Révélations de Sainte Brigitte de Suède 6040

Chapitre 40. Pour le jour des morts - une âme condamnée à être au purgatoire jusques au jour du jugement

6040   Quatre ans après que sainte Brigitte, épouse, eut eu la susdite vision, où on voyait une âme condamnée à être au purgatoire jusques au jour du jugement, elle vit derechef la même âme être présentée au jugement divin par l’ange, comme à demie revêtue, pour laquelle il priait Notre-Seigneur avec la milice céleste, et laquelle Notre-Seigneur affranchit entièrement des peines, et la transporta en la gloire comme une étoile reluisante, par les prières des anges et des saints, et par les larmes et les prières de ses amis vivants.

Pour le jour des morts.

  Après que quatre ans se furent écoulés, sainte Brigitte vit derechef l’âme susdite comme un jeune enfant très beau à demi vêtu. Or, lors elle dit au Juge, qui était assis sur un trône éminent, assisté de mille millions des saints, qui tous l’adoraient à raison de sa patience et de son amour : O juge souverain, cette âme, pour laquelle je priais, vous me dites que vous l’affranchiriez. Or, maintenant, nous tous assemblés vous prions et demandons miséricorde pour elle ; et bien que nous sachions que tout est en votre dilection, néanmoins, à raison de votre épouse ici présente, nous parlons d’une manière humaine, bien que cela ne soit en nous de même manière.

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  Le Juge répondit : Si un chariot était plein de gerbes et qu’un chacun en prît une poignée, le nombre et le poids diminueraient : de même en est-il maintenant, car plusieurs larmes de charité m’ont été présentées pour cette âme : partant, le jugement veut qu’elle vienne à votre garde ; et vous, apportez-la au repos que l’oeil n’a vu, que l’oreille ne peut ouïr, qu’elle-même ne saurait comprendre, si elle était en la chair, là où il n’y a point de ciel au-dessus ni de terre au-dessous, où la hauteur est incompréhensible, la longueur indicible, la largeur admirable et la profondeur incompréhensible ; où Dieu est sur toutes choses au delà et entre toutes choses, régit, contient toutes choses, sans être contenu par aucune.

  Or, après, on vit que cette âme montait au ciel aussi reluisante que l’éclat d’une étoile.

Et lors le Juge dit : Le temps viendra bientôt où je proférerai mes jugements et ferai ma justice contre la famille de ce défunt, car cette race monte avec superbe, mais elle descendra par la récompense de la superbe.

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Chapitre 41. Notre-Seigneur Jésus-Christ reprend un roi et les hommes temporels qui attribuent les victoires, non à Dieu, mais à leur industrie

6041   Notre-Seigneur Jésus-Christ reprend un roi et les hommes temporels qui attribuent les victoires, non à Dieu, mais à leur industrie et à la grandeur de leur armée, et leur force corporelle, disant : Nous allons à la guerre contre les ennemis, à l’exemple de David contre Goliath, mettant notre espérance en Dieu, avec néanmoins la discrétion humaine, car celui qui a Dieu pour coopérateur, vaincra très facilement.

  Le Fils de Dieu parle à son épouse et lui dit que ce roi est un enfant. Vous le pourrez conjecturer en sa conduite et en son armée innombrable. David, étant pasteur, ne vainquit-il pas le géant ? Mais comment ? Fut-ce par la sagesse et la puissance ? Non, certes, mais par la vertu divine, car si Dieu n’eût étonné l’audace du géant et n’eût animé l’esprit de David, comment un enfant aurait-il assailli un géant, et comment une pierre aurait terrassé un si fort et eût touché un si docte et expert, si, en cette pierre, il n’y eût pas eu la vertu de Dieu ? Certainement, celui qui combat avec Dieu vainc facilement, et celui qui s’appuie en la vertu divine n’a pas besoin de tant de force corporelle, mais bien de foi et de charité. Les hommes du monde pensent vaincre par la force corporelle, et mettent l’heureuse issue de leur combat et l’industrie des hommes, et quand ils ont vaincu, ils attribuent plus la victoire à l’industrie des hommes qu’à la vertu divine, bien que ni les bons ni les mauvais ne puissent être vainqueurs sans la permission divine et sans sa justice, car souvent on voit les bons qui prospèrent sur les mauvais, et quelquefois, par un juste et occulte jugement de Dieu, les mauvais sur les justes ; et d’autant qu’il y a peu d’hommes qui considèrent la patience et la justice de Dieu, à raison de leur grande négligence, c’est pourquoi, c’est pourquoi la vertu divine est peu estimée dans les combats, mais on attribue tout a l’homme comme puissant.

