurs vers Dieu, car il n’y a peine au feu du purgatoire qui ne soit, pour l’amour de moi, plus légère, plus soulagée et plus facile à porter. Il n’y a pas homme si maudit qui ne puisse avoir ma miséricorde tandis qu’il vit,d’autant qu’il n’est pas si rudement tenté qu’il le serait, si je ne l’empêchais ; pas un n’est si éloigné de Dieu, à moins qu’il ne soit tout à fait maudit, qui, s’il m’invoque, ne puisse retourner à Dieu et sentir les effets de ma miséricorde, car moi qui suis miséricordieuse et qui ai obtenu miséricorde de mon Fils, je veux vous montrer comment votre ami défunt, duquel vous êtes affligée, pourra être sauvé des sept plaies que mon Fils vous a manifestées.

  En premier lieu, il sera sauvé du feu qu’il souffre à raison de sa luxure, si quelqu’un veut, pour l’amour de lui, faire trois biens selon les trois ordres de l’Eglise, des mariés, des veuves et des vierges : marier une pauvre fille, mettre l’autre en religion, et nourrir une pauvre veuve, et ce, d’autant qu’il a excédé, 1° au péché de luxure, même dans le mariage ; 2° à raison de sa superbe et ostentation, en méprisant plusieurs ; 3° pour avoir trop demeuré à table et laissé Dieu.

  En deuxième lieu, que celui qui voudra colliger et loger trois pauvres à l’honneur de Dieu un et trine, pour cette triple gueule, un an entier, leur administrant et servant de tels de tels mets qu’il avait accoutumé de manger, ne mange pas qu’il ne voie manger les pauvres, afin que, par ceci, le long temps qu’il a demeuré à table soit récompensé ; et d’ailleurs, qu’il leur donne des vêtements et des lits, comme il verra leur être expédient et convenable.

  En troisième lieu, pour la superbe dont il a été bouffi en plusieurs sortes, doit, qui voudra, assembler sept pauvres chaque semaine pendant un an, le jour qu’il voudra ; il leur lavera les pieds humblement, s’entretenant:

En cette première demande : Seigneur Jésus-Christ, qui avez été pris par les Juifs, ayez miséricorde de lui.

En cette deuxième : Seigneur Jésus-Christ, qui avez été lié à la colonne, ayez miséricorde de lui.

En cette troisième : Seigneur Jésus-Christ, qui avez été jugé, étant innocent, par les coupables, ayez miséricorde de lui.

En cette quatrième : Seigneur Jésus-Christ, qui avez été dépouillé de vos propres habits, et avez été revêtu de vêtements de dérision, ayez miséricorde de lui.

En cette cinquième : Seigneur Jésus-Christ, qui avez été fouetté si cruellement qu’on voyait les côtes et qu’il n'y avait point de santé en vous, ayez miséricorde de lui.

En cette sixième : Seigneur Jésus-Christ, qui avez été souffleté et couvert de crachats, ayez pitié de lui.

En cette septième : Seigneur Jésus-Christ, qui avez été étendu sur un gibet, les pieds et les mains cloués, la tête meurtrie de la couronne d’épines, vos yeux pleins de sang, ayez miséricorde de lui.

  Et ayant lavé les pauvres, qu’il leur donne la réfection le mieux qu’il pourra et le plus convenablement, et qu’il les prie afin qu’ils prient pour l’âme du décédé.

  En quatrième lieu, il a péché en paresse en quatre manières :

1° à aller à l’église ;

2° à gagner des indulgences ;

3° à visiter les lieux saints.

  Qui voudra donc satisfaire pour le premier, qu’il aille à l’église une fois par mois pendant un an pour son âme, et qu’il fasse dire une messe pour les défunts.

Pour le deuxième, qu’il aille autant de fois qu’il pourra commodément aux lieux où sont données des indulgences, et où il verra pratiquer plus de dévotion.

Pour le troisième, qu’il envoie, par quelque homme juste et fidèle, des offrandes aux saints principaux de ce royaume de Suède, et là où le peuple a accoutumé de s’assembler pour gagner des indulgences comme à Saint-Erice à Saint-Sigfride, et autre semblables, et qu’il récompense celui qui porte les offrandes.

