Révélations de Sainte Brigitte de Suède 1060

Chapitre 60

1060   Paroles du Fils de Dieu à son épouse, par lesquelles il traite de trois sortes de chrétiens, préfigurés par les Juifs qui étaient en Égypte, et comment il faut publier et prêcher ce qui a été révélé à cette épouse, aux amis de Dieu qui les ignorent.

  Le Fils de Dieu parlait à son épouse, disant : Je suis le Dieu d’Israël et celui qui parlait avec Moïse, quand il était envoyé à mon peuple. Il demanda un signe, disant : Autrement on ne me croira pas. S’il était envoyé au peuple de Dieu, pourquoi se défiait-il ?

Mais vous devez savoir qu’en ce peuple, il y avait trois sortes de personnes.

Quelques-uns croyaient à Dieu et à Moïse ; les autres croyaient à Dieu et se défiaient de Moïse, pensant que Moïse peut-être ne présumât de dire et de faire telles choses, poussé à cela par vanité ou de sa propre invention. Les derniers ne croyaient ni à Dieu ni à Moïse ; et de la sorte, il y a entre les chrétiens trois sortes de personnes marquées par les Hébreux : quelques-uns croient à Dieu et à mes paroles. Les autres croient à Dieu, mais ils se défient de mes paroles, attendu qu’ils ne savent discerner le bon du mauvais esprit. Ceux qui sont de la troisième sorte ne croient ni à moi ni à vous, bien que je leur aie parlé.

Mais comme j’ai dit, bien que quelques Hébreux se défiassent de Moïse, néanmoins, tous passèrent la mer Rouge avec lui et allèrent au désert, où ceux qui s’en défiaient honoraient les idoles, et provoquèrent l’ire et l’indignation de Dieu; et partant, ils furent consommés par une mort misérable. Mais ce malheur ne fut commis que par ceux qui avaient une mauvaise foi ; et d’autant que l’esprit humain est tardif à croire, mon ami transporta ma parole à ceux qui croyaient, et eux s’épandirent après en ceux qui ne savent discerner le bon esprit du mauvais.

  Que si les auditeurs demandent quelque signe, qu’on leur montre la verge, comme le fit jadis Moïse, c’est-à-dire, qu’on leur explique mes paroles : car comme la verge de Moïse était droite et terrible, parce qu’elle se changeait en serpent, de même mes paroles sont vraies, et il ne se trouve en elles aucune fausseté ; elles sont terribles, d’autant qu’elles portent un jugement droit et équitable ; qu’ils leur proposent et certifient que le diable s’est retiré de la créature de Dieu à sa seule parole, le diable est si fort que, si je ne le retenais, il pourrait changer les montagnes. Quelle était alors la puissance que Dieu lui permettait ? Quelle qu’elle fût, il s’enfuyait à sa seule parole.

  Partant, comme ces Hébreux qui n’ont ni cru à Dieu ni à Moïse, passèrent avec les autres, comme en le contraignant, de l’Égypte en la terre promise, de même plusieurs chrétiens vont avec mes élus comme contraints, car ils ne se confient point en ma puissance, et ne pensent pas qu’elle les puisse sauver ; ils ne croient aucunement à mes paroles ; ils ont une vaine espérance en ma vertu.

Néanmoins, mes paroles s’accompliront sans leur volonté, et ils seront comme contraints d’être parfaits, jusqu’à ce qu’ils arrivent où il me plaira.

   

Fin du Livre I des Révélations de Sainte Brigitte de Suède



Livre II



Chapitre 1 Le Fils de Dieu instruit l’épouse contre le diable.

2001   Le Fils de Dieu instruit l’épouse contre le diable. La réponse du Fils à l’épouse. Pourquoi il ne retire pas les pécheurs de » ce monde avant qu’ils pèchent, et en quelle matière le royaume des cieux est donné à ceux qui, étant baptisés, n’arrivent point à l’âge de la discrétion.


Le Fils de Dieu parlait à l’épouse, lui disant : Quand le diable vous tente, dites-lui ces trois choses :

1° Les paroles de Dieu ne peuvent être que vraies ;

2° Rien n’est impossible à Dieu ;

3° Ô diable, vous ne pouvez me donner une telle ferveur d’amour que Dieu me donne.

