Révélations de Sainte Brigitte de Suède 6088

Chapitre 88. Notre-Dame enseigne à sainte Brigitte ce que signifient les mouvements du coeur.

6088   Notre-Dame enseigne à sainte Brigitte ce que signifient les mouvements du coeur.

  La nuit de la Nativité de Notre-Seigneur, sainte Brigitte fut touchée d’une si grande et si extraordinaire joie intérieure, qu’à grand’peine elle la pouvait soutenir ; et soudain elle sentit dans son coeur un grand mouvement si admirable qu’il semblait qu’elle avait en son corps un petit enfant qui s’émouvait ; et ce mouvement durant assez longuement, elle le montra à son Père spirituel et à ses amis spirituels, de peur que ce ne fût quelque illusion, lesquels, ayant vu et touché, en admirant l’effet.

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  Le même jour, à la messe, la Mère de Dieu lui apparut et lui dit : Ma fille, vous admirez le mouvement que vous ressentez en votre coeur : sachez qu ce n’est point une illusion, mais bien une manifestation aucunement semblable à la joie, exultation et miséricorde qui me furent faites en ce soir ; car comme vous ignorez comme une exultation et joie sont arrivées si soudainement à votre coeur, de la même manière l’arrivée de mon Fils au monde fut soudaine et admirable, car quand je consentis à l’ange, lorsqu’il m’annonçait la conception du Fils de Dieu, soudain je sentis en moi quelque chose d’admirable et de vivant, et naissant de moi, il sortait d’une admirable vitesse, d’une joie indicible, sans léser le cloître virginal. Partant, ma fille, ne craignez point l’illusion, mais réjouissez-vous, parce que les mouvements que vous sentez sont les signes de l’avènement de mon Fils en votre coeur. Partant, comme mon Fils vous a imposé le nom d’une nouvelle épouse sienne, de même maintenant je vous appelle ma bru, car comme les pères et mères vieillissants mettent la charge sur la bru et lui disent tout ce qu’il faut faire en la maison, de même Dieu et moi, comme vieillis et refroidis ès coeurs des hommes, voulons marquer à nos amis et au monde par vous notre volonté. Ce mouvement de votre coeur croîtra selon la capacité de votre coeur.

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Chapitre 89. Notre-Seigneur certifie à sainte Brigitte, par saint Jean, que l’Apocalypse est de lui, et que la glose du docteur Mathias sur la bible est du Saint-Esprit.

6089 Notre-Seigneur certifie à sainte Brigitte, par saint Jean, que l’Apocalypse est de lui, et que la glose du docteur Mathias sur la bible est du Saint-Esprit.

  Quand le docteur Mathias, du royaume de Suède, gloseur de la bible, glosait sur l’Apocalypse, il priait une fois l’épouse de Jésus qu’elle sût en esprit le temps de l’Antéchrist, et lui demandait si l’Apocalypse avait été écrite par saint Jean l’évangéliste, d’autant que plusieurs tenaient le contraire. Elle fut donc ravie en esprit, et lors elle vit comme une personne ointe d’huile, mais grandement éclatante, à qui Jésus-Christ parlant, dit : Dites qui est celui qui a composé l’Apocalypse.

Il répondit : Je suis Jean, à qui vous avez recommandé votre Mère, lorsque vous étiez en croix. O Seigneur, vous m’avez inspiré les mystères qui y sont, et je l’ai écrite pour la consolation de la postérité, afin que vos fidèles ne fussent renversés à raison des divers accidents.

Et Notre-Seigneur dit à l’épouse : Ma fille, je vous dis que comme Jean a écrit de mon Esprit les choses futures qu’il a vues, de même Mathias, votre confesseur et Père, a entendu et compris, inspiré du même Esprit, et écrit les vérités spirituelles de la sainte Ecriture. D’ailleurs, dites au même docteur que j’ai rendu docteur, qu’il y a plusieurs antéchrists ; mais comment et quand il viendra, ce malin Antéchrist, je le lui montrerai par vous.

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Chapitre 90. Il est ici traité d’une répréhension et punition d’un religieux trop babillard.

6090 Il est ici traité d’une répréhension et punition d’un religieux trop babillard.

  Ce docteur Mathias parlant avec un religieux de grande autorité et familiarité, de la grâce des visions célestes qui était divinement donnée à sainte Brigitte, le religieux dit : Il n’est pas croyable ni ne s’accorde point avec l’Écriture que Dieu se retire de ceux qui se contiennent et ont abandonné le monde, et qu’il manifeste ses secrets à des femmes magnifiques. Or, le docteur alléguant plusieurs choses là-dessus, l’autre ne consentit point.

