Révélations de Sainte Brigitte de Suède 2026

Chapitre 26. vêtements qu’il faut avoir a en la deuxième maison.

2026   Notre Seigneur Jésus-Christ et la Vierge Marie, sa mère, avertissent l’épouse des vêtements qu’il faut avoir a en la deuxième maison. Comment, par ces vêtements, la paix avec Dieu et le prochain, la miséricorde divine et l’abstinence pure, sont dénotées, et d’une très excellente déclaration de ce que dessus.

  La Sainte Vierge disait à sainte Brigitte : Imprimez en votre coeur le riche ornement de la passion très amère de mon Fils, comme un saint Laurent, car ce saint considérait incessamment en son esprit ce qui suit: Mon Dieu et mon Seigneur, Jésus-Christ a été dépouillé et moqué:

comment serait-il donc décent que moi, qui suis serviteur, sois sans douleur ni infliction ? Lors donc qu’il fut étendu sur les brasiers, que sa graisse fondue coulait dans le feu, et que le feu embrasait et enflammait tout son coeur, il tourna ses yeux vers le ciel, disant Béni soyez-vous, mon Dieu, mon Créateur Jésus-Christ. Je connais que je n’ai pas bien vécu les jours passés ; je vois aussi que j’ai fait peu pour votre honneur et gloire : partant, puisque votre miséricorde est très grande, je vous supplie de me traiter miséricordieusement ; et son âme a été séparée du corps, disant ces paroles:

Voyez, ma fille, que celui qui a tant aimé mon Fils, qui a tant souffert pour son honneur, dit qu’il est encore indigne d’obtenir le ciel : comment donc en sont dignes ceux-là qui vivent selon les appétits de leur volonté ?

  Partant, considérez incessamment la passion de mon Fils et de ses saints, car ils n’ont pas tant pâti sans sujet, mais bien pour donner exemple de bien vivre aux autres, et afin de montrer avec quelle sévérité mon Fils exigera le compte des péchés, car il ne veut qu’aucun péché, pas même le plus petit, soit sans amendement.

  Après, le Fils, étant arrivé, parla à l'épouse, disant : Je vous ai dit tout ce qu'il fallait en nos maisons. Entre autres choses, vous devez avoir trois sortes d'habits : le premier, c'est un vêtement de lin, qui croît de la terre; le deuxième de peaux, qui viennent des animaux ; Le troisième de soie, qui se fait des vers.

Le vêtement de lin porte deux biens : 1 - il est mou et doux à la peau ; 2 - il ne perd jamais sa couleur, mais plus il est lavé, plus il est blanc.

Le deuxième vêtement de peaux a aussi deux autres biens : il couvre les hontes et tient chaud contre le froid.

Le troisième vêtement de soie a aussi deux utilités : 1 - il est grandement beau et délicat; 2 - il est grandement cher. L'habillement de lin, qui est propre pour couvrir un corps nu, marque la paix et la concorde. L'âme pieuse et dévote doit avoir cette paix avec son Dieu, ne voulant que ce qu'il veut et en manière qu'il le veut ; ne le fâchant point par ses péchés, d'autant qu'entre Dieu et l'âme, il n'y a point de paix, si elle ne laisse le péché et retient sa concupiscence. Elle doit aussi avoir la paix avec son prochain, ne lui nuisant point, le secourant et le souffrant s'il a péché contre lui ; car qu'y a-t-il de si malheureux que le péché ? L'âme qui désire de pécher n'est jamais remplie ni contente du péché ; elle le désire incessamment et elle n'a jamais de repos.

  Qu’y a-t-il de plus amer et qui pique plus cruellement l'âme qui se courrouce contre son prochain, et lui envie ses avancements et ses perfections ? De ce fait l'âme doit avoir la paix avec Dieu et son prochain, car il n'y a pas de plus grand repos au monde que cesser de pécher, et n'être sollicité ni embrouillé dans le monde. Il n'y a aussi rien de si doux que le séjour du bien, l'avancement de son prochain, et que de lui désirer ce qu'on désire pour soi-même.

  Ce vêtement aussi de lin, qui doit adhérer à la peau, signifie que, dans le coeur où Dieu veut reposer, la paix, entre autres vertus, y doit être plus proche et la plus signalée, car cette vertu introduit Dieu dans le coeur et l'y conserve et retient. Cette paix et la patience sortent de la considération de son infirmité, comme le lin vient de la terre, car l'homme, qui est de la terre doit considérer son infirmité, en tant que soudain il est offensé, il se courrouce, il se plaint dès l'instant, et dit qu'il est lésé. S'il pensait comme il faut à soi, il n'aurait garde de faire à autrui ce qu'il ne peut supporter lui-même, car son prochain est aussi infirme que lui ; comme il ne veut pâtir telles peines, ni lui aussi. Lors la paix ne perd point sa couleur, c'est-à-dire, sa stabilité, mais elle devient plus constante, car la considération de l'infirmité de son prochain avec la sienne, fait que l'homme souffre patiemment les injures. Or, si, par impatience, la paix est souillée et noircie quelque peu, elle est d'autant plus blanche devant Dieu qu'elle est soudain lavée par la pénitence. Elle est aussi d'autant plus gaie et plus forte à souffrir, qu'elle est plus éprouvée et souvent lavée, parce qu'elle se réjouit de l'espérance des récompenses que l'âme attend, à raison de la paix, et d'autant plus elle est sur ses gardes qu'elle ne tombe par impatience.