Derechef, Notre-Seigneur dit à l’épouse : je vois en l’homme trois choses :

1° comment le corps disposé extérieurement ;

2° je vois à quoi et comment la conscience tient intérieurement à quelque chose ;

3° qu’est-ce que son coeur désire : car comme l’oiseau qui regarde un poisson dans la mer, considère la profondeur de la mer, ses orages et ses tempêtes, de même je sais toutes les voies des hommes, et je considère ce qui est dû à chacun, car ma vue pénètre plus intimement et sait plus clairement tout ce qui le touche, que lui même ne se connaît. Donc, puisque je vois et sais toutes choses, vous me pouvez demander pourquoi je n’ôte pas de ce monde les pécheurs avant qu’ils soient dans l’abîme profond de leurs péchés. A quoi je vous réponds : Je suis le Créateur de toutes choses, et toutes les choses qui ont été et qui seront, sont en ma présence ; je les vois et les connais ; mais bien que je puisse et sache tout, cependant la justice ne veut pas que je fasse moins contre la disposition naturelle du corps que contre celle de l’âme.

  De fait, tout homme subsiste selon la naturelle disposition du corps, qui est en ma prescience éternelle. Quant à ce que l’un vit plus qu’un autre, cela provient de la force ou infirmité, et des dispositions naturelles. Quant à ce que l’un est boiteux et l’autre aveugle ou quelque autre chose semblable, cela ne se fait pas sans que je le voie, puisque je prévois en telle sorte toutes choses, que ma prévoyance ne les fait pas pires, ni rien ne peut nuire à ma prévoyance, ni elle ne consiste pas dans le cours des éléments ni en leur arrêt, mais en ma justice occulte et cachée en la disposition et conservation de la nature, car le péché et l’indisposition de la nature causent diversement la difformité des membres. Partant, il ne se fait pas parce que je le veux, mais d’autant que ma justice permet qu’il soit fait ; et bien que je puisse toutes choses, néanmoins, je ne résiste pas à la justice. Donc, la raison pourquoi quelqu’un vit plus ou moins est prise de la disposition de la nature forte ou infirme, qui est en ma prescience, laquelle est infaillible. Vous pouvez entendre le semblable par une supposition.

Supposons qu’il y eût deux voies et qu’en ces voies, il y eût des fosses innombrables l’une contre l’autre et l’une devant l’autre, et que la fin d’une de ces voies tendît directement en bas et l’autre en haut, et qu’au carrefour de ces voies il fût écrit : Quiconque marche par cette voie, la commence avec délectation et volupté de la chair, et la termine avec grande misère et confusion ; mais celui qui marche par ces autres voies, la commence avec un petit labeur, et la finit avec une très grande joie et une très grande consolation..

  Or celui qui marchait par la voie qui aboutissait aux deux voies, était entièrement aveugle ; mais étant arrivé au carrefour, il y voyait et lisait un écriteau sur lequel était imprimé la fin de ces deux voies ; et pendant qu’il la lisait, la considérait et délibérait à part soi ; soudain apparurent deux hommes auprès de lui, à la garde desquels ces deux voies étaient confiées, lesquels considérant l’homme au carrefour et parlant entre eux dirent : Considérons avec soin par quelle voie il aimera mieux aller, et il sera plus propre à la voie qu’il choisira. Or, le voyageur, considérant en soi la fin de ces voies et leurs mérites, se servit de conseil et de prudence, choisissant plutôt la voie dont l’entrée portait quelque peu de labeur, et la fin une grande joie, que celle qui commençait par la joie et finissait en la douleur, car il croyait qu’il était plus tolérable et plus raisonnable d’être au commencement lassé par quelque médiocre labeur, et se reposer assurément à la fin.

Ne savez vous pas ce que toutes ces choses signifient ? Certainement, je vous le dirai. Ces deux voient sont le bien et le mal qui sont devant l’homme. Il est écrit que quand il sera arrivé à l’âge de discrétion, il est en la puissance de son libre arbitre de choisir ce qu’il aimera le mieux. Il y a une voie qui conduit à ces voies de l’élection du bien ou du mal, à savoir : l’âge de l’adolescence, qui conduit à l’âge de discrétion. Celui qui marche par cette première voie est presque comme aveugle, car jusqu’à ce que l’homme soit parvenu de l’adolescence à l’âge de discrétion, il ne sait discerner le bien du mal, la vertu du vice, le commandement de la défense. Donc, l’homme, marchant en son âge puéril, est comme un aveugle ; mais quand il sera arrivé au carrefour de ces voies, c’est-à-dire à l’âge de discrétion, alors les yeux de l’esprit lui seront ouverts, car alors il sait considérer quel est le meilleur, savoir bien endurer une petite douleur, et jouir d’une joie éternelle, ou prendre un petit plaisir, et puis souffrir une éternelle douleur. Et alors, en la voie qu’il choisira, on comptera tous ses pas.

