Révélations de Sainte Brigitte de Suède 4106

Chapitre 106 Notre-Seigneur dit à son épouse qu'elle ne craigne point d'enfreindre l'abstinence par le commandement du Père spirituel

4106   Notre-Seigneur dit à son épouse qu'elle ne craigne point d'enfreindre l'abstinence par le commandement du Père spirituel, car lors il n'est pas péché. Il l'avertit aussi d'être constante et de résister généreusement et continuellement aux tentations, et d'avoir une ferme volonté de persévérer dans les bons exemples de la Sainte Vierge Marie, de David et d'Abraham.

  Le Fils de Dieu dit à Sainte Brigitte : Que craignez-vous, car quand vous mangeriez quatre fois le jour, vous ne pêcherez jamais, si vous le faites avec le commandement de celui à qui vous devez obéir ? Demeurez donc constante. Vous devez être comme le soldat qui a reçu à la guerre diverses blessures : il rend la pareille à ses ennemis, et il se rend d'autant plus échauffé au combat que plus ses ennemis le poursuivent : de même vous devez frapper contre vos ennemis avec plus de ferveur, et être plus constante et plus généreuse, et vous devez avoir une volonté raisonnable de persévérer dans le bien

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Or, vous refrappez lors le démon infernal, quand vous ne consentez point aux tentations, mais résistez généreusement, comme par exemple, opposant l'humilité à la superbe, la sobriété à la gourmandise. Or, lors vous êtes constante, lorsqu’accablée de tentations furieuses, vous ne murmurez point contre Dieu, mais vous souffrez le tout avec joie, imputant et attribuant le tout à vos péchés, rendant grâces à Dieu des peines que vous souffrez. Lors votre volonté est raisonnable, quand vous ne désirez point de récompenses, mais ma volonté, vous abandonnant entièrement en mes mains.

Or, Lucifer n'a point eu le premier bien, qui est de résister, d'autant qu'il consentit soudain à sa pensée, c'est pourquoi il tomba irréparablement, car comme il n'eut aucun qui le portât au mal, aussi il n'aura jamais aucun réparateur.

Judas n'eut aussi le second bien, mais se désespérant, il se pendit.

Pilate n'eut pas aussi le troisième bien, attendu qu'il eut une volonté plus ferme pour apaiser les Juifs, et à conserver son honneur qu'à me délivrer de leurs mains.

  Or, ma Mère a eu le premier bien, qui est de résister aux ennemis, elle qui a oppose autant de contraires qu'elle eu d'attaques.

David a eu le second bien, qui fut patient en son adversité, et ne se désespéra point en sa chute.

Abraham eut le troisième bien, savoir, une volonté parfaite, lui qui, ayant quitte son pays voulait encore immoler son fils.

  Imitez donc ceux-ci selon vos forces.

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Chapitre 107 conserver toujours avec grand soin, la contrition pure, la charité divine, l'obéissance ferme

4107 Jésus-Christ induit son épouse, l'âme fidèle, à conserver toujours avec grand soin, la contrition pure, la charité divine, l'obéissance ferme; qu'elle méprise aussi tous ceux qui méprisent l'obéissance, l'abstinence, la patience. Il avertit aussi l'homme spirituel que, sous espèce de lumière il ne se laisse obscurcir par sa science.

Un ange d'une beauté admirable apparut; auquel tous les autres anges disaient : O mon ami, pourquoi offrez-vous à notre Dieu une noix vide?

  Il répondit : Bien que vous sachiez toutes choses, néanmoins, pour l'amour de celle qui est ici présente, je parle : Je ne me contriste pas en la présence de Dieu, moi qui sers en telle sorte sa volonté pour l'avancement des âmes, que je ne sors jamais de sa présence; et bien que je ne lui présente une noix de douceur, je lui offre néanmoins quelque chose délectable, savoir, une clef d'or très pur, un vase d'argent et une couronne de pierres précieuses. Or, la clef signifie la contrition pure des péchés commis, qui ouvre le coeur de Dieu, introduit les pécheurs dans le coeur de Dieu. Le vase est la divine dilection et la charité, en laquelle Dieu repose doucement avec l'âme. La couronne est l'obéissance ferme et joyeuse, car Dieu requiert et demande ces trois choses.

  Je représente derechef à Dieu les mêmes choses qu'elle lui avait autrefois représentés, et néanmoins, cela redondera à son honneur, à raison que la clef de la contrition est présente, de sorte qu'elle n'ose pas même penser à elle.