  Le deuxième vêtement, savoir, celui de peaux, marque les oeuvres de miséricorde ; et de fait, ces vêtements sont de peaux des animaux morts. Qui sont ces animaux morts, sinon mes saints, qui sont fort simples ? L'âme doit être couverte de leurs peaux, c'est-à-dire, elle doit imiter et faire les oeuvres de miséricorde qu'ils font. Ces vêtements servent à deux choses, 1 - à couvrir la nudité de l'âme pécheresse, et à la purifier des souillures, afin qu'elle apparaisse pure devant moi ; 2 - ils défendent du froid : quel est le froid de l'âme, sinon l'opiniâtreté au péché et l'endurcissement aux sentiments de mon amour ? Les oeuvres de miséricorde chassent puissamment ce froid, attendu qu'elles revêtent l'âme, afin qu'elle ne périsse de froid. Par elle Dieu visite l'âme, et elle s'approche d'autant plus de Dieu.

  Le troisième vêtement de soie, qui est fait de vers, qui coûte beaucoup à l'acheteur, marque l'abstinence, car elle est belle devant Dieu, devant les anges et les hommes. Elle coûte aussi beaucoup à celui qui l'achète, car hélas ! il est dur et difficile à l'homme de retenir et réfréner sa langue de trop vainement parler. Il lui est amer de mortifier les concupiscences de la chair, de se priver des superfluités et de quitter ses plaisirs ; il lui est aussi difficile de rompre et contrevenir à ses volontés. Mais bien qu'il soit dur, amer et difficile, il est néanmoins en toute manière utile et excellent de le faire.

  Partant, mon épouse, par laquelle j'entends tous les fidèles, amassons et entassons en notre deuxième maison la paix avec Dieu et avec le prochain, compatissant et aidant aux misérables par les oeuvres de miséricorde. L’abstinence des concupiscences, comme elle est plus chère que les autres, est aussi plus belle que toutes, attendu que, sans elle, les autres ne semblent point avoir leur éclat et leur beauté.

  Cette abstinence doit être prise des vers, c’est-à-dire, de la considération des excès contre Dieu, de la considération de mon humilité et abstinence, moi qui ai été semblable au vermisseau pour l’amour de l’homme, qu’il voie en son âme comment et combien de fois il a péché contre moi, et en quelle manière il s’est amendé, et il connaîtra clairement qu’il n’y a abstinence ni labeurs qui puissent satisfaire à ses offenses. Qu’il considère mûrement mes peines, mes labeurs et ceux de mes saints, pourquoi ils ont tant souffert, et il entendra vraiment que, si j’ai exigé tant de rigueur de moi et de mes saints, qui m’obéissaient parfaitement, sera grande la vengeance que je prendrai de ceux qui ne m’obéissent point.

Donc, que l’âme qui est bonne embrasse courageusement et franchement l’abstinence ; qu’elle se souvienne combien ses péchés sont malicieux, et qu’ils rongent son âme de vers ; et de la sorte, de vermisseaux vils et abjects, elle en fera une soie précieuse, de laquelle tous ses membres seront revêtus par cette abstinence et considération, de laquelle Dieu et toute la milice céleste se réjouissent, et pour l’amour de laquelle elle jouira de la gloire et de la joie éternelles, et sans l’aide de laquelle elle aurait eu les pleurs éternels.


Chapitre 27 instruments qu’il faut mettre en la troisième maison.

2027   Jésus-Christ parle à son épouse des instruments qu’il faut mettre en la troisième maison. Comment, par ces instruments, sont désignées les bonnes pensées d’un sens bien réglé. Et une bonne confession; de leur entière déclaration, et de la clôture générale de ces maisons. Le Fils de Dieu, engendré avant le temps, parlait à son épouse, disant : Je vous ai avertie qu’en la troisième maison devraient être les instruments, en triple différence qu’aux premiers, il fallait mettre les liqueurs ; en la deuxième, les instruments avec lesquels on préparait la terre, comme le râteau la cognée, etc. Qui se peuvent réparer, quand ils sont rompus, en la troisième partie du logis, les chevaux, les ânes, etc. Dont on se sert pour porter les choses animées et inanimées. En la première maison, en laquelle sont les liqueurs, il faut qu’il y ait deux sortes d’instruments : les premiers dans lesquels on verse les liqueurs fort liquides et douces, comme l’eau, le vin, l’huile, etc. Dans les autres, on met les liqueurs amères, épaisses, comme la moutarde, etc.

