Révélations de Sainte Brigitte de Suède 4038

Chapitre 38 Jésus-Christ dit à son épouse sainte Brigitte de n’ajouter point foi aux songes

4038   Jésus-Christ dit à son épouse sainte Brigitte de n’ajouter point foi aux songes, et il s’en faut bien donner garde, bien qu’ils soient tristes ou joyeux. Comment le diable y mêle souvent la fausseté avec la vérité, d’ou vient qu’au monde il y a plusieurs erreurs. Les prophètes n’ont pas erré, d’autant qu’ils ont dirigé toutes choses à Dieu.

  Le Fils de Dieu parle, disant : Pourquoi les songes joyeux vous élèvent-ils de la sorte, et pourquoi les tristes vous dépriment-ils si bas ? Ne vous avais-je pas dit que le diable était envieux, et que, sans la permission divine, il ne vous pouvait pas plus vous faire du mal qu’un fétus devant vos pieds. Je vous ai dit aussi qu’il était le père, l’auteur et l’inventeur du mensonge, et qu’en toutes ses faussetés, il mêle quelque vérité. Partant, je vous dis que le diable ne dort pas, mais vous environne, afin qu’il trouve quelque occasion contre vous ; partant, il vous faut donner de garde qu’il ne vous déçoive, car par la subtilité de sa science, il entre dans l’intérieur par les mouvements intérieurs ; car quelquefois, il met dans le coeur des choses tristes, afin qu’étant abattue, vous laissiez à bien faire ce que vous pourriez faire, et afin qu’avant vos misères, vous soyez misérable et dolente.

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Souvent aussi le diable met dans le coeur déçu, trompé et qui veut plaire au monde, plusieurs faussetés par lesquelles plusieurs sont déçus, comme les faux prophètes. Cela arrive à celui qui aime plus quelque autre chose que Dieu. Et partant, cela arrive, attendu que, parmi tant de faussetés, il s’y trouve quelque vérité, car autrement, le diable ne saurait jamais tromper, s’il ne mêlait la vérité avec la fausseté, comme vous avez vu en ce possédé,qui, bien qu’il confessât y avoir un seul Dieu, était néanmoins impudique en son geste, et ses paroles montraient quelque chose d’étranger, d’autant que le diable était en lui et le possédait.

Or, maintenant, vous pouvez me demander pourquoi je permets que le diable mente. Je le permets et l’ai permis à raison des péchés du peuple et des clercs, qui ont voulu savoir ce que Dieu voulait cacher, ou qui désiraient prospérer où Dieu voyait que leur salut ne s’avançait pas. C’est pourquoi Dieu permet des malheurs à raison des péchés, qui n’arriveraient jamais, si l’homme n’abusait des grâces et de la raison. Mais les prophètes, qui ne désiraient et ne respiraient que Dieu, ni ne voulaient parler que pour l’amour de Dieu, ne se trompaient point, mais ils ont aimé et parler les paroles de vérité.

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En vérité, comme il ne faut pas recevoir tous les songes, de même il ne faut pas les mépriser tous, d’autant que Dieu quelquefois inspire de bonnes choses aux mauvais, afin qu’ils s’amendent et se corrigent de leurs fautes. Quelquefois aussi, il inspire aux bons de bonnes choses, afin qu’ils s’approchent plus Dieu. Partant, quand et tout autant de fois que cela vous arrivera, n’y opposez votre coeur, mais pesez-les et discernez-les avec vos amis spirituels, ou bien laissez-les et bannissez-les de votre coeur, d’autant qu’en telles choses on se délecte, on se trompe souvent et on s’y trouble.

Soyez donc constante en la foi de la sainte Trinité. Aimez Dieu de tout votre coeur. Soyez obéissante, tant en prospérité qu’en adversité. Ne vous préférez à pas un, ni par pensée, ni par effet, mais craignez toujours, même en bien faisant. Ne préférez pas votre sens au sens d’autrui, et résignez votre volonté à Dieu, disposée à tout ce que Dieu voudra. Lors vous ne devez point craindre les songes, car s’ils sont joyeux, ne les croyez pas ni ne les désirez pas, si ce n’est que de là dépende l’honneur de Dieu ; que s’ils sont tristes, ne vous abattez pas, mais abandonnez-vous toute en Dieu.

Après, la Sainte Vierge Marie parlait, disant : Je suis la Mère de miséricorde, qui prépare les vêtements à ma fille qui dort, et lui dispose les viandes quand elle est habillée : et quand elle travaille, je lui prépare les couronnes et les biens.


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Chapitre 39

4039   La Saint Vierge Marie parle de l’épouse à son Fils. Réponse de Jésus-Christ à sa Mère. Après suivent les paroles de la Mère, qui sont désignées par le lion et par l’agneau. Comme Dieu permet que plusieurs choses arrivent aux hommes, qui n’arriveraient point, si ce n’était à raison de leur impatience et ingratitude.

