Révélations de Sainte Brigitte de Suède 4052

Chapitre 52 vision terrible que sainte Brigitte, épouse, eut d’un homme et d’une femme

4052   Il est ici traité d’une vision terrible que sainte Brigitte, épouse, eut d’un homme et d’une femme, et comment l’explication a été faite par l’ange, où sont contenues plusieurs merveilles.

  Je voyais un homme dont les yeux étaient arrachés et pendaient encore aux joues avec deux petits nerfs. Il avait les oreilles comme un chien, le nez comme un cheval, la bouche comme un loup farouche, ses mains comme de grands pieds d’un boeuf, et ses pieds comme les serres d’un vautour.

Je voyais aussi une femme qui était auprès de lui, les cheveux de laquelle étaient comme un buisson d’épines ; ses yeux étaient au derrière de la tête, ses oreilles coupées ; son nez était plein de pourriture et de puanteur ; ses lèvres étaient comme les dents du serpent. IL y avait en sa langue un aiguillon vénéneux. Les mains étaient comme deux queues de renard, ses pieds comme deux scorpions.

p 251

Tandis que je voyais ceci, non en dormant, mais en veillant, je dis : Hélas ! Qu’est ceci ? Et soudain une douce et mélodieuse voix me parla avec tant de consolation, que toute la crainte et l’effroi se retirèrent de moi disant : Vous qui voyez ceci, que pensez-vous que ce soit là ?

J’ignore, dit-elle, si ceux que je voix sont diables, hommes ou bêtes, engendrés ainsi de quelque espèce de bête, ou des hommes que Dieu ait formés de la sorte.

La voix me répondit : Ce ne sont point des diables, car ils n’ont pas de corps, comme vous voyez que ceux-ci ont, ni ne sont des bêtes, car ils sont de la race d’Adam ; ni aussi Dieu ne les a pas créés de la sorte, mais ils apparaissent et sont faits ainsi difformes en leurs âmes par le diable, et ils vous semblent tels corporellement. Je vous montrerai qu’est-ce qu’ils signifient spirituellement.

p. 252

Les yeux de cet homme vous semble arrachés et pendants par deux petit nerfs. Par les deux nerfs, vous entendrez deux choses :

1° que cet homme a cru que Dieu vivait éternellement ;

2° il a cru aussi que son âme, après cette vie, vivrait éternellement en bien ou en mal.

Par les deux yeux, vous entendez aussi deux autres choses :

1° qu’il devait considérer comment il devait éviter les péchés ;

2° comment il pouvait, par ma grâce, parfaire et accomplir les bonnes oeuvres. Les deux yeux sont pour cela arrachés, d’autant qu’il n’a pas fait de bonnes oeuvres, poussé du désir de la gloire céleste, ni fui le péché que par la crainte des supplices éternels.

Il a aussi des oreilles de chien, car comme un chien, il ne s’est non plus soucié du nom de Dieu ni d’autre que du sien propre, s’il l’oyait nommer. C’est aussi en cette manière qu’il s’est soucié autant de l’honneur de Dieu que de l’honneur de son propre nom.

Il a aussi un nez de cheval, car comme le cheval débridé, ayant jeté sa fiente, se plaît à y approcher le nez, il en fait de même, car ayant commis le péché, qui est très vil devant Dieu comme une fiente, il lui semble retirer quelque douceur misérable de sa puanteur quand il y pense.

Il a aussi la bouche comme un loup farouche, qui, ayant rempli son ventre et sa bouche, désire encore dévorer ce qui est encore en vie. De même en fait celui-ci, car s’il possédait tout ce qu’il a vu des yeux, il désirerait encore posséder tout ce qu’il oit que les autres possèdent.

Il a aussi les mains comme un boeuf très fort, qui, étant courroucé, foule aux pieds celui qu’il peut surmonter à cause de la véhémence de sa colère, ne se souciant ni des intestins ni de la chair, pourvu qu’il lui puisse ravir la vie. De même en fait celui-ci, car quand il est en colère, il ne se soucie point que l’âme de son ennemi descende en enfer, ni que son corps endurât quelque tourment que ce fût, pourvu qu’il lui pût ôter la vie.

Il y a aussi les pieds comme un vautour, qui a quelque chose en ses griffes qui lui est à goût : il la serre tellement avec son pied, que les forces manquant au pied à cause de la grande douleur, il est contraint de laisser aller ce qu’il tenait. De même en fait celui-ci, car il veut tenir injustement jusques à la mort ce qu’il a pris d’autrui, quand même les forces lui manquent, et est contraint de lâcher prise quand il n’en peut plus.

p 253

Les cheveux de cette femme ressemblaient à un buisson d’épines. Or, les cheveux, qui sont au sommet de la tête, qui ornent la face, signifient la volonté qui désire sommairement plaire à Dieu tout souverain, car cette volonté orne et enrichit l’âme devant Dieu. Mais d’autant que la volonté de cette femme est portée à plaire sommairement à ce monde plus qu’à Dieu souverain, c’est pourquoi ses cheveux sont comme un buisson d’épines.