Or, en ces voies, il y a plusieurs fosses l’une contre l’autre et l’une devant l’autre, car l’un meurt bientôt, l’autre bien tard, l’un dans la jeunesse, l’autre dans la vieillesse. La fin de cette vie est donc bien à propos comparée à une fosse, à laquelle tous les hommes se rendent sans faillir, les uns d’une manière, les autres d’une autre, selon que leur naturelle disposition l’exige et selon qu’il est en ma conscience. Car si j’appelais quelqu’un contre la disposition naturelle, le diable prendrait soudain occasion de dire que je fais contre la justice ; c’est pourquoi je ne fais non plus rien contre la disposition du corps que de l’âme. Toutefois, considérez attentivement ma bonté et ma miséricorde, car comme dit le Maître et Seigneur, je rends forts, puissants et vertueux, ceux qui n’ont ni force, ni vertu. Je donne, par un excès d’amour, le royaume de Dieu à tous ceux qui sont baptisés et qui meurent avant l’âge de discrétion, en la manière qu’il est écrit. Il a plu aussi à votre Père de donner à ceux-là, le royaume des cieux.

D’ailleurs, ma piété fait cette miséricorde aux enfants des païens qui meurent avant l’âge de discrétion, car bien qu’ils soient privés de la vision de ma face, néanmoins, ils viendront en un lieu qu’il n’est pas loisible que vous sachiez, où ils seront sans peine. Mais quant à ceux qui, de la première voie de l’adolescence sont parvenus à l’âge de discrétion du bien et du mal, il est alors en leur puissance de choisir le bien ou le mal ; et à quoi ils inclineront leur volonté, leur mérite ou démérite suivra la récompense : d’autant qu’alors, ils savaient lire ce qui était écrit au carrefour, à savoir : qu’il valait mieux endurer au commencement un peu de douleur, et en la sortie avoir la joie ; qu’avoir au commencement la joie, et à la fin la douleur éternelle. Néanmoins, il arrive souvent que quelques-uns sont pris et élevés avant que l’exige la disposition naturelle, comme sont ceux qui meurent par homicide, ivrognerie ou autrement, attendu que la malice du diable est si grande qu’il ne peut souffrir que la peine des hommes soit si longue dans le monde.

  Et partant, ma justice et ses fautes l’exigeant aussi, quelques- uns sont pris avant que la disposition naturelle l’exige, aussi cela a été éternellement prévu par ma prescience, laquelle il est impossible de contrevenir ; de même souvent les bons sont appelés avant que la disposition naturelle l’exige, d’autant que l’excès de l’amour que je leur porte, la ferveur de leur dilection, et la peine qu’ils ont à retenir et réprimer leur corps, font qu’ils sont emportés, comme je l’avais prévu de toute éternité, ma justice l’exigeant ainsi. Donc, je ne fais pas plus contre la disposition naturelle du corps que contre celle de l’âme.

Chapitre 2

2002   Plainte du fils de Dieu en présence de l’épouse, à raison d’une âme qui serait damnée. Réponse de Jésus-Christ au diable, pourquoi il permet qu’elle touche et reçoive son précieux corps.

  Dieu comme en colère dit : L’oeuvre de mes puissantes mains me méprise d’autant plus que je l’ai constituée en plus grand honneur. Cette âme dont mon amour avait eu un grand soin, m’a fait trois choses : elle détournait ses yeux de moi pour regarder son ennemi ; elle a collé sa volonté au monde ; elle croyait qu’elle pouvait librement m’offenser.

Partant, puisqu’elle ne s’est pas souciée de jeter ses yeux sur moi, je lui ferai une très prompte justice Or, d’autant qu’il a roidi sa volonté contre moi et s’est confié dans les choses vaines, je lui ai ôté son désir.

Alors le diable s’écrie, disant : O juge ! Cette âme est à moi.

  Le juge répondit : Quelles raisons allègues-tu contre elle ?

  Il répondit : Votre plainte me sert d’accusation contre elle : ne vous a-t-elle pas méprisé, vous qui êtes son Créateur, et en cela même, n’a t elle pas été faite ma servante ? Et parce qu’elle a été subtilement enlevée, comment pouvait elle vous apaiser ? Car quand elle a vécu dans le monde saine de corps, elle ne vous servait pas avec un coeur sincère, mais elle aimait avec plus de ferveur et de transport les créatures, endurait avec impatience les fâcheries, et ne considérait pas comme elle devait ses actions pernicieuses ; et à la fin, elle ne brûlait pas du feu d’amour ; et d’autant qu’elle a été subitement emportée, par la même raison, elle est à moi.