En cinquième lieu, d’autant qu’il a péché en vaine gloire et joie déréglée, qu’il assemble, s’il lui plaît, tous les pauvres de la cour, ou lieux circonvoisins, une fois chaque mois pendant un an, et iceux assemblés en une église, qu’il leur fasse dire une messe des défunts, et que le prêtre, avant de commencer, les avertisse de prier pour l’âme du défunt. La messe étant dite, que tous les pauvres soient réfectionnés en sorte qu’ils sortent contents de la table, afin que l’âme du défunt se réjouisse de leurs prières, et que les pauvres se réjouissent de la réfection.

En sixième lieu, que jusques à la dernière maille, il paiera et demeurera dans la peine jusques à ce que tout soit récompensé et payé.

  Vous devez savoir qu’à la fin de sa vie, il fut en bon état et avait une bonne volonté, non certes si fervente qu’il payât tout, mais il fut pourtant du nombre des sauvés. Donc, l’homme doit considérer combien grande est la miséricorde de mon Fils, qui, pour si peu d’amour, donne un repos éternel ; et s’il n’eût eu une si bonne volonté, il eût été condamné éternellement. Partant, ses parents, qui ont hérité de ses biens, doivent avoir la volonté de payer pour lui ; et de fait, ils doivent payer ses dettes à tous ceux à qui il devait, et en les payant, ils doivent leur demander pardon, de peur qu’ils n’aient été incommodés par la longue attente, autrement, les parents du défunt porteront son péché. Après, qu’ils envoient à un chacun des monastères de ce royaume une offrande telle qu’ils voudront, et qu’on y fasse dire une messe ; et avant qu’on dise la messe, qu’on prie Dieu pour cette âme, afin que Dieu soit apaisé. Après, qu’on dise la messe pour les défunts en chaque église paroissiale en laquelle il a eu des biens, et le prêtre dira avant de célébrer : On dit cette messe pour l’âme du défunt. S’il vous a offensé par parole, fait ou commandement, je vous supplie de lui pardonner. Et après, qu’il s’approche de l’autel.

  Pour le septième, il était juge, et il a commis le jugement à des lieutenants iniques, c’est pourquoi il est affligé par les mains des diables. Mais parce que ses lieutenants faisaient mal contre leur volonté, néanmoins, parce qu’il n’en eut pas le soin qu’il devait, il peut être affranchi de cette peine, si on l’aide par prières, et surtout par le saint et auguste sacrement de l’autel, qui est le corps immolé de mon Fils tous les jours sur l’autel ; car le pain qui est mis en l’autel avant ces paroles : CECI EST MON CORPS, n’est que pain ; mais les paroles étant prononcées, il se transubstantie en corps de mon Fils, qu'il a pris de moi et qui a été cloué au gibet. Lors le Père est honoré et doré en esprit par les membres de mon Fils. Le Fils se réjouit en la puissance et la majesté du Père. Moi, sa Mère, qui vous parle, je suis honorée de toute la cour céleste qui se tourne vers celui que j’ai engendré et l’adore, et les âmes des justes me rendent grâces de ce qu’elles ont été rachetées par lui.

Oh ! combien est horrible aux misérables de toucher avec des mains indignes un si grand Seigneur !

Ce corps donc, qui est mort d’amour pour l’amour, il le peut délivrer.

Partant, qu’on dise une messe de chaque solennité de mon Fils, savoir, une de la Nativité, une de la Circoncision, de l’Epiphanie, de la Fête-Dieu, de la Passion, de la Pâques, de l’Ascension et de la Pentecôte. Et d’ailleurs, une messe pour chaque solennité à mon honneur et gloire, et encore neuf messes en l’honneur des neuf ordres des anges. Et quand on les dira, on donnera le vivre et le vêtement, afin que les anges gardiens qui ont été offensés, soient apaisés par cette petite oblation, et qu’ils puissent offrir son âme à Dieu. Après, qu’on dise une messe généralement pour tous les défunts, afin que, par icelle ils obtiennent le repos, et qu’elle soit seulement avec un digne repos.

  DECLARATION.