Ses yeux paraissent au derrière de la tête, car elle détourne les yeux de l’esprit de ce que Dieu lui a donné en la créant, en la rachetant, et en la favorisant utilement en diverses sortes de manières. Or, elle regarde fort attentivement les choses passagères, et desquelles elle s’approche tous les jours, jusques à ce qu’elles se soient évanouies de sa présence.

Ses oreilles apparaissent coupées spirituellement, d’autant qu’elle se soucie peu de la doctrine du saint Evangile, ou d’ouïr les prédications.

Ses narines sont pleines de pourriture, car comme par les narines on attire au cerveau la suavité des odeurs, afin que, par elles, le cerveau soit fortifié, de même, par ses affections déréglées, elle attire toutes les pourritures qui plaisent au corps, aux affections délectables et misérables.

Ses lèvres sont comme les dents du serpent, et en sa langue paraissait un aiguillon vénéneux, car quand le serpent serre fortement les dents, de peur que son aiguillon ne soit rompu par quelque accident, néanmoins l’écume s’écoule entre la séparation des dents. De même elle serre les lèvres en la confession vraie, de peur de n’émousser la délectation du péché, qui est l’aiguillon vénéneux de son âme. Néanmoins, la laideur et la difformité du péché paraissent évidemment devant Dieu et devant les saints.

p 254

Je vous ai parlé d’un mariage qui avait été fait contre les décrets et arrêts de l’Eglise. Maintenant, je vous en parlerai plus amplement. Or, vous avez vu les mains de cette femme comme une queue de renard, et ses pieds comme des scorpions. Cela est parce qu’elle était déréglée et désordonnée en toutes ses actions, membres et affections ; aussi poignait-elle l’âme de son mari par la légèreté de ses mains, et par sa démarche débordée, qui provoquait sa chair aux voluptés, plus durement et plus cruellement que la morsure du scorpion.

Et voici qu’en même instant l’Ethiopien apparut ayant en sa main un trident, et en l’un des pieds comme trois griffes aiguës, et criant et disant : O juge, c’est maintenant mon heure. J’ai attendu, j’ai gardé le silence ; il est temps que j’agisse.

Et soudain, le Juge séant avec une milice innombrable, un homme et une femme nus m’apparurent ; et le Juge leur dit : Dites tout ce que vous avez fait, bien que je le sache.

Premièrement, l’homme répondit : Nous avons ouï parler du décret et de la défense que l’Eglise fait de tels mariages, mais nous n’en avons pas tenu compte et l’avons méprisé.

Le Juge répondit : Puisque vous n’avez pas voulu suivre Dieu, la justice veut que vous sentiez les peines des bourreaux.

Et soudain l’Ethiopien enfonça son ongle dans le coeur de tous deux, et les pressa tellement qu’on aurait dit qu’ils étaient dans une presse.

p 255

Et le juge dit : Ma fille (Brigitte), ceux-là méritent telles choses qui s’éloignent de leur Créateur pour s’approcher de la créature. Le Juge dit encore à tous deux : Je vous ai donné un sac pour les remplir de mes délices. Qu’est-ce que vous m’apportez maintenant ?

La femme répondit : O Juge, nous n’avons cherché que les délices du ventre, et nous n’emportons que la confusion misérable.

Lors le Juge dit au bourreau : Rendez ce qui est juste.

Le bourreau, dès l’instant, enfonça son ongle dans le ventre de tous deux, et les blessa si fortement que tous les intestins furent déchirés.

Et le Juge dit : Voilà ce que méritent les violateurs et les infracteurs de mes commandements, et qui au lieu de médecine, désirent le venin. Et il leur dit encore : Ou est le trésor que je vous avais prêté pour le faire gagner ?

Tous deux répondirent : Nous l’avons foulé aux pieds, car nous avons cherché un trésor terrestre, et non un trésor éternel.

Lors le Juge dit au bourreau : Donnez ce que vous savez et devez rendre.

Le bourreau enfonça soudain son troisième ongle dans le coeur, dans leur ventre et dans leurs pieds, de sorte qu’ils ressemblaient à un petit globe.

Et l’Ethiopien dit : Où irai-je avec eux ?

Le Juge lui dit : Ce n’est pas à toi de monter ni de te réjouir.

Ce qu’ayant été dit, soudain l’homme et la femme disparurent, et le Juge dit derechef : Réjouissez-vous, ma fille, de ce que vous êtes séparée de telles choses.

p 256

Chapitre 53

4053   La Saint Vierge parle à l’épouse, lui disant en quelle manière elle est disposée, elle, les vierges, les veuves et les mariées qu’elle voit demeurer en leur juste résolution, à aimer son Fils sur toutes choses.