  La Mère de Dieu parle à son fils, disant : Notre fille est comme un agneau qui met sa tête en la gueule du lion. Il vaut mieux, dit Jésus-Christ, que l’agneau mette sa tête en la gueule du lion, et qu’il soit avec le lion une même chair et un même sang, que non pas si l’agneau suce le sang du lion, d’où arriverait que le lion s’indignerait et s’affaiblirait, attendu que sa pâture n’est pas le sang, mais le foin. Néanmoins, ô ma Mère très chère ! D’autant que vous avez porté en votre ventre toute la sapience et la plénitude de la prudence, faites entendre à celle-ci qu’est-ce que le lion et qu’est-ce que l’agneau.

La Mère répondit : Béni soyez-vous, mon Fils, qui, demeurant éternellement avec le Père, êtes descendu à moi, et néanmoins vous ne vous êtes jamais séparé de mon Père ! Vous êtes ce lion de la tribu de Juda ; vous êtes cet agneau sans souillure que saint Jean a montré avec le doigt. Celui-là met la tête en la bouche du lion, qui résigne sa volonté en Dieu, et ne voudrait faire la sienne, bien qu’il pût, si ce n’est qu’il sut que cela vous plût.

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Or, suce le sang du lion celui qui s’impatiente de vos dispositions et ordonnances, et s’efforce de contrevenir à ce que vous lui avez commandé, et voudrais plutôt changer d’état, s’il pouvait, que vous être agréable, bien que cela lui fût expédient. Dieu ne s’apaise pas de telles choses, mais elles provoquent son ire et son indignation, car comme la pâture de l’agneau est le foin, de même l’homme devrait se contenter de choses basses et humbles. C’est pourquoi Dieu permet beaucoup de choses qui n’arriveraient point contre le salut des hommes, s’ils n’étaient ingrats, colères et impatients. Partant, ô ma fille ! Donnez votre volonté à Dieu ; et que si quelquefois vous êtes moins patiente qu’il ne faut, levez-vous soudain par la pénitence, car la pénitence est comme une bonne lavandière qui ôte les souillures, et la contrition est comme celle qui blanchit parfaitement.


Chapitre 40 Jésus-Christ parle à son épouse de la mort des chrétiens.

4040   Jésus-Christ parle à son épouse de la mort des chrétiens. Comment l’homme meurt bien ou mal, et pourquoi les amis de Dieu ne se doivent troubler, s’ils voient les serviteurs de Dieu mourir cruellement selon le corps.

  Le Fils de Dieu parle, disant : Ne craignez point, ma fille ! Cette malade ne mourra point, car ses oeuvres m’agréent. Or, étant morte, le Fils de Dieu dit derechef : Voyez, ma fille : ce que je vous ai dit est vrai : elle n’est pas morte, car sa gloire est grande, d’autant que la séparation de l’âme du corps des justes n’est qu’un sommeil, duquel ils s’éveillent pour une vie éternelle. Il faut appeler mort seulement celle-là, que, l’âme étant séparée du corps, vit en une mort éternelle.

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Plusieurs, considérant les choses futures, désirent mourir d’une mort chrétienne, car qu’est-ce autre chose, une mort chrétienne, si ce n’est mourir comme je suis mort, innocemment, volontairement et patiemment ? Eh quoi ! Suis-je à mépriser, d’autant que ma mort était dure et vile? Ou pour cela, mes élus auraient-ils des fous, pour avoir pâti des choses contemptibles ? Ou la fortune aurait-elle voulu cela, ou le cours des astres ? Nenni. Mais moi et mes élus avons pâti des choses contemptibles, afin que, par parole et par exemple, nous montrions que les voies du ciel sont dures et âpres, afin que les méchants considérassent incessamment combien de pureté leur était nécessaire, puisque mes innocents et élus ont souffert des choses si âpres et si dures. Sachez donc que celui-là est mal et misérable, qui, vivant dissolument, meurt en volonté de pécher ; qui, ayant en poupe les faveurs du monde, désire de vivre plus longuement et ne sait rendre grâces à Dieu.

  Or, celui qui aime Dieu de tout son coeur, souffre et méprise la mort, ou est affligé par longues infirmités. Celui-là vit et meurt heureusement, car la mort dure et âpre diminue le péché et la peine du péché, et augmente les couronnes. Je vous fais souvenir de deux qui, selon le jugement des hommes, moururent d’une mort vile et méprisable, que, s’ils n’eussent obtenu de ma miséricorde un tel genre de mort, ils n’eussent point été sauvés. Mais d’autant que Dieu ne punit pas deux fois ceux qui sont contrits de coeur, c’est pour cela aussi qu’ils sont arrivés à la couronne.

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C’est pourquoi les amis de Dieu ne se doivent point affliger, s’ils sont affligés temporellement, ou s'ils meurent d'une mort amère, car c'est une chose heureuse de pleurer une heure et d'être affligé au monde et n'être pas durement affligé dans le purgatoire, où on ne peut fuir et où on n'est pas donné le temps de travailler.