  Cet homme-ci fut un gentilhomme miséricordieux qui apparut à sainte Brigitte, disant : Il n’y a rien qui me soulage tant des peines, que l’oraison des justes et le saint Sacrement de l’autel. Mais d’autant que j’ai été juge et ai commis mes jugements à d’autres qui n’aimaient guère la justice, c’est pour cela aussi que je suis encore détenu en cet exil.. Mais je serais bientôt affranchi, si ceux qui m’appartiennent avaient pitié de moi avec plus de douceur. Il sera parlé du même en ce livre, Chapitre XXII.

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Chapitre 11 se souvenir tous les jours de la passion douloureuse du Fils de Dieu, car à cette heure de la passion toutes choses s'étaient troublées

6011 La Mère de Dieu avertit son épouse de se souvenir tous les jours de la passion douloureuse du Fils de Dieu, car à cette heure de la passion toutes choses s'étaient troublées, l'humanité, la Mère, les anges, et tous les éléments, et les âmes des vivants et des morts, voire les démons

  Pour le jour de la Passion

  La Mère de Dieu parle à son épouse, disant :En la mort de mon Fils, toute choses s'étaient troublées, car la Divinité, qui ne s’est séparée jamais non pas même en cette heure de 1a mort, en laquelle il semblait que la Divinité bien que 1a Divinité, ne puisse souffrir ni douleur ni peine, d’autant qu’elle est impassible et immuable, le Fils pâtissait une douleur très amère en tous ses membres., et voire même dans le coeur, qui néanmoins était immortel selon la Déité. Son âme était aussi immortelle et pâtissait beaucoup en la séparation. Les anges aussi assemblés, semblaient se troubler de voir Dieu pâtir en l’humanité.,

Mais comment les anges se peuvent-ils troubler, étant immortels? Certainement, comme le juste, voyant son ami pâtir quelque chose dont il lui revenait une grande gloire, se réjouirait tic l’acquisition de la gloire, et s’affligerait de ce qu’il pâtit, de même les anges se contristaient de sa peine, bien qu’ils soient impassibles, et se réjouissaient de la gloire et du mérite de sa passion.

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  Tous les éléments aussi se troublèrent: le soleil et la lune perdirent leur splendeur; la terre trembla ; les pierres se fendirent; les sépulcres s’ouvrirent à l’heure de la mort de mon Fils.

Tous les Gentils se troublaient en tous lieux où ils étaient, car il y avait alors en leur coeur comme une pointe de douleur, bien qu’ils ignorassent d’où en venait le sujet. Le coeur aussi de ceux qui le crucifiaient, se troubla à cette heure mais non certes à leur gloire. Les malins esprits étaient encore troubles à cette heure, et étaient comme assemblés en un. Or, ceux qui étaient dans le sein d’Abraham, étaient beaucoup troublés, en telle sorte qu’ils eussent mieux aimé être éternellement en l'enfer que de voir une si horrible peine en leur Seigneur.

  Mais moi, Vierge Marie, sa Mère,j'étais devant mon Fils. Pensez aussi quelle était ma douleur Certes, personne ne le peut comprendre.

  Partant, ô ma fille! souvenez vous de la passion de mon très cher Fils. Fuyez l’inconstance du monde, qui n’est qu’une vie passagère et une fleur qui se fane et se flétrit soudain.

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Chapitre 12

6012   La Mère de celui qui est engendré de toute éternité, dit qu’elle est semblable à un essaim d’abeilles, d’autant que son Fils, comme une abeille bénie, a rempli tout le monde de son miel très doux, quand il descendit en son ventre, de sorte que tout venin a été ôté. La bienheureuse Vierge parle à l’épouse, disant : O épouse de mon Fils, vous me saluez et me comparez à un essaim d’abeilles. Certainement, j’ai été une ruche, car mon corps fut au centre de ma Mère comme un bois avant que l’âme y fût infuse. Mon corps fut aussi comme un bois, quand l’âme en fut séparée jusqu'à la Divinité. Ce bois a été fait en essaim d’abeilles, quand cette bienheureuse mouche, mon Fils, sortit du ciel, et descendit Dieu vivant dans mon sein. En moi enfin fut quelque très doux et très pur rayon de miel, qui était préparé en toutes manières pour recevoir le très suave miel de la grâce du Saint-Esprit. Ce rayon a été lors rempli, quand le Fils de Dieu éternel vint en moi avec sa puissance, son amour et son honnêteté.