Le juge répondit : On ne condamne pas une fin soudaine, si les oeuvres sont en conflit. La volonté n’est pas damnée éternellement, sans une mûre et diligente délibération.

Alors la mère de Dieu, venant là dessus, dit : Mon Fils, le serviteur négligent qui a un ami familier de son maître, n’implorera-t-il pas pour lui ? Ne le doit-il pas sauver pour l’amour de lui ?

  Le juge répondit : Toute justice doit être avec miséricorde et sagesse : avec miséricorde afin de retenir la rigueur de la justice ; avec sagesse, afin de garder en tout l’équité. Que si la faute est si abominable qu’elle ne soit digne de pardon, néanmoins, la justice demeurant toujours entière, peut aucunement s’adoucir.

La mère de Dieu dit alors : Ô mon fils très doux ! Cette âme m’a eue toujours en mémoire, m’a toujours honorée, et était bien aise de solenniser mes fêtes, bien qu’elle fût froide à votre égard : Partant, faîtes-lui miséricorde.

  Le Fils répondit de nouveau : Vous savez et vous voyez toutes choses en moi, Ô ma Mère bienheureuse ! Que si cette âme se souvient de vous, c’est plutôt pour un bien temporel que pour un bien spirituel, car elle n’a pas traité comme elle devait, mon corps, qui est très pur. Sa bouche puante a empêché mon amour. L’amour du monde et la dissolution de la chair lui ont empêché de voir et de connaître ce que j’avais souffert pour les âmes. La trop grande présomption que je lui pardonnerais, et l’inconsidération de sa fin, ont avancé ses jours. Et bien qu’elle me reçût tous les jours, pour cela elle n’est pas devenue meilleure, attendu qu’elle ne se disposait pas comme elle devait à une si grande réception. En effet, celui qui veut recevoir un bon hôte et seigneur, doit, non seulement préparer le logis, mais disposer tous les ustensiles.

Le prêtre dont il est ici parlé n’en a pas fait de même, car bien qu’il ait nettoyé la maison, néanmoins, il ne l’a pas bien disposée, épurée ; il n’en a pas jonché le pavé de fleurs de vertus ; il n’a pas gardé l’abstinence en ses membres.

Partant, vous voyez tout ce qu’il faut faire et ce qu’il a mérité, car bien que je sois incompréhensible et inviolable, et que je sois partout par ma Divinité; néanmoins, mes plaisirs sont d’être avec ceux qui sont purs et nets, bien que j’entre dans les bons et les damnés ; car les bons reçoivent mon corps qui a été crucifié, qui est monté au ciel, et qui était figuré par la manne et par la farine de la veuve. Les bons et les mauvais me recevront, mais avec cette différence : les bons pour se fortifier davantage, et les mauvais pour un plus terrible jugement, d’autant qu’en étant indigne, ils osent s’en approcher.

   Le diable répondit : S’il s’approchait de vous si indignement, et si son jugement s’augmentait davantage, pourquoi permettiez-vous qu’il s’en approchât, touchant indignement un corps si digne et si auguste ?

Le Juge lui répondit : Tu ne raisonnes pas selon la charité, parce que tu n’en as pas, mais parce que tu y es contraint par ma vertu, pour l’amour de cette mienne épouse qui entend ceci : car comme les bons et les mauvais ont touché à mon humanité, pour montrer que j’avais une vraie et non feinte humanité, l’humilité et la patience, de même les bons et les mauvais me reçoivent à l’autel, les bons pour une grande perfection, et les mauvais, afin qu’ils ne croient être damnés, d’autant que m’ayant reçu, ils peuvent changer la volonté et se convertir, s’ils veulent. Hélas ! Quelle charité plus grande pourrais-je montrer que moi, qui suis très pur, j’entre dans un vase immonde, bien que je ne puisse être souillé par aucun, non plus que le soleil matériel, quand il jette ses rayons sur les choses immondes ! Or, vous et vos amis méprisez une telle charité, d’autant que vous vous êtes roidis contre la charité.

La Mère de Dieu dit de nouveau : O mon Fils très bon, tout autant de fois qu’il s’est approché de vous, ç’a été avec crainte, bien que non pas autant qu’il le devait. Il s’est aussi repenti de vous avoir offensé, quoique imparfaitement. Que cela donc, ô mon Fils, lui profite pour l’amour de moi.