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Le vase de la divine dilection lui est si amer qu'elle ne le peut nullement sentir; car comment la suavité de l'esprit lui pourrait-elle être à goût, où elle voit être enracinée la volupté de la chair ? Car deux contraires ne s'accordent point dans un vase.

La couronne aussi de l'obéissance lui est lourde, car la propre volonté lui plait grandement, et il lui est plus doux de suivre la volonté propre que la volonté de Dieu.

  Lors l'ange, se tournant vers Dieu, dit : Seigneur, voici le vase, la clef et la couronne, dont cette âme s'est rendue indigne. Partant, quand le têt du pot se cassera, on trouvera le dedans tout plein de boue, qui devrait être plein de miel très doux. Au milieu du pot est un serpent.

Le pot est le coeur, qui, quand il crèvera par la mort, sera plein des désirs du monde, qui sont comme de la boue. Or, le serpent est l'âme, qui devrait être plus lumineuse que le soleil, plus fervente que la flamme : mais hélas ! elle est faite un serpent plein de venin, qui ne nuit à pas un, si ce n'est à soi pour sa ruine éternelle.

  Or, le Seigneur parla lors à l'épouse, disant : Je vous dis par similitude en quelle manière cet homme est fait ; il ressemble à un homme qui s'arrêterait et à un autre qui s'approcherait de l'autre, et quand les deux visages seraient l'un contre l'autre, celui qui marcherait dirait : Seigneur, entre vous et moi, il n'y a qu'un petit espace. Montrez-moi la voie par laquelle je dois marcher, car je vous vois en telle puissance qu'il n'y a point d'égal, en tant de douceur qu'il n'y a point de comparaison, en tant de bonté que vous êtes la source et le principe d'où sort toute bonté et sans lequel il n'y aurait rien de bon.

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Il répondit : Mon ami, je vous montrerai trois sortes de voies qui tendent néanmoins en une : si vous suivez celle-ci, elle est raboteuse au commencement, mais à la fin elle est tout égale et frayée; elle est obscure en son entrée, mais lumineuse en son progrès, amère pour quelque temps, mais très douce en sa fin.

  Il répondit : Montrez-moi seulement cette voie, et je la suivrai franchement, car je vois le danger être dans le retardement, et le dommage à se fourvoyer de cette voie, est un grand fruit, si je la suis. Partant, accomplissez mon désir et montrez-moi la vraie voie.

  Je suis donc le Créateur de toutes choses, et suis immuable et permanent de toute éternité. Or lors celle-là s'approchait de moi quand elle m'aimait, et ne cherchait rien tant que moi. J'ai aussi tourne ma face vers cette âme, quand j'ai verse en elle les divines considérations et les voies du monde, et la volupté de la chair, lui était à haine et à horreur. Je lui ai montré aussi une voie triple, non pas par une voix charnelle, mais inspirant secrètement son âme en même manière que j'inspire évidemment maintenant votre âme.

  1° Je lui ai donc montré de m'être obéissante, à moi qui suis son Dieu, et à ses prélats. Mais lui, il m'a répondu intérieurement, pensant en cette sorte : Non, je n'en ferai rien, car mon prélat est supérieur est trop fâcheux; il n'a point de charité, et partant, je ne lui puis obéir d'une volonté joyeuse.

  2° Je lui ai aussi montré une deuxième voie, savoir, de fuir la volupté de la chair et de suivre la volonté divine, de fuir la gourmandise et de suivre l'abstinence. Ces voies-ci sont celles qui conduisent à la vraie obéissance. Mais cette âme répondit : Je n'en ferai rien. Ma nature est faible : partant, je dormirai et mangerai mon saoul ; je parlerai, me réjouirai, et rirai pour le souls du monde.

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3° Je lui ai montré la troisième voie, savoir, avoir une patience invincible pour l'amour de moi, qui suis leur Dieu, car c'est celle-la qui conduit à l'abstinence, qui induit à la sainte obéissance. Mais cette âme répondit : Je n'en ferai rien, car je souffre les opprobres et contumélies, on dira que je suis fou. Si je me rends méprisable en l'habit, tout le monde me remplira de confusion; et si en mes membres il y a quelque difformité, il est nécessaire qu'en mes oeuvres et actions, il y ait quelque chose qui plaise et qui supplée à ce défaut.

  Notre-Seigneur parle en ces termes sur ce sujet : Et moi et sa conscience nous débattons jusques à ce qu'il s'est éloigne de moi; il tourne le dos, et non la face vers moi. Mais en quelle manière ? C'est quand il voulait obéir seulement à ceux qui lui ont plu et agrée; et il a voulu diminuer des amitiés du monde.