Or, l’épouse, oyant ceci, vit que le docteur en était troublé ; elle se mit en oraison, et lors, ravie en esprit, elle ouït Notre-Seigneur qui lui disait : Cette périlleuse infirmité en a assailli plusieurs ; et à celui qui se rend malade du remède, il ne faut pas lui en donner davantage, de peur qu’il ne soit pis. Or, je suis la médecine des infirmes, la vérité des errants. Mais ce religieux babillard ne désire point de médecine, d’autant que la fiente et l’ordure de la science vaine sont dans son coeur. Partant, je lui donnerai de ma main un soufflet, et tout le monde saura que je suis, non un Dieu babillard, mais puissant et redoutable.

Ce religieux, après la tribulation, s’humilia et mourut paralytique.

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Chapitre 91. Jésus-Christ commande à son épouse d’affermir le corps, afin que l’âme ne soit empêchée des choses divines\i.

6091 Jésus-Christ commande à son épouse d’affermir le corps, afin que l’âme ne soit empêchée des choses divines.

  L’épouse sainte Brigitte ayant un jour trop jeûné et veillé, la tête et le corps lui défaillaient, et Jésus-Christ lui parlant, elle ne comprit pas bien, parce qu’elle était débile. Lors Notre-Seigneur lui dit : Allez, donnez au corps avec modération ce qui lui est nécessaire, car c’est mon plaisir que la chair ait modérément le nécessaire, et que l’âme ne soit empêchée des choses spirituelles par faiblesse.


Chapitre 92. Jésus-Christ reprend un moine qui disait devant un roi que sainte Brigitte était trompée.

6092   Jésus-Christ reprend un moine qui disait devant un roi que sainte Brigitte était trompée.

  Un moine porta un jour, le livre des Vies des Pères devant le roi de Suède et ses conseillers, lisant en icelui que plusieurs Pères avaient été trompés à raison des excessives et indiscrètes abstinences ; et partant, il dit qu’il craint que cette sainte ne le soit aussi. Sainte Brigitte, priant, ouït Jésus-Christ qui lui disait : Qu’est-ce que ce moine dit que plusieurs de mes saints furent trompés ? Véritablement, ce sac de paroles a parlé comme il a voulu, mais non pas comme il devait, car aucun de mes amis n’a été trompé, car ils m’ont aimé sagement ; mais ceux qui, s’enorgueillissant de leur abstinence et de leur justice, se préféraient aux autres, et qui n’ont voulu obéir aux hommes, ceux-là certes ont été trompés ; et d’autant que ce moine a porté contre moi le livre des saints Pères, desquels il n’est pas imitateur, je porterai aussi le livre de justice et de fureur contre lui ; et celui qui est loué en sa sagesse viendra devant la mienne, et lors il verra que la vraie sapience n’est pas en la sublimité de la parole, mais en la conscience pure et en la vraie humilité. Oh ! Que les professeurs de cet ordre se sont retirés loin des vertiges de leurs pères ! Car il a été comme l’édificateur de la haine dissipée, et comme un homme qui a suivi les pas des parfaits.

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Chapitre 93. D’une vision remarquable d’une dame que Notre-Dame et saint Pierre soutenaient, afin qu’elle ne tombât, etc\i.

6093 D’une vision remarquable d’une dame que Notre-Dame et saint Pierre soutenaient, afin qu’elle ne tombât, etc.

  Sainte Brigitte vit en esprit une femme assise sur une corde, l’un des pieds de laquelle soutenait un homme merveilleusement beau, l’autre une vierge d’une beauté incomparable. Et lors la Sainte Vierge, lui apparaissant, lui dit : Cette femme qui vous est connue étant embrouillée dans les soins et sollicitudes de la chair, a été conservée des chutes d’une manière admirable ; certainement elle a eu plusieurs fois la volonté de pécher, mais elle n’a trouvé ni le lieu ni le temps, et ce bien lui a été donné par l’oraison de saint Pierre et de mon Fils, que cette femme aime ; quelquefois elle en a eu le lieu et le temps, mais non pas la volonté et cela par ma charité, de moi qui suis Mère de Dieu ; et d’autant que son temps s’approchait, saint Pierre lui conseilla de faire quelque austérité en l’habit, déposant ses habits glorieux à son exemple, qui, dans les prisons, avait enduré la nudité et la faim, bien qu’il fût puissant au ciel et sur la terre.