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  Je n’ai pas dit sans sujet que ce roi est un enfant, car quand l’enfant voit deux pommes, l’une toute dorée à l’extérieur, mais très bonne et fraîche au-dedans, il choisit plutôt celle qui est belle à l’extérieur et corrompue à l’intérieur, d’autant qu’il ne sait considérer que l’extérieur. De même en fait ce roi : il lui est avis qu’il est beau et excellent de marcher avec une grande armée, mais il ne considère pas la misère qui est au-dedans ; il ne considère pas combien de famines, de douleurs et d’angoisses s’ensuivront, et combien de misérables mourants de faim y sont entrés et s’en retourneront plus misérables. Or, il lui semble vil et abject de marcher avec une petite armée, mais une grande utilité y est cachée. Qu’il aille donc avec une petite armée et avec humilité : je remplirai sa conscience de la divine sapience ; je fortifierai son corps de la force divine, car je puis faire d’un infirme un fort, un sublime d’un humble, un honorable d’un abject. Partant, dites-lui qu’il ne craigne point, qu’il mette son espérance en moi, et qu’il fasse ce qu’il pourra avec la sapience divine et la considération humaine : ce qu’il pourra de la sorte, où la sagesse humaine manquera, la charité et la bonne volonté l’excuseront.

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  ADDITION.

  Le Fils de Dieu parle : Celui qui désire visiter les terres des infidèles, doit avoir cinq choses :

1- il doit décharger sa conscience par la contrition et vraie confession, comme s’il devait mourir soudain.

2- Il doit déposer toutes les légèretés de ses moeurs et de ses vêtements, ne prenant point garde aux modes nouvelles, mais aux modes louables que ses prédécesseurs ont instituées ;

3- ne vouloir avoir autre temporel que ce qui est nécessaire pour vivre et pour l’honneur de Dieu, et que, s’il sait qu’il ait acquis quelque chose d’injuste, lui ou ses parents, qu’il le restitue, bien qu’il soit grand ou petit.

4- Qu’il s’efforce que les infidèles viennent à la vraie foi, ne désirant point leurs richesses ni chevances, si ce n’est ce qui est nécessaire à leur corps.

5- Vouloir franchement mourir pour l’honneur du Dieu, et de la sorte se disposer afin qu’il mérite d’arriver à une mort louable.
  Chapitre 42.


La Mère de Dieu se loue du soin qu’elle a eu de plaire à Dieu. Elle dit aussi qu’en cela, elle ne cherche pas sa propre louange, mais l’honneur de Dieu. Elle demande à son Fils, pour l’épouse, les vêtements célestes des vertus, la viande sacrée de son corps, et un esprit plus fervent que son Fils donnera, si son épouse a l’humilité, la crainte et l’action de grâce.

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La Mère de Dieu parle : Dès ma jeunesse, j’ai pensé à l’honneur de mon Fils, et j’ai été toujours soigneuse de lui plaire. Bien que l’honneur soit moindre en la bouche propre, néanmoins, je ne parle pas à la façon du monde, qui cherche sa propre louange, mais je cherche en ceci l’honneur de Dieu, mon Fils, qui a d’une manière admirable attaché le soleil à la poudre ; il a enclos le feu non consumant, mais enflammant en l’aridité ; il a produit le fruit très digne et très doux sans humidité.

Après, se tournant vers le Fils, elle dit : Béni soyez-vous, mon Fils ! Je suis quasi comme cette femme qui est exaucée devant Dieu pour les coupables, et demande miséricorde pour les plus faibles : de même je vous prie pour ma fille, car elle est honteuse ; elle est votre épouse, l’âme de laquelle vous avez rachetée de votre sang ; vous l’avez illuminée et échauffée de vos feux d’amour, excitée par votre bonté et épousée par votre miséricorde. Mon Fils, je vous supplie humblement de lui donner trois choses :

1- des vêtements convenables à la fille et à l’épouse du Roi des rois, car si l’épouse du roi n’est point revêtue des vêtements royaux, elle est méprisée ; si elle est trouvée moins décente, elle est en opprobre. Donnez-lui des vêtements non terrestres, mais célestes, non de ceux qui sont reluisants au dehors, mais ceux qui reluisent de charité et de chasteté au-dedans. Donnez-lui l’habitude des vertus, afin qu’elle ne mendie point l’extérieur, et faites qu’elle ait au-dedans l’abondance, afin qu’elle puisse reluire au-dedans par-dessus les autres.