  Or, maintenant, le diable s'efforce de rendre cette âme aveugle et muette, se propose de lui lier les pieds et les mains et de la précipiter dans les fondrières de l'enfer. Or, le diable la plonge lors dans les ténèbres, quand elle pense en cette sorte : Dieu m'a rachetée par sa passion ; il ne me perdra point, car il est miséricordieux : il n'examine pas les péchés avec tant de rigueur. Dieu examine aussi facilement que l'homme pèche à toute heure

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Par tout ce que dessus, il est prouve que la foi de cette âme n'est pas ferme : partant, qu'elle cherche en mon Evangile : elle y trouvera que je cherche et demande raison, non seulement des paroles, mais bien plus des oeuvres, car on voit aussi que le riche n'a pas été enseveli en enfer pour avoir dérobé, mais bien d'autant qu'il abusait de ce qu'on lui avait donne. Or lors le diable rend cette âme muette, lorsqu'entendant les exemples de mes amis et leurs paroles, elle dit : Personne ne pourra vivre maintenant de la sorte ; et par ceci, il est prouve qu'il a une petite espérance, car moi, qui ai donne à mes amis la faveur de vivre chastement et justement, j'ai la même puissance de faire que cette âme vit de la sorte, comme si elle avait son espérance en moi. Lors le diable lui lie les mains, quand elle aime plus quelque autre chose que moi; quand elle s'occupe plus aux intrigues du monde qu'à mon honneur et à ma gloire. Partant, qu'elle prenne garde que, pendant qu'elle s'occupe plus au monde qu’à moi de n'être supplantée par le diable, car là où l'on prend moins garde, c'est là que le diable prépare et dispose l'hameçon. Elle aussi se lie les pieds, quand elle ne prend garde au débordement de ses affections et de ses liaisons ; quand elle ne considère pas l'état de ses affections ; quand elle s'étudie tellement à son utilité et à celle de son prochain et de sa chair, qu'elle oublie l'avancement de âme. Partant, qu'elle considère ce que j'ai dit en l'Evangile : que l'homme qui a mis la main à la charrue ne regarde point derrière soi, et que ce qu'il a entrepris étant plus utile à son âme, il n'en recule point. Le démon infernal met quelquefois un lien en son âme, quand il fait pencher tellement âme au mal qu'elle pense et voudrait être élevée sur les honneurs du siècle et persévérer en telles dispositions. Il la conduit aussi dans les ténèbres cymmeriennes, quand elle a les pensées suivantes et qu'elle y consent. Soit que j'ai gloire ou supplice, je ne m'en soucie guère. Malheur à elle, si elle est plongée dans les ténèbres !

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En vérité, s'il se veut convertir à moi, je lui irai néanmoins au-devant comme un bon père. Mais comment ? En faisant tout ce qu'elle pourra ; car comme il n'est pas permis au fils de l'homme de prendre une femme en mariage contre sa volonté, aussi n'est-il pas loisible au Fils de la Vierge, car la volonté est un instrument par lequel l'amour divin entre en l'âme ; car comme le meunier, voulant tailler les pierres, cherche en premier lieu les veines où il met les instruments les plus déliés, et puis les plus épais, jusques à ce que la pierre soit fendue, de même je cherche la bonne volonté, en laquelle je répands ma grâce, après l'accroissement des oeuvres et l'avancement de la volonté ; une plus grande grâce croît en âme, jusques à ce que le coeur de pierre croisse en coeur de chair, et le coeur de chair en coeur spirituel.

  DECLARATION

L'homme à qui fut faite la révélation suivante fut prieur ès parties de Sicile, près du mont Vulcain.

ADDITION

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  Le Fils de Dieu Tout-Puissant parle : Ce frère admire pourquoi mes apôtres saint Pierre et saint Paul ont été gisants et comme négligés en ce lieu des catacombes un si long laps de temps. Je vous réponds : L'Ecriture dorée dit qu'Israël demeura longtemps dans le désert, d'autant que la malice des Gentils, dont il devait posséder les terres, n'était pas encore accomplie. Il en était de même de mes apôtres, car le temps où il fallait exalter les corps de mes apôtres n'était pas venu : le temps de probation devait en effet précéder le temps des récompenses et des couronnes, et il devait en être ainsi de ceux auxquels étaient dus l'honneur et la grandeur des apôtres.

Or, maintenant, vous pourriez vous enquérir si, quand leur corps étaient ensevelis dans les puits, ils avaient quelque honneur.