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  Mais moi, Mère de Dieu, qui n’ai pas passé une heure sans quelque tribulation et angoisse de coeur, je vous conseille de n’être point honteuse de vous humilier et d’obéir aux amis de Dieu.

Après cela, saint Pierre l’apôtre apparut, disant à l’épouse : Vous êtes nouvelle épouse de mon Seigneur. Allez, et demandez à cette femme si elle voulait être entièrement ma fille, puisque je l’aime et la conserve.

Elle répondit qu’elle le voulait être de tout son coeur.

J’en aurai soin, dit-il, comme de ma fille Pétronille, et la recevrai en ma garde.

Et soudain cette dame changea sa vie, et après, elle fut malade tout le temps de sa vie, jusques à ce qu’étant purifiée, elle rendit l’esprit. Mais étant quasi au dernier période de sa vie, elle vit saint Pierre l’apôtre revêtu pontificalement, et saint Pierre, martyr de l’ordre des Frères prêcheurs, car elle les avait aimés tous deux. Et lors elle dit clairement : Qu’est cela, O mon Seigneur ? Et ceux qui étaient auprès d’elle lui demandant si elle avait vu quelque chose : Des merveilles, dit-elle, car je vois saint Pierre revêtu en pontife, et saint Pierre le martyr en l’habit de prédicateur, lesquels j’ai toujours aimés et ai espéré en leurs prières. Et soudain elle cria et dit : Béni soyez-vous, ô mon Dieu! Je viens à vous. Et ainsi elle décéda.

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Chapitre 94. La Mère de Dieu révèle où demeurèrent les âmes que Jésus-Christ affranchit de l’enfer, et les corps qui ressuscitèrent à sa mort, etc.

6094 La Mère de Dieu révèle où demeurèrent les âmes que Jésus-Christ affranchit de l’enfer, et les corps qui ressuscitèrent à sa mort, etc.

  La Mère de Dieu dit : Mon Fils ressuscita un tel jour qu’aujourd’hui, fort comme un lion, car il brisa la puissance du diable, et affranchit les âmes de ses élus, qui montèrent avec lui aux joies célestes. Mais vous pourriez demander où étaient ces âmes (1) qu’il avait délivrées de l’enfer jusqu’à ce qu’il monta au ciel.

Elles étaient, dit la Sainte Vierge, en un lieu connu de mon Fils, car là étaient la joie et la gloire, comme il dit au larron : Vous serez aujourd’hui en paradis avec moi. Plusieurs saints aussi ressuscitèrent en Jérusalem, lesquels nous avons vu, et les âmes desquels montèrent au ciel avec mon Fils ; mais leurs corps attendent encore avec les autres le jugement et la résurrection. Mais quant à moi, qui suis Mère de Dieu, étant plongée en la douleur après sa mort, mon Fils m’apparut avant qu’aux autres, et se montra sensiblement à moi, me consolant et me disant qu’il monterait visiblement avec moi dans le ciel. Et bien que cela ne soit écrit par mon humilité, néanmoins cela est véritable que mon Fils apparut à moi la première. Or, d’autant que mon Fils m’a consolée un jour comme celui-ci, je veux aussi diminuer vos tentations et vous enseigner le moyen d’y résister.

(1) Saint Thomas dit qu’elles étaient dans les limbes pleines d’éclats. (
III 52,4)

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Vous admirez pourquoi croissent en la vieillesse les tentations que vous n’avez eues ni en la jeunesse ni dans le mariage. Je vous réponds que cela se fait, afin que vous sachiez que vous n’êtes rien et que vous ne pouvez rien sans mon Fils ; et si mon Fils ne vous avait gardée, il n’y a péché dans lequel vous ne fussiez plongée.

Partant, je vous donne trois remèdes contre vos tentations : quand vous êtes assaillie des tentations sales, dites : Jésus, Fils de Dieu, qui connaissez toutes choses, aidez-moi, afin que je ne me délecte en la vanité de ces pensées. Quand vous êtes tentée de parler, dites : Jésus, Fils de Dieu, qui vous êtes tu devant le juge, tenez ma langue jusqu’à ce que j’aie pensé ce que je dois dire et comment. Quand vous vous plaisez à faire quelque oeuvre, manger ou reposer, dites : Jésus, Fils de Dieu, qui avez été lié, gouvernez mes mains, tous mes membres et mes oeuvres, afin qu’elles tendent à une bonne fin : cela vous sera en signe de ce que je dis, que désormais votre corps ne prévaudra point sur votre esprit.