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2- Donnez-lui la viande très délicate, car votre épouse est accoutumée aux viandes grossières, et maintenant elle est accoutumée à vos viandes, car c’est cette viande qui touche et
N’est point vue ; on la tient et on ne la sent pas ; elle rassasie, et les sens n’en savent rien, elle entre et elle est partout où les hosties sont consacrées. Cette viande est votre précieux corps, que l’agneau rôti préfigurait, car l’humanité que vous avez prise de moi a accompli cela. La Déité avec l’humanité montre que cela est heureusement accompli. Donnez donc, ô mon très cher Fils, cette viande à votre épouse, car sans elle, elle défaut, et par elle et avec elle, elle est renouvelée comme un malade à toute sorte de biens.

3- Donnez-lui, ô mon Fils, un esprit plus fervent, car il est un feu qui ne s’éteint jamais, qui nous rend vil tout ce qui est délectable en ce monde, et nous fait espérer les joies futures. Donnez-lui donc cet esprit, ô mon Fils !

Lors le Fils répondit, disant : Ma très chère Mère, vos paroles sont très douces, mais comme vous savez, il est nécessaire que celui qui cherche les choses sublimes, fasse les fortes et les humbles. Partant, trois choses lui sont nécessaires :

1- l’humilité, par laquelle on obtient la sublimité, afin qu’il sache qu’il a les biens de la grâce, et non de ses mérites ;

2- qu’il rende le service qu’il doit à l’auteur de la grâce ;

3- la crainte qu’il ne perde la grâce donnée. Afin donc qu’il obtienne et possède les trois choses que vous avez demandées ; qu’il ne néglige les trois précédents avis, car il ne lui sert de rien d’avoir obtenu, s’il ne sait posséder ce qu’il a obtenu ; et plus douloureusement afflige d’avoir perdu ce qu’on avait obtenu, que si on ne l’avait jamais possédé.

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Chapitre 43. L’épouse se troublait de ce qu’elle n’obéissait point au Père spirituel avec patience et joie

6043 L’épouse se troublait de ce qu’elle n’obéissait point au Père spirituel avec patience et joie. Jésus-Christ dit que si elle prend la résolution de parfaitement obéir, bien que quelquefois la volonté y résiste, elle a néanmoins, obéissant de la sorte, un grand mérite, et les péchés passés en sont purifiés. Notre-Seigneur donne aussi les armes spirituelles du combat, c’est-à-dire, les vertus par lesquelles les justes combattent et surmontent, et les injustes sont terrassés et vaincus.

Le Fils de Dieu parle à son épouse, lui disant : Pourquoi vous troublez-vous ? Et bien que je sache toutes choses, néanmoins je le veux comme connaître par votre dire, afin que vous sachiez aussi qu’est-ce que je vous réponds.

L’épouse répondit : Je crains deux choses et me trouble de deux choses : 1- d’autant que je suis trop impatiente à obéir et moins joyeuse à pâtir ; 2- que vos amis sont assaillis de tribulations et que vos ennemis les surmontent.

Notre-Seigneur répondit : Je suis celui à qui vous vous êtes donnée pour obéir, et partant, à toute heure et à chaque moment que vous consentez à obéir et que vous voulez obéir, bien que la chair y résiste, il vous sera imputé à mérite et à purification de vos péchés. Au deuxième, savoir, que vous vous troublez de la contrariété de mes amis, je réponds par un exemple. Deux hommes combattent, l’un deux jette ses armes et l’autre s’en munit. Celui qui a jeté ses armes ne sera-t-il pas vaincu plus facilement que celui qui les amasse ?

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  Il en est de même maintenant, car mes ennemis jettent leurs armes tous les jours. Trois sortes d’armes sont nécessaires pour combattre :

la première est ce qui porte l’homme, comme un cheval, etc.

La deuxième, ce par quoi l’homme se défend, comme le glaive, etc.

La troisième, ce qui munit le corps, comme la cuirasse, etc.