La sainte Mère de Dieu dit : Ecoutez, ô vous qui priez Dieu de tout votre coeur, afin que vos enfants plaisent à Dieu, car il n’y a point de mère qui aime mon Fils sur toutes choses, et qui, si elle demande le même avec tant de promptitude à ses enfants, ne me trouve aussitôt préparée et disposée à l’aider à l’effet de sa demande. Ni aussi il n’y a point de veuve qui demande constamment à Dieu le secours de perfection en sa viduité jusques à la mort, pour l’honneur et la gloire de Dieu, que je ne sois soudain plus disposée à accomplir sa volonté avec elle ; car j’ai été comme veuve, d’autant que j’ai eu en la terre un Fils qui n’avait point de père charnel. Il n’y a aussi aucune vierge qui désire garder sa virginité à Dieu jusques à la mort, que je ne sois plus disposée à la défendre, à la consoler et à l’affermir, car je suis vraiment cette vraie Vierge. Vous ne devez pas admirer pourquoi je dis cela, car il est écrit que David désirait la fille de Saül quand elle était vierge ; et de fait, il la prit, étant même veuve. Et d’ailleurs, il eut la femme d’Urie, quand même son mari vivait. Néanmoins, la concupiscence de David ne fut pas sans péché, mais la délectation spirituelle de mon Fils, qui est seigneur de David est sans aucun péché.

p 257

Partant, comme ces vies de virginité, viduité et mariage, ont plu corporellement à David, de même elles plaisent spirituellement à mon Fils en la délectation spirituelle ; c’est pourquoi ce n’est point de merveille si, en les aidant, j’attire leur délectation spirituelle en la délectation de mon Fils, car son plaisir est de prendre d’une manière toute sacrée ses plaisirs avec elles.


Chapitre 54 nativité spirituelle de quelqu’un nourri dans les péchés infâmes

4054   La sainte Vierge Marie parle à sa fille d’une nativité spirituelle de quelqu’un nourri dans les péchés infâmes, laquelle il a obtenue par les prières et les larmes des serviteurs de Dieu.

  Voyez le fils de larmes qui est maintenant né du monde spirituellement tout de nouveau, qui était premièrement né de la mère charnellement, car comme la sage femme, qui tire l’enfant du ventre de la mère, tire premièrement la tête, après les mains, et puis tout le corps jusques à ce qu’il tombe à terre, de même en ai-je fait en la naissance spirituelle, pour les prières et les larmes que mes amis m’ont faites pour lui. En vérité, je l’ai tiré du monde, de sorte qu’il est spirituel comme un enfant nouvellement né ; c’est pourquoi on le doit nourrir corporellement et spirituellement, car celui à qui je vous ai envoyée, doit le nourrir par ses prières, et le garder par ses bonnes oeuvres et ses conseils: Cette femme, dont il vous a été parlé, priera Dieu pour lui et le gardera spirituellement, ayant soin qu’il ait aussi les nécessités corporelles, car il était tellement tombé dans les péchés mortels, que tous les diables de l’enfer avaient dit de lui: Ouvrons notre bouche. Si par aventure il vient, serrons-le entre nos dents et avalons-le. Etendons aussi nos mains sur lui, afin que nous le déchirions. Allons avec une grande promptitude, foulons-le aux pieds et déchirons-le avec nos éperons. C'est pourquoi il vous a été dit qu'il était né spirituellement, car il est maintenant délivré et affranchi de la puissance effroyable du diable, comme vous le pouvez colliger des paroles que vous avez ouies : qu'il aime Dieu de coeur et de corps sur toutes choses.

p.258

Chapitre 55

4055   La Sainte Mère de Dieu parle à sa fille, lui disant qu'elle veut aimer quelque enfant, à raison des prières des serviteurs de Dieu, et le veut munir des armes spirituelles.

Souvenez-vous de ce qui est écrit de Moise que la fille du roi le trouva sur les eaux et l'aimait comme son fils. Il est aussi écrit dans les histoires ecclésiastiques, que le même Moise surmonta la terre par les oiseaux qui consommèrent les serpents vénéneux.

Je suis la fille du Roi de la race de David, qui veut aimer cet enfant que j'ai trouve entre les ondes des larmes qui ont été épandues pour le salut de son âme, qui est enclose en l'arche de son corps. Que ceux-la dont j'ai parle le nourrissent jusques a ce qu'il soit parvenu a l'usage de raison. Lors, je le veux armer et envoyer conquérir la terre du Roi du ciel. Mais la manière dont cela se doit faire, vous est inconnue, et elle m'est claire et évidente, car je le préparerai en telle sorte qu'on dira de lui : Il a vécu comme un homme, il est mort comme un géant, et il est venu au jugement comme un soldat.

p.259 ADDITION.

Le Fils de Dieu parle : Où l’âme famélique est chassée de l’aliment et de sa nourriture, elle attend de loin pour y revenir, si elle peut, ou autrement, elle se retire en sa tanière. De même en ai-je fais à ce prince de la terre, car je l’ai averti par mes dons et mes faveurs ; je l’ai averti par mes paroles et par les verges. Néanmoins, il se rend autant ingrat et oublieux que je me montre envers lui doux et mansuet. Partant, maintenant, je l’appellerai sous la couronne, et non sur la couronne, mais sur l’escabeau des pieds, puisqu’il n’a pas voulu demeurer en la couronne, et j’enverrai à lui et à ses complices un aspic cruel, engendré d’une vipère et d’un renard fin et rusé, qui troublera les habitants et plumera les simples ; qui montera au plus haut de la terre, abaissera, et foulera aux pieds les superbes. Je conduirai cet enfant, que ses parents ont nourri et élevé, par d’autres voies, jusques à ce qu’il arrive à la gloire.