  Ne sauriez-vous pas entendre ce que tout cela signifie ?

Les liqueurs signifient en vérité les pensées bonnes et mauvaises de l’âme, car la bonne pensée est comme l’huile douce et comme le vin plaisant et délectable. La mauvaise pensée est amère comme la moutarde, car elle rend l’âme amère et la trouble. Et comme l’homme a quelquefois

  besoin des liqueurs épaisses, lesquelles, bien qu’elles ne profitent pour soutenir le corps, servent néanmoins à purger le cerveau et le corps et pour la santé, de même aussi les mauvaises pensées, bien qu’elles n’engraissent et ne rassasient l’âme comme l’huile des bonnes pensées, néanmoins, profitent pour purifier l’âme, comme la moutarde purge le cerveau ; car si les mauvaises pensées ne nous arrivaient souvent, l’homme serait alors, non homme, mais un ange, et penserait que toutes choses viendraient de lui, voire que la force que je lui ai donnée serait de lui-même. Il est donc nécessaire que mon infinie miséricorde permette quelquefois qu’il soit assailli des mauvaises pensées, qui, si l’homme n’y consent, lui servent pour purifier son âme et pour conserver ses vertus. Et bien qu’elles soient amères comme la moutarde, néanmoins, elles guérissent grandement l’âme et la conduisent à la vie éternelle, santé qu’on ne peut acquérir sans amertume.

  Qu’on prépare donc les vases de l’âme, où l’on met les bonnes pensées. Qu’on les tienne diligemment. Il est même utile que les mauvaises pensées nous assaillent pour nous éprouver et pour nous faire mériter davantage ; que l’âme néanmoins se prenne garde diligemment de n’y consentir ou de s’y délecter autrement. La douleur et l’avancement de l’âme s’épandront et se perdront, et la seule amertume de l’âme demeurera.

  En la deuxième maison, il faut avoir aussi des instruments de deux sortes : les premiers sont extérieurs, par lesquels on prépare et cultive la terre pour la semer, et on arrache les épines, comme sont le soc, etc. ; les autres, qui servent au dedans et au dehors, comme la coignée, etc. ; les instruments avec lesquels on cultive la terre, signifient les sens de l’homme qui ont été ordonnés à l’utilité du prochain, comme le soc pour cultiver la terre, car les hommes mauvais sont comme la terre maudite, attendu qu’il ne pensent qu’aux choses terrestres, car il sont arides en componction et contrition de leurs péchés, d’autant qu’ils ne pensent à la gravité d’iceux, mais croient que c’est peu de chose. Ils sont froids en l’amour divin, car ils ne cherchent qu’à accomplir leurs volontés et leurs sales appétits. Ils sont pesants et fainéants pour faire le bien, et agiles pour les ambitions et les honneurs du monde.

  Partant, l’homme de bien doit se perfectionner, et perfectionner les autres, commençant par les sens extérieurs, comme le laboureur cultive la terre par le soc. Il les doit cultiver par sa bouche, leur disant des paroles utiles à l’âme, les formant et instruisant à la vraie vie ; après, il doit tâcher de faire ce qu’il dit autant que faire se pourra, afin que le prochain soit instruit par parole et excité à bien faire par l’exemple. D’abondant, qu’il compasse et compose à la modestie le reste des sens, tant les siens que ceux de son prochain, afin que les yeux simples et modestes ne se portent à voir des choses impudiques, et que le prochain garde en tous ses membres une sainte modestie. Qu’il mortifie ses oreilles, afin qu’il n’écoute des choses ineptes, et qu’il excite les pieds de ses affections pour se porter joyeusement aux oeuvres de charité. Cette terre de nos sens étant de la sorte cultivée, je lui donnerai la terre de ma grâce par le labeur de celui qui la cultive ; et celui qui travaille se réjouira des fruits de la terre, qui auparavant était aride et stérile, quand il la verra plantureusement germer.

  Mais quant aux instruments qui sont nécessaires pour préparer ce qui est intérieur a la maison, comme sont la coignée, etc. ils signifient la droite discrétion, pure intention, et divine discussion, que nous devons avoir aux oeuvres de Dieu, car l’homme ne doit rien faire pour acquérir les honneurs et pour la louange des hommes, mais pousse d’amour, il doit agir pour posséder une éternelle récompense.

