Révélations de Sainte Brigitte de Suède 6067

Chapitre 67. Jésus-Christ compare le monde à un navire. De la naissance de l’Antéchrist.

6067 Jésus-Christ compare le monde à un navire. De la naissance de l’Antéchrist.

  Le Fils de Dieu dit à sainte Brigitte : Ce monde est comme un navire qui, étant plein de sollicitude, est assailli par les orages de la mer, et qui ne laisse jamais l’homme en paix qu’il ne soit arrivé au port de repos ; car comme le navire à trois parties, la proue, le milieu et la poupe, je vous décris aussi trois ages au monde : le premier depuis Adam jusques à mon incarnation. Cet age est signifié par la proue, qui est haute, admirable et forte : haute en la piété des patriarches ; admirable en la science des prophètes ; forte en l’observance de la loi. Mais cette partie commença à déchoir, quand le peuple judaïque, ayant méprisé mes commandements, se plongea dans les iniquités et méchancetés, c’est pourquoi il a été rejeté de l’honneur et de la profession. Or, le milieu du navire commença de paraître, lorsque le Fils de Dieu vivant eut pris la nature humaine ; car comme le milieu de la mer est le plus profond, de même, quand je fus incarné, l’humilité commença d’être prêchée, et l’honnêteté que plusieurs avaient embrassée commença à être manifestée.

Mais maintenant, l’impiété et la superbe règnent, et ma passion est comme oubliée et négligée : c’est pourquoi la troisième partie commence à monter, qui durera jusques au jour du jugement, et en cet age, j’ai envoyé mes paroles au monde par vous : ceux qui les ouïront et les suivront seront sauvés, car comme saint Jean dit de l’Évangile, non du sien, mais du mien : Bienheureux sont ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru ! j’en dis maintenant de même : Bienheureux seront certainement ceux qui ouïront ces paroles et les suivront !

En la fin de cet age l’Antéchrist naîtra d’une femme infâme et maudite, qui feindra de savoir les choses spirituelles, et d’un homme maudit, et d’eux le diable formera son ouvrage par la permission divine. Mais le temps et la venue de l’Antéchrist ne seront pas comme ce Père, dont vous avez vu les livres, a écrit, mais il viendra au temps que je connais, quand l’iniquité abondera outre mesure et que l’impiété augmentera grandement. Partant, sachez que la foi sera ouverte à quelques Gentils, avant que l’Antéchrist vienne. Après, quand les chrétiens aimeront les hérésies et que les méchants fouleront le clergé et la justice, lors ce sera un signe que l’Antéchrist viendra bientôt.

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Chapitre 68. D’un moine trompé en ses révélations et des signes. Dieu le fait avertir de se corriger.

6068 D’un moine trompé en ses révélations et des signes. Dieu le fait avertir de se corriger.

  Le Fils de Dieu parle à son épouse sainte Brigitte : Je vous dis que le moine dont vous doutez a quitté le premier monastère par impatience, et est entré avec mensonge dans le second ; et étant excommunié, il est venu en Jérusalem, ma sainte cité, c’est pourquoi il a mérité d’être déçu et trompé, d’autant qu’il a eu honte d’être un moine humble et de demeurer constamment en la vocation en laquelle je l’avais appelé. Lisez donc les livres, et vous n’y trouverez qu’ambition et propre louange, car vous y trouverez que saint Pierre et saint Paul lui ont dit qu’il était digne de la souveraine prêtrise ; qu’il serait semblablement pape et empereur, eu qu’étant en nécessité, il avait trouvé à sa tête de l’or et quelque monnaie inconnue ; que saint Michel archange lui avait apparu en un corps de quelque marchand, et comment il avait ramassé toutes ses prophéties. Sachez que

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Tout cela est du diable qui le trompe et le déçoit. Partant, dites-lui qu’il ne sera ni pape ni césar, que même, s’il ne retourne soudain à son monastère et s’il ne se comporte comme un humble moine, il mourra en peu de temps comme un apostat, indigne de la communion des saints et de la compagnie des moines.


Chapitre 69. Il est ici traité d’un frère trompé sous espèce de vertu, ne mangeant rien en carême, etc..