  Il vint avec sa puissance, d’autant qu’il est mon Dieu et mon Seigneur. Il vint avec amour, car l’amour lui a fait prendre chair humaine et la mort sur un gibet. Il vint avec l’honnêteté, car toute la vilenie du péché d’Adam fut éloignée de moi, d’où vient que le Fils de Dieu très pur prit la chair très pure. Mais il a l’aiguillon avec lequel néanmoins il ne pique pas, s’il n’y est provoqué : de même l’aiguillon de la justice sévère de mon Fils ne pique point, s’il n’est provoqué par les péchés. On a mal récompensé cette abeille, car sa puissance a été donnée aux mains des iniques, son amour aux mains des cruels ; son honnêteté a été dépouillée et fouettée très cruellement. Bénie soit donc cette abeille qui a fait de mon bois une ruche, et l’a remplie de son miel avec tant d’abondance, que, par sa douceur qui m’a été communiquée, l’amertume du venin a été ôtée de la bouche de tous !


Chapitre 13 ranger tout son temps selon la volonté de Dieu

6013   Jésus-Christ avertit son épouse de ranger tout son temps selon la volonté de Dieu, et de ne rien faire, si ce n’est ce qu’elle croit plaire à Dieu, et qu’elle conserve toujours la volonté de persévérer toujours en la volonté de Dieu, et qu’elle élève toujours on esprit au ciel, et qu’elle mortifie tellement son corps en cette vie, qu’il puisse ressusciter en l’autre.

  Le Fils de Dieu parle à son épouse : Vous devez avoir trois choses : la première, n’allez qu’à mes volontés ; la deuxième, ne vous arrêter que pour mon honneur ; la troisième, ne vous asseoir que pour l’utilité de votre époux. Or, Vous allez lors à mes volontés, quand vous ne mangez, dormez, ni faites quelque autre chose, sinon comme vous connaissez qu’il plaît à Dieu. Or vous vous arrêtez, quand vous avez une volonté constante de demeurer et persévérer à mon service. Or, vous êtes assise, quand vous élevez incessamment votre esprit aux choses célestes, considérant quelle est la gloire des saints et la vie éternelle.

  Vous devez ajouter à ceci trois autres choses : 1-vous devez être disposée et préparée comme une fille qu’on veut marier, qui pense en cette sorte : J’amasserai pour mon époux tout ce que je pourrai des biens de mon père, puisque je dois être en adversité et nécessité. Vous en devez faire même, car votre corps est comme votre père, duquel vous devez exiger toute sorte de travail et toute sorte de biens pour les départir aux pauvres, afin que vous puissiez vous réjouir en moi comme en votre époux, car votre corps mourra, et il ne faut pas l’épargner en cette vie, afin qu’en l’autre il ressuscite à une vie meilleure.

  En second lieu, considérez à part vous comme une épouse : Si mon époux m’aime, pourquoi m’inquièterais-je ? S’il est pacifique avec moi, pourquoi craindrais-je ? Partant, afin qu’il ne se courrouce point, je lui rendrai toute sorte d’honneur et ferai toujours sa volonté.

  En troisième lieu, pensez que votre époux est éternel et très riche, avec lequel vous aurez un honneur perpétuel et des richesses éternelles ; et partant, ne liez point vos affections aux richesses périssables, afin qu’éternellement vous puissiez acquérir les richesses permanentes.


Chapitre 14

6014   Notre-Seigneur déclare à l’épouse comment il l’a fait nourrir en la vie spirituelle et dans les vertus, par un ange à la façon d’un enfant. Il la recommande encore à la Vierge. Il raconte encore comment, par une subtile ruse, il l’a arrachée au monde et l’a conduite au port du salut, et lui commande de déclarer toutes ses tentations aux pères spirituels, et qu’elle fera une bonne fin.