Le fils répondit derechef : Je suis, comme dit, dessus le soleil matériel : le soleil matériel ne pénètre point les montagnes ni les esprits, mais moi je puis le faire. Si donc les montagnes empêchent le soleil matériel de porter ses rayons aux terres voisines, qu’est-ce qui empêche, dans cette âme, que les rayons de mon amour ne la touchent sinon le péché ? Que si on retirait une partie de cette montagne, il faudrait qu’on évacuât la chaleur des lieux circonvoisins : de même si j’entre en une partie d’un esprit pur, quelle consolation en aurais-je, si, de l’autre part, on sent une grande puanteur? Partant, il faut chasser ce qui est sordide et sale, et après, la beauté suivra le plaisir.

 La Mère de Dieu répondit : Que votre volonté soit faite avec toute sa miséricorde.


  DECLARATION.

Ce prêtre fut souvent averti et repris de son incontinence, et il ne voulait pas s’amender. Comme il sortait un jour en un pré pour voir son cheval, la foudre le tua, tout le corps demeura entier, excepté les parties honteuses, qui furent entièrement brûlées. Alors l’Esprit de Dieu dit à sainte Brigitte : Ma fille, voilà ce que méritent en l’âme ceux qui sont enveloppés en semblables misères et délectations.



Chapitre 3 en ce monde il y a cinq maisons dont les habitants sont cinq sortes de personnes

2003   Paroles admirables de la Mère de Dieu à l’épouse par lesquelles il traite comme en ce monde il y a cinq maisons dont les habitants sont cinq sortes de personnes, savoir : les chrétiens infidèles, les juifs endurcis, les païens d’eux-mêmes, ceux qui sont tout ensemble juifs et païens et les amis de Dieu.

Il y a dans ce chapitre des choses très utiles

  C'est chose tout à fait exorbitante que le Seigneur de toutes choses et le Roi de gloire soit méprisé, disait la Sainte Vierge Marie. Il est allé, comme un pèlerin terrestre, de lieu en lieu, et comme un voyageur, heurtant de porte en porte, afin d'être reçu. Le monde en effet était comme un fonds ou il y avait cinq maisons.


Maison N°1 les chrétiens infidèles

Or, quand mon Fils vint en la première maison en habit de pèlerin, heurtant à la porte, il parla en ces termes : Mon ami, ouvrez-moi ; introduisez-moi en votre repos et comme une habitation, de peur que les bêtes farouches ne me nuisent, que la rosée ou la pluie ne tombe sur moi. Donnez-moi de vos vêtements, pour qu'ils me réchauffent, car j'ai froid, pour qu'ils me couvrent, car je suis nu. Donnez-moi de vos viandes pour rassasier ma faim, de votre boisson pour étancher ma soif, et recevez-en la récompense de votre Dieu.

  Alors, celui qui était dans cette maison répondit : Vous êtes trop impatient : partant, vous ne pouvez vous accorder ni habiter avec nous. Vous êtes trop grand, c'est pourquoi nous ne pouvons vous habiller. Vous êtes trop cupide et trop gourmand, nous ne saurions vous rassasier : votre cupidité n'a point de fond.

  Notre-Seigneur, qui était dehors comme un pèlerin répondit derechef : Mon ami, faites-moi entrer joyeusement et franchement, car je n'occupe guère de place.

Donnez-moi de vos habits : il n'y a en votre maison, ni pauvre vêtement qui ne suffise pour m'échauffer. Donnez-moi de vos viandes, car une miette me peut rassasier, et une gouttelette d'eau me rafraîchira et me fortifiera.

  Celui qui était dans la maison lui répondit derechef : Nous vous connaissons très bien : vous êtes humble en paroles et importun en demandes.

Vous paraissez modeste et facile à contenter, mais néanmoins, vous êtes trop insatiable pour être rempli. Vous être très frileux et très difficile à couvrir. Allez-vous-en, je ne vous logerai point.


Maison N°2 les juifs endurcis

Alors il alla à la deuxième maison, et dit : Mon ami, ouvrez-moi et regardez-moi, car je vous donnerai tout ce dont vous aurez besoin.

Je vous défendrai de vos ennemis.

  Celui qui était dedans répondit : Mes yeux sont débiles, votre présence leur nuirait. Je suis riche en tout ; je n'ai point affaire de ce que vous avez ; je suis puissant et fort : qui pourrait me nuire ?


Maison N°3 les païens

Alors, venant à la troisième maison, il dit : Mon ami, écoutez-moi ; étendez votre main et touchez-moi ; ouvrez votre bouche et goûtez-moi.