  Mais mes ennemis ont perdu, en premier lieu, le cheval de l’obéissance, par lequel ils étaient portés à toute sorte de biens, car c’est celle-là qui conserve l’amitié avec Dieu et garde à Dieu la foi promise. Ils ont encore jeté le glaive de la crainte divine, par lequel le corps est retiré des voluptés, et le diable se sépare de l’âme et n’ose s’en approcher. Ils ont encore perdu la cuirasse, qui les défendait des dards, c’est-à-dire, ils ont perdu la divine charité, qui réjouit dans les choses adverses, protège dans les prospères, purifie dans les tentations et adoucit les douleurs. Leur cuirasse, qui est la sagesse divine, croupit dans la boue. Les armes du col, c’est-à-dire, les pensées divines, sont aussi tombées, car comme par le col la tête est mue, de même, par les divines pensées, l’esprit doit prendre mouvement à tout ce qui concerne la gloire divine. Mais hélas ! les divines pensées sont maintenant tombées, c’est pourquoi la tête est maintenant gisante avec les infirmes et est agitée des vents. Les armes aussi de sa poitrine sont oubliées et négligées, c’est-à-dire, la contrition avec la résolution de s’amender n’est plus. Ils se réjouissent dans leurs péchés, et désirent être plongés en eux tant qu’ils vivent. Les armes de leurs bras, c’est-à-dire, les bonnes oeuvres leur sont vaines et odieuses, car ils font audacieusement ce qu’ils veulent, et n’en ont point de honte.

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Mais mes chers amis se munissent de plus en plus des armes, car ils courent sur le cheval de l’obéissance, comme de fidèles serviteurs, laissant l’empire de leurs volontés à Dieu. Ils combattent contre les vices en la crainte de Dieu, comme de bons soldats. Ils souffrent avec amour toutes les rencontres fâcheuses, comme de généreux combattants, attendant le secours de Dieu, se munissent de la sapience divine et de la patience contre les médisants et criminateurs, comme ceux qui se sont retirés et éloignés du monde. Ils sont prompts et agiles aux choses divines, comme l’air qui va partout. Ils sont fervents vers Dieu plus que l’épouse aux embrassements de son cher époux. Ils sont prompts comme des cerfs, et forts pour fouler aux pieds toutes les délectations du monde, soigneux au travail comme des fourmis, vigilants comme des sentinelles.

Tels sont mes amis, et ils se munissent chaque jour des armes des vertus, lesquelles les ennemis méprisent, et partant, ils sont vaincus facilement. Donc, le combat spirituel qui est avec patience et amour divin, est plus noble et plus éminent que le combat corporel, et plus odieux au diable, car le diable ne s’efforce point d’ôter les choses corporelles, mais bien de corrompre les vertus, et de ravir la patience et la constance ès vertus. Partant, ne vous troublez pas, si quelques choses contraires assaillent mes amis, car il leur revient de là de grandes récompenses.

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Chapitre 44. Notre-Seigneur dit à son épouse qu’il est semblable au vitrier qui replace les vitres cassées, c’est-à-dire, les âmes, jusqu’à ce que le royaume céleste soit plein

6044 Notre-Seigneur dit à son épouse qu’il est semblable au vitrier qui replace les vitres cassées, c’est-à-dire, les âmes, jusqu’à ce que le royaume céleste soit plein. Il se dit aussi semblable à l’abeille, qui convertit en miel les herbes, c’est-à-dire, qu’il convertit les païens, desquels il tirera de grandes douceurs, c’est-à-dire, plusieurs âmes.

  Je suis comme un bon vitrier qui fait de cendres plusieurs vases ; et bien que plusieurs se gâtent, il ne cesse pas pourtant d’en faire de nouveaux, jusques à ce que le nombre des vases soit rempli. J’en fais de même, d’autant que, d’une infime matière, je fais une créature excellente, savoir, l’homme ; et bien que plusieurs se soient retirés de moi par leurs mauvaises oeuvres, je ne cesse pas pourtant d’en former d’autres, jusqu’à ce que le choeur des anges et les lieux vides du ciel soient remplis.