  Je vous réponds que mes anges gardaient et honoraient ces corps bienheureux, car comme ce lieu-là est diligemment cultive où on doit semer et planter de belles plantes, de même ce lieu des catacombes était dès longtemps prépare et honore, en sorte que les anges et les hommes s'en réjouiraient : je vous dis pourtant qu'au monde, il y a des lieux où les corps des saints reposent, mais non pas semblables en excellence à celui-ci, car si on nombrait les saints qui ont été mis là, à grand peine pourrait-on croire qu'il y en eut un si grand nombre qu'il y en a.

Partant, comme l'homme infirme est réfectionné de la bonne odeur et des viandes, de même les hommes venant en ce lieu avec un coeur sincère, sont reçus spirituellement, et y reçoivent, faisant ce qui est nécessaire, la vraie rémission de leurs péchés, un chacun néanmoins selon sa vie et sa foi

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Ce même Frère, étant contrit des paroles de sainte Brigitte, ouit par trois nuits une voix qui lui disait : Hâtez-vous, hâtez-vous ! Venez, venez ! Et le quatrième jour, étant tombe malade et ayant reçu les saints sacrements, il mourut à Rome.

Chapitre 108 Notre-Seigneur dit à son épouse que trois saints lui ont plu par-dessus les autres, savoir, la Sainte Vierge, saint Jean-Baptiste et sainte Marie-Magdelène

4108 Notre-Seigneur dit à son épouse que trois saints lui ont plu par-dessus les autres, savoir, la Sainte Vierge, saint Jean-Baptiste et sainte Marie-Magdelène. Il loue aussi la discrétion de l'abstinence qu'ils ont gardée dans les viandes, le sommeil et le vêtement.

Pour le jour de la Nativité de la Sainte Vierge. Pour le jour de Saint Jean-Baptiste. Pour le jour de Sainte Magdelaine

Le Fils de Dieu parle : Il y a trois saints qui m'ont agrée par-dessus les autres : Sainte Marie, ma Mère, saint Jean-Baptiste et sainte Marie-Magdelène. Ma Mère a été si belle en sa naissance et après sa naissance, qu'elle n'eut jamais de souillure ni tache en elle ; ce que les démons connaissant, ils portèrent cela avec tant de fâcherie, que nous pouvons dire comme par similitude qu'une voix des démons, sortant de l'enfer, disait : Une Vierge marche avec tant de vertu et avec tant de merveilles, qu'elle surpasse tous les hommes en terre et au ciel, et parvient et arrive jusques au siège de Dieu. Que si nous allons contre elle avec tous nos lacets, elle les rompt tous, et comme l'étoupe est bientôt rompue et déchirée, de même rompt-elle les grandes cordes. Si nous venons à elle avec toute notre malice et immondice, elle coupe toutes choses, comme le faucheur coupe le foin. Si nous suggérons la volupté et les délectations au monde, toutes ces choses sont plus facilement étouffées qu'une scintille de feu par les torrents des eaux.

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Or, saint Jean étant né, il déplut aux démons en telle sorte, qu'on ouït comme une voix sortant de l'enfer, qui disait : Un enfant admirable est né. Que ferons-nous, si nous agissons contre lui avec les vents de notre superbe ? Certainement, Baptiste nous méprise, nous et nos paroles, et moins veut-il consentir à nos suggestions. Si nous lui offrons des richesses, il nous tourne le dos et refuse de les voir ; si nous lui présentons les voluptés, il est comme mort et ne les veut ressentir.

  Quand sainte Marie-Magdelène fut convertie, les démons dirent : Comment pourrons-nous la remettre dans ses premiers péchés ? En vérité, nous avons perdu une proie assez grasse, hélas ! Elle se lave tellement dans le ruisseau de ses larmes que nous n'osons la regarder ; elle se couvre tellement de bonnes oeuvres qu'elle ne parait point tachée ; elle est fervente et si chauffée au service de Dieu et à la sainteté, que nous n'osons l'approcher : partant, ces trois ont toujours donne à l'âme l'entier domaine et gouvernement, et leur corps, l'obéissance et la soumission.

Leur âme avait aussi trois choses : 1° elle n'a rien aime si chèrement que Dieu ; 2° elle n'a rien voulu faire contre moi ; 3° elle n'a voulu rien omettre de ce qui touchait à l'honneur de Dieu. Bien donc que ceux-ci aient eu une telle âme, ils n'ont pas pourtant méprise leurs corps, ni ne lui donnèrent point le venin au lieu de la viande, ni les épines pour le vêtement, ni ne se sont pas assis à la table des fourmis, mais ils ont use d'une modérée réfection pour mon honneur, pour ma gloire et pour l'utilité de âme Ils ont aussi des vêtements pour couvrir leur corps, et non pour nourrir et fomenter la vanité, le sommeil pour le repos, et le lit seulement pour le soulagement, Et de fait, s'ils eussent su me plaire et que je leur en eusses donne la grâce, ils eussent pris et choisi pour viande toutes les choses amères, les épines pour vêtements, et se fussent couches sur les fourmilières.