6069 Il est ici traité d’un frère trompé sous espèce de vertu, ne mangeant rien en carême, etc..

  Le Fils de Dieu dit : Je dis en l’Évangile qu’on peut obtenir le ciel par deux choses : la première, si l’homme s’humilie comme un petit enfant ; la seconde, si l’homme se fait violence contre soi-même. Or, celui-là est donc humble qui bien qu’il avance et qu’il fasse force biens, les réputes comme rien, ne se confiant point en ses mérites. Celui-là se fait violence qui, résistant aux mouvements charnels, se châtie avec discrétion, afin qu’il n’offense Dieu, et croit obtenir le ciel, non par les oeuvres de sa justice, mais par la miséricorde divine. Mais ce Frère qui ne mangeait rien en carême et qui faisait d’autres jeûnes indiscrets, désirait, par ses jeûnes, obtenir le ciel. Tous ces jeûnes provenaient de la superbe, et non de l’humilité ; c’est pourquoi il sera justement jugé avec ceux qui jeûnaient et payaient les dîmes et méprisaient les autres. L’humilité de ce pécheur qui n’osait lever les yeux au ciel était meilleure, car moi, Dieu et homme, conversant avec les hommes, je mangeai et je bus ce qu’on me donnait, bien que j’eusse pu subsister sans viandes, afin de donner aux hommes l’exemple de vivre, afin qu’ils prennent humblement les nécessités de leur vie et qu’ils en rendent grâces à Dieu.

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Chapitre 70. Notre-Seigneur montre à sainte Brigitte la damnation horrible d’un cardinal, et ses causes. Avertissements aux prélats.

6070 Notre-Seigneur montre à sainte Brigitte la damnation horrible d’un cardinal, et ses causes. Avertissements aux prélats.

  Sainte Brigitte voyait comme la personne d’un cardinal défunt qui était assise sur une porte de bois, à qui quatre Éthiopiens préparaient quatre chambres par lesquelles il fallait que l’âme de ce cardinal passât.

En la première, il y avait des vêtements de diverses manières que cette âme avait aimés en sa vie. En la deuxième, il y avait des vases d’or, d’argent, et divers autres ustensiles, esquels cette âme s’était plue pendant qu’elle vivait. En la troisième étaient des viandes et des parfums aromatiques esquels elle se plaisait. En la quatrième, il y avait des chevaux et autres animaux desquels elle se servait autrefois.

Mais quand l’âme passait par la chambre, elle endurait un froid rigoureux, et elle était accablée d’un grand poids, et criant, elle dit en pleurant : Malheur à moi, d’autant que j’ai plus aimé ce qui est beau que ce qui est utile ! J’ai aimé d’être aimée, d’être exaltée et louée : il est donc raisonnable que je sois déprimée sous l’escabeau du diable.

Et passant par la deuxième chambre, elle ressentit un torrent de poix et une flamme qui s’épandait et s’étendait partout. Et lors l’âme s’écria : Malheur à moi ! Malheur éternellement, d’autant que j’ai vu, revu et cherché ce qui reluit et éclate, et partant, je suis abreuvée des torrents des voluptés du diable !

Et quand l’âme passait par la troisième chambre, elle sentit une puanteur insupportable et des serpents envenimés ; et lors elle cria horriblement, disant : Hélas ! Hélas ! J’ai aimé la servante et j’ai méprisé la maîtresse. J’ai aimé les douceurs, il est raisonnable que j’endure les amertumes.

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  Mais passant par la quatrième chambre, elle ouït un son terrible comme un tonnerre, et elle cria de peur : Oh ! Que digne est ma récompense !

Après, on ouït une voix qui disait : Qu’est ce que l’homme pense en terre ? Ou le Fils de Dieu mentira-t-il, que l’homme rendra raison de la moindre maille ? Voire je vous dis de plus qu’il rendra compte de tous les moments, de chaque denier, viande, boisson, des pensées en détail et des paroles, s’il ne les amende par contrition et par la pénitence. Eh quoi ! Les cardinaux et les évêques croiront-ils ne rendre pas compte de mes aumônes, qu’ils ne mangent pas avec crainte et dévotion, mais qu’ils dévorent sans fruit ? Ou bien pensent-ils que les âmes desquelles ces biens étaient, et desquels ils s’enorgueillissent, n’en demandent vengeance devant Dieu ? Véritablement, ma fille, j’en ferai exact jugement, et sonderai en quelle manière ils prennent mes oblations ; et les anges les jugeront, car moi et mes amis avons doté l’Église, afin que les ecclésiastiques ne vivent point comme mes amis ni ne prient pour être exaucés. Partant, je secourrai et pourvoirai les âmes dont les biens étaient de la table de ma grâce et de ma passion, et je leur ferai miséricorde

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Chapitre 71. Il est ici traité d’absoudre, l’an de jubilé, tous les pénitents, hormis les sentences.