Je suis aussi semblable à une bonne mouche à miel qui, sortant de sa ruche, vole sur les belles herbes qu’elle a vues de loin, sur lesquelles elle cherche les belles et odoriférantes fleurs ; mais quand elle s’en approche, elle les trouve sèches et trouve l’odeur évaporée. Mais après cela, elle cherche une nouvelle herbe plus âpre, dont la fleur est plus petite, dont l’odeur n’est pas trop forte, dont la suavité est plaisante, mais elle est petite. La mouche à miel fiche son pied en cette herbe, en tire de la liqueur, et la porte à sa ruche jusqu’à ce qu’elle l’ait emplie.

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  Or, je suis cette mouche à miel, moi, Créateur et Seigneur de toutes choses, qui sortis de la ruche, lorsqu’étant né, j’apparus en forme humaine visible. Or, je cherchai une herbe fort belle, c’est-à-dire, le genre humain, qui est beau par la foi, doux par la charité et fructueux par la bonne conversation ; mais maintenant, il dégénère et déchoit de son premier effet, semble seulement beau de nom, mais paraît difforme d’effet, fructueux pour le monde et pour la chair, et stérile à Dieu et à l’âme, très doux pour soi et très amer à moi, c’est pourquoi il tombe et s’anéantit. Or, moi, je suis comme une mouche à miel, qui élis une autre herbe en quelque manière âpre, c’est-à-dire, les païens rebutés de moi par leurs moeurs, quelques-uns desquels ont des fleurs petites et quelque peu de douceur, c’est-à-dire, la volonté par laquelle ils se convertiraient franchement et me serviraient, s’ils savaient comment et s’ils avaient qui les ouît. De cette herbe j’en tirerai autant de douceur que j’en aurai besoin pour remplir ma ruche, et je ne veux autant approcher d’eux qu’il ne leur manquera point de suavité, afin que la mouche à miel ne soit frustrée de son travail ; et ce qui est vil et abject croîtra à merveille et parviendra à une grande beauté, mais ce qui semble beau diminuera et se rendra laid et difforme.

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Chapitre 45. Jésus-Christ dit à sa Mère que les hommes aveugles d’esprit peuvent recouvrer la vue, de sorte qu’ils pourront voir Dieu et l’aimer

6045 Jésus-Christ dit à sa Mère que les hommes aveugles d’esprit peuvent recouvrer la vue, de sorte qu’ils pourront voir Dieu et l’aimer par-dessus tout en trois choses : en la considération de la justice temporelle, de la bonté, savoir, par la beauté des créatures, et de la toute-puissance et sapience. Or, tous ceux qui croient que le mal et le bien viennent des constellations des astres, se trompent.

  La Sainte Vierge Marie parle : Béni soyez-vous, ô mon Fils, mon Dieu et mon Seigneur ! Bien que je ne puisse m’attrister, néanmoins, j’ai compassion du genre humain, de trois choses :

1- d’autant que l’homme a des yeux et est aveugle, car il voit sa captivité et la suit ; il se moque de votre justice, et il rit quand il satisfait à sa cupidité ; il tombe en un point dans les peines éternelles, et il perd la gloire qui n’a point de fin.

2- J’ai compassion de l’homme, d’autant qu’il affecte et regarde avec joie la monde, ne considère point votre miséricorde, cherche ce qui est petit et rejette tout ce qui est grand.

3- Je compatis, d’autant que vous étant Dieu de tous, néanmoins votre honneur est oublié et négligé de tous, et vos oeuvres sont mortes devant eux : partant, ô mon Fils très doux, ayez miséricorde d’eux.

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  Le Fils répondit : Tous ceux qui sont au monde et qui sont de bonne conscience voient qu’au monde la justice règne, par laquelle les pécheurs sont punis. Si donc les excès corporels sont punis des hommes par la justice, combien plus il est juste que l’âme immortelle soit punie de Dieu immortel ! L’homme pourrait voir et entendre ceci, s’il voulait ; mais d’autant qu’il tourne ses yeux vers le monde et ses affections à ses voluptés, c’est pourquoi il suit la nuit, comme l’homme suit les biens fugitifs et a à haine les biens permanents.