  Celui qui était dans la maison lui dit : Criez plus haut, et je vous entendrai. Si vous êtes doux, je vous toucherai ; si vous êtes gracieux, je vous recevrai ; si vous êtes agréable, je vous retirerai.

Maison N°4 ceux qui sont tout ensemble juifs et païens

Alors, il alla à la quatrième maison, dont la porte était à demi ouverte, et il dit : Mon ami, si vous considériez que votre temps est mal employé, vous me recevriez en votre maison. Si vous pouviez ouïr ce que j'ai fait pour vous, vous compatiriez avec moi. Si vous considériez avec attention combien de fois vous m'avez offensé, vous gémiriez et me demanderiez pardon.

  Il répondit : Nous sommes comme morts de désir et d'attente de vous voir, compatissez donc à nos misères, et nous vous donnons librement ce que vous nous demandez. Regardez notre misère et considérez l'angoisse de notre corps, et nous serons préparés à tout ce que vous voudrez.


Maison N°5 les chrétiens fidèles

Alors il vint à la cinquième maison, qui était entièrement ouverte, et il dit : Mon ami, je veux entrer ici fort librement ; mais sachez que je cherche un repos plus grand que celui que l'on peut prendre sur la plume [plume dont on fait les matelas de literie]; une chaleur plus fervente que celle que la laine peut entretenir ; une viande plus fraîche que celle que les animaux peuvent donner.

  Ceux qui étaient au dedans lui répondirent : Il y a des marteaux à nos pieds, avec lesquels nous briserons nos os des pieds et des cuisses, et nous vous en donnerons la moelle pour votre repos. Nous vous ouvrirons franchement nos entrailles : entrez en elles, si vous voulez car comme il n'y a rien de si mou pour vous que nos moelles, aussi n'y a-t-il rien de meilleur pour vous échauffer que nos entrailles. Notre coeur est plus frais et recru que celui des animaux : nous le taillerons pour votre viande. Entrez seulement. Vous êtes doux pour être goûté et désirable pour en jouir.

  [Explication de la comparaison] Les cinq habitants de ces maisons signifient cinq sortes d'état des hommes :

Sur les chrétiens infidèles

Les premiers sont des chrétiens infidèles, qui disent que : - les jugements de mon Fils sont injustes, - ses promesses fausses et - ses commandements intolérables.

Ce sont ceux-là qui disent aux prédicateurs de mon Fils : - ils disent selon leurs pensées ; - ils prêchent selon leur intelligence ; - ils disent des blasphèmes. - S'il était tout puissant, il se vengerait des injures ; - il est si loin qu'on n'y saurait atteindre; - il est si haut et si large qu'il ne pourrait être vêtu ; - si insatiable qu'il ne peut être repu ; - si impatient qu'il ne peut cohabiter avec personne.

  Ils l'appellent éloigné, d'autant qu'ils ne s'efforcent, à raison de leur pusillanimité en oeuvre et en amour, de venir à sa bonté ; ils le nomment large, attendu que leur lubricité n'a ni borne ni mesure ; ils l'estiment défectueux et soupçonnent mal de lui avant qu'il vienne ; ils l'accusent d'insatiabilité, parce que le ciel et la terre ne lui suffisent pas, que même il exige que l'homme donne tout ce qu'il a de meilleur pour l'âme, selon son précepte très sot, réputant un grand dommage peu de chose en ce qui touche le corps.[passage manquant dans l'édition du Lion de Juda, Brigitte Baudonnel, novembre 1991] Ils l'estiment très impatient, d'autant qu'il hait les vices et verse les lumières et sentiment du contraire dans les volontés. Ils ne réputent rien être beau ni utile, si ce n'est ce que leur volonté corporelle suggère. [passage manquant dans l'édition du Lion de Juda, Brigitte Baudonnel, novembre 1991]

  Or, mon Fils est maintenant tout puissant au ciel et en la terre, créateur de toutes choses, et n'est créé d'aucune, étant avant toutes choses, et après lui, il n'y a rien de futur. De fait, il est très loin, très haut et très large en toutes choses et par-dessus toutes choses.

  Or, bien qu'il soit si puissant, néanmoins il désire par amour le ministère des hommes, qui n'a besoin de vêtement, qui revêt toutes choses, qui est vêtu lui-même éternellement et immuablement d'honneur et de gloire continuelle.

  Celui qui est le pain des anges et des hommes, qui rassasie toutes choses et qui n'a besoin de rien, désire d'être repu de l'amour des hommes. Il demande la paix aux hommes, lui qui est lui-même le réformateur et l'auteur de la paix.