6071 Il est ici traité d’absoudre, l’an de jubilé, tous les pénitents, hormis les sentences.

  Le Fils de Dieu dit : Que le bon confesseur absolve tous les pécheurs qui viennent à lui avec contrition ; je veux qu’il les absolve tous ; qu’il prenne seulement garde des sentences de l’Église, qui sont claires.

DÉCLARATION.

  On croit que ce confesseur était celui de sainte Brigitte (1), docteur, car il écrit en une sienne épître à Nicolas d’heureuse mémoire, évêque du royaume de Suède, de la cour de Rome, disant : Un certain prêtre étranger à qui le vicaire du pape enjoignit de confesser tous ceux qui parlaient sa langue, lui donna autorité d’absoudre de tous les cas qu’il pouvait, entre lesquels vint un pénitent riche et grand, disant qu’il avait péché avec quatre paires de soeurs, qui toutes n’étaient pas d’un même père et d’une même mère, mais chaque paire était d’un différent père et mère. Après il dit qu’il avait péché avec deux cents femmes, et que, sur cela, il n’avait jamais acquis note d’infamie, et qu’il n’en avait jamais été accusé devant aucun ecclésiastique ou séculier.

Le prêtre susdit, quand il ouït des crimes si abominables, en eut horreur et s’éloigna autant qu’il put du pénitent. Mais le pécheur, enflammé des feux divins, ne se désespérait point, mais poursuivait l’absolution dudit prêtre, et s’approchant de sainte Brigitte, se plaignait, d’autant que ce prêtre ne voulait l’absoudre ; c’est pourquoi elle se mit en oraison pour le prêtre et pour le pécheur, et en même temps, elle ouït la voix du Père qui disait des cieux : Dites au prêtre que, de ma part, il absolve tous ceux qui viendront à lui de sa nation, leur enjoignant pénitence selon la grâce qui lui sera donnée, selon que la droite raison lui suggéra, et selon aussi que le pénitent la pourra supporter, et qu’il l’absolve avec assurance jusqu’à ce qu’un semblable pécheur se présente et que je lui dise : Il ne faut pas l’absoudre. Qu’il prenne néanmoins garde aux censures ecclésiastiques et aux crimes notoires qui doivent être jugés publiquement par les prélats de l’Église.


(1) Lincompensem

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Chapitre 72. Jésus-Christ commande qu’on se donne garde qu’on ne reçoive de l’argent pour l’absolution des péchés. Les prêtres de paroisse peuvent absoudre de tous les péchés occultes.

6072 Jésus-Christ commande qu’on se donne garde qu’on ne reçoive de l’argent pour l’absolution des péchés. Les prêtres de paroisse peuvent absoudre de tous les péchés occultes.

  Le Fils de Dieu dit : Il y a deux taches ès ecclésiastiques : l’une que peu sont absous sans que l’on donne de l’argent ; l’autre que les prêtres des paroisses n’osent absoudre de tous les péchés occultes ; mais ils assurent ne pouvoir les absoudre en certains cas réservés à l’évêque, pour lesquels ils les envoient à l’évêque ; et on les examine si longtemps que les occultes sont manifestés à tous. Partant, ceux qui ont le zèle des âmes doivent obvier à tels accidents, de peur que les âmes ne meurent en péché mortel, ou par honte, ou par obstination.

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Chapitre 73. Notre-Seigneur dit que l’absolution d’un mauvais pénitencier qui était à Rome est bonne. Il prédit sa mort soudaine.

6073 Notre-Seigneur dit que l’absolution d’un mauvais pénitencier qui était à Rome est bonne. Il prédit sa mort soudaine.