Le Fils de Dieu dit derechef : On dira encore de cet enfant qu’il a vécu comme un homme et qu’il a bataillé comme un généreux soldat, et sera couronné comme un ami de Dieu. O ma fille ! Que croient les femmes qui se glorifient que leurs enfants avancent à l’orgueil et à la superbe ? Cela n’est pas gloire, mais confusion, puisqu’elles imitent le roi de superbe. Mais celle-là est la gloire, et celui-là est un soldat de gloire, qui se glorifie de faire ce qui honore Dieu, et s’efforce d’en faire de plus grandes choses pour m’honorer, et il est disposé de pâtir ce que Dieu veut qu’il pâtisse. Un tel est bon soldat à Dieu, et un tel sera couronné avec les soldats du ciel.

p.260

Chapitre 56 La sainte Vierge Marie dit à sa fille qu’elle ne doit pas ses contrister de ce qu’elle est corrigée

4056   La sainte Vierge Marie dit à sa fille qu’elle ne doit pas ses contrister de ce qu’elle est corrigée et reprise.

  La sainte Mère de Dieu dit : Pourquoi celui-là se trouble ? Car de fait, le père frappe quelquefois le fils avec des verges assez douces ; il ne faut pas que le fils s’en contriste.


Chapitre 57 manière dont Rome doit être purifiée de la zizanie

4057   La sainte Mère de Dieu parle à sainte Brigitte de la manière dont Rome doit être purifiée de la zizanie, la première fois par un fer aigu, la deuxième par le feu, et la troisième par une paire de boeufs.

  La Mère de Dieu parle, disant : Rome est comme un champ sur lequel la zizanie a crû grandement, c’est pourquoi elle doit premièrement être purifiée par le fer aigu, après par le feu, et en troisième lieu elle doit être labourée par une paire de boeufs. Je me comporterai avec vous comme celui qui transplante les arbres en un autre lieu, car on prépare à cette ville comme si le Juge commandait : Arrachez-lui toute sa peau ; épuisez-lui tout son sang ; hachez sa chair en petits morceaux et cassez-lui les os en telle sorte que les moelles en coulent.

p.261

Chapitre 58 Notre-Seigneur est signifiée par un seigneur pèlerin

4058   Jésus-Christ parle à son épouse de la manière dont Notre-Seigneur est signifiée par un seigneur pèlerin ; son corps par le trésor ; l’Église par la maison, et les prêtres par les gardiens, lesquels Notre-Seigneur a honorés au centuple par-dessus les autres. Comment Notre-Seigneur se plaint de ce qu’ils le vitupèrent au centuple, et en quelle sorte ils convertissent en sept vices les sept vertus dont ils devraient être enrichis.

  Le Fils de Dieu dit : Je suis semblable au seigneur, qui, combattant fidèlement en la terre dès son pèlerinage, retourne avec joie en sa terre natale. Ce seigneur a un trésor grandement réjouissent, les tristes s’en consolent, les infirmes s’affermissent, et les morts ressuscitent. Mais afin que ce trésor fût honnêtement et assurément gardé, on a fait et parfait une maison en magnificence et en gloire, ayant une hauteur décente, et sept degrés par lesquels on montait à icelle et au trésor. Or, Dieu a donné ce trésor à voir à ses serviteurs, à le ménager fidèlement et à le garder purement, afin que la charité du seigneur fût approuvée envers ses serviteurs, et la fidélité des serviteurs envers le seigneur. Or, quelque temps s’étant écoulé, on commença à mépriser le trésor ; on fréquentait rarement la maison ; les gardiens s’attiédirent, et on négligeait l’amour de Dieu.

p.262

Lors le seigneur, prenant conseil de ses familiers, leur demanda ce qu’il fallait faire sur un si grande ingratitude. Un d’eux dit : Il est écrit que les juges et gardiens du peuple, étant négligents, doivent être pendus, le visage tourné au soleil ; mais la miséricorde est à vous et en vous, et le jugement aussi ; mais bous pardonnez à tous, car tout est à vous, et vous faites miséricorde à tous.

Je suis ce seigneur, qui ai apparu en terre par humilité comme un pèlerin, étant néanmoins puissant en la terre et au ciel selon la Déité ; car en vérité, j’ai eu en terre un si grand combat que tous les nerfs de mes mains et de mes pieds étaient rompus pour le salut des âmes. Et laissant le monde et montant au ciel, d’où je ne suis jamais parti selon ma Déité, j’ai laissé au monde un mémorial très digne, savoir mon corps très saint ; car comme la loi ancienne se glorifiait de l’arche, de la manne, des tables du testament, et autres cérémonies, de même l’homme nouveau se réjouit d’une loi nouvelle, savoir, de mon corps crucifié, qui était figuré en la loi. Mais afin que mon corps fût en gloire et honneur, j’ai institué la maison de la sainte Église, où il serait gardé et conservé. Les prêtres sont ses gardiens spéciaux, qui sont en quelque manière en excellence par-dessus les anges, car celui que les anges craignent de toucher par une crainte de révérence, c’est celui-là même que les prêtres touchent de leurs mains et de leur bouche.

p.263

J’ai aussi honoré les prêtres de sept sortes d’honneurs comme d’autant de degrés :

  1-ils doivent porter la marque de prêtrise, et être mes signalés amis par la pureté de l’esprit et du corps, car la pureté est le premier degré pour aller à Dieu, à qui rien de corrompu ne convient ; car si aux prêtres de la loi était permis l’usage du mariage, tandis qu’ils ne sacrifiaient pas, ce n’est pas de merveille, car eux n’avaient que l’écorce et non le noyau. Or, la figure ayant cessé par l’arrivée de la vérité, il faut qu’ils s’adonnent tous à la pureté, car le noyau est plus doux que l’écorce. En signe de cette continence, on leur coupe les cheveux, afin que la volupté ne domine la chair ni l’esprit.