En second lieu, l’homme peut voir et considérer, s’il veut, que, s’il y a de la beauté dans les plantes, les arbres ; que si, en ce qui est au monde, il y a quelque chose désirable, combien plus Dieu est beau et désirable, le Seigneur et Créateur de toutes choses ! Que si la gloire temporelle, passagère et périssable, est désirée avec tant d’ardeur, combien plus est désirable la gloire éternelle ! Cet homme pourrait voir cela, car il a bien l’intelligence pour comprendre que ce qui est plus grand et plus excellent doit être plus aime que ce qui est moindre et ce qui ne vaut guère. Mais d’autant que l’homme penche toujours aux choses inférieures, comme les animaux irraisonnables, bien qu’il doive tendre et regarder toujours en haut, c’est pourquoi toutes ses oeuvres sont comparées à la toile d’araignée. Il laisse la beauté des anges ; il suit les choses passagères, c’est pourquoi il fleurit comme le foin pour peu de temps, et tombe aussi bientôt comme le foin.

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  En troisième lieu, ils savent en conscience, et certes, ils ont créé afin de connaître qu’il y a un Dieu, créateur de toutes choses, car s’il n’y avait pas un créateur d’icelles, tout ce qui est réglé serait en désordre, quoique toutes choses soient bien réglées, excepté celles que l’homme déréglé ; et bien qu’il semble aux hommes qu’en l’ordre de la nature, il y a du dérèglement, d’autant qu’il ignore le cours des planètes et le cours du temps, d’autant que Dieu les leur a cachés à raison des péchés. Si donc, il y a un seul Dieu, et celui-là bon, d’autant que tout bien dépend de lui, pourquoi l’homme ne l’honore-t-il pas par-dessus tous, puisque la raison lui dicte qu’il doit être honoré par-dessus tous, puisque tout dépend de lui ? Mais l’homme, comme vous avez dit, a deux yeux, et il ne voit rien, voire lui-même s’aveugle par les blasphèmes malheureux, d’autant qu’il rapporte aux étoiles la bonté ou le malheur des hommes, ou bien au destin et à la fortune, l’évènement des choses prospères ou adverses, comme si en eux, il y avait quelque chose de divin qui pût engendrer ou faire quelque chose, bien que le destin ou la fortune ne soit rien pour tout, car la disposition de l’homme et de toutes choses a été prévue en la prescience divine, et est conduite constamment selon l’exigence de chaque chose ; certainement les étoiles ne font pas que l’homme soit bon ou mauvais, bien qu’on voie en icelles plusieurs choses raisonnables, savoir est, selon les conditions et qualités de la nature et l’exigence des saisons. Les hommes pourraient-ils, s’ils voulaient, prévoir ces choses ?

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  La Mère de Dieu répondit : Tout homme qui a bonne conscience entend fort bien que Dieu est plus aimable que toute autre chose, et qu’il doit témoigner cela par oeuvres ; mais d’autant qu’une membrane a couvert ses yeux, bien que la paupière soit saine, c’est pourquoi ils n’y voient pas tous. Mais qu’est-ce que cette membrane signifie, sinon la considération des choses futures, qui a couvert la connaissance de plusieurs.

  Partant, je vous supplie, ô mon très cher Fils, de vouloir manifester à quelqu’un quelle est votre justice, non pas afin que sa honte et sa misère s’accroissent, mais afin que la peine qu’il mérite soit diminuée, et afin qu’on connaisse et qu’on craigne votre justice ; car là où le sac est plein de quelque chose, et où le vase est plein de lait, l’homme ne saura ce qui y est contenu, s’il ne le vide, de même, bien que votre justice soit grande, si vous ne la manifestez par un manifeste jugement, elle sera crainte de peu, d’autant que vos oeuvres admirables se sont avilies par la longueur du temps et par la grandeur des péchés.

En deuxième lieu, je vous supplie qu’il vous plaise manifester votre miséricorde par quelqu’un de vos chéris pour la dévotion des autres et pour la consolation des misérables.

En troisième lieu, je vous supplie que votre nom soit honoré, afin que les diligents le connaissent et que les tièdes en soient allumés.

Le Fils répondit : Où plusieurs amis entrent et prient, ils sont dignes d’être exaucés : combien plus quand une très chère dame entre ! Qu’il soit donc fait comme vous désirez. Ma justice sera si évidemment manifestée, que les membres de ceux qui l’expérimenteront, et desquels les oeuvres viendront en public, trembleront.

En deuxième lieu, je donnerai à une personne miséricorde, autant qu’elle en pourra prendre et qu’elle en aura besoin ; son corps sera exalté et son âme glorifiée, en sorte que ma miséricorde en sera manifestée.