Chapitre 41 les prêtres, ayant la juridiction, peuvent absoudre des péchés, bien qu'ils soient pécheurs et consacrer

4041   La Sainte Vierge Marie dit à sa fille que les prêtres, ayant la juridiction, peuvent absoudre des péchés, bien qu'ils soient pécheurs et consacrer.

La sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, parle disant : Allez à celui qui a juridiction d'absoudre, car bien que le portier soit lépreux, il peut pourtant ouvrir la porte, s'il a les clefs, aussi bien qu'un qui est sain. Il en est de même de l'absolution et du saint sacrement de l'Eucharistie, car quelque soit le prêtre, il peut absoudre des péchés pourvu qu'il ait la juridiction. Partant, il ne faut pas en mépriser aucun.

Néanmoins je vous avertis de deux choses: 1° Celui qui désire quelque chose charnellement, ne l'aura pas. 2° sa vie sera courte. Et comme la fourmi, portant jour et nuit le grain, quelque fois s'approchant du trou, tombe et meurt à l'entrée, le grain demeurant au dehors, de même celui-là, quand il pensera arriver au fruit de son labeur, mourra, sera confus et puni pour son labeur, vain et superflu.


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Chapitre 42 les bonnes moeurs et les oeuvres de justice sont désignées aux amis de Dieu par les portes

4042 La Sainte Vierge parle à sa fille de la manière dont les bonnes moeurs et les oeuvres de justice sont désignées aux amis de Dieu par les portes, et comment les bons serviteurs de Dieu se doivent donner garde de la médisance.

  La Sainte Mère de Dieu parle, disant: Mes amis sont comparés à deux portes par lesquelles les autres doivent entrer. C'est pourquoi il faut se donner garde diligemment qu'il n'y ait rien de dur et d'âpre qui empêche ceux qui veulent entrer, ou qui les presse. Or que signifient ces portes, sinon les moeurs bien compassées, les oeuvres de justice et les paroles d'édification qui apparaissent journalièrement ès amis de Dieu? Partant, qu'on prenne attentivement garde qu'en la bouche de mes amis, il n'y ait quelque chose de dur, c'est-à-dire, médisance et bouffonnerie; qu'on ne remarque en leurs bonnes oeuvres quelque mondanité; à raison de quoi ceux qui veulent entrer en soient repoussés; et ceux qui sont entrés les aient en abomination.


Chapitre 43 les pasteurs de l'Eglise sont comparés au vermisseau qui ronge les racines de l'arbre

4043 La Sainte Mère de Dieu parle à sa fille. En quelle manière les pasteurs de l'Eglise sont comparés au vermisseau qui ronge les racines de l'arbre

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La Mère de Dieu parle à Sainte Brigitte, disant : Les mauvais pasteurs sont semblables au vermisseau qui, voyant une bonne semence, ne se soucie point que l'épi périsse ou tombe, pourvu qu'il puisse ronger les racines, ou ce qui est auprès de la terre : de même en font-ils, ne se souciant point que les âmes périssent, pourvu qu'ils fassent leur lucre temporel. C'est pourquoi mon Fils en fera justice, et ils en seront bientôt enlevés.

  Sainte Brigitte répondit: Tout le temps n'est-il pas devant Dieu comme une minute, bien qu'il soit long quant à nous ? C'est pourquoi la patience de votre Fils est grande, même sur les mauvais.

  La Mère repartit : Je vous le dis en vérité, leur jugement ne sera pas prolongé ; mais hélas ! ce qui est horrible leur arrivera ; ils seront arrachés de leurs délices et portés en la confusion


Chapitre 44 En quelle manière la volonté est libre pour conduire, avec la grâce, les âmes au ciel

4044 Jésus-Christ parle à son épouse. Comment le corps est signifié par un navire, et le monde par la mer. En quelle manière la volonté est libre pour conduire, avec la grâce, les âmes au ciel, ou avec le péché, en enfer, et comment la beauté terrestre est comparée à la vitre.

Le Fils de Dieu parle : Oyez, vous qui désirez le port après tant de tempêtes. Quiconque est en la mer ne doit rien craindre, s'il a avec lui celui qui peut arrêter les vents, afin qu'ils ne soufflent; qui commande à tout ce qui nous peut nuire; qui sait amollir les rochers et les écueils, calme les orages, afin que ceux qui voguent en la mer soient conduits au port et au repos. De même il y en a dans le monde qui conduisent les corps comme des navires par les eaux du monde, les uns en consolation, les autres en désolation, car la volonté des hommes libres conduit, avec la grâce divine, quelques âmes au ciel et quelques autres, par le péché, dans les abîmes de l'enfer.

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Cette volonté donc qui ne désire rien avec plus de ferveur que d'ouïr que Dieu est honore, ni ne veut vivre que pour pouvoir servir Dieu, oui, celle-la plait a Dieu, car Dieu demeure en une telle volonté avec délices et contentement, et détourne tous les dangers qui la menacent, rend les écueils doux, au milieu desquels une âme serait autrement souvent en danger.