  Ce pénitencier de Rome était lépreux, hardi comme un milan, superbe comme un lion, et partant, il tombera à terre comme un papillon, qui a les ailes grandes et le corps petit. Sachez néanmoins que son absolution est bonne de l’autorité de l’Église, aussi bien que l’absolution d’un prêtre juste. Dites-lui : Vous aurez ce que vous désirez, mais vous ne le posséderez pas, voire les étrangers emporteront ce que vous avez amassé. Il obtint un archiépiscopat et mourut le même jour.


Chapitre 74. Ici est une vision des bâtiments qui devaient être pour les cardinaux et conseillers du Pape.

6074 Ici est une vision des bâtiments qui devaient être pour les cardinaux et conseillers du Pape.

  Je vis à Rome, du palais du pape jusques au Château Saint-Ange, et de ce château jusques à la maison du Saint-Esprit et jusques à l’église de Saint-Pierre, comme s’il y avait une plaine ; et cette plaine était entourée d’un mur où il y avait diverses loges. Lors j’ouï une voix qui me disait : Ce pape-là, qui aime son épouse d’une telle dilection de laquelle moi et mes amis nous l’aimons, possédera ce lieu avec ses successeurs, afin qu’il puisse facilement convoquer son conseil.

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Chapitre 75. Jésus-Christ commande à un docteur en théologie que les âmes purifiées voient Dieu, et que ceux qui désirent toujours vivre pour pécher toujours seront tourmentés éternellement.

6075 Jésus-Christ commande à un docteur en théologie que les âmes purifiées voient Dieu, et que ceux qui désirent toujours vivre pour pécher toujours seront tourmentés éternellement.

  Un docteur en théologie, de Suède, qui a composé le prologue de ce livre, prêchant un jour, un soldat s’écria, comme furieux, disant : Si mon âme ne va point au ciel, qu’elle s’en aille comme une bête, mangeant la terre et l’écorce des arbres. La demeure jusques au jour du jugement est trop longue, car avant ce jour-là, pas un ne verra la gloire de Dieu.

Ce qu’oyant, l’épouse sainte Brigitte, qui assistait à ce sermon, pleura et dit : O Seigneur, Roi de gloire, je sais que vous êtes miséricordieux et fort patient, car tous ceux qui taisent la vérité et dissimulent la justice, sont loués au monde ; mais ceux qui ont votre zèle et le montrent, sont méprisés ; partant, ô Seigneur, donnez, donnez à ce docteur la constance et la ferveur de parler.

Lors l’épouse vit en un excès d’esprit le ciel ouvert, l’enfer ardent, et une voix lui disait : Voyez le ciel ; voyez de quelle gloire les âmes sont revêtues. Dites donc à ce maître : Dieu, Créateur et Rédempteur, dit ces choses : Prêchez assurément ; prêchez constamment ; prêchez importunément et opportunément que les âmes purifiées voient Dieu ; prêchez avec ferveur, car vous en serez récompensé, comme un enfant qui ouït la voix de son père. Si vous doutez qui je suis, moi qui parle, sachez que je suis celui-là qui vous retire des tentations.

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  Or, ayant ouï ces choses, elle vit encore l’enfer, de la part duquel tremblant d’effroi, elle ouït une parole disant : Ne craignez point les esprits que vous voyez : leurs mains, c’est-à-dire leurs puissances, sont liées et ne peuvent rien sans ma permission. Qu’est-ce donc que les hommes présumant d’eux pensent ? Ne prendrai-je pas vengeance d’eux, moi qui assujettis même les démons à ma volonté ?

L’épouse répondit : O Seigneur, ne vous indignez pas si je parle. Vous qui êtes tout miséricordieux, le punirez-vous éternellement, lui qui ne peut pécher perpétuellement ? Les hommes ne peuvent croire que cela soit convenable à votre Divinité, vous qui surexaltez la miséricorde par le jugement, ni les hommes ne punissent point perpétuellement les hommes qui les ont offensés.

L’esprit répondit : Je suis la vérité et la justice, qui donne à chacun selon ses oeuvres, qui sonde les coeurs et les volontés ; et comme le ciel est distant de la terre, de même mes voies et mes jugements sont éloignés des conseils et conceptions des hommes. Partant, puisque l’homme ne se corrige point pendant qu’il vit et qu’il peut, qu’est-il de merveilles s’il est puni où il ne peut rien ? Ou comment peuvent demeurer en mon éternité très pure ceux qui veulent éternellement vivre et éternellement pécher ? Et partant, celui qui corrige son péché quand il peut, doit demeurer éternellement avec moi, qui puis tout et vis de toute éternité.