2. Les clercs sont institués pour qu’ils soient hommes angéliques par toute sorte d’humilité, d’autant que, par l’humilité de corps et d’esprit, on pénètre le ciel, et la superbe du diable est surmontée ; et en ce degré, les prêtres sont établis pour chasser les diables, car l’homme humble est élevé au ciel, d’où la superbe a fait tomber le diable.

3. Les prêtres sont ordonnés, parce qu’ils doivent être disciples de Dieu par la continuelle lecture de l’Écriture sainte ; c’est pourquoi elle leur est donnée par les prêtres, comme l’épée au soldat, afin qu’ils sachent ce qu’il faut faire, et qu’ils tâchent d’apaiser l’ire de Dieu par l’oraison et par la méditation, afin que le peuple ne périsse.

4.Les prêtres sont institués gardiens du temple de Dieu et spéculateurs des âmes ; c’est pourquoi l’évêque leur donne les clefs, afin qu’ils soient soigneux du salut des âmes de leurs frères, qu’ils les avancent par paroles et par exemples, et qu’ils incitent les infirmes à ce qu’il y a de plus parfait.

5. Ils sont établis dispensateurs et curateurs de l’autel, afin que, servant à l’autel, ils vivent de l’autel, et qu’ils ne s’occupent aucunement en terre, si ce n’est à ce qui concerne leur charge ecclésiastique.

6-Ils sont ordonnés pour qu’ils soient hommes apostoliques, prêchant la vérité évangélique, conformant leurs moeurs à ce qu’ils prêchent.

7- Ils sont institués afin qu’ils soient médiateurs entre Dieu et l’homme, par le sacrifice de mon corps. En ce degré, les prêtres sont en quelque manière au-dessus de la dignité des anges.

p.264

Or, maintenant, je me plains que tous ces degrés sont grandement dissipés, car la superbe est aimée au lieu de l’humilité, l’impureté au lieu de la continence. On ne s’entend plus aux livres de Dieu, mais à ceux du monde. La négligence paraît aux autels ; la sapience divine est réputée folie. On ne se soucie point du salut des âmes, ni tout cela ne leur suffit pas, mais encore ils jettent mes vêtements et méprisent mes armes.

Certainement j’ai montré à Moïse en la montagne de Sinaï, les vêtements dont les prêtres se devaient servir, non pas qu’en la céleste habitation de Dieu, il y ait quelque chose de matériel, mais d’autant que nous ne pouvons comprendre les choses spirituelles sans les matérielles. C’est pourquoi je montre ce qui est spirituel par le corporel, afin qu’on sache combien la pureté est requise à ceux ont la même vérité, et non la figure, savoir est mon corps, si ceux qui portaient l’ombre de ce corps et la figure de cette vérité avaient tant de pureté et de révérence.

Mais pour quelle fin ai-je montré à Moïse un si grand éclat d’habillements matériels, si ce n’est afin que, par eux, on comprît l’éclat et la beauté de l’âme ? Car comme les vêtements du prêtre sont au nombre de sept, de même l’âme qui s’approche du corps de Dieu doit avoir sept vertus, sans lesquelles il n’y a point de salut.


p.265 Donc, le premier vêtement de l’âme est la contrition de ses péchés ;

le deuxième, l’amour de Dieu et de la chasteté,

le troisième, le labeur pour l’honneur de Dieu et la patience en l’adversité ;

le quatrième, ne se soucier ni du blâme ni des louanges des hommes, mais de l’honneur de Dieu ;

le cinquième, l’abstinence de la chair avec vraie humilité ;

le sixième, penser aux bienfaits de Dieu et avoir crainte de ses jugements ;

le septième, ce sont la charité et l’amour de Dieu sur toutes choses, et la persévérance en ce qu’on a commencé.

Or, maintenant, ces vêtements sont bien changés et méprisés, car en vérité, on aime à s’excuser, à se justifier, à rendre ses fautes légères, au lieu de se confesser simplement. On aime les continuelles cajoleries au lieu de chasteté : le labeur de l’utilité corporelle, au lieu du soin du salut des âmes ; l’ambition et la superbe du monde, au lieu de l’honneur et de l’amour du monde ; la superfluité en toutes choses, au lieu de la sobriété louable en toutes choses ; la présomption et le jugement des jugements de Dieu, au lieu de la crainte de Dieu, et l’ingratitude des clercs est sur tous, au lieu de l’amour de Dieu sur toutes choses. Partant, je viendrai en mon indignation, comme j’ai dit par mon prophète, et la tribulation leur donnera d’esprit.