  Or, que sont les écueils, sinon les mauvais désirs ? Car il est plaisant et délectable de voir les professions du monde, de les avoir et de se contenter des honneurs corporels, et de goûter tout ce qui délecte la chair, car en telles choses, l'âme se met souvent en danger. Mais lorsque Dieu est dans le navire, toutes choses se calment, et l'âme méprise les écueils et les orages.

  Toute beauté terrestre est semblable à une vitre peinte par dehors, qui est au-dedans toute pleine de terre. Or, la vitre étant cassée, ne sert à rien plus qu'à retourner à sa première nature, qui est terre noire, qui n'est créée pour autre fin que pour en acheter le ciel.

  Partant, tout homme qui ne désire non plus ouïr ses louanges ni celles du monde qu'ouïr souffler un air pestiféré, qui mortifie son corps et ses appétits, et déteste la volupté abominable de la chair, peut demeurer en repos et veiller joyeusement, car Dieu est à toute heure avec lui.

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Chapitre 45

4045   Sainte Brigitte se plaint devant la Majesté impériale de ce que quatre soeurs, filles du Roi Jésus-Christ : l’humilité, l’abstinence, la pauvreté et la charité (hélas ! quel malheur !) sont maintenant réduites à néant, et les soeurs, filles du diable ; la superbe, la délectation, la superfluité et la simonie, sont appelées dames, etc.

  Je me plains, non seulement de ma part, mais aussi de la part de plusieurs élus de Dieu, et ce, devant votre Majesté royal. Il y avait quatre chères soeurs du Roi tout puissant, une chacune desquelles avait son siège et sa puissance en son patrimoine. Quiconque jetait les yeux sur leur beauté et sur leur éclat, recevrait une indicible consolation, un grand contentement de leurs bons exemples et de leur dévotion.

La première s’appelait soeur Humilité, duite en la disposition et ordre de tout ce qu’il fallait faire. La deuxième soeur s’appelait soeur Abstinence, exempte et affranchie de toute pernicieuse conversation.

La troisième soeur était nommée Contente de peu, exempte de toute sorte de superfluités.

La quatrième soeur est Charité, qui paraît en toutes les tribulations du prochain.

Or, maintenant, ces quatre soeurs sont méprisées et bannies de leurs héritages, aux trônes et siège desquelles ont succédé quatre soeurs illégitimes, qui sont engendrées de la volupté, et sont maintenant appelées dames.

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La première de celle-ci s’appelle Superbe, qui s’occupe à plaire au monde.

La deuxième est Plaisir, suivant les appétits déréglés de la chair.

La troisième est Superfluité, par dessus toute nécessité.

La quatrième dame est Simonie, de la déception de la quelle peu de gens se gardent, car soit que ce qu’elle reçoit soit juste ou injuste, elle reçoit tout avec une cupidité insatiable.

Ces quatre dames parlent contre les commandements de Dieu, les voulant rendre vains et les annuler, et donnent à plusieurs âmes occasion de se perdre éternellement. Partant, mes soeurs, faites, par un mouvement d’amour et de charité, comme Dieu fit pour vous, et aidez à ces quatre soeurs qui s’appellent vertus, qui sont sorties de la vertu de Jésus-Christ, souverain Roi, qui sont maintenant opprimées en la sainte Eglise, qui est le patrimoine de Jésus-Christ, afin qu’elles soient bientôt élevées et exaltées en leurs trônes, et afin que les vices, qui sont appelés dames au monde, soient déprimés, abaissés et anéantis, qui sont traîtres des saintes âmes, d’autant que ces dames sont nées du vice, ce diable traître et méchant.


Chapitre 46 Sainte Brigitte avertit quelque seigneur de faire restitution de ce qu’il avait injustement acquis

4046   Sainte Brigitte avertit quelque seigneur de faire restitution de ce qu’il avait injustement acquis. De la voix de l’ange qui fulminait un arrêt cruel et formidable contre lui.

  Seigneur je vous avertis du danger proche où est votre âme, vous remettant en mémoire ce qu’on lit en la sainte Ecriture, au vieux Testament, d’un roi (Achab) qui, ayant désiré la vigne d’un autre homme (Nabot), lui en donnait le prix et la valeur ; mais d’autant que le possesseur la vendait à regret, le roi, indigné de cela, usurpa la vigne par violence et par injustice, et le Saint-Esprit lui parla par la bouche d’un prophète, condamnant à une mort très cruelle et misérable le roi et la reine, pour avoir commis une telle injustice, ce qui fut entièrement accompli en eux ; et ses enfants ne se sont pas réjouis de la possession de cette vigne.

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Maintenant donc, puisque vous êtes chrétien ; puisque vous avez l’intégrité de la foi, et savez que le même Dieu qui était alors, est encore, et qu’il est aussi puissant et juste qu’il l’était alors, vous devez savoir sans doute qu’il vengera puissamment, et jugera justement ce que vous tiendrez injustement, ou en contraignant le possesseur à vendre contre sa volonté, et le payant aucunement. Vous devez craindre avec douleur et anxiété qu’un si formidable jugement ne vous arrive tel qu’il arriva à cette reine (Jésabel), et que vos enfants n’en soient pas plus riches, mais bien plus pauvres et affligés.