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  DÉCLARATION.

  Cet homme était marié, qui tenait une concubine publiquement en sa maison ; et quelqu’un l’en avertissant, poussé de colère, il la tua, et lui, mourut le quatrième jour, endurci, sans sacrements et enseveli ; et pendant plusieurs nuits fut entendue une voix qui disait : Malheur ! Malheur ! Je brûle ! Je brûle ! Cela ayant été rapporté à sa femme, on ouvrit en sa présence la sépulture, où l’on ne trouva qu’un petit haillon de son suaire et de ses souliers. La sépulture étant derechef couverte, on n’entendit plus la voix.


Chapitre 76. Il est ici parlé des corrections que Jésus-Christ fait à son épouse, etc.

6076 Il est ici parlé des corrections que Jésus-Christ fait à son épouse, etc.

  L’épouse sainte Brigitte étant logée en une ville, il advint que ses vêtements et ce qu’elle avait de plus précieux fut brûlé, et encore ce qui était de ses amis. Notre-Seigneur lui dit pendant qu’elle priait : Il est écrit que le prince des cuisiniers brûla le temple de Jérusalem.

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  Or, qui est ce prince, sinon ceux qui cherchent les délices de la chair plus que les amertumes de ma passion ? De même vous cherchez en votre famille, et les y tolérez, les beautés, l’éclat des habits, et vous ne reprenez point les moeurs dépravées, de peur qu’ils vous trouvent fâcheux ; c’est pourquoi vous recevez maintenant le dommage que vous voyez, afin que vous compreniez qu’il ne suffit point, pour aller à la perfection, de se corriger soi-même, mais encore les autres, et principalement ceux de la famille, les attirant à l’honnêteté de la vie, car ce que vous pouvez corriger, et ne le faites pas à raison de quelque considération humaine, cela vous sera imputé à jugement et à péché. D’ailleurs, sachez que l’habitant de cette maison a deux vices, savoir, 1. D’infidélité, d’autant qu’il croit que toutes choses sont régies par le destin ; 2. Il use des enchantements et de quelques paroles diaboliques, afin qu’il prenne une grande multitude de poissons d’un étang ; et d’autant qu’il est de votre famille, avertissez-le afin qu’il s’amende, autrement vous verrez de vos yeux que le diable qu’il est prévaudra sur lui.

Celui-là oyant l’avertissement de l’épouse de Jésus-Christ et le méprisant, on le trouva mort subitement ayant le col renversé.


Chapitre 77. Jésus-Christ reprend un religieux à raison de quelque dispute.

6077 Jésus-Christ reprend un religieux à raison de quelque dispute.

  Le Fils de Dieu dit à son épouse : Que vous dit ce frère babillard ?

Elle répondit : Que les Gentils qui n’ont été appelés à la vigne ne jouiront pas du fruit de la vigne.

Notre-Seigneur lui dit : Dites-lui que le temps viendra que tout sera un bercail et un pasteur, une fois et une claire connaissance de Dieu. Et lors plusieurs qui ont été appelés à la vigne seront reprouvés, et ceux qui n’y sont appelés et qui ont fait tout ce qu’ils ont pu, auront quelque miséricorde et quelque soulagement en leurs supplices, bien qu’ils n’entrent en ladite vigne. D’ailleurs dites-lui : Il vous serait plus profitable de dire le Pater avec simplicité que de disputer sophistiquement et avec tant de subtilité des vanités du monde. Partant, pensez que vous êtes entré en religion, et sachez que bientôt vous mendierez le pain ailleurs. Néanmoins, si vous changez votre volonté, Dieu modifiera sa sentence.

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Chapitre 78. De l’expulsion du diable d’une maison par les paroles de Jésus-Christ, etc.

6078 De l’expulsion du diable d’une maison par les paroles de Jésus-Christ, etc.

  L’épouse sainte Brigitte était logée une nuit en une maison où le diable parlait ouvertement, donnait les réponses et prédisait plusieurs choses. Or, cette sainte étant présente, le diable ne dit mot, et elle ouït, étant en l’oraison, une voix qui lui disait : En cette maison ont été faits quelques maux par les habitants du passé et du présent, car ils honorent les dieux tutélaires et ne fréquentent point les églises, si ce n’est pour la honte des hommes, ni ils n’entendent jamais la parole divine ; c’est pourquoi le diable domine en ce lieu.