  Partant, que l’homme examine diligemment et exactement ses oeuvres, avec quelle intention, pour quelle fin et pour quelle récompense il les a faites. Que s’il trouve en ses oeuvres quelque vanité, qu’il l’ôte soudain avec la coignée de discrétion, afin que, comme au dehors il cultive son prochain, qui est comme étranger de la maison, c’est-à-dire, hors la compagnie de mes amis, à raison de ses péchés, que de même au-dedans, il fructifie à soi-même par la charité divine ; car comme l’oeuvre d’un rustique qui n’avait point des instruments propres pour réparer et rétablir ce qui était ruine, se perdit bientôt, de même, si l’homme n’examine ses oeuvres et ne considère comme il les faut soulager, si elles sont lourdes et laborieuses ; en quelle manière il faut rétablir, si elles sont en ruine, ne parviendra jamais a la perfection. Partant, il faut, non seulement labourer efficacement a l’extérieur, mais il faut encore soigneusement considérer comment et avec quelle intention on agit et on travaille.

  En la troisième maison, on doit avoir des instruments animés pour porter ce qui est mort et vivant, comme sont les chevaux, etc. Les instruments signifient la vraie confession, car c'est elle qui fait aller les vivants et les morts.

Que signifie vivant, sinon l'âme que ma Divinité a créée et qui vit éternellement ? car par la confession, elle s'approche de plus en plus de Dieu ; car comme l'animal qui est plus souvent et mieux nourri, est plus fort pour porter et plus beau à regarder, il en est de même de la confession : plus elle est fréquente et plus elle est exacte, tant des grandes que des petites fautes ; elle plaît d'autant plus à Dieu qu'elle introduit l'âme dans le coeur de Dieu.

  Or, qu'est-ce que signifie morte que la confession fait vivre, si ce n'est les bonnes oeuvres mortes par le péché mortel? Car les bonnes oeuvres, mourant pour le mérite de la gloire, par le péché mortel, sont mortes devant Dieu; car aucun bien ne peut plaire à Dieu que premièrement, le péché ne soit corrigé et amendé, ou par une parfaite volonté, ou par effet; car des deux liqueurs, l’une suave, l’autre puante, ne conviennent point en un vase. Or, si quelqu’un a mortifié ses bonnes oeuvres par les péchés mortels; s’il a une vraie contrition des fautes commises avec un ferme propos de s’en amender et de s’en garder à l’avenir, soudain elles revivent par la confession et par la vertu de l’humilité, qui avaient été auparavant mortifiées, et lui et elles profitent pour la vie éternelle. Si l’homme meurt sans contrition ou sans une vraie confession, ses bonnes oeuvres, qui ne peuvent mourir en elles ou se perdre, néanmoins, à cause du péché mortel, ne méritent la gloire céleste, elles servent pour lui soulager la peine ou pour le salut des autres si toutefois il a fait ces mêmes oeuvres en pureté d’intention pour l’honneur de Dieu, que s’il a fait ces bonnes oeuvres pour acquérir la gloire du monde et pour son propre intérêt ; lors, l’auteur de ces oeuvres mourant, elles meurent, car il a reçu sa récompense du monde, pour l’amour duquel il a travaillé.

  Partant, ô mon épouse, par le nom de laquelle j'entends tous mes amis bons et fidèles, amassons et entassons en nos maisons les choses dont Notre-Seigneur Dieu se veut spirituellement délecter en l'âme sainte.

En la première maison, amassons,

1 - le pain d'une sincère volonté, ne voulant que ce que Dieu veut ;

2 - le breuvage de la divine préméditation, ne faisant rien sans y penser et voir l'honneur de Dieu ;

3 - la viande de la divine sagesse, considérant toujours ce qui nous doit arriver, et comment il faut ranger et ordonner les choses présentes.

  Nous devons amasser en la seconde maison,

1 - la paix avec Dieu, délaissant le péché, et la paix avec le prochain, fuyant toutes noises et dissensions ;

2 - les oeuvres de miséricorde, par lesquelles nous sommes utiles au prochain ;

3- l'abstinence parfaite, par laquelle nous retenions, et contenions tout de qui veut troubler notre paix.

  En la troisième maison, nous devons amasser :

1 - de bonnes et raisonnables pensées, pour enrichir et ennoblir notre maison intérieurement ;

2 - les sens bien composés et mortifiés, pour édifier extérieurement nos amis ;

3 - une vraie et bonne confession, par laquelle, si nous sommes morts, nous puissions revivre.

  Mais bien qu'ils aient des maisons, néanmoins ils ne savent garder en elles ce qu'ils ont amassé, si ce n'est qu'ils aient des portes, qui ne peuvent être suspendues sans gonds ni être fermées sans serrures.