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Mais d'autant qu'ils me considéraient tout juste et tout miséricordieux, aussi gardèrent-ils la justice pour le corps, par retenue des passions et des mouvements déréglés : de même furent-ils raisonnables et miséricordieux pour pardonner au corps et le soulager, de peur que, par la violence des labeurs, le corps ne déchut et ne défaillit.

  Mais maintenant, vous me pourriez demander pourquoi je n'ai pas donne à ceux-ci la même grâce que j'ai donnée aux saints ermites et aux Pères anciens, dont quelques-uns ne mangeaient qu'une fois par semaine, dont quelques autres ont mange des viandes apportées par les anges. Je vous réponds que ces saints Pères ont obtenu de moi cette ferveur de jeûner de la sorte, pour trois raisons : 1° pour manifester ma grâce et mon adorable puissance, afin que les hommes sachent que, comme je nourris l'âme sans la viande corporelle, de même je puis nourrir et sustenter le corps sans viande, quand il me plait ; 2° afin de montrer, par un vif exemple, que le labeur corporel et la tribulation attirent âme au ciel ; 3° afin d'éviter le péché, car la volupté charnelle, si elle n'est retenue, entraîne âme aux peines éternelles

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Donc, afin d'apprendre aux hommes la continence et la manière de vivre au monde sans aucune viande, néanmoins, je me suis servi des viandes et des choses corporelles, afin que l'homme, connaissant son obligation, me rendit grâce, à moi qui suis son Dieu, et afin qu'il put prendre un soulagement modéré au monde, et une parfaite liberté au ciel avec les saints.


Chapitre 109 l'homme spirituel, après qu'il s'est convertit par pénitence, l'amour et la contrition, doit par la patience réparer le temps perdu

4109 La Sainte Vierge Marie dit que l'homme spirituel, après qu'il s'est convertit par pénitence, l'amour et la contrition, doit par la patience réparer le temps perdu, afin qu'il n'offre à Dieu une noix vide

La Sainte Vierge Marie parle : Quand on présente quelquefois des noix à Notre-Seigneur, il s'en trouve souvent de vides, lesquelles on doit remplir afin qu'elles soient agréables : de même en est-il dans les oeuvres spirituelles : plusieurs font de bonnes oeuvres, par le moyen desquelles le péché est diminué, afin qu'ils n'entrent en enfer. Néanmoins, en l'intervalle de tous ces temps, il y eut bien du temps fort inutile et vide, lequel est nécessaire de remplir, si le temps de travailler est loisible et permis, sinon, sans doute, la contrition et l'amour suppléeront au défaut.

  Marie-Magdelène offrit à Dieu des noix, c'est-à-dire, de bonnes oeuvres, entre lesquelles il y en avait vraiment de vides, car elle s'employa longtemps à pécher. Mais ce vide fut rempli avec la patience et le labeur par succession de temps.

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Saint Jean-Baptiste offrit à Dieu des noix toujours pleines, d'autant que, dès sa jeunesse, il servait Dieu, lui offrant tout son temps.

  Mais les apôtres ont offert à Dieu des noix comme à demi pleines, d'autant qu'avant leur conversion, ils eurent une grande quantité de temps imparfait.

Mais quant à moi, qui suis la Mère de Dieu, je lui ai offert des noix toutes pleines et plus douces que le miel, car dès ma jeunesse, j'ai été pleine de grâce et ai été conservée en la grâce

Partant, je vous dis que, bien que le péché soit pardonné à l'homme, néanmoins il doit racheter le temps perdu et vide de toutes sortes de biens par la patience et les oeuvres de charité


Chapitre 110 différences qu'il y a entre le bon esprit et le mauvais

4110 Notre-Seigneur Jésus-Christ instruit l'épouse des différences qu'il y a entre le bon esprit et le mauvais, etc..

Le Fils de Dieu enseigne la manière de connaître l'Esprit divin, attendu qu'il y a deux sortes d’esprits: le bon et le mauvais. Mon Esprit est amoureux et fervent, et fait agir deux sortes de biens : le premier est que celui qui l'a ne désire autre chose que plaire à Dieu ; le second est qu'il a une profonde humilité et un grand mépris du monde.