  ADDITION.

  Sainte Brigitte fut tentée en son oraison. La Sainte Vierge Marie lui dit : Le diable est comme un explorateur envieux cherchant sujet d’accuser et d’empêcher les bons, afin qu’ils ne soient exaucés en leurs oraisons. Partant, quoique vous soyez assaillie en l’oraison de quelque tentation que ce soit, ne désistez point, et efforcez-vous de mieux faire, car cet effort et ce désir seront réputés devant Dieu pour l’effet de l’oraison ; et si vous ne pouvez rejeter les pensées sales, l’effort vous sera des couronnes, pourvu que vous n’y consentiez et qu’elles soient contre votre volonté.

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Chapitre 95. D’un prince juste qui craignait d’accepter la royauté, et ce que la Mère de Dieu lui dit.

6095 D’un prince juste qui craignait d’accepter la royauté, et ce que la Mère de Dieu lui dit.

  Au royaume de Suède, un grand et illustre, qui s’appelait Israël, étant souvent prié par le roi de prendre le gouvernement du royaume, le refusa, tant il brûlait de désir de combattre contre les païens, de mourir pour la foi au service de Dieu, et de n’avoir inclination aucune à la dignité royale ! Lors la Sainte Vierge dit à sainte Brigitte, qui était en oraison : Si ceux qui ont et savent la justice, qui la désirent, qui la peuvent faire, refusent d’entreprendre la charge et la peine pour l’amour de Dieu, comment le royaume demeurera-t-il en sa vigueur ? Malheur ! Il ne sera pas royaume, mais une volerie, une caverne de tyrans où les méchants commandent et où les justes sont foulés aux pieds.

Et partant, l’homme juste et bon doit être attiré par l’amour de Dieu et par le zèle au gouvernement, afin qu’il profite à plusieurs. Et ceux qui ambitionnent les dignités pour l’honneur du monde, ne sont pas de vrais princes, mais des tyrans très méchants. Que donc Israël, mon ami, entreprenne le gouvernement pour l’honneur de Dieu, ayant en la bouche les paroles de vérité, et en la main le glaive de justice, ne regardant ni inclinant aux faveurs du monde, ni aux alliés, ni ayant acception de personnes.

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Je ne vous dis pas ce qui se dira de celui-ci de la bouche des hommes. Il est sorti généreusement de sa patrie ; il a honoré sincèrement : partant, sachez que je le conduirai à ma patrie par une autre voie.

Ces choses arrivèrent ensuite en même manière, car quelques années s’étant écoulées, ce seigneur alla contre les fidèles et vint aux Allemagnes, où il fut grandement malade ; et sentant que la mort s’approchait, il monta avec quelques-uns à l’église cathédrale, et là, il mit son anneau au doigt d’une image de Notre-Dame qu’il avait tant aimée, et qui était là honorée avec une très grande révérence ; et laissant là son anneau, il dit : Vous êtes ma Dame et me l’avez été toujours très douce, sur quoi je vous appelle à témoin. Je vous laisse moi et mon âme à votre providence et miséricorde. Et ayant douloureusement pris les sacrements, il mourut.

Après, l’épouse priant pour lui, la Mère de Dieu parlait de lui, disant : Il m’a donné l’anneau de son amour, me désirant pour épouse. Sachez, ma fille, qu’en vérité il m’a aimée de tout son coeur, et il a craint mon Fils en toutes ses oeuvres et jugements : c’est pourquoi je le conduis par la grâce et coopération de Dieu, mon Fils, par les voies les plus nécessaires et à lui plus utiles, et l’ai présenté à la troupe des saints et des anges, desquels il était aimé, afin que, s’il fût mort en la main de ses parents, les consolations temporelles ne l’eussent empêché de plus grands biens. En vérité, sa bonne volonté a autant plu à Dieu que s’il fût mort parmi les païens, combattant contre eux pour la sainte foi catholique.

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DÉCLARATION.

  Ce Seigneur était frère de sainte Brigitte.

Chapitre 96. Pourquoi, un jour, les cloches de l’église de Saint-Pierre de Rome brûlaient.