  Partant donc, afin que ce qu'on a amassé soit assuré, il faut avoir en la maison une porte, qui est l'espérance ferme et assurée, qui ne soit débilitée par les adversités, espérance qui doit rouler sur ces deux points, savoir : qu'elle ne désespère de pouvoir acquérir la gloire ni d'éviter les supplices de l'enfer, mais qu'en toute adversité, se confiant toujours en la miséricorde divine, il espère des choses meilleures. La serrure de cette porte est la charité divine, par laquelle la porte doit être gardée, afin que l'ennemi n'entre en la maison, car que profite-t-il d'avoir une porte sans serrure ? Quoi ? D’avoir l'espérance sans charité, car si quelqu'un espère les choses présentes et éternelles, et désespère de la miséricorde divine, il ne craint ni n'aime Dieu ; il a une porte, mais sans serrure, et par laquelle l'ennemi entre quand il veut, massacre et tue. Or, l'espérance juste et droite est que celui qui espère, fasse aussi le bien qu'il pourra, sans lequel il ne peut jouir des choses célestes, s'il a su et pu faire le bien et ne l'a pas fait. Si quelqu'un a excédé ou qu'il ait manqué à faire le bien qu'il pouvait, qu'il ait une bonne volonté de faire le bien qu'il pourra, et quand il ne pourra le faire, qu'il espère fermement qu'il pourra s'approcher de Dieu par la bonne volonté et charité divine.

  Que la porte donc, c'est-à-dire, la charité divine, soit munie de charité, afin que, comme la serrure a au-dedans plusieurs ressorts afin que l'ennemi ne l'ouvre, de même en la charité on ait un grand soin que Dieu ne soit offensé et qu'on ait une crainte filiale et amoureuse de ne s'éloigner de Dieu. Qu'on ait aussi une ferveur enflammée comment on aimera Dieu, et un grand soin comment on l'imitera. Qu'on ait une douleur qu'on ne puisse faire autant de bien qu'on voudrait et qu'on sait y être obligé. Qu'on ait aussi l'humilité, par laquelle l'homme répute pour néant ce qu'il fait considérant ses péchés. Que la serrure soit munie des ressorts, de peur que le diable n'ouvre facilement la serrure de la charité, où Dieu verse son amour. Or, la clé, par laquelle on ferme et on ouvre la serrure, doit être le désir en un seul Dieu, qui doit être avec la charité et l'oeuvre divine, de sorte que l'homme ne veuille rien que Dieu, bien qu'il fût en sa puissance d'en avoir, et cela, à raison d'un très grand amour de Dieu, car le désir enferme Dieu dans nos coeurs, et nos coeurs en Dieu, d'autant qu'il n'y a qu'une seule volonté en tous deux.

  Or, l'épouse et l'époux doivent seulement apporter cette clé, savoir, Dieu et l'âme, afin que toutes les fois et quand Dieu voudra entrer dans nos coeurs et se réjouir dans les biens et les vertus de l'âme, il en ait un libre accès par la clé de ses fermes et constants désirs ; tout autant de fois aussi que l'âme voudra entrer dans le coeur de Dieu, elle le puisse faire franchement, car elle ne désire que Dieu.

  Cette clé se garde aussi par la vigilance de l’âme, et par le soin de l’humilité, qui rapporte a Dieu tout le bien qu’elle a. Cette clé garde aussi par la puissance de Dieu et par la charité divine, afin que l'âme ne soit supplantée par le diable.

  Voyez, ô mon épouse ! quel est l'amour que Dieu porte à l'âme. Demeurez donc ferme et faites ma volonté.



Chapitre 28 Jésus-Christ parle à son épouse de son immutabilité ; de la perfection de ses paroles, bien que l’effet ne s’ensuive dès l’instant.

2028 Jésus-Christ parle à son épouse de son immutabilité ; de la perfection de ses paroles, bien que l’effet ne s’ensuive dès l’instant. Comment il faut commettre notre volonté en tout et partout à la volonté divine.

  Le Fils de Dieu éternel parlait à son épouse, disant : Pourquoi vous troublez-vous de ce que ce faussaire a dit que mes paroles étaient fausses ? Eh quoi ! Suis-je pire par ses blâmes ou meilleur par ses louanges ? Certainement, je suis immuable ; je ne puis être diminué, ni être augmenté, ni n’ai besoin de louanges. Mais l’homme, en me louant, profite de ma louange à soi-même, et non à moi ; et il n’est jamais sorti et il ne peut sortir de ma bouche aucune fausseté, car je suis la vérité même ; car tout ce que j’ai dit par mes prophètes, ou bien par quelques-uns de mes amis, soit spirituellement ou corporellement, s’accomplira comme je l’ai entendu ; et ce que j’ai dit n’est pas faux, d’autant que j’ai dit une chose une fois, une autre une autrefois, l’une clairement, l’autre obscurément ; car en preuve de la constance de ma foi et de la sollicitude de mes amis, j’ai manifesté plusieurs choses, qui, selon les divers effets de mon esprit, peuvent être entendues diversement, bien et mal par les bons et par les mauvais, comme l’on converse en une diversité d’états. Car comme en ma Déité j’ai pris mon humanité en une personne, de même quelquefois je parlais de la part de mon humanité en tant qu’elle était sujette à la Divinité, quelquefois de la part de la Déité, en tant qu’elle avait créé l’humanité comme il paraît par l’Evangile. Et ainsi, bien que mes paroles semblent diverses à ceux qui les calomnient et qui les ignorent, néanmoins, elles sont vraies et sont selon la vérité. Ce n’est pas non plus sans raison que j’ai baillé quelques choses fort obscurément, car ma justice l’exigeait de la sorte, afin que mon conseil fût aucunement caché aux mauvais, et qu’un chacun des bons attendit avec ferveur ma grâce, et que, pour son attente, il en reçut le prix, de peur que mes conseils eussent été déclarés, et qu’insinués en quelque certain temps, tous ne se désistassent de leur attente et poursuite amoureuse à raison de la largeur du temps.