Partant, que votre confesseur, ayant assemblé tous les habitants de cette maison et les voisins, leur dise ces paroles : Dieu est un et trine, par qui toutes choses ont été faites, et sans lui rien ne peut être fait. Or, le diable est sa créature qui ne peut pas mouvoir un de vos pieds sans que Dieu le permette.

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  Mais d’autant plus vous aimez et cherchez les créatures et le monde plus que Dieu, et cherchez d’être riches contre les volontés de Dieu, lors le diable commence de posséder vos âmes, vous faisant (la justice de Dieu le permettant de la sorte), prospérer ès choses temporelles. Partant, croyez en Dieu, et chassez les serpents desquels vous sucez le lait, et ne donnez point des prémices d’aucune chose à vos dieux tutélaires. Ne dites jamais que la fortune a fait cela ou cela, mais que Dieu l’a permis ainsi. Ne dites pas aussi qu’à l’autel n’est immolé autre chose qu’un gâteau, mais croyez fermement que là est vraiment le corps de Jésus-Christ qui a été crucifié en la croix, et croyez vraiment aux sacrements de baptême, confirmation et extrême-onction, et lors le diable s’enfuira de vous. Nous croyons, dirent-ils en criant, et promettons de nous amender.

Soudain on ouït le diable dans une fournaise, d’où il donnait les réponses, disant : Je n’aurai jamais plus ici de lieu. Et ainsi, il se retira tout confus, et désormais on n’entendit point de voix ni terreur.


Chapitre 79. D’un homme qui avait dit la messe sans avoir reçu les ordres.

6079   D’un homme qui avait dit la messe sans avoir reçu les ordres.

  Un certain homme qui n’avait jamais été ordonné prêtre, célébrait et disait la sainte messe, lequel, étant présenté au Juge, fut condamné au feu. Sainte Brigitte priant pour lui, Notre-Seigneur lui dit : Voyez ma miséricorde : si cet homme eût demeuré impuni, il serait damné. Or, maintenant, il a obtenu la contrition : c’est pourquoi, par le supplice qu’il souffre maintenant, il s’approche de ma grâce et du repos.

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Mais maintenant, vous me pouvez demander si le peuple qui entendait les messes et qui recevait les sacrements de cet homme, péchait mortellement.

Je vous réponds que, pour cela, il n’est point damné, mais la foi l’a sauvé, car il croyait que l’évêque l’eût ordonné et que je fusse à l’autel en ses mains. La foi des parents a aussi profité à ceux qui ont été baptisés par lui, car la foi croit de Dieu des choses dignes par la charité des oeuvres. Il ne sera pas sans récompense, et son désir ne sera pas frustré.


Chapitre 80. D’une femme tourmentée d’un diable incube.

6080   D’une femme tourmentée d’un diable incube.

  Une femme étant vexée par le démon, son ventre s’enfla soudain, de sorte qu’il semblait qu’elle enfanterait à l’instant, et soudain il se désenfla, comme si elle n’eût rien eu au ventre. Or, étant ainsi longtemps tourmentée du malin esprit et son ventre s’enflant comme le ventre de celles qui sont prêtes à enfanter, sa maîtresse consulta sur cela sainte Brigitte, épouse de J.C., qui lui dit : Comme entre les esprits, il y en a un plus subtil que l’autre, de même entre les malins, il y en a un plus malicieux que l’autre, car en ce royaume, il y a spécialement trois sortes de démons : les uns sont de feu et de flamme, qui dominent les gourmands et les gloutons ; le deuxième est diabolique, qui possède les corps et les âmes des hommes ; le troisième est le plus abominable de tous, qui excite les hommes à luxure contre nature. Et parce que cette femme a été incontinente et infidèle, le démon domine en elle ; et d’autant que, par honte, elle n’a pas confessé un péché et s’est approchée du saint Sacrement, le diable domine en elle. Partant, qu’elle confesse le péché celé depuis longtemps et que les amies de Dieu prient pour elle, et après, qu’elle communie, car je veux qu’elle soit affranchie par les larmes et les prières de mes amis. Et cela étant fait, cette femme fut délivrée.