Donc, quiconque le voudra retirer, il le pourra rassasier d'un esprit joyeux et d'une bonne volonté ; il lui donne une seule miette de pain ; un seul filet suffit pour le vêtir si la charité est ardente ; une seule gouttelette le pourra abreuver, si l'amour est pur et droit.

  Celui qui a une dévotion fervente et constante, le peut recevoir en son coeur et lui parler, car Dieu est un esprit.

  Partant, il veut changer les corporelles en spirituelles, et les passagères en éternelles. Il répute aussi être fait à lui-même tout ce qu'on fait à ses amis, ni ne considère pas seulement l'oeuvre et la puissance, mais la volonté fervente, et avec quelle intention l'oeuvre a été faite, mais plus mon Fils crie en ceux-ci par de secrètes et intelligibles inspirations ; plus il les avertit par ses prédicateurs, plus ils endurcissent leur volonté et raidissent leur esprit contre lui. Ils ne l'écoutent point, ni ne lui ouvrent point la porte de leur coeur, ni ne l'introduisent point par les oeuvres amoureuses et charitables.

  Partant, le temps viendra que la fausseté sur laquelle ils s'appuient, sera réduite à néant, que la vérité sera exaltée, et que la gloire de Dieu sera manifestée.

 

Sur les Juifs endurcis

Pour la deuxième sorte de personnes : il leur semble être en tout raisonnables ; ils ont leur sagesse pour leur justice légale ; ils prêchent eux-mêmes leurs oeuvres et les préfèrent à toutes, S'ils entendent les actes de mon Fils, ils les réputent vils et méprisables ; s'ils entendent ses paroles et ses commandements, ils s'en indignent ; voire ils s'estiment pécheurs et contaminés, s'ils considèrent et entendent ce qui touche à mon Fils. Ils se réputent aussi plus malheureux et plus misérables, s'ils imitaient ses oeuvres.

  Or, tant qu'ils vivront, ils s'estimeront très heureux; tant qu'ils seront en santé, ils croiront être très puissants en leurs propres forces. Partant, leur espérance sera réduite à néant, et leur gloire se changera pour eux en confusion.


Sur les païens

La troisième sorte sont les païens. Quelques-uns d'eux crient en se moquant : Qu'est-ce Christ ? S'il est doux et facile à donner les choses présentes, nous le recevrons franchement ; s'il est clément à pardonner les péchés, nous l'honorerons librement.

Mais ceux-ci ont clos l'oeil de leur intelligence, pour ne pas comprendre la justice et la miséricorde divine ; ils bouchent leurs oreilles afin de ne pas ouïr ce que mon fils a fait pour l'amour d'eux et pour l'amour de tous, ils serrent leur bouche et ne s'enquièrent point de ce qui leur est utile et expédient ; ils plient leur mains et ne veulent pas travailler ; ils ne veulent pas chercher la voie par laquelle ils pourraient fuir le mensonge et trouver la vérité.

Partant, puisqu'ils ne veulent pas entendre et se donner garde, en ayant le temps, ils tomberont avec leur habitation, et ils seront ensevelis en la tempête.

Sur ceux qui sont tout ensemble juifs et païens

La quatrième sorte, seraient volontiers chrétiens, s'ils savaient les manières d'agréer à mon Fils, et si quelqu'un les aidait et les instruisait. Ceux-ci voient des voisins, et entendent par les clameurs intérieures de l'amour et par d'autres signes, combien mon Fils a souffert pour tous. C'est pourquoi ils crient en leur conscience à mon fils, disant :

O Seigneur ! nous avons ouï que vous avez promis que vous vous donneriez à nous, nous vous attendons. Venez donc et accomplissez votre promesse, car nous voyons bien qu'en ceux qui servent les faux dieux, il n'y a aucune vertu divine, nulle charité pour les âmes, nulle chasteté signalée, mais nous avons trouvé en eux l'amitié corporelle et la dilection de l'honneur du monde.

  Nous avons aussi entendu quelque chose de votre loi, et ouï vos merveilles prodigieuses en miséricorde et en justice. Nous avons appris par les paroles des prophètes, qu'ils attendaient celui qu'ils avaient prophétisé. Donc, ô Seigneur pieux et clément ! venez, car nous nous donnerons volontiers tout à vous ; car nous avons ouï qu'en l'amour des âmes, sont l'usage discret de toutes choses, la pureté parfaite et la vie éternelle. Venez donc vite, car nous sommes presque morts à force de vous attendre. Venez et illuminez-nous.