  J’ai promis aussi plusieurs choses que j’ai retirées en ce temps, à cause de l’ingratitude, car s’ils se fussent désistés de leur malice, certainement j’aurais exécuté ce que je leur avais promis. Partant, vous ne devez vous troubler si les méchants accusent de fausseté mes paroles, car tout ce qui est impossible à l’homme m’est possible.

  Mes amis admirent aussi pourquoi, après les paroles, les oeuvres ne suivent point, car ceci n’est pas sans raison. Mais quoi ! Moïse n’a-t-il pas été envoyé à Pharaon ? Et soudain toutefois, les signes n’ont pas été faits. Pourquoi ? Car si soudain les signes fussent venus et les oeuvres eussent été faites, l’obstination et l’endurcissement de Pharaon n’eussent pas été manifestes, ni la puissance divine, ni les merveilles déclarées ; néanmoins, Pharaon, à raison de sa malice, eût été damné, bien que Moïse n’y eût été, bien que endurcissement n’eût été si manifeste. Il s’en fait de même maintenant.

  Partant, demeurez constante, car bien que le soc soit traîné par les boeufs, néanmoins, il est gouverné selon la volonté du laboureur : de même, bien que vous ayez et sachiez mes paroles, néanmoins, elles ne vont et ne viennent pas selon votre volonté, mais selon la mienne, car je sais quelle est la terre qui est disposée et comment il la faut cultiver. Or, vous, commettez mes volontés à moi, et dites: Que votre volonté soit faite.



Chapitre 29 Saint Jean-Baptiste avertit l’épouse

2029   Saint Jean-Baptiste avertit l’épouse de Jésus, sainte Brigitte, comment sont désignés et signifiés en figure, Dieu par les poussins, le corps par le nid du monde, les délectations par les animaux farouches, la superbe par les oiseaux de rapine, et la joie du monde par les lacets.

  Saint Jean-Baptiste parlait à l’épouse de Jésus-Christ, disant : Notre-Seigneur Jésus vous a appelée des ténèbres à la lumière, des immondices à la pureté, des angoisses aux latitudes d’amour ? Qui pourrait donc expliquer ou satisfaire aux obligations que vous lui avez de l’en remercier. Véritablement, faites tout autant que vous pourrez.

  Il y a un oiseau qui se nomme une pie, qui aime grandement ses petits, d’autant que les oeufs dont ses petits sont éclos, ont été en son ventre.

Cet oiseau fait son nid des choses vieilles et rompues, à raison de trois choses :

1- pour le repos ;

2-pour se mettre à couvert de la pluie et des extrêmes chaleurs ;

3-pour y pour y nourrir ses poussins, qui ont été produits des oeufs ; car cet oiseau, pour l’amour qu’il porte à ses petits, couve les oeufs et fomente les poussins.

Or, quand ils sont nés et grandelets, la mère les allèche à voler en trois manières :

1-par l’administration de la viande dont elle se nourrit ;

2- par la fréquente voix ;

3- par l’exemple de son vol.

Mais les poussins, qui aiment leur mère, accoutumés à la viande de leur mère, s’élèvent peu à peu, suivant leur mère sur le nid ; puis après, selon que les forces s’augmentent, ils vont plus avant, jusqu’à ce que l’usage et l’art les aient rendus parfaits à voler.

  Cet oiseau nous représente Dieu, qui est de toute éternité et ne change point, et de lui dépendent toutes les âmes raisonnables, comme d’un ventre. A chaque âme est préparé un nid des choses les plus usées, d’autant que le corps terrestre est uni à l’âme, dans lequel Dieu nourrit l’âme de la viande des bonnes affections, le défend des oreilles des mauvaises pensées, et la met à repos et à couvert de la pluie des mauvaises actions.