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Chapitre 81. D’un enfant et de sa mère affranchis des vexations du diable.

6081   D’un enfant et de sa mère affranchis des vexations du diable.

  Un enfant de trois ans n’avait jamais repos, sinon lorsqu’on l’aspergeait d’eau froide ; ce que voyant, sainte Brigitte admira grandement. Jésus-Christ lui dit : Voyez la justice et la permission de Dieu. La mère de cet enfant a été longtemps tourmentée d’un diable incube, car le diable, qui est un esprit, se fait et s’applique un corps d’air, dans lequel se faisant luxurieux, il se montre visible, exerçant avec cette femme sa malice et sa méchanceté. Et bien que l’enfant soit né du père et de la mère, le diable néanmoins a grande puissance sur lui, d’autant qu’il n’est point baptisé, sinon à la manière dont baptisent les femmes qui ignorent les paroles de la sainte Trinité. Partant, que l’enfant soit baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et il sera guéri. Que la mère confesse son péché, et qu’elle dise, quand le diable approchera d’elle : Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui êtes né de la Vierge Marie pour le salut des hommes, qui avez été crucifié et qui maintenant régnez au ciel, ayez miséricorde de moi.

Cela étant fait, la femme fut guérie.

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Chapitre 82. Notre-Seigneur reprend les hommes qui vont à la pythonisse.

6082 Notre-Seigneur reprend les hommes qui vont à la pythonisse.

  Un soldat consulta un jour la pythonisse (1), à savoir, si les sujets se devaient rebeller contre le roi de Suède ou non, et l’effet arriva comme la pythonisse l’avait prédit ; ce qu’étant fait, le soldat racontait au roi, en la présence de l’épouse, ce que la pythonisse avait dit, et elle, s’étant un peu détournée du roi, ouït la voix de Jésus-Christ qui lui disait : Vous avez ouï comment ce soldat a consulté la pythonisse et comment ce soldat a consulté la pythonisse et comment elle lui a prédit la paix future : partant, dites au roi que ces choses se font par ma permission à raison de la mauvaise foi des peuples, car le diable, par la subtilité de sa nature, peut connaître plusieurs choses futures, lesquelles il manifeste à ceux qui croient en lui, afin de les décevoir. Partant, dites encore au roi qu’il chasse telle sorte de gens de la compagnie des gens de bien, car ils sont ceux qui déçoivent les âmes qui se donnent au diable et lui rendent hommage pour le bien temporel, afin que, par eux, plusieurs soient perdus ; ni n’est pas de merveilles, car d’autant que l’homme désire savoir plus que Dieu ne veut, et être enrichi contre les vouloirs de Dieu, lors le diable, tentant son esprit et le voyant penché et enclin à ses suggestions, envoie ses coadjuteurs, savoir, les pythonisses et autres adversaires de la foi, pour le tromper, et acquérant quelque peu du temporel, il perd ce qui est éternel.

1 (Pythonisse est celle qui a le diable dans le ventre.)

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Chapitre 83. De la dévotion des païens à la fin des jours\i.

6083 De la dévotion des païens à la fin des jours.

  Le Fils de Dieu parle à son épouse, disant : Sachez que les païens auront tant de dévotion que les chrétiens ne seront que leurs serviteurs en la vie spirituelle ; et lors les écritures seront accomplies, que le peuple, ne l’entendant point, me glorifiera ; et lors les déserts seront édifiés, et tous chanteront: Gloire soit au Père, au Fils et au Saint-Esprit, et honneur à tous les saints !


Chapitre 84. Ici Notre-Seigneur reprend ceux qui prennent plusieurs vêtements pour le froid et la vanité.

6084 Ici Notre-Seigneur reprend ceux qui prennent plusieurs vêtements pour le froid et la vanité.

  L’épouse sainte Brigitte, étant arrivée au royaume de Suède au milieu des rigueurs du froid en une île en naviguant, et tous ceux qui étaient dans le navire dormant, et elle, ne voulant les inquiéter, demeura jusques au jour dans le navire avec un domestique qui pâtissait de froid outre mesure, et elle avait un grand chaud, et eux, la touchant et l’expérimentant, l’admirèrent. Et elle priant Dieu à l’aurore, Notre-Seigneur lui dit : Oh ! Que les hommes se défient de moi, qui se chargent de vêtements comme un érinacé de pommes, et comme un paon de plumes, et s’enorgueillissent tout autant que le paon s’enorgueillit de ses plumes, vu qu’ils ne peuvent échauffer sans moi ni être beaux sans qu’ils soient de moi. Or, s’ils mettaient leur espérance en moi, je leur donnerais la chaleur du corps et de l’âme, et les rendrais beaux devant mes saints. Or, maintenant, ils sont difformes, d’autant qu’ils ne se contentent du nécessaire et aiment avec plus de ferveur la créature que le Créateur.