6096 Pourquoi, un jour, les cloches de l’église de Saint-Pierre de Rome brûlaient.

Peu avant la mort d’un pape, les cloches brûlaient d’une manière admirable, ce que l’épouse voyant, s’en étonnait, et Jésus-Christ lui apparut en cet étonnement, disant : Ma fille, ceci est un grand signe, car il est écrit que tous les éléments comme compatissaient à ma mort, quand ils retirèrent leur splendeur accoutumée et leurs effets : de même les éléments et les créatures combattent souvent et jugent les jugements de Dieu, et manifestent en leurs coeurs l’ire et l’indignation divine, et les signes évidents des évènements futurs. Or, maintenant, les cloches brûlent, et quasi toutes crient que le seigneur est mort. Le pape est décédé. Que ce jour soit béni, mais non pas ce seigneur. O chose admirable ! Là où tous devaient crier : Qu’il meure et qu’il ne ressuscite point ! Il n’est pas de merveilles, car celui qui devait leur dire : Venez, et vous trouverez le repos de vos âmes, criait et disait : Venez, et voyez-moi en ma pompe et en mon ambition plus que Salomon. Venez à ma cour et videz vos bourses, et vous trouverez la perdition de vos âmes. C’est de la sorte qu’il criait par paroles et par exemples : et partant, le temps de l’ire s’approche, et je le jugerai comme un dissipateur du troupeau de saint Pierre. Hélas ! Hélas ! Quel jugement lui reste-t-il ? Véritablement, s’il voulait encore se convertir à moi, je lui irais au-devant au milieu du chemin comme un père clément.

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Chapitre 97. Comment Dieu veut que les pêcheurs soient avertis de confesser leurs fautes\i.

6097 Comment Dieu veut que les pêcheurs soient avertis de confesser leurs fautes.

  Un grand seigneur selon le monde n’avait pas été à confesse depuis longtemps, et tant qu’il différait d’y aller, il était malade. L’épouse, en ayant compassion, priait pour lui. Mais Notre-Seigneur, apparaissant lors à l’épouse, lui parlait, disant : Dites à votre confesseur qu’il visite ce malade et qu’il oie sa confession.

  Le confesseur étant arrivé auprès du malade, le malade lui dit qu’il n’avait point besoin de confession, disant qu’il s’était souvent confessé.

  Le lendemain, Jésus-Christ commanda que le confesseur y retournât. Il y retourna, et le malade lui dit comme dessus.

  Le confesseur y retournant le troisième jour par la révélation qui en avait été faite à sainte Brigitte, lui dit : Jésus-Christ, Fils de Dieu, vous parle aussi et le diable en cette manière : Vous avez en vous sept démons : l’un est au coeur, le liant afin que vous n’ayez contrition de vos péchés. L’autre est aux yeux, afin que vous ne voyiez ce qui est plus utile à votre âme. Le troisième est en votre bouche, afin que vous ne disiez des paroles à l’honneur de Dieu. Le quatrième est ès parties inférieures, c’est pourquoi vous aimez toute sorte d’impuretés. Le cinquième est en vos pieds et en vos mains, c’est pourquoi vous ne craignez point de tuer et de dépouiller les hommes. Le sixième est dans votre intérieur, c’est pourquoi vous êtes adonné à l’ivrognerie. Le septième est en votre âme, où Dieu devrait être, et est son ennemi. Partant, faites au plutôt pénitence, car Dieu vous sera encore propice.

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Lors ce malade dit, les larmes aux yeux : Comment me pourriez-vous persuader que Dieu me pardonnera, à moi qui suis enveloppé en tant et tant de crimes publics ?

Le confesseur répondit : Je vous le jure, et je l’ai expérimenté, qu’encore que vous eussiez commis les plus grands crimes du monde, vous pouvez être sauvé par la sainte confession et la contrition.

Il dit encore en pleurant : Je désespère du salut de mon âme, d’autant que j’ai fait hommage au diable qui m’apparut souvent ; c’est pourquoi je ne me suis jamais confessé, bien que j’aie soixante ans, ni n’ai jamais reçu le corps de Jésus-Christ, mais je feignais d’avoir des affaires, quand il y fallait aller. Or, maintenant je confesse que je ne sache jamais avoir eu des larmes de cette manière.

Ce jour-là il se confessa quatre fois, et le lendemain il communia, après s’être encore confessé. Après cela, il mourut le sixième jour.