Je vous exhorte donc, par la passion de Jésus-Christ, qui a racheté votre âme par son sang, que vous ne la perdiez pour des choses passagères et périssables, mais que vous restituiez et satisfassiez pleinement tout ce que vous aurez mal acquis, pour la consolation du prochain qui en est incommodé, et pour l’exemple d’autrui,si vous voulez obtenir l’amitié de Dieu.

Dieu m’est témoin que je ne vous écris pas ceci de moi, car je ne vous connais point ; mais je vous écris ce qui a été révélé à une personne qui a été contrainte de vous l’écrire par compassion divine, car cette personne ne dormait pas, mais elle veillait et elle a ouï en ses oraisons la voix de l’ange disant : Ourse, Ourse, que vous êtes trop audacieuse contre Dieu et sa justice ! Votre volonté a vaincu en vous la conscience, de sorte que votre volonté parle et opère, et votre conscience se tait. Partant, vous viendrez bientôt devant le jugement de Dieu, et votre volonté tiendra silence ; votre conscience parlera, et vous jugera elle-même selon la justice et l’équité.

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Chapitre 47 comment nous nous devons donner garde des tentations du diable

4047   Le Fils de Dieu dit à son épouse sainte Brigitte comment nous nous devons donner garde des tentations du diable, et en quelle manière le diable est désigné par l’ennemi ; Dieu par la poule ; sa puissance et sa sagesse par les ailes ; sa miséricorde par les plumes, et les hommes par les poussins.

  Jésus-Christ parle : Quand l’ennemi heurte à la porte, vous ne devez pas faire comme les chèvres, qui courent aux murailles, ni comme les béliers, qui se battent avec leurs cornes ; mais soyez comme les poussins, qui, voyant en l’air l’oiseau de rapine, s’enfuient sous les ailes de la poule, leur mère, pour s’y cacher et y être protégés ; qui, bien qu’ils ne puissent prendre qu’une plume et se cacher sous elle, s’en réjouissent grandement.

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Or, quel est cet ennemi, sinon le diable qui porte une envie enragée à toutes nos bonnes actions, l’office duquel est de pousser à mal l’esprit de l’homme, et de l’émouvoir par des tentations et des suggestions malheureuses ? Il le pousse par colère, quelquefois par impatience, par médisance et jugements téméraires, qui sont réservés à Dieu seul, quand toutes choses ne succèdent selon ses désirs ; voire fréquemment il l’émeut, le pousse et l’inquiète importunément par des pensées diverses et innombrables, afin que, par icelles, il puisse arracher, ou bien distraire les âmes du service de Dieu, et afin que les bonnes oeuvres soient cachées devant Dieu.

Partant, quelles que soient vos pensées, vous ne devez quitter votre place ni être semblable aux chèvres courant aux murailles, c’est-à-dire, demeurer en l’endurcissement de votre coeur, ou bien juger les oeuvres d’autrui dans vos coeurs, car souvent, celui qui est mauvais aujourd’hui sera bon demain. Mais vous devez abaisser votre puissance, l’arrêter et écouter les volontés divines, en vous humiliant et craignant, ayant patience en vos adversités, et priant Dieu afin que ce qui a été mal commencé finisse bien.

Vous ne devez pas non plus être comme les béliers, qui secouent et éventent leurs cornes, c’est-à-dire, rendre parole pour parole, opprobre pour opprobre, mais vous vous devez arrêter constamment sur vos pieds et vous taire, en retenant fortement les passions déréglées de la chair, afin qu’en parlant et répondant, vous ayez prémédité ce que vous dites, et fais violence avec patience et paix aux passions ; car c’est aux hommes justes de se vaincre eux-mêmes, et de s’abstenir des paroles licites, pour éviter le babil, l’offense et le péché ; car celui qui, se trouvant et se sentant intérieurement ému, épanche par parole ou quelque autre action, son sentiment, semble en quelque manière s’être vengé de soi-même, et avoir manifesté la légèreté et l’inconstance de son esprit. C’est pourquoi il sera privé de la couronne, puisqu’il n’a voulu avoir patience pour quelque peu de temps, par laquelle il eût gagné son frère qui offensait, et eût préparé pour lui une plus grande couronne.

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Or, que sont autre chose les ailes, sinon la puissance et la sagesse divines ? Car je suis comme une poule qui défend puissamment des lacets du diable, provoque et excite sagement au salut par mes inspirations, les poussins qui courent en désirant la protection de mes ailes. Que signifie la plume, sinon ma miséricorde ? Qui l’obtiendra sera autant en sûreté qu’un poussin qui est échauffé sous les ailes de sa mère. Soyez donc comme des poussins courant à mes volontés : en toutes les tentations et contradictions, dites : La volonté de Dieu soit faite, tant en mes parole qu’en mes oeuvres, car je défends de ma puissance ceux qui se confient en moi ; je les recrée et les réjouis de ma miséricorde ; je les soutiens de ma vertu, les visite de mes consolations, et les récompense au centuple par mon amour.