p.266

Lors la Mère de miséricorde, assistant là, dit : Béni soyez-vous, mon Fils ! Je vous parle par mon droit et justice. Vous savez toutes choses. Je vous prie pour cette épouse, à laquelle vous vouliez faire entendre les choses spirituelles, ce qu’elle ne peut pourtant, si vous ne lui donnez des similitudes matérielles : donnez-lui-en quelques-unes, car vous avez dit en votre Déité, avant que vous eussiez reçu de moi l’humanité, que, s’il se trouvait dix hommes justes en une cité, vous pardonneriez à toute la cité pour ces dix. Or, maintenant, il y a une infinité de prêtres qui vous plaisent par les oblations de votre corps : faites donc miséricorde à cause de ceux-là, à ceux qui ont peu de bien. Je vous prie pour cela ; je vous en conjure par l’humanité, en laquelle je vous ai engendré ; et tous vos élus vous demandent cela même avec moi.

Le Fils répondit : Bénie soyez-vous, et bénie soit la parole de votre bouche ! Vous voyez que je leur pardonne triplement, à raison d’un triple bien que contient l’obligation de mon corps ; car comme de la présomption de Judas, trois biens ont été manifestés en moi, de même trois biens proviennent aux âmes de l’oblation de ce saint et auguste sacrifice. Enfin, ma puissance est louée,

1- de ce que, sachant que Judas me trahirait, je n’ai pas rejeté sa conversation ;

2- que ce traître étant présent, je les renversai tous de ma seule parole dans le Jardin des olives, où ma puissance fut grandement manifestée ;

3- d’autant que je convertis toute sa malice et celle du diable au salut des âmes, où ma sagesse et mon amour furent manifestés.

p.267

De même, trois biens proviennent de l’oblation des prêtres :

1- ma patience est louée de toute la milice céleste, car je suis le même entre les mains d’un bon et d’un mauvais prêtre, d’autant qu’en moi il n’y a point acception de personnes, ni les mérites des hommes ne font pas ce sacrement, mais bien mes paroles.

2- Parce que cette oblation est utile à tous, quel que soit le prêtre qui l’offre.

3. Attendu qu’elle profite aussi à ceux-là mêmes qui l’offrent, bien que mauvais, car comme d’une même parole que je dis : JE SUIS, tous mes ennemis tombèrent à la renverse, de même, ayant dit cette parole : CECI EST MON CORPS, les diables s’enfuient, et cessent de tenter les âmes qui font ces saintes et sacrées oblations, ni n’osèrent retourner à elles avec tant d’audace, si l’affection ne s’ensuivait.

C’est pourquoi ma miséricorde pardonne à tous et les souffre tous ; mais ma justice crie vengeance, d’autant que je crie toujours ; et combien plusieurs me répondent, vous le voyez assez.

Néanmoins, j’enverrai encore ma parole : ceux qui l’écouteront accompliront et consommeront leurs jours en joie si grande qu’on ne le peut dire ni penser à raison de sa douceur ; mais ceux qui ne l’écouteront point, les sept plaies arriveront à leurs âmes, comme il est écrit, et sept en leur corps, afin que, lisant et considérant ce qui a été fait, ils frémissent d’horreur en les expérimentant.

p.268

Chapitre 59 comment les prêtres sont obligés à trois choses

4059 Notre-Seigneur Jésus-Christ dit à son épouse comment les prêtres sont obligés à trois choses : 1- à consacrer le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; 2. à avoir la pureté de la chair et de l’esprit ; 3. à avoir le soin de leur paroisse. Ils sont aussi tenus d’avoir un livre et de l’huile. Comment le prêtre est l’ange de Dieu ; voire son office est plus grand que celui des anges.

  Le Fils de Dieu parle : Le prêtre est obligé à trois choses : 1. à consacrer le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; 2. à avoir la pureté du corps et de l’esprit ; 3. à pourvoir à sa paroisse.

Mais vous me pourriez demander à quoi il profite d’avoir une église, si l’on n’a une paroisse.

Je réponds : Le prêtre qui a volonté de profiter à tous, et de prêcher pour l’amour de Dieu, a une aussi ample paroisse que s’il avait tout le monde, car s’il pouvait parler à tout le monde, il n’épargnerait pas sa peine ; c’est pourquoi sa bonne volonté est prise pour l’effet, car Dieu exempte souvent ses élus du labeur de la prédication, à raison de l’ingratitude des auditeurs, et néanmoins, ils ne sont pas frustrés de la récompense, à raison de leur bon désir.

Le prêtre doit avoir aussi un livre et de l’huile : un livre pour instruire les imparfaits, et de l’huile sainte pour oindre les infirmes ; car comme dans le livre est contenue la doctrine du corps et de l’esprit, de même le prêtre doit avoir la sagesse pour modérer et retenir la chair, de peur que l’intempérance ne la relâche, d’où les paroissiens soient scandalisés, fuyant les ambitions et les cupidités du monde, par lesquelles l’éclat et la beauté ecclésiastique sont vilipendés ; évitant les moeurs du siècle, par lesquelles la dignité des prêtres est déshonorée.


p.269 La science spirituelle est pour instruire les ignorants, corriger les dissolus et pour exciter les avancés. Or, en l’huile sont marqués la douceur de l’oraison et les bons exemples, car comme l’huile est plus grasse que le pain, de même l’oraison d’amour et de charité, et les exemples d’une bonne vie, sont plus efficaces que toute autre chose pour attirer les hommes à Dieu et pour apaiser Dieu. En vérité je vous dis, ma fille, que le nom de prêtre est grand, d’autant que c’est un ange et un médiateur ; mais plus grand est son office, d’autant qu’il touche Dieu incompréhensible, et que les choses saintes sont en ses mains.