Mais l'esprit malin est froid et chaud : froid s'autant qu'il rend amer tout ce qui touche à l'honneur et la gloire de Dieu ; chaud, attendu qu'il incline et porte l'homme à la volupté charnelle, à la superbe du monde, et excite les affections à sa propre louange. En vérité, il vient flattant comme un ami, mais il est comme un chien enrage qui mord ; il vient comme un doux consolateur, mais c'est un traître bourreau.

  Partant, quand il viendra, dites-lui : je n'ai point affaire de vous, car votre fin est pernicieuse. Mais quand le bon Esprit viendra, dites lui : O mon Dieu, venez comme un feu et brûlez mon coeur, car bien que je sois indigne de vous avoir, néanmoins j'en ai besoin. Vous ne serez pas meilleur quand vous m'aurez, car vous n'avez pas besoin de moi ; mais moi, je serai meilleur en vous par vous, car sans vous je ne suis rien.


Chapitre 111 Le Fils de Dieu parle à son épouse de trois lois : de celle de l'Eglise, de l'empereur et de la communauté ; mais il l'avertit de vivre selon la quatrième

4111 Le Fils de Dieu parle à son épouse de trois lois : de celle de l'Eglise, de l'empereur et de la communauté ; mais il l'avertit de vivre selon la quatrième loi spirituelle et divine, qui est en humilité, foi ferme, charité divine, parfaite et catholique, postposant toutes choses à Dieu ; car par ceci, l'honneur spirituel et les richesses célestes sont acquis en la gloire éternelle.

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La Sapience éternelle, la seconde personne de la sainte et auguste Trinité, parle à son épouse, lui disant qu'il y a trois lois : l'une est ecclésiastique, l'autre est de l'empereur, la troisième est de la communauté. Ces trois lois sont écrites sur les peaux mortes d'animaux. Mais il y a une autre spirituelle qui n'est pas écrite sur les peaux, mais au livre de vie, qui ne se perd jamais ni ne se corrompt par vieillesse, et ne tache jamais, ni n’est possédée avec difficulté. Partant, toute bonne loi doit être ordonnée pour le salut de l’âme et pour l’accomplissement des commandements de Dieu, pour fuir les mauvais désirs et pour la recherche discrète des choses qui doivent être désirées. Or, maintenant, dans les lois qui sont écrites sur les peaux, il n’y a qu’une parole, qui s’appelle obtenir quelque chose : partant donc, afin que quelqu’un obtienne quelque chose, une de quatre choses lui est nécessaire, car quand on donne à quelqu’un quelque présent pour la charité et pour la familiarité, ou pour l’héritage, ou pour le partage, ou pour les oeuvres d’utilité et de service, il en est de même de la loi spirituelle, car la loi spirituelle est connaître Dieu, l’aimer et en jouir, et en cette loi consistent l’honneur et les richesse spirituelles, savoir, changer toutes le choses créées au Créateur, laisser sa propre volonté pour l’amour de Dieu, aimer les vertus et donner le monde pour le ciel.

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  Ces richesses s’obtiennent de quatre manières :

1° par la charité, car comme un seigneur temporel donne des présents, poussés à cela par la charité, bien que les mérites n’en précèdent point, de même moi, par ma bonté, j’ai créé et racheté l’homme et je le supporte tous les jours ; et d’ailleurs je l’honore par-dessus ses ingratitudes. Quiconque aussi m’aime de tout son coeur et ne désire autre choses que moi, aura en terre la vertu qui est écrite au coeur avec le doigt de Dieu, et l’honneur au ciel, qui est écrit au livre de vie, qui est la vie éternelle.

2° On obtient un honneur spirituel à raison de l’héritage. En vérité, j’ai acheté à l’homme le ciel par le mystère de mon incarnation et de ma passion, et je l’ai ouvert par un droit héréditaire, car comme l’homme avait en quelque manière vendu au diable l’héritage divin, recevant un peu de sommes en échange d’un dilection éternelle, une viande défendue pour l’arbre de vie, la fausseté pour la vérité, de même ai-je, en obéissant à mon Père, l’obligation de la rébellion ; par l’amertume de mon coeur, j’ai satisfait pour la douceur de la pomme ; par ma mort, j’ai mérité à l’homme l’arbre de vie. J’ai aussi, par la fidélité de mon humanité, remis l’homme, et j’ai établi la vérité. Quiconque donc croit aux parcelles de ma vérité et m’imite, celui-là, par l’héritage, obtiendra les richesses et ma grâce.