Chapitre 48 quelque roi ; comment il doit augmenter l’honneur de Dieu et dilater son amour et sa charité aux âmes

4048   Jésus-Christ parle à son épouse de quelque roi ; comment il doit augmenter l’honneur de Dieu et dilater son amour et sa charité aux âmes. De la sentence, s’il ne le fait pas.

  Le Fils de Dieu parle, disant : Si ce roi me veut honorer, qu’il diminue en premier lieu le déshonneur qu’il me fait, et qu’il augmente mon honneur. Mon déshonneur est en cela que ma parole et mes commandements sont méprisés et tenus pour néant par plusieurs.

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Si donc il me veut aimer, qu’il ait maintenant plus de charité pour les âmes de tous, pour lesquelles j’ai amoureusement répandu mon sang pour leur ouvrir le ciel. Or, qu’il désire plus le repos qu’on a avec Dieu que de dilater et amplifier son patrimoine, car de la sorte, il aura plus de plaisir, plus de grâces et de secours que s’il avait reconquis Jérusalem, où mon corps a été enseveli.

Dite-lui encore, vous qui oyez ceci, que je permets qu’il soit couronné ; c’est pourquoi il doit plus que tous suivre mes volontés, plus que tous m’honorer et m’aimer sur toutes choses. Que s’il ne le fait pas, ses jours seront abrégés. Ceux aussi qui l’aiment charnellement seront séparé de lui avec peine et tribulation, et son royaume sera partagé et divisé en plusieurs parcelles.


Chapitre 49 les moyens et l’état que le pape doit tenir à l’égard des autres cardinaux et prélats

4049   La vision de l’épouse sous la figure de l’Eglise. Son explication, où sont expliqués les moyens et l’état que le pape doit tenir à l’égard des autres cardinaux et prélats de notre sainte Mère l’Eglise, et principalement de l’état d’humilité.

  Il semblait à une personne qu’elle était en un grand choeur, ou apparurent un grand soleil éclatant et deux sièges, et comme un prêcheur, l’un à gauche, l’autre à droite, éloignés du soleil d’une grande distance ; et deux rayons sortaient du soleil, dardant sur les chaires. Lors on oyait une voix du siège qui était à gauche, disant : Salut éternellement au Roi, Créateur, Rédempteur et juste Juge ! Voici votre vicaire, qui est assis en votre siège au monde. Il a mis son siège au lieu où était anciennement le siège de saint Pierre, premier pape et prince des apôtres.

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La voix qui sortait du siège qui était à droite, répondit, disant : Comment pourra-t-il entrer dans l’Eglise, où les trous des gonds sont tout pleins de rouillure et de terre ? C’est pourquoi les portes sont comme abattues à terre car dans les trous, il n’y a point de lieu où les crochets se puissent attacher pour soutenir les portes ; les crochets sont aussi tout droits, sans être courbés pour s’accrocher aux portes. Le pavé est plein de grands fossés, comme de puits qui n’ont point de fond. Le toit est enduit de poix et brûlé d’un feu de soufre, distillant comme une pluie épaisse. Les murailles sont si noires et si difformes de la noirceur épaisse qui s’élève de l’abîme des fossés et de ce qui distille du toit, qu’elles semblent peintes de sang corrompu et d’une pourriture puante, c’est pourquoi l’ami de Dieu ne doit point habiter en un tel temple.

La voix qui était à gauche répliqua : Exposez-nous et expliquez-nous spirituellement ce que vous avez dit corporellement.

Lors la voix dit : Le pape est signifié par les poteaux et leur est comparé. Par les trous des gonds est marquée l’humilité, qui doit être tellement vide de toute superbe, qu’il n’y ait point d’autre apparence que l’humilité pontificale, de même que le trou doit être entièrement vide de rouillure. Mais maintenant, les trous, c’est-à-dire, les livrées et les marques insignes de l’humilité, sont pleins de superfluités, de richesses et d’acquisitions, qui ne servent à autre chose qu’à nourrir la superbe, où rien d’humble ne paraît, mais toute l’humilité est couverte et changée en pompe mondaine.

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Partant, ce n’est pas de merveille si le pape est comparé aux portes : il est tout penché vers les choses mondaines, marquées par la rouillure et par la terre. Partant, que le pape commence d’embrasser l’humilité en soi-même, en son apparat, en ses vêtement, en l’or, en l’argent, en ses vases, en ses chevaux et autre ustensiles, prenant de tout cela le seul nécessaire, donnant le reste aux pauvres, et spécialement à ceux qu’il connaîtra être amis de Dieu. Après, qu’il ordonne sa maison avec modération ; qu’il ait des serviteurs autant qu’il en est nécessaire pour garder sa vie, car bien qu’il soit en la main de Dieu de l’appeler en jugement quand il voudra, il est néanmoins juste et équitable qu’il ait des serviteurs pour affermir la justice, afin que ceux qui s’élèvent contre Dieu et l’Eglise soient humiliés.