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  Après, la Mère de Dieu parla, disant : Les lieux des religieux sont éloignés du bien ; ils sont fondés sur la glace ; leur fondement était autrement d’or très pur. Dessous ces lieux, il y a une cave très vaste. Quand la chaleur du soleil sera en vigueur, la glace fondra, et ce qui a été édifié tombera dans l’abîme. Partant, ô mon Fils, ayez miséricorde d’eux. La chute est horrible ; les ténèbres et les peines y sont sans fin.


Chapitre 46. Sainte Brigitte prie la Sainte Vierge d’obtenir de Dieu son parfait amour

6046 Sainte Brigitte prie la Sainte Vierge d’obtenir de Dieu son parfait amour. Elle lui répondit : Pour l’obtenir, qu’elle suive six paroles de l’Évangile contenues en ce chapitre.

  Sainte Brigitte prie la Sainte Vierge disant : Oh ! que Dieu est doux ! Ceux qui le prient ressentent de la consolation en toutes leurs douleurs. Partant, ô très bénigne Mère, je vous supplie d’arracher de mon coeur toutes les affections des choses du monde, en sorte que votre très cher Fils soir mon très cher et bien-aimé jusques à la mort.

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  La Mère répondit : D’autant que vous désirez avoir chèrement mon Fils, suivez les paroles que lui-même a proférées en l’Évangile : Matthieu 18. V. 21 1- Ce que j’ai dit au riche : Vendez ce que vous avez, donnez-le aux pauvres et suivez-moi. 2- Ne soyez point soigneux du lendemain. 3- Voyez comme les passereaux sont repus : combien plus le Père céleste repaîtra les hommes !

4- Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. 5- Cherchez en premier lieu le royaume de Dieu. 6- Vous tous qui avez faim, venez à moi, et je vous réfectionnerai.

  Certainement, celui-là semble vendre tout, qui ne se conserve que la substance nécessaire pour la nourriture de son corps, et distribue le reste aux pauvres pour l’honneur de Dieu, et non pour l’honneur du monde, à l’intention d’avoir l’amitié avec Dieu, comme il apparaît en saint Grégoire, et en autres rois et princes qui ont été aimés de Dieu, bien qu’ils eussent des richesses et en donnassent aux autres, comme ceux qui ont laissé toutes choses tout d’un coup pour servir Dieu, mendiant après les autres ; car ceux qui ont eu les richesses seulement pour l’honneur de Dieu, s’en fussent librement privés, si la volonté de Dieu eût été telle. Or, les autres ont embrassé une autre sorte de pauvreté, laquelle ils désiraient pour la gloire de Dieu. C’est pourquoi à tout homme qui a des biens justement acquis, ou bien des pensions, il est permis d’en recevoir les fruits pour son entretien, pour sa famille et pour la gloire de Dieu, et qu’il donne le superflu aux amis de Dieu. En deuxième lieu, il ne doit se soucier du lendemain, car bien que vous n’ayez que le corps nu, espérez en Dieu, et celui qui nourrit les passereaux vous nourrira, puisqu’il vous a rachetée de son sang.

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  Je lui répondis : O Dame très chère, qui êtes belle, riche et vertueuse : belle, d’autant que vous n’avez jamais péché ; riche, d’autant que vous êtes très aimée de Dieu ; vertueuse, d’autant que vous êtes parfaite en toutes vos oeuvres : partant, oyez-moi, ô ma Dame, moi qui suis riche de péchés et pauvre de vertus. Nous avons ce jourd’hui le vivre et ce qui nous est nécessaire ; demain nous ne manquerons. Comment donc pourrions-nous être sans soins, quand nous n’avons rien ? Car bien que l’âme ait ses consolations de Dieu, l’autre néanmoins, qui est le corps, désire et appète sa vie.

La Sainte Vierge répondit : Si vous avez quelque chose de superflu et dont vous vous puissiez passer, vendez ou engagez-le, et vivez sans soins.

Je lui répondis : Nous avons des vêtements dont nous nous servons la nuit et le jour, et peu de vaisselle pour notre table. Le prêtre a trois livres, et avons pour la messe un calice et les autres ornements.

La Sainte Vierge repartit : Le prêtre ne doit pas être sans livres, ni vous sans messes, ni on ne doit dire la messe sans ornements très purs. Votre corps ne doit point être nu, mais revêtu pour les hontes et pour éviter le froid, partant, vous avez besoin de toutes ces choses.

Sainte Brigitte répondit : Ne dois-je pas emprunter de l’argent pour quelque temps ?