3° Il obtiendra l’honneur spirituel par le partage, savoir, quand l’homme se sépare de toutes les délectations charnelles, et, quand il change la volonté charnelle en abstinence, les richesses en pauvreté, l’honneur en mépris, les parents terrestres en la familiarité des amis de Dieu, la vision du monde en la vision de Dieu.

4° Il obtiendra l’honneur spirituel pour les oeuvres d’humilité et de service, savoir, quand l’homme milite au service de Dieu, et en patience invincible, comme un soldat généreux à la guerre, qui sert fidèlement et humblement son maître, et dispense comme serviteur justement et miséricordieusement tout ce qu’on lui a confié, comme un bon économe, et veille soigneusement contre les tentations, comme un bon soldat en sentinelle. Celui-là est digne d’être honoré et d’avoir des richesses spirituelles, qui ne sont point empreintes sur les peaux mortes des animaux, mais bien en l’âme, car les degrés d’une triple loi écrite sont utiles pour perfectionner la justice, mais la loi spirituelle est douce et suave pour en recevoir les fruits.

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Partant, ô ma très chère fille, tâchez d’acquérir l’honneur spirituel par l’amour, savoir, en n’aimant rien tant que moi. Cherchez par l’héritage ci-dessus nommé, savoir, en croyant fermement tout ce que l’Eglise commande ; cherchez par les oeuvres l’humilité, faisant toutes chose pour mon honneur et pour ma gloire. En vérité, vous avez été appelée en ma loi, c’est pourquoi vous êtes obligée de garder ma loi. Or, ma loi est vivre selon ma volonté, comme un bon prêtre vit selon les lois de l’Eglise : de même, vivez selon les lois de mon humilité, vous conformant à mes amis, car toute loi temporelle tend, en partie à l’honneur du monde, et en partie au mépris. Ma loi seule tend aux choses célestes, d’autant que, devant moi ni après moi, aucun n’a pleinement entendu quelle et combien glorieuse est la suavité du royaume des cieux, comme moi et comme celui à qui je la voudrai révéler.


Chapitre 112 qu’elle se donne diligemment garde du vice de superbe

4112   Notre Seigneur dit à son épouse qu’elle se donne diligemment garde du vice de superbe ; qu’elle ne s’exalte de la beauté des membres, ou des biens, ou de la race, car la superbe est comparée au papillon qui a de grandes ailes et un petit corps.

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Le Fils éternel dit à son épouse : Ne vous troublez point de la superbe de ces gens-ci, car elle passera soudain. Il y a une certaine espèce de mouche qui est appelée papillon, qui a les ailes larges et le corps fort petit ; il a en second lieu plusieurs couleurs ; en troisième lieu, li vole fort haut à raison de sa légèreté et subtilité ; mais montant en l’air à raison de sa petite force, il tombe soudain sur les rochers ou sur les bois.

Cette espèce de mouche signifie les superbes, qui ont les ailes larges et un petit corps, d’autant que leur esprit s’enfle de superbe comme une peau enflée de vent. Ils croient aussi avoir toutes choses en considération de leurs mérites et se préfèrent aux autres, croyant qu’ils sont plus dignes que les autres, en sorte que, s’ils pouvaient, ils étendraient leur nom par tout l’univers. Mais d’autant que leur vie est brève et est comme un point, c’est pourquoi, lorsqu’ils y pensent le moins, ils tombent.

En second lieu, les superbes ont plusieurs couleurs, comme le papillon, car ils s’enorgueillissent de la beauté de leur membres, de leurs biens, de leur sang, de leur race, et changent tous les jours d’état selon les inventions de leur orgueil ; mais quand ils meurent, ils ne sont que terre et cendre.

En troisième lieu, quand les superbes sont montés au plus haut ascendant de superbe, ils tombent en un moment et avec un grand danger dans les abîmes de la mort.

Partant, ô ma fille, donnez-vous garde de la superbe, d’autant qu’elle ôte de la présence de Dieu tous les hommes, ni ma grâce n’entre point en l’homme que possède la superbe. p.426


Chapitre 113 qu’elle ne se soucie point d’une grande renommée

4113   Notre-Seigneur avertit son épouse de vivre humblement ; qu’elle ne se soucie point d’une grande renommée, d’autant que lui n’a point choisi de grand docteurs pour prêcher son évangile, mais bien d’humbles pêcheurs, car ceux qui travaillent en ce monde à acquérir au monde une grande renommée, seront grièvement punis en enfer.