Les cardinaux sont signifiés par les crochets qui sont conjoints aux portes, qui sont étendus et diffus autant qu’ils peuvent dans les amplitudes de la superbe, cupidité et volupté de la chair.

Que le pape donc prenne le marteau et les ciseaux, et qu’il fléchisse les cardinaux à ses volontés, ne leur permettant pas d’avoir tant de vêtements, tant de serviteurs et tant de meubles, sinon tout autant que la nécessité le requiert et que l’usage de la vie le demande. Qu’il les fléchisse avec les ciseaux, c’est-à-dire, qu’il leur parle doucement, avec le conseil divin, avec une paternelle charité. Que s’ils ne veulent obéir, qu’il prenne le marteau, leur montrant sa sévérité, faisant tout ce qu’il pourra, pourvu qu’il ne soit contre la justice, jusqu’à ce qu’ils obéissent à ses volontés.

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Les évêques sont signifiés par le pavé, comme aussi les clercs, la cupidité desquels n’a point de fond, de la superbe et de la vie luxurieuse desquels sort une fumée, à raison de quoi ils sont abominables à tous, aux anges au ciel, et aux amis de Dieu en terre. Le pape peut amender en plusieurs évêques tous ces débordement, permettant à un chacun d’avoir seulement le nécessaire et non le superflu, et qu’il commande aux évêques d’avoir soin de la vie des prêtres et de les tenir continents ; qu’il les prive de leur prébendes, s’ils ne s’amendent.

Certainement, Dieu aime plutôt qu’en ce lieu il n’y ait point de messes, que si des mains polluées touchent le corps de Dieu.


Chapitre 50 jugement de plusieurs personnes qui vivaient encore

4050   Il est ici traité d’une vision admirable que sainte Brigitte eut du jugement de plusieurs personnes qui vivaient encore, ou elle ouït que si les hommes amendaient leurs péchés, Dieu adoucirait son jugement.

Il me semblait comme si un roi était assis en son tribunal de justice, et que toute personne vivante était auprès de lui, ayant des deux côtés comme deux hommes : l’un semblait un soldat armé, l’autre comme un Ethiopien noir. Devant le jugement était un pupitre ou était un livre en même disposition que je l’ai vu au Livre VIII, chapitre XLVIII. J’ai vu aussi que quasi tout le monde était devant ce pupitre. Lors j’ouïs le Juge, qui disait au soldat armé : Appelez celui-là que vous avez servi avec tant de charité. Et soudain tombèrent tous ceux qui furent nommés, dont quelques-uns demeurèrent longtemps gisants à terre, quelques autres moins, avant que leurs âmes fussent privées du corps.

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Or, je n’ai pu comprendre ni ne puis dire tout ce que je vis et j’entendis, car j’ouïs la sentence et le jugement de plusieurs qui vivaient encore, qui seront appelés bientôt. Néanmoins, le Juge me l’a dit avec condition que si les hommes amendaient leurs péchés, il adoucirait son jugement. J’en vis aussi juger plusieurs, quelques-uns au purgatoire ; quelque autres furent condamnés aux malheur éternels.


Chapitre 51 vision terrible et formidable d’une âme présentée devant le Juge

4051   Il est ici traité d’une vision terrible et formidable d’une âme présentée devant le Juge ; des oppositions de Dieu ; du livre du jugement contre elle ; des réponses de l’âme contre elle-même, et des diverses et étonnantes peines qu’elle endure dans le purgatoire.

  Il me semblait qu’une âme était comme présentée devant le Juge par le soldat et par l’Ethiopien que j’avais vus ci-dessus, et il m’a été dit : Tout ce que vous voyez maintenant en ce chapitre, tout cela s’exécuta sur cette âme, dès qu’elle fut séparée du corps. L’âme, ayant été présentée devant le Juge, demeurait seule, car elle n’était aux mains d’aucun de ceux qui la présentaient. Elle était aussi toute nue et toute dolente, ne sachant que devenir. Après, il me semblait que toutes les paroles qui étaient écrites dans ce livre, répondaient d’elles-mêmes à tout ce que l’âme disait.

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Donc, en la présence du Juge et en l’assistance de ses troupes, ce soldat armé parla en ces termes :

Il n’est point de droit et de justice qu’on reproche en opprobre à l’âme les péchés qu’elle a confessés. En vérité, moi, qui voyais ceci, je connus parfaitement le tout, et le soldat qui parlait connaissait toutes choses en Dieu, mais il parlait, afin que je l’entendisse. Lors une réponse a été faite du livre de justice, que quand l’âme faisait pénitence, elle n’avait pas la contrition digne à tels péchés, ni une vraie satisfaction. C’est pourquoi elle doit maintenant endurer, pour n’avoir pas amendé ses fautes quand elle le pouvait. Ce qu’ayant été dit, l’âme fondit en larmes avec une telle abondance qu’elle semblait s’y abîmer. Néanmoins, on ne voyait point les larmes et on n’entendait point de voix.