La Mère répondit : Si vous êtes assurée de la rendre à temps fixe, empruntez-en, et non autrement, car il vous profite beaucoup plus de ne manger de tout un jour que d’exposer votre foi à l’incertitude.

Et moi, je lui dis : Ne dois-je pas travailler pour gagner ma vie ?

La Mère lui repartit : Qu’est-ce que vous faites tous les jours et maintenant ?

J’apprends la grammaire, j’écris et je prie.

Lors la Mère dit : Il ne faut laisser tel travail corporel.

Et moi, je lui dis : Et qu’aurons-nous pour vivre demain ?

La Mère dit : Demandez-en au nom de Jésus, si vous n’avez autre chose.

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Chapitre 47. l’homme qui parle de Dieu, s’il est méprisé et moqué à raison de cela et qu’il prenne patience, son âme est alors rendue belle

6047 La Mère de Dieu dit de l’homme qui parle de Dieu, que, s’il est méprisé et moqué à raison de cela et qu’il prenne patience, son âme est alors rendue belle. Celui qui afflige son corps pour l’honneur de Dieu, ressentira les divines douceurs et sera enrichi des faveurs divines. Si l’on médit de lui et qu’il ne porte point de haine, son âme sera revêtue de vêtements précieux et agréables à Dieu. Les amis de Dieu s’affligent afin d’attirer les âmes.

La Mère de Dieu dit à sainte Brigitte : Ne vous troublez pas, s’il vous faut parler de Dieu à ceux qui ne vous entendent pas franchement, car quiconque est confus et le supporte franchement pour l’amour de Dieu, cela rendra belle son âme, d’autant que l’âme de l’homme qui entend la détraction faite contre soi, et néanmoins ne hait point le médisant, est ornée comme de vêtements très riches, de sorte que l’Époux, qui est un Dieu en trois personnes, désire que cette âme soit plongée dans les dilections éternelles de la Déité.

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  Que les amis de Dieu donc tâchent avec peine de convertir ceux qui aiment mieux les cupidités et l’orgueil que Dieu, car ils gisent comme sous une montagne, voilà pourquoi il faut tâcher de les arracher aux dépends mêmes de leur vie ; car comme celui qui voit ses frères gisants sur la pente d’une montagne, souvent frappe la montagne pour en arracher des pierres, quelquefois les coupe doucement, afin que, tombant au-dessous, elles ne se brisent, quelquefois frappe plus fort, afin qu’il se retire du danger, de même les amis de Dieu travaillent, afin que les âmes soient sauvées. Partant, comme il y en a peu qui aient eu la foi droite quand mon Fils monta au ciel, de même maintenant ceux qui accomplissent ce commandement : Vous aimerez Dieu sur toutes choses et le prochain comme vous-mêmes, c’est-à-dire, les amis de Dieu vont maintenant à la conversion des chrétiens, qui autrefois allaient aux païens ; car comme il est impossible que ceux-là puissent obtenir le ciel, qui, ayant reçu la foi, ne l’ont point gardée, de même il est impossible que les chrétiens qui meurent sans charité jouissent de la gloire.


Chapitre 48. Jésus-Christ se compare à un médecin. Des médecines et des malades.

6048 Jésus-Christ se compare à un médecin. Des médecines et des malades.

  Notre-Seigneur Jésus parle à son épouse : Je suis comme un bon médecin, auquel courent tous ceux qui savent que sa potion est douce. Or, ceux qui goûtent la douceur de sa médecine, considérant qu’elle est salutaire, soudain vont à la maison de l’apothicaire ; mais ceux qui la trouvent aigre, s’en retirent.

Il en est de même de la médecine spirituelle, qui est le Saint-Esprit, car l’Esprit de Dieu est doux au goût, affermit tous les membres et s’écoule dans le coeur, afin de le réjouir et de le fortifier contre les tentations.

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  Moi, Dieu, je suis ce médecin, qui suis prêt à donner ce breuvage à tous ceux qui le désirent avec amour. Or, celui-là est sain et propre à le recevoir qui n’a pas volonté de croupir dans le péché ; mais ayant goûté une fois cette divine potion, il s’y plaît toujours ; au contraire, ceux qui ont désir de demeurer dans le péché, ne se plaisent point à avoir l’Esprit de Dieu.



Révélations de Sainte Brigitte de Suède 6040