  La Sapience éternelle, le Fils de Dieu, parle : Que celui-là lise les écritures, et il trouvera que j’ai fait d’un pasteur un grand prophète, et que j’ai rempli de l’esprit de prophétie les jeunes et les idiots. Mais bien que tous n’aient pas mes paroles de salut, néanmoins, afin que ma charité fût plus connue, mes paroles sont parvenues à plusieurs : semblablement, pour prêcher l’Evangile, je n’ai pas choisi des docteurs, mais des pêcheurs, afin qu’ils ne se glorifiassent de leur sagesse, et afin que tous entendent que, comme Dieu est en soi admirable et au-delà de nos pensées, de même ses oeuvres sont inscrutables, et il opère de grades choses dans les choses les plus petites. Que tout homme donc qui va par le monde pour acquérir da propre volonté, pose sur ses épaules un faix dur et pesant. p.427

Voici un exemple d’un certain homme qui allait par le monde avec de grands désirs de s’agrandir. Il acquit une grande renommée, et en même temps il mit sur son dos un grand et pesant fardeau de péchés ; c’est pourquoi il a aussi maintenant un grand nom dans l’enfer, un faix lourd et accablant pour sa récompense, et un lieu fort excellent pour son supplice, car en ce lieu, quelques-uns étaient descendus avant lui, et quelques uns avec lui, et quelques autres après lui. Or, ceux-là y sont descendus devant lui, qui l’avaient affermi en la malice et en l’augmentation d’icelle par leur secours et par leurs conseils. Ceux qui descendirent avec lui furent les complices de ses oeuvres misérables, mais ceux-là descendirent après lui, qui avaient suivi ses mortifères exemples.

  C’est pourquoi les premiers crient à lui comme de combat, et lui disent : Parce que vous avez obéi et consenti à nos conseils, nous brûlons de votre présence avec plus d’ardeur. Partant, maudit soyez-vous, vous qui êtes digne de ce supplice et de ce gibet, où les cordes ne se rompent jamais, mais où le feu dévorant afflige éternellement ! Que la confusion la plus honteuse vous soit au front, en récompense de votre superbe ambition ! Or, ses oeuvres crient et disent d’un accent de désespoir : O misérables que vous êtes ! La terre ne vous a pas pu repaître de ses fruits, c’est pourquoi vous avez insatiablement désiré toutes choses. L’or ni l’argent n’ont pu satisfaire vos misérables désirs, c ‘est aussi pour cela que vous êtes vide et privé de toutes choses, et que les corbeaux vivants et insatiables déchireront éternellement votre âme, qui, étant toujours déchirée, pourtant ne diminuera pas, étant fondue, ne mourra pas, mais vivra d’une vie animée de tourments. Ceux qui sont descendus après lui en ces fondrières effroyables, crient d’un triste accent : Malheur à toi que tu sois né ! Ta volupté s’est convertie en haine de Dieu, en sorte que vous ne voudriez pas dire une parole pour l’honorer.

p.428 Partant, comme en l’amour et en l’honneur de Dieu est toute sorte de consolation, de délectation, de bien et de joie ineffable, dont nous sommes indignes pour vous avoir imité, que de même vous avez éternellement une tristesse et une dissension immortelle avec la compagnie des démons, difformité pour l’honneur, ardeur pour la volupté, froid pour l’amour et nul repos pour les satisfactions charnelles. Et d’ailleurs, pour la grande renommée que vous avez eue indignement, il vous soit malédiction ; pour siège glorieux, un lieu méprisé de tous. Voici que parlant par similitude, méritent telles choses ceux-là qui s’intriguent et s’enveloppent de ces affaires contre les volontés divines.

  ADDITION

  Un certain soldat s’étudiait incessamment à trouver diverses manières de vanité, et il entraîna plusieurs à la damnation éternelle par ses paroles et par ses maudits exemples. Celui-ci portait une grande envie à sainte Brigitte des paroles fort contumélieuses. Cette sainte étant assise à table, il vint à elle et lui dit, en présence des plus grands : Madame, vous songez trop, vous veillez trop. Il vous est expédient que vous mangiez, buviez et dormiez davantage. Mais quoi ! Dieu n’a-t-il pas laissé les religieux ? Et il parle avec les superbes du monde ! C’est vanité de croire à vos paroles.

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Or, ceux qui étaient là présents voulaient venger l’injure, mais sainte Brigitte le défendait disant : Permettez-lui de parler, car Dieu l’a envoyé ; car moi qui en tout le cours de ma vie, ai cherché ma propre louange, j’ai blasphémé Dieu : pourquoi n’oirai-je pas ma justice ? Certes, celui-ci dit la vérité.

Ce que ce soldat oyant, il s’en repentit, se réconcilia avec sainte Brigitte, vint à Rome et y mourut d’une fin louable.



Révélations de Sainte Brigitte de Suède 4106