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Chapitre 85. Du bien mal acquis ; des peines et des aumônes d’iceux.

6085   Du bien mal acquis ; des peines et des aumônes d’iceux.

  Il y avait un homme qui était demeure quarante ans en purgatoire et qui apparut à l’épouse, disant : A raison de mes péchés et pour les biens que vous savez, j’ai souffert longtemps en purgatoire, car j’ai ouï souvent en la vie que ces biens étaient mal acquis par mes parents, mais je ne m’en souciai pas ni ne les restituai pas. Or, Dieu, l’inspirant à quelques-uns de mes parents ayant bonne conscience, les restituèrent après mon décès à ceux à qui ils appartenaient, et lors, par les oraisons de l’Église, je fus délivré du purgatoire.

Après, Notre-Seigneur dit à son épouse : Qu’est-ce que les hommes croient, en détenant le bien d’autrui injustement et sciemment ? Eh quoi ! Entreront-ils en paradis ? Certainement non, pas plus que Lucifer ; ni les aumônes des biens mal acquis ne leur profiteront de rien, mais passeront en la consolation de ceux auxquels ils appartiennent. Mais ceux qui ont ignoramment les biens mal acquis en seront pas punis, ne ceux-là ne perdent point le ciel, qui ont la volonté parfaite de restituer, et font en cela tout leur possible, car lors Dieu supplée à leur bonne volonté en cette vie ou en l’autre.

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Chapitre 86. Comment sainte Brigitte vit le feu descendre du ciel, et en la main du prêtre, un agneau.

6086 Comment sainte Brigitte vit le feu descendre du ciel, et en la main du prêtre, un agneau.

  Un prêtre célébra, le jour de la Pentecôte, sa première messe en monastère ; Lorsqu’il élevait l’hostie, sainte Brigitte vit que le feu descendait du ciel sur l’autel, et elle vit entre les mains du prêtre les espèces du pain, et en icelles, un agneau vivant, et en l’agneau, une face comme d’un homme fort reluisante ; Et lors elle ouït une voix qui lui disait : Comme vous voyez maintenant que le feu descend du ciel en l’autel, de même le Saint-Esprit descendit sur mes apôtres en ce même jour, enflammant leurs coeurs. Le pain, par paroles sacramentelles, est transsubstantié en l’agneau vivant, c’est-à-dire, en mon corps ; et la face est en l’agneau, et l’agneau en la face, d’autant que le Père est dans le Fils, le Fils dans le Père, et le Saint-Esprit en tous deux. Et elle vit encore en la main du prêtre, à l’élévation de la sainte Eucharistie, un enfant d’une beauté admirable, qui lui dit : Je bénis les croyants et je serai juge des mécréants.

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Chapitre 87. Il est ici parlé d’un excommunié\i.

6087 Il est ici parlé d’un excommunié.
  Sainte Brigitte, étant un jour assise avec un évêque et autres seigneurs, sentit une puanteur insupportable, comme si elle sortait des écailles d’un poisson pourri ; et les autres admirant qu’elle seule sentît cette odeur, soudain entra en la maison un homme qui était excommunié ; mais à raison de sa grandeur, il ne se souciait du lieu de l’excommunication.

Le propos étant fini, Notre-Seigneur dit à sainte Brigitte : Comme la puanteur des écailles des poissons pourris est plus dangereuse au corps que les autres, de même l’excommunication est une infirmité spirituelle plus dangereuse à l’âme que les autres, car non seulement elle nuit à l’excommunié, mais aussi à ceux qui conversent avec lui et qui consentent à ses desseins. Partant, que l’évêque fasse en sorte qu’un tel soit puni, de peur que, par sa participation, les autres ne soient marqués et tachés.


Révélations de Sainte Brigitte de Suède 6067