Après, le Roi parlait à l’âme, disant : Que la conscience dise et déclare maintenant les péchés dont vous n’avez pas fait digne satisfaction.

Lors, l’âme éleva si haut la voix qu’elle pouvait être quasi ouïe par tout le monde, disant : Malheur à moi, car, je n’ai pas fais et vécu selon les commandements de Dieu, que j’ai ouïs et connus ! Et s’accusant elle-même, elle ajouta : Je n’ai pas craint les jugements de Dieu.

Il lui fut répondu du livre : C’est pourquoi maintenant vous devez craindre les diables.

Et soudain l’âme, craignant et frémissant comme si elle était toute perdue, dit : Je n’ai eu quasi aucune charité envers Dieu, c’est pourquoi j’ai fait peu de bien.

Il lui répliqua soudain du livre : La justice veut, et le droit du diable est de vous rendre selon que vous avez fait avec peine et tribulation.

L’âme dit : Il n’y a rien en moi, de la pointe des pieds jusques au sommet de la tête, que je ne l’ai revêtu de vanité et de superbe, car j’ai inventé de nouveau quelques vains et superbes habits, et j’ai suivi quelques autres, selon la coutume du pays.

p.248 J’ai aussi lavé mes mains et ma face, non seulement pour les avoir nettes, mais afin qu’on les louât comme belles.

Il lui fut encore reparti du livre : La justice dit que c’est le droit du diable de vous rendre selon que vous méritez, car vous vous êtes ornée et habillée selon qu’il vous suggérait.

L’âme répondit derechef : Ma bouche était souventefois ouverte aux cajoleries et bouffonneries, car je voulais grandement plaire aux autres, et mon ami désirait grandement toutes les choses d’où il n’encourrait la honte de l’opprobre du monde.

On lui répondit encore du livre : C’est pourquoi votre langue et vos dents doivent être arrachées, et on doit vous en appliquer d’autres qui vous déplairont beaucoup. On vous doit ôter tout ce qui vous plaît.

L’âme dit : je me réjouis grandement de ce que plusieurs imitent mes actions et mes moeurs.

On lui répond encore du livre : C’est pourquoi la justice veut que celui qui sera appréhendé en même péché duquel vous êtes punie, subisse les mêmes peines que vous et soit amené à vous. Lors, quand quelqu’un arrivera où vous êtes, qui aura suivi vos vaines inventions, vos peines augmenteront.

Ces choses ayant été dites, il me semblait que quelque lien était attaché au chef de l’âme, comme une couronne qui serrait si fort que le devant et le derrière de la tête se joignaient ensemble. Ses yeux étaient tombés de leur place, pendants par leur racine tout le long des joues. Les cheveux semblaient avoir été brûlés par le feu.

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Son cerveau coulait par le nez et par les oreilles. On lui étendait la langue et on lui cassait les dents ; on lui serrait les os des bras avec des cordes, et ses mains écorchées étaient liées au col. La poitrine et le ventre étaient si fortement serrés et conjoints au dos que, les côtes étant cassées, le coeur et toutes les parties intérieures crevèrent. Les cuisses pendaient aux côtés, et on tirait les os cassés comme on a accoutumé de plier un fil délié en un peloton.

Ces choses ayant été vues, l’Ethiopien répondit : O juge, les péchés de l’âme sont maintenant condamnés selon la justice : conjoignez-nous donc ensemble, moi et l’âme, en telle sorte que nous ne nous séparions jamais.

Le soldat armé répondit : Oyez, ô Juge ! Vous qui savez toutes choses, c’est aussi à vous d’ouïr la dernière pensée et affection que cette âme avait pour la fin de sa vie. En vérité, au dernier point de sa vie, elle pensait que si Dieu me voulait donner quelque temps pour vivre, j’amenderais librement mes péchés, et le servirais tout le cours de ma vie, ni ne voudrais jamais plus l’offenser.

Le Juge considérait et voulait ces choses : Souvenez-vous aussi, ô seigneur, que cette personne n’a pas tant vécu qu’elle ait pu pleinement entendre la conscience : c’est pourquoi, ô Seigneur, considérez sa jeunesse et faites-lui miséricorde.

Lors une réponse fut ouïe du livre de justice : L’enfer n’est pas dû à telles pensées à la fin de la vie.

Et lors le Juge dit : Par ma passion ! le ciel sera ouvert à cette âme, ayant auparavant fait la satisfaction, et s’étant purifiée pour autant de temps qu’elle est obligée, si ce n’est que les hommes la secourent par leurs bonnes oeuvres pendant qu’ils vivront.

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DECLARATION.

  Cette femme avait voué sa virginité dans les mains d’un prêtre et puis après, elle se maria, et était en danger de mourir en l’enfantement.          



Révélations de Sainte Brigitte de Suède 4038