  Un des anges parlait à Jésus-Christ, disant : Louange vous soit, O Seigneur, de toute votre troupe, pour l’amour que vous nous portez ! Vous avez commis cette épouse à ma garde : je vous la recommande aussi, car je l’attirais comme une petite fille à vous, en lui donnant des pommes ; et après les pommes, je lui disais : Suivez-moi encore, et je vous donnerai du vin très doux, d’autant qu’en la pomme, il n’y a qu’un peu de saveur, mais au vin, il y a une grande douceur et un sujet de joie à l’âme. Or, ayant goûté le vin, je lui ai dit derechef : Avancez encore plus avant, car je vous dispose ce qui est éternel et en quoi est tout le bien.

  Ces choses étant dites, Notre-Seigneur dit à l’épouse : Il est vrai que mon serviteur me parlait de vous, vous l’entendant ; il vous attirait à moi comme avec des pommes, lorsque vous pensiez que toutes choses venaient de moi et me rendiez grâces de tout ce que vous aviez reçu de moi ; car comme en la pomme, il n’y a qu’une petite saveur et un médiocre rassasiement, de même mon amour ne vous était pas alors à grand goût, si ce n’est que quelque suavité fût en votre coeur de penser à moi. Mais lors vous avez passe plus outre quand vous pensiez ceci : La gloire de Dieu est éternelle, et la joie du monde fort courte et trop inutile à la fin du monde. Que me sert-il d’aimer de la sorte les choses temporelles ?

  Après avoir eu cette pensée, vous commençâtes de vous abstenir courageusement des délectations du monde, et faire les biens que vous pouviez à l’honneur de mon nom ; et lors vos désirs furent plus grands à mon endroit. Après que vous eûtes pensé que j’étais tout-puissant et Seigneur, duquel, comme de la source, dépendent toute sorte de biens, et renonçâtes à vos volontés, faisant miennes, lors de droit vous été faite mienne ; je vous ai acceptée et ai fait que vous fussiez mienne.

  Cela étant dit, Notre-Seigneur dit à l’ange : Mon serviteur, vous êtes riche en moi ; votre honneur est éternel ; le feu de votre amour est inextinguible ; ma vertu est indéficiente ; vous m’avez recommandé mon épouse, mais je veux que vous la gardiez encore jusqu'à ce qu’elle soit arrivée à l’âge ; gardez-la bien, afin que le diable ne lui présente à l’inconsidéré quelque chose mauvaise. Ayant soin de la vêtir des robes des vertus, vêtements de toute sorte d’éclat et de beauté ; entretenez-la de mes paroles, qui sont comme de la chair fraîche, par lesquelles le sang est amélioré, la chair infirme s’en porte mieux, et une sainte délectation est excitée en son âme, car j’ai fait à cette mienne épouse comme quelqu’un à accoutumé de faire à son ami, lequel il attire et allèche par amour, lui disant : Mon ami, entrez en ma maison, et voyez ce qui s’y fait et ce que vous y devez faire à l’entrée. Celui qui l’a attiré dans la maison ne lui montre pas d’abord les serpents et les lions farouches qui sont en la maison, afin que son ami ne soit épouvanté ; mais pour la consolation de son ami, il lui fait voir les serpents comme des brebis douces, et les lions comme des ouailles très belles, disant à son ami : Mon ami, sachez que je vous aime et que je vous ai attiré pour votre bien. Partant, dites à vos amis tout ce que vous verrez, car ils vous consoleront et vous garderont, de sorte que ma captivité vous sera plus agréable que votre propre liberté.

  De même en ai-je fait à votre égard, O ma fille bien-aimée ! Je vous ai comme attirée et captivée, quand je vous ai retirée de l’amour du monde et vous ai liée au mien ; quand je vous ai retirée des dangers du monde dans ce port de salut, dans lequel ceux que pensez être vierges par continence, sont vraiment des lions par malice, ceux que vous croyez des brebis par la contemplation divine, sont comme des serpents rampants à terre, et par le ventre de la gueule et cupidités insatiables. Partant, ne rapportez point ailleurs ce que vous verrez et oirez, mais bien à mes amis qui vous gardent et vous instruisent, car l’Esprit qui vous a conduite au port, celui-là même vous conduira à la patrie ; et celui qui vous a conduite à un bon principe, celui-là vous dirigera à une meilleure fin.



Révélations de Sainte Brigitte de Suède 6006