Jésus-Christ, parlant de ce pécheur à son épouse, lui dit : Cet homme servait un larron, le péril duquel je vous ai montré ci-dessus, et le diable se retire maintenant de lui à qui il faisait hommage, et cela à raison de la contrition qu’il a eue, et maintenant il va se purifiant, et le signe de son affranchissement fut la contrition finale.

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Mais vous me pouvez demander comment pouvait mériter la contrition celui qui était plongé en tant de crimes. Je vous réponds : Ma dilection l’a fait et voulu ainsi, car j’attends la conversion des hommes jusques au dernier point de leur vie, et le mérite de ma Mère y a aidé ; car bien que cet homme ne l’ait pas aimée de coeur, néanmoins, d’autant qu’il avait accoutumé d’avoir compassion de sa douleur, tout autant de fois qu’il l’oyait nommer et la considérait, c’est pourquoi il a trouvé le salut et il est sauvé.


Chapitre 98. Pour les Bénédictins.

6098   D’une abbesse qui, par la propriété et autres crimes, était pour ses Soeurs un exemple de perdition.

Pour les Bénédictins.

  Le Fils de Dieu parle : Cette abbesse est comme une des vaches grasses, qui plongeant et trempant sa queue dans les ordures, en salit les autres : en effet, elle scandalise ses Soeurs par son exemple pernicieux ; son habit plissé et affecté montre bien qu’elle n’est pas fille de saint Benoît ni épouse humble, d’autant qu’elle a mis en oubli ses saintes épousailles, car sa règle dit qu’elle doit avoir la plus rude et la plus vile, et elle en porte des plus molles, des plus belles et des plus délectables.

La règle commande aussi de manger ce qui est nécessaire avec sobriété et crainte, et défend d’avoir quelque chose de propre ; mais celle-ci a du propre, du quel elle s’engraisse comme une vache du diable, suivant sa propre volonté.

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  La règle dit aussi que toutes choses sont ès mains de l’abbesse, ne considérant par l’intention de mon saint Benoît, qui a tout mis en la main de l’abbé, afin qu’il fût discret, l’exemple des vertus et celui qui suit de plus près la règle.

Mais cette abbesse a reçu le nom et la parole de puissance pour sa dissolution et sa ruine, ne considérant point qu’elle me rendra raison de toutes les âmes de ses Soeurs. Partant, sachez que si elle ne corrige ses moeurs et celles de ses Soeurs, elle s’en ira en enfer avec les vaches grasses, et les corbeaux de l’enfer la déchireront toute, puisqu’elle n’a pas voulu voler dans le ciel avec les humbles et avec les sobres.

  DÉCLARATION.

  Cette abbesse, étant morte, apparut à sainte Brigitte un peu blanche, mais comme enveloppée dans un rets de fer ; sa langue semblait de feu ; ses mains et ses pieds semblaient de plomb et ses yeux remplis de larmes ; et elle dit à sainte Brigitte : Vous vous étonnez pourquoi je parais si difforme : telle est la rétribution de la justice divine. Ma blancheur signifie la virginité de mon corps, mais le filet de fer marque que je n’ai pas gardé les observances régulières et le bien de la patience ; car comme aux rets plusieurs anneaux sont enlacés, de même j’endure plusieurs tourments pour l’omission de tant de bonnes oeuvres que je ne faisais pas, quand j’en avais le temps.

Quant à ce que ma langue paraît de feu, j’en suis digne, d’autant que, contre ma profession, je la lâchais en paroles de vanité et de cajolerie.

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  Mes mains et mes pieds apparaissent de plomb, et à bon droit, d’autant que mes oeuvres, qui sont désignées par mes mains qui devaient être éclatantes comme de l’or, sont molles et dissolues comme du plomb.

Mes pieds aussi, par lesquels je devais aller donner à mes Soeurs de bons exemples et de saintes conversations, se glissèrent ès façons mondaines, et étaient paresseux à tout bien spirituel.

Mes yeux vous apparaissent tout éplorés, et à juste raison, d’autant que je me gardais de pleurer quand je devais laver les crimes de ma vie. Je suis néanmoins en état de miséricorde et en attente d’une bonne espérance, pour les prières qui se font en l’Église par les saints et par le sang de Jésus-Christ.


Chapitre 99. D’un diable qui induisait des moniales à la propriété pour faire des aumônes.