Chapitre 60 L’épouse parle à Dieu de la manière agréable pour le prier.

4060   Béni soyez-vous, mon Créateur et mon Rédempteur ! Ne vous indignez pas si je vous parle comme celui qui, étant malade, parle à son médecin, comme l’affligé parle à son consolateur, et comme le pauvre à celui qui est riche et opulent.

En effet, celui qui est malade et blessé dit : O médecin, ne m’abandonnez pas, car vous êtes mon frère. O très bon consolateur, ne me méprisez pas, car je suis affligé, mais donnez repos à mon coeur et consolation à mes sens.

Et le pauvre parle en ces termes : O vous qui êtes riches et qui n’avez besoin de rien, regardez-moi, car je me meurs de faim ; voyez que je suis tout nu, et donnez-moi des vêtements qui puissent me réchauffer.

p.270 De même je vous en dis, ô Seigneur très bon et très puissant ! Je considère les plaies de mes péchés, desquelles je suis blessée dés mon enfance, et je me lamente d’avoir inutilement employé mon temps. Mes forces se suffisent aux labeurs, car elles ont été épuisées dans les vanités. Partant, vous qui êtes la fontaine de toute bonté et miséricorde, je vous en supplie, ayez miséricorde de moi ! Touchez mon coeur de la main de votre dilection, car vous êtes un très bon médecin. Consolez mon âme, puisque vous êtes un bon consolateur.


Chapitre 61 manière dont le diable apparut à l’épouse à l’élévation du corps de Notre-Seigneur

4061   Il est ici traité de la manière dont le diable apparut à l’épouse à l’élévation du corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lui disant et voulant prouver par raisons que ce qu’on élevait n’était pas le corps de Notre-Seigneur. Soudain l’ange de Dieu lui apparut, la confortant et lui disant : Ne le croyez pas, etc. Et comment Notre-Seigneur, apparaissant, contraint le diable de dire la vérité devant sa fille, et en quelle sorte le corps de Notre-Seigneur est pris des bons. Du remède convenable du corps de Jésus-Christ à nos tentations, pour nous en délivrer.

  Un homme très cruel apparut à l’épouse, pendant l’élévation du corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et lui dit : Croyez-vous, folle que vous êtes ! que le corps de Jésus-Christ soit tous ce gâteau de pain ?


p.271 Il serait consumé il y a longtemps, quand même il serait aussi grand que la montagne des montagnes. En vérité, il n’y a aucun des sages Juifs auxquels Dieu a donné la sagesse, qui le croie, ni aussi personne ne croira que Dieu se laisse toucher et manier par un prêtre qui a le coeur adonné à la chair et plongé dans les voluptés charnelles. Et afin que vous éprouviez ce que je dis, je vous déclare que ce prêtre est à moi, lequel j’emporterai quand je voudrai, voire en un instant.

Lors soudain l’ange, apparaissant, dit : O fille, ne répondez follement selon sa folie, car celui qui vous est apparu est le père du mensonge, mais préparez-vous, car votre époux approche.

Jésus-Christ, l’époux, venant, dit au diable : Pourquoi troubles-tu ma fille et mon épouse ? Je l’appelle fille, d’autant que je l’ai créée, et épouse, d’autant que je l’ai rachetée et l’ai unie à moi-même par amour.

Le démon repartit : Je parle, car il m’est permis de la refroidir en votre service.

Notre-Seigneur repartit : C’est ce qu’elle a expérimenté cette nuit, quand tu lui as pressé les yeux et les autres parties du corps ; et tu eusses fait davantage, si cela t’eût été permis. Mais toutes les fois qu’elle résiste, la couronne lui est redoublée. Néanmoins, ô diable ! d’autant que tu as dit qu’il y a longtemps que je serais mangé, bien que je fusse une montagne, dis intelligiblement, ma fille l’entendant (puisqu’elle est corporelle) : L’Écriture dit que, le peuple se perdant, on érigea le serpent d’airain, lequel étant vu, tous ceux qui étaient mordus du serpent étaient guéris. Par quelle vertu étaient-ils guéris ? Est-ce, ou par la force de l’airain, ou par l’image du serpent, ou par la bonté de Moïse, ou par la vertu divine ?

p.272

Le diable répondit : Cette vertu de guérir n’est d’autre que de la vertu propre de Dieu, et de la foi du peuple, qui obéissait, qui croyait si fermement que Dieu, qui avait fait éclore du néant toutes choses, pouvait aussi faire tout ce qui n’avait point été.

Dieu dit derechef : Dis, démon : quand la verge a été faite serpent, cela a-t-il été fait par le commandement de Moïse ou de Dieu, ou bien parce que Moïse était saint, ou parce que Dieu l’avait dit ainsi ?