Or, chaque âme est jointe au corps, afin qu’elle le régisse et qu’elle ne soit point régie de lui, qu’elle l’excite au labeur et qu’elle en ait soin raisonnablement. Donc, Dieu, comme une bonne mère, enseigne l’âme à profiter et à avancer dans les choses meilleures ; il l’enseigne à sortir de ce qui est étroit, pour se dilater à ce qu’il faut faire et avoir horreur de ce qu’il faut fuir.

  Premièrement, pour la viande, lui donnant des lumières, raison et intelligence selon la capacité d’un chacun, leur montrant ce qui est commandé et ce qui est défendu, ce qu’il faut faire et ce qu’il faut fuir. Mais comme la mère enseigne et élève ses poussins sur le nid, de même l’homme apprend, en premier lieu, à considérer les choses célestes ; à penser aussi combien serré et vil est le nid du corps, combien éclatantes et lumineuses sont les choses célestes, et combien est plaisant et détestable ce qui est éternel.

  Dieu aussi conduit l’âme par sa voix, quand il dit : Celui qui me suit aura la vie ; celui qui m’aime ne mourra point. Cette voix conduit au ciel ; qui ne l’oit, ou il est sourd ou ingrat à la dilection de la mère.

  En troisième lieu, Dieu conduit et attire l’âme par le vol, c’est-à-dire, par l’exemple de son humilité. L’humanité glorieuse de Jésus-Christ a eu comme deux ailes :

1- d’autant qu’en elle était toute pureté ;

2- parce qu’elle a fait toute sorte de biens. L’humanité de Jésus volait au monde avec ces deux ailes.

  Que l’âme donc suive le vol de ces deux ailes autant qu’elle pourra. Que si elle ne le peut par oeuvre, pour le moins qu’elle le fasse par amour et désir. Quand les poussins volent, ils se doivent donner de garde de trois choses :

1- des animaux farouches, et qu’ils n’habitent après d’eux, car ils ne pourraient résister à leur force; 2- des oiseaux de rapine, car les poussins n’ont pas l’aile forte pour voler vite comme ceux-là : il sera donc plus assuré pour eux de demeurer cachés ;

3- qu’ils ne désirent jamais la proie où est le lacet.

  Ces animaux dont je viens de parler ne sont autres que les délectations et les cupidités du monde. Que l’âme se donne de garde de celles-ci, car elles semblent douces au sentiment, bonnes à la possession et belles à la vue. Mais hélas ! Quand on les pense tenir, elles s’enfuient vitement. Quand on y pense prendre plaisir, elles mordent sans miséricorde.

En deuxième lieu, qu’elle se garde des oiseaux de rapine, qui ne sont autres que la superbe et l’ambition, car elles désirent incessamment de monter de plus en plus, de précéder les autres et de les avoir en haine.

  Or, que l’âme, ce poussin, se donne bien de garde de ces deux vices, et qu’elle désire insatiablement de demeurer dans les cachots d’une humilité inconnue et profonde. Qu’elle ne soit orgueilleuse des grâces que Dieu lui a données ; qu’elle ne méprise point ses inférieures, et qu’elle ne pense être meilleure que ceux qui ont une moindre grâce qu’elle. En troisième lieu, qu’elle se donne bien de garde de la proie en laquelle le lacet est attaché. Cette proie qui déçoit n’est autre chose que la joie du monde, car la joie semble bonne à la bouche, délectable au corps, mais en ces choses-là mêmes, les pointes mordantes du lacet y sont cachées. Certes, un ris immodéré apporte une joie déréglée. La volupté du corps nous conduit à l’inconstance de l’âme, dont s’ensuit la tristesse pressante, ou en la mort et devant elle, ou quand on est en adversité.

  Hâtez-vous donc, ma fille, de sortir souvent de votre nid par les désirs et les soupirs des choses célestes. Donnez-vous de garde des oiseaux de rapine, oiseaux d’ambitions, de cupidité et d’orgueil ; donnez-vous de garde de la proie d’une joie vaine et pétulante. Après, la sainte Mère de Dieu parla à cette épouse: Gardez-vous, dit-elle, de l’oiseau qui est teint de poix, car tous ceux qui le touchent se souillent. Cet oiseau n’est autre que l’amitié immodérée du monde, qui est inconstante comme l’air, sale et vile en la poursuite des honneurs, et abominable en ses compagnies. Ne vous souciez point des honneurs mondains ; ne considérez point les faveurs passagères ; ne regardez point si on vous loue ou si on vous blâme, car de tout cela proviennent l’inconstante de l’esprit et le refroidissement de l’amour divin. Soyez donc constante et ferme. Confiez-vous que Dieu, qui a commencé de vous tirer du nid, vous repaîtra jusqu'à la mort. Après la mort, vous n’aurez point faim. Il vous préservera des peines ; il vous défendra tant que vous vivrez, et après la mort, vous ne craindrez rien.


Chapitre 30 prière que la Mère de Dieu fait à son Fils pour l’épouse sainte Brigitte et pour un autre saint.