6099 D’un diable qui induisait des moniales à la propriété pour faire des aumônes.

  On voyait un épouvantable et horrible Ethiopien en un monastère, entre les religieuses voilées, revêtu d’un habit noir, en forme de moine, sur quoi l’épouse admirant, Jésus-Christ lui dit : Il est écrit dans mon Évangile qu’il se faut donner garde de ceux qui vont revêtus de vêtements de brebis, et qui, au dedans, sont des loups ravissants : je vous en dis de même maintenant : cet Ethiopien, qui paraissait entre les moniales avec l’habit de moine, est un diable de cupidité qui suggère aux filles d’amasser des richesses et des métairies, afin d’en vivre avec plus de largesse et d’en faire des aumônes, afin que, sur ce prétexte de religion, se retirant de la pauvreté, qui m’est tant agréable, elles soient peu à peu en entière dissolution, et prévariquant contre la règle, et s’éloignant de la première observance, elles perdent les âmes.

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  Partant, sachez que, si elles ne se donnent garde de ce loup de cupidité, savoir, se contentant de ce qu’elles ont en commun et ne voulant en rien accroître en possessions ni richesses passagères, elles seront toutes gâtées, même les plus saintes à leur damnation, et après, elles seront déchirées sans miséricorde par les loups, car je prends plus de plaisir qu’elles vivent en leur pauvreté pacifique et sainte qu’elles professent, que s’intriguant dans les soins temporels, elles se glorifient en vain de la distribution de leurs aumônes.

Chapitre 100. Jésus-Christ assure de ce qui est révélé en ses oeuvres, etc.

6100 Jésus-Christ assure de ce qui est révélé en ses oeuvres, etc.

  L’épouse craignait que les paroles de ses livres divinement révélées ne fussent infirmées et calomniées des envieux et des méchants. Notre-Seigneur lui dit : J’ai deux bras : avec l’un j’embrasse le ciel et tout ce qui y est ; avec l’autre j’embrasse la terre et la mer. J’étends le premier à mes élus, les honorant et les consolant en la terre et au ciel. J’étends le second sur les malices des hommes, les souffrant miséricordieusement, les retenant afin qu’ils ne fassent autant de mal qu’ils voudraient. Partant, ne craignez point, d’autant que pas un ne pourra infirmer mes parole, mais elles parviendront aux lieux et aux nations qui me sont agréables. Néanmoins, sachez que ces paroles sont comme de l’huile, c’est pourquoi elles doivent être mâchées, considérées et expliquées, maintenant par les envieux, maintenant par ceux qui veulent savoir, maintenant par ceux qui cherchent occasion que mon honneur et ma patience soient employé.

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Chapitre 101. Notre-Seigneur commande à sainte Brigitte de mettre par écrit tout ce qu’il lui a dit.

6101 Notre-Seigneur commande à sainte Brigitte de mettre par écrit tout ce qu’il lui a dit.

  Le Fils de Dieu parle à son épouse, disant : Je suis comme un seigneur dont l’ennemi tellement enchanté et opprimé les enfants qu’ils le glorifient même dans les captivités, qu’ils ne veulent par même lever les yeux ni à leur père ni à leur héritage. Partant, écrivez ce que vous oirez de moi, et l’envoyez à mes enfants et à mes amis, afin qu’eux sèment cette doctrine parmi les nations, afin qu’elles connaissent leur ingratitude et ma patience, car je veux montrer aux nations ma justice et ma charité.


Chapitre 102. Notre-Seigneur avertit une infirme d’être patiente. Grandeur des indulgences.

6102   Notre-Seigneur avertit une infirme d’être patiente. Grandeur des indulgences.

  Une dame de Suède, étant malade depuis longtemps à Rome, dit à sainte Brigitte comme en riant : Le bruit est qu’en ce lieu, il y a absolution des coulpes et des peines, mais il n’y a rien d’impossible à Dieu, car j’expérimente pour le moins la peine.

