Révélations de Sainte Brigitte de Suède 7005

Chapitre 5 Révélation touchant l’instruction d’Elzéar, fils de la comtesse d’Arian.

7005   Révélation touchant l’instruction d’Elzéar, fils de la comtesse d’Arian.

  Louange et gloire soient au Dieu tout-puissant, de qui toutes choses bonnes procèdent, et spécialement pour les choses qu’il a faites, étant petit enfant, par la grâce duquel il nous faut demander, afin que l’amour que vous avez envers Dieu s’augmente de jour en jour jusques à la mort!

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  Certainement ce roi puissant et magnifique édifia une maison en laquelle il mit sa fille bien-aimée, la confiant à la garde d’un certain homme, lui parlant en ces termes : Ma fille a de mortels ennemis, c’est pourquoi vous la devez garder avec toute sorte de soins. Il y a donc quatre choses auxquelles vous devez diligemment prendre garde avec une grande attention et soin : 1° qu’on ne fouille le fondement de la maison; 2° qu’aucun ne passe par-dessus les murs; 3° que personne ne perce les murailles; 4° qu’aucun ennemi n’entre par les portes.

Vous devez, Monsieur (1), entendre spirituellement cette parabole, que je vous écris de la part du divin amour, Dieu, scrutateur des coeurs, m’en est témoin! Par la maison, j’entends votre corps, que le Roi du ciel a fait de terre; par la fille du Roi, j’entends votre âme, créée par la vertu de Très Haut et mise en votre corps; par le gardien, j’entends la raison humaine, qui gardera votre âme selon les arrêts et décrets du Roi éternel; par le fondement, une bonne, ferme et constante volonté, car il faut bâtir sur icelle toutes les bonnes oeuvres par lesquelles l’âme est très bien défendue. Partant, puisque telle est votre volonté, que vous ne voulez vivre pour autre fin que pour suivre les volontés de Dieu, lui rendant tout l’honneur que vous pourrez par paroles et par oeuvres, lui obéissant et le servant de corps, de biens et de toutes vos forces, afin de garder votre âme de toute impureté et la consigner ès mains de votre Créateur, oh! qu’avec une grande vigilance il vous faut garder ce fondement, c’est-à-dire, votre volonté, avec le gardien, qui est la raison, de peur que quelqu’un avec ses machines ne le fouille, au grand dommage de l’âme. J’entends par ceux qui s’efforcent de fouiller ce fondement, ceux qui vous disent : Monsieur, soyez laid; épousez une femme belle, noble et riche, afin que vous vous réjouissiez des enfants et des héritages, et soyez affranchi des tentations et afflictions de la chair. D’autres vous disent que, si vous voulez être prêtre, vous tâchiez d’être docteur, de vous enrichir des biens de l’Église, les ayant ou par prières ou par présents, car lors vous aurez l’honneur mondain pour être savant, et serez glorifié par vos amis et honoré des serviteurs, à raison des richesses.

(1) Elzéar.

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Que si quelqu’un s’efforce de vous persuader ces choses, faites soudain réponse à la raison, disant que vous préférez endurer toutes les afflictions de la chair que perdre la chasteté. Répondez aussi qu’à l’honneur de Dieu et à la défense de la foi catholique, pour le bon exemple de tous, pour la réduction des errants et pour tous ceux qui auront besoin de science, vous voulez étudier et être docteur, que vous ne voulez rien désirer par-dessus la nécessité de votre corps et de votre famille en cette vie, et voulez rejeter les superfluités qui ne servent qu’à ostentation. Dites aussi que si quelque dignité ecclésiastique vous arrive, la divine Providence en disposant ainsi, vous désirez disposer sagement de cela même à l’honneur de Dieu et l’utilité du prochain, et de la sorte, la raison pourra chasser tous les ennemis qui désirent fouiller le fondement, c’est-à-dire, la bonne volonté. La raison doit aussi prendre garde incessamment et soigneusement que quelqu’un ne surpasse et ne franchisse la hauteur des murs, par laquelle j’entends la charité, qui est la plus sublime de toutes les vertus.

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  Sachez donc pour certain que le diable ne désire rien tant que de sauter par-dessus ces murs; de là vient qu’il s’efforce tant qu’il peut que la mondaine charité et l’amour charnel surmontent l’amour divin; de là vient, Monsieur, que toutes fois et quantes que l’amour mondain voudra supplanter l’amour divin dans votre coeur, vous devez lui envoyer soudain au-devant le jugement, avec les commandements divins, disant que vous aimez mieux souffrir la mort du corps que vivre pour offenser par paroles ou par oeuvres un Dieu si clément et si doux, voire que vous ne voulez épargner ni la vie, ni les biens, ni les amis, ni les âmes, afin de pouvoir plaire à Dieu seul et l’honorer en tout, et que vous choisissez les plus grandes tribulations plutôt que d’apporter aucun dommage, peine ni désolation à votre prochain, de lui causer scandale ou affliction, mais que vous voulez plutôt aimer votre prochain, selon le commandement de Dieu.