2030   Ce chapitre est une prière que la Mère de Dieu fait à son Fils pour l’épouse sainte Brigitte et pour un autre saint. Comment la prière de la Mère de Dieu est acceptée par le Fils, et de la vraie ou fausse sainteté de l’homme pendant qu’il vit.

La Vierge Marie parlait à son Fils, disant : Mon Fils, donnez à votre nouvelle épouse cette faveur, que votre corps soit enraciné dans son coeur, afin qu’elle soit changée en vous et soit remplie de vos indicibles plaisirs. Ce saint (saint Prinuphe, évêque, comme il paraît par le chapitre 108), tant qu’il a vécu, a été constant en la foi comme une montagne, laquelle l’adversité n’ébranle ni la prospérité n’allèche ; il a été flexible comme l’air à condescendre à vos volontés car il se portait où le poussait l’impétuosité de votre Esprit. Il fut d’ailleurs ardent en charité, comme le feu échauffant les froids et consumant les méchants. Or, maintenant, son âme est en la gloire avec vous ; mais son vaisseau, le corps, qui a servi d’instrument aux bonnes oeuvres, n’est pas selon la décence qu’il faut : il gît en un lieu trop vil.

Partant, O mon Fils ! Donnez à son corps un honneur plus grand et un bien plus honorable, puisqu’il vous a honoré selon son pouvoir ; rehaussez-le, puisqu’il vous a loué autant qu’il a pu.

  Le Fils répondit à sa Mère la Sainte Vierge : Bénie soyez-vous, vous qui ne laissez en arrière rien qui touche à vos amis ! Il n’est pas décent, ma Mère, qu’une si bonne viande soit parmi les loups. Il n’est pas raisonnable que celui qui est un saphir en pureté, conservant en son entier ce qui est saint et rétablissant ce qui est infirme, gise maintenant parmi la boue et la fange. Il est aussi convenable que cette lumière soit illuminée pour illuminer les aveugles. Car de fait, cet homme, comme il a été constant en la foi et fervent en l’amour, ainsi a-t-il été continent et conforme à mes volontés. C’est pourquoi il m’a plu comme une viande très bonne, qui a été cuite dans le feu de toute sorte de patience et de tribulation ; il m’est fils doux et bon en volonté, et meilleur en l’effort des bonnes oeuvres et à avancer généreusement dans la sainte perfection, et très bon et très doux en sa louable fin et consommation de sa vie.

Partant, il n’est pas à propos qu’une telle viande soit si hautement prisée et exaltée devant les loups, la cupidité desquels ne peut être rassasiée, la délectation et sensualité desquels fuient la vertu des herbes, et sont sitibondes et faméliques après les charognes pourries, et desquels la voix rusée, douce et emmiellée, nuit à tout le monde.

  Il a été aussi comme un saphir enchâssé dans l’anneau par la fin et par l’éclat de sa vie, par laquelle il s’est montre époux de son Église, ami de son Seigneur, conservateur d’une foi sainte et contempteur du monde. Partant, ma très chère Mère, il n’est pas décent que celui qui avait tant d’amour au bien, soit touché des immondes, comme un époux du monde, et que les amateurs du monde s’approchent de celui qui a tant aimé l’humilité.

  Il a été encore, en troisième lieu, comme une lumière mise sur le chandelier par l’exécution et l’observance de mes commandements, et par la doctrine de sa bonne vie ; par elle, il a affermi les autres, afin qu’ils ne tombassent ; par elle, il a relevé ceux qui étaient tombés; par elle, il a excité la postérité à venir à moi. Ceux qui sont aveugles en leurs amours ne peuvent dignement discerner cette lumière ; les chassieux de superbe ne les peuvent toucher de leurs mains galeuses, car cette lumière est trop odieuse aux ambitieux, désireux et amateurs de leurs volontés. Partant, avant que cette lumière soit élevée, il est juste et raisonnable que ceux qui sont aveugles soient éclairés.

  Quand a cet homme, que les hommes de la terre appellent saint, il y a trois choses qui ne le montrent point saint :

1- d’autant qu’avant sa mort, il n’imitait point la vie des saints ;

2- parce qu’il n’a pas eu une joyeuse volonté d’endurer le martyre pour l’amour de moi ;

3- attendu qu’il n’a pas eu une charité fervente et bien ordonnée comme mes saints l’ont eue.

  Il y a aussi trois choses qui le font réputer saint du peuple :

1- le mensonge fallacieux et plaisant ;

2- la facile croyance des fous ;

3- la cupidité et la tiédeur des prélats et des examinateurs.

  Or, si cet homme est en enfer ou non, il ne vous est pas encore licite de le savoir, mais vous saurez quand il sera temps d’en parler.

Fin du tome premier.




Révélations de Sainte Brigitte de Suède 2026