  C'est de la sorte que ceux-ci crient à mon Fils et c'est pourquoi aussi la porte leur est demi-ouverte. En effet, ils ont une parfaite volonté pour le bien, mais elle n'est pas encore sortie en effet.

Ce sont ceux-ci qui méritent d'avoir la grâce et la consolation de mon Fils.

Sur les chrétiens fidèles

En la cinquième maison sont mes amis et mes enfants ; la porte intérieure de leur esprit est entièrement ouverte à mon Fils. Ceux-ci entendent franchement l'appel et la vocation de mon Fils, et non seulement ils lui ouvrent quand il heurte, mais ils lui vont au-devant avec joie quand ils le voient venir ; ils rompent et cassent, par les marteaux des préceptes divins, tout ce qui n'est pas juste et droit en eux, et préparent à mon Fils un repos, non en un lit de plume mais en la mélodie et l'accord des vertus, en la mortification des propres affections, qui sont les moelles des vertus.

  Ceux-ci aussi donnent à mon Fils une chaleur non causée par la laine mais par l'amour fervent ; et d'ailleurs, ils lui préparent une réfection plus fraîche que la viande, et qui est que, dans leur coeur, ils ne désirent rien et n'aiment rien que Dieu.

  Dans leur coeur habite le Seigneur du ciel, et Dieu, qui repaît tout le monde, est repu de leur amour. Ceux-ci ont toujours les yeux à la porte, de peur que leur ennemi n'entre, les oreilles au Seigneur, et les mains pour combattre l'ennemi.

  Imitez ceux-ci ma fille, autant que vous pourrez, car leur fondement est bâti en la pierre ferme. Mais les autres maisons sont fondées sur la boue, et partant, elles tombent au premier souffle de vent.


Chapitre 4 sentence cruelle qui est fulminée contre les faux chrétiens

2004   Parole de la Mère de Dieu adressées à son Fils, pour l’amour de l’épouse sainte Brigitte. De la manière dont Jésus-Christ est préfiguré par Salomon, et de la sentence cruelle qui est fulminée contre les faux chrétiens.

  La Mère de Dieu parlait à son Fils, disant: Mon Fils, voici que votre épouse pleure, d'autant que vous avez force ennemis et peu d'amis.


Salomon figure Jésus fut méconnu, les 2 sont méconnus par les leurs

Le Fils répondit : Il est écrit que les enfants du royaume seront jetés dehors, et que les étrangers le possèdent en héritage. Il est aussi écrit qu'une reine est venue des parties éloignées de la terre pour voir les richesses de Salomon et pour ouïr sa sagesse; et quand elle l'eut vue, elle en fut comme ravie. Or, ceux qui étaient en son royaume [les juifs vivant avec Salomon] ne pensaient pas à sa sagesse ni n'admiraient ses richesses.

  Or, je suis le vrai Salomon préfiguré, mais beaucoup plus riche et plus sage que lui, attendu que toute sagesse est de moi, et cela même que quelqu'un soit sage; mes richesses font la vie éternelle et la gloire indicible. J'ai promis tout cela aux chrétiens, et le leur ai donné comme à mes enfants, afin que, s'ils m'imitaient et croyaient à mes paroles, ils possédassent ces richesses éternellement.

Les Païens recevront ce que les Mauvais chrétiens méprisent

Or, ceux-ci ne considèrent point ma sagesse, méprisent mes oeuvres et estiment pour néant et mes promesses et mes richesses.

  Qu'est-ce donc que je leur dois faire ? Certes, puisque les enfants ne veulent pas avoir mon héritage, les étrangers, c'est-à-dire, les païens le posséderont; car eux, comme une reine étrangère et comme des âmes infidèles, viendront et admireront les richesses de ma gloire, et de mon amour qui les enflammera de telle sorte qu'ils se videront de l'infidélité et se rempliront de mon Esprit.

Les Mauvais chrétiens iront en enfer- image du potier

Or qu’est-ce que je ferai aux enfants de mon Royaume ? Je me comporterai en leur endroit comme un sage potier, qui, n’ayant pas considéré la boue de laquelle il a fait le pot, trouvant qu’elle n’est pas belle et bonne, la jette par terre et la brise en menus morceaux.

  Je ferai de la sorte aux chrétiens, qui, quand ils devraient être à moi, les ayant faits et formés à mon image et ressemblance et rachetés par mon sang, se sont rendus sales et méprisables. Partant, je les foulerai aux pieds comme boue et les précipiterai dans l’enfer.

[conforme 1859]



Révélations de Sainte Brigitte de Suède 1060