Le démon repartit : Qu’était Moïse, sinon un homme infirme de foi, mais juste par la grâce de Dieu, à la parole duquel, par le commandement de Dieu, la verge a été faite serpent, Dieu commandant vraiment, et Moïse obéissent comme instrument ; car avant le commandement, la verge était verge, et Dieu commandant, la verge a été faite serpent, de sorte que Moïse même en avait peur.

Lors Notre-Seigneur dit à l’épouse qui voyait ceci : De même en est-il maintenant à l’autel, car avant les paroles sacramentelles, le pain mis à l’autel est pain ; mais ces paroles étant dites : CECI EST MON CORPS, il est fait mon corps, lequel prennent et touchent aussi bien les bons que les mauvais prêtres, aussi bien un que mille, en même vérité, mais non pas en même affection, d’autant que le prêtre bon le reçoit pour la vie éternelle, le mauvais pour son jugement.

p. 273

Quant à ce que le démon dit que Dieu est sali par l’immondicité de celui qui l’offre, cela est véritablement faux, car comme si un lépreux donnait les clefs à son maître, ou de l’infirme offrait des confections d’herbes très fortes, cela ne nuirait en rien à celui à qui elles sont administrées, puisque la même vertu est en elles, par qui que ce soit qu’elles soient administrées, de même Dieu n’est pas mauvais de la malice du mauvais prêtre, ni n’est pas meilleur de la bonté d’un bon prêtre, car il est immuable et est toujours le même, Or, quant à ce que le démon dit que ce prêtre mourra bientôt, il connaît cela par la subtilité de sa nature et des causes extérieures, néanmoins, il ne peut l’enlever que par ma permission.

En vérité, ce prêtre est du diable, s’il ne se corrige, et cela à raison de trois choses, car le diable dit qu’il a les membres puants et le coeur charnel, d’autant qu’il est en vérité tout pourri et tout fébricitant, car il a une chaleur extérieure et un froid intérieur, une soif intolérable, une langueur des membres, un dégoût du pain et une abomination à toute douceur, car il est chaud pour le monde et est froid pour Dieu ; il désire les voluptés charnelles, et a en horreur l’éclat et la beauté des vertus ; il est dégoûté de l’observance des commandements de Dieu ; il est fervent pour tout ce qui est de la chair. Partant, ce n’est pas de merveille s’il ne goûte mon corps, si ce n’est comme du pain cuit au four, car il ne considère ni ne goûte l’oeuvre spirituelle, mais l’oeuvre charnelle.

Partant, l’Agnus Dei étant dit, et ayant pris et reçu mon corps dans son corps, la puissance du Père et la douce présence de mon Fils se retirent de lui. Et ayant déposé les habits sacrés, la bénignité du Saint-Esprit se retire de lui, qui est le lien de l’union, mais la seule forme et mémoire du pain demeurent en lui seulement.


p.274 Vous ne devez pas pourtant penser que celui-là ou quelque autre que ce soit, soit sans Dieu, recevant le saint sacrement, que Dieu s’en retire seulement, ne versant en lui de plus grandes consolations. Je demeure néanmoins en lui, le souffrant et le défendant du diable.

Quant à ce que le diable objecte qu’aucun des Juifs qui sont sages n’ont voulu croire cela, je réponds que les Juifs sont disposés comme ceux qui ont perdu l’oeil droit ; c’est pourquoi ils clochent de chaque pied spirituel : et partant, ils sont fous et le seront jusqu’à la fin. Ce n’est donc pas de merveille que le diable aveugle leur esprit, endurcisse leur coeur, et leur suggère ce qui est impudique et contre la foi. Partant, toutes fois que telle pensée assaillira votre esprit, rapportez-la et découvrez-la à vos amis spirituels. Soyez permanente en la foi, et sachez sans doute que CECI EST MON CORPS, que j’ai reçu de la chair virginale, qui a été crucifié et qui règne au ciel ; ceci même est sur l’autel, et les mauvais et les bons le reçoivent. Car comme je me suis montré aux disciples allant à Emmaüs, en une autre forme étant néanmoins vrai Dieu et vrai homme, entrant à mes disciples, les portes étant fermées, de même je me montre aux prêtres sous une autre forme, afin que la foi ait son mérite, et que l’ingratitude des hommes paraisse ; ni n’est pas de merveille, car je suis le même maintenant qui ai montré la puissance de ma Déité par des signes terribles ; et néanmoins encore alors, les hommes ont dit : Faisons-nous des dieux qui nous précèdent

p.275 J’ai aussi montré aux Juifs ma vraie humilité, et ils l’ont crucifiée. Je suis tous les jours sur l’autel, et on dit : Nous avons dégoût et tentation sur cette viande. Quelle plus grande ingratitude se pourrait-on imaginer que vouloir comprendre par raison Dieu et ses occultes jugements, et oser juger les mystères qu’il possède en sa main propre ? C’est pourquoi je veux montrer aux idiots et aux humbles, par un effet invisible et par une forme visible, qu’est la forme visible du pain sans pain et sans substance : qu’est la substance en la forme, et quelle la division de la forme sans substance, ou pourquoi je souffre des choses si indignes et si difformes en mon corps, afin que les humbles soient exaltés et les superbes confondus.



Révélations de Sainte Brigitte de Suède 4052