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  Le matin suivant, l’épouse ouït en esprit une voix qui lui disait : Ma fille, cette femme m’est agréable, d’autant qu’elle a vécu dévotement et a nourri ses filles pour mon honneur ; mais elle n’a pas tant eu de contrition en ses peines qu’elle en eût eu en ses péchés, si mon amour ne l’eût retenue et conservée. Mais d’autant que je pourvois à chacun en la santé et en l’infirmité, comme je vois être expédient à un chacun, je ne dois être fâché de pas un ni jugé, mais être craint et révéré partout. Dites-lui aussi que les indulgences de Rome sont plus grandes que les hommes ne le croient, car ceux qui viennent à Rome pour gagner les indulgences avec les dispositions requises, pénitents et confès, non seulement obtiennent la rémission de leurs péchés, mais obtiennent aussi la gloire éternelle, car si l’homme endure mille morts pour l’amour de Dieu, il ne serait pas digne de la moindre gloire qui est donnée aux saints ; et bien que l’homme en puisse vivre tant de milliers d’années, néanmoins, d’autant qu’il a des péchés infinis en malice et en objet, sont dues peines infinies auxquelles l’homme ne saurait satisfaire en cette vie ; c’est pourquoi les maux sont relaxés à raison des indulgences ; les peines dures et longues sont changées en courtes, et ceux qui ont gagné les indulgences avec une charité parfaite et qui décèdent, non seulement sont délivrés des péchés, mais encore de la peine due aux péchés, d’autant que moi, Dieu, je ne donnerai pas seulement à mes saints et à mes élus ce qu’ils demandent, mais je le doublerai et le multiplierai avec amour. Partant, avertissez cette malade qu’elle prenne patience et qu’elle soit constante, car je ferai ce qui sera le plus utile à son salut.

P445

DÉCLARATION.

  Sainte Brigitte vit que l’âme de cette dame montait comme tout embrasée, vers laquelle accoururent plusieurs Éthiopiens, de la vue desquels l’âme fut étonnée et effrayée ; et soudain elle vit comme une Vierge très belle venir à son secours, qui dit aux Éthiopiens : Qu’avez-vous affaire avec cette âme, qui est de la famille des nouvelles épouses de mon Fils ? Et soudain les Éthiopiens, s’enfuyant, la suivaient de loin.

Or, l’âme étant arrivée au jugement de Dieu le Juge lui dit : Qui répondra pour cette âme et qui est son avocat ?

Et à l’instant, on vit saint Jacques là présent : Je suis tenu, ô mon Seigneur, de parler pour elle, car elle s’est souvenue de moi en ses grandes angoisses. O Seigneur, ayez miséricorde d’elle, car elle a voulu et n’a pu.

Le Juge dit : Qu’a-t-elle voulu qu’elle ne l’ait pu ?

Elle vous a voulu servir de tout son coeur, mais elle n’a pas été si forte, d’autant que les infirmités l’en ont retardée.

Lors le Juge dit à l’âme : Allez, car votre foi et votre volonté vous ont sauvée.

Et soudain l’âme est sortie de la présence du Juge avec une grande joie, et était reluisante comme une étoile ; et ceux qui étaient là présents dirent : Bénie soyez-vous, ô Dieu ! qui étiez, êtes et serez, qui ne retirez jamais votre miséricorde de ceux qui espèrent en vous !

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Chapitre 103. Comment saint Nicolas apparut à sainte Brigitte, et des merveilles\i.

6103 Comment saint Nicolas apparut à sainte Brigitte, et des merveilles.

  Sainte Brigitte, visitant les reliques de saint Nicolas de Baro en son sépulcre, commença à penser à la liqueur de l’huile qui coulait de son corps, et lors ravie hors de soi en esprit, elle vit une personne ointe d’huile et parfumée, qui lui dit : Je suis Nicolas, évêque, qui vous apparais en telle forme que j’avais, avec les dispositions que j’avais en l’âme quand je vivais, car tous mes membres étaient tellement habitués au service de Dieu, comme les choses qui sont ointes, qui sont flexibles à ce qu’on veut ; et partant, mon âme louait Dieu avec une joie indicible, et ma bouche prêchait la parole divine, et en mes oeuvres on trouvait la patience, outre les vertus d’humilité et de chasteté que j’ai aimées singulièrement ; mais d’autant que maintenant il y a plusieurs os aride de l’humeur divine, c’est pourquoi ils donnent le son de vanité et font du bruit ; ils sont inhabiles pour produire les fruits de justice, et sont en abomination devant Dieu. Or, sachez que comme la rose donne l’odeur et le raisin la douceur, de même Dieu donne à mon corps d’épandre et de distiller de l’huile et une singulière bénédiction, d’autant qu’il n’honore pas seulement les saints au ciel, mais les réjouit et les exalte en la terre, afin que plusieurs soient édifiés et participent aux grâces qui me sont données.

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Révélations de Sainte Brigitte de Suède 6088