Si vous faites de la sorte, vous témoignerez que vous aimez Dieu plus que vous-même, et votre prochain comme vous-même. Lors la raison, qui est ce gardien, peut assurément se reposer en cela, savoir, que pas un ne pourra franchir la hauteur des murailles. Par les murailles, j’entends les quatre délectations de la cour céleste, que l’homme doit avec une grande considération voir et désirer intérieurement : la première est désirer avec ferveur de voir Dieu en la gloire éternelle, et de posséder les richesses qui ne manquent jamais. La deuxième est désirer d’entendre les accords et les voix mélodieuses des anges, qui louent sans fin ce grand Dieu et l’adorent incessamment. La troisième est souhaiter de tout son coeur et d’un fervent amour de louer éternellement Dieu comme les anges. La quatrième est désirer jouir des consolations éternelles des anges et des saints, d’où il faut noter que comme, l'homme étant en la maison, de quelque côté qu’il se tourne, les murailles l’environnent, de même aussi, qui désire ces quatre choses, savoir, voir Dieu en sa gloire, ouïr louer Dieu par les anges, le louer avec eux et jouir de leurs consolations, certainement, de quelque côté qu’il se tourne, de quelque oeuvre qu’il s’occupe, lors il sera toujours conservé entier, de sorte qu’il semblera que, demeurant en cette vie avec les anges, il conversera avec Dieu.

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  Oh! Que votre ennemi, Monsieur, désire de percer ces murailles, d’arracher du coeur tels désirs et plaisirs, d’embrouiller votre esprit, et de lui suggérer de bien différentes choses qui peuvent nuire à votre âme!

Partant, le gardien, c’est-à-dire, la raison, doit prendre garde à deux chemins par lesquels l’ennemi a accoutumé d’entrer dans le coeur : 1° l’ouïe; 2° la vue. Par l’ouïe, il y vient suggérer des chants de sirène et des plaisirs séculiers, la musique de divers instruments, sonnant mélodieusement; ouïr des fables et des discours inutiles, par lesquels tout autant que l'homme s’élève en soi-même par la superbe, tout autant il s’éloigne de Jésus-Christ. Que la raison donc y visite, disant : Comme le diable en a haine l’humilité que le Saint-Esprit inspire aux coeurs des hommes, de même, avec la grâce de Dieu, j’aurai en haine toute sorte de pompe et toute la superbe du monde, que le malin esprit suggère aux coeurs des hommes par son inflammation pestifère et mortifère, et il me sera aussi odieux que la puanteur des animaux morts et corrompus.

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  Par la vue, l’ennemi a accoutumé d’entrer pour percer lesdites murailles, portant avec soi plusieurs instruments, savoir, de toutes sortes de métaux, diverses choses diversement diversifiées, des pierres précieuses, des vêtements honorables, des palais, des châteaux, des héritages, des étangs, des bois, des vignes, et autres choses grandement estimées par les mondains. Si on désire passionnément les choses susdites, les murailles seront bientôt dissipées, c’est-à-dire, les plaisirs célestes. Il faut donc que la raison, comme un gardien, les prévienne avant que la délectation de ces choses surprenne le coeur, disant : Si jamais j’ai en ma puissance quelques choses de ce que nous avons vu ci-dessus, je les mettrai en coffre, où les larrons et la teigne ne sont point à craindre; et Dieu aidant, je ne l’offenserai point en aucune de ces choses, ni ne me séparerai point de Jésus-Christ et de la société de ceux qui le servent pour toutes ces choses-là.

Par les portes de cette maison j’entends toutes les choses nécessaires au corps, lesquelles le corps ne peut refuser, comme manger, boire, dormir, etc. être triste quelquefois, quelquefois joyeux. Il faut donc que la raison prenne soin à ces portes nécessaires, et avec crainte résiste incessamment aux ennemis, afin qu’ils n’entrent en l’âme. Partant, comme en la réfection, il faut se donner garde que l’ennemi ne s’y glisse par la superfluité, qui rend le corps paresseux au travail et au service de Dieu, il faut de même prendre garde que, par la grande abstinence, qui rend le corps impuissant à rien faire, l’ennemi n’y entre.

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Que la raison prenne encore garde que, pour l’amour mondain, faveur et amour des hommes, soit que vous soyez seul, soit que vous soyez avec votre famille, soit quand les hôtes arriveront, vous fassiez multiplier avec raison les mets, et fassiez du bien à tous par amour divin, ne recherchant point pourtant la pluralité des viandes trop délicates. Après, prenez garde avec raison que, comme il faut prendre le boire et le manger avec modération, il faut aussi avec autant de crainte modérer le sommeil, afin que le corps soit prompt au service de Dieu et mieux rangé, afin que le temps des veilles soit bien employé au service de Dieu et à des oeuvres sortables, chassant la stupidité d’un sommeil intempéré.

Or, si quelque trouble vous attaque ou quelque rancune, que la raison et la crainte de Dieu y remédient promptement, de peur que, par colère ou impatience, vous ne soyez privé de la grâce divine et que vous n’attiriez sur vous l’ire de Dieu. Si quelque consolation ou joie remplit votre coeur, que la raison imprime profondément dans votre coeur la crainte de Dieu, afin que, par l’aide de Jésus-Christ, votre consolation soit modérée, selon qu’il verra vous être plus utile.

  ADDITION.

  Sainte Brigitte étant à Naples, les secrets du coeur d’Elzéar, qui fut ensuite cardinal, lui furent révélés, et quelques autres choses signalées qui lui devaient arriver, lequel, les ayant ouïes, vécut mieux.

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Chapitre 6 L’an 1361, au mois de mai, le jour de saint Urbain, pape, Jésus-Christ avertit sainte Brigitte de se préparer au voyage de Jérusalem.

7006   L’an 1361, au mois de mai, le jour de saint Urbain, pape, Jésus-Christ avertit sainte Brigitte de se préparer au voyage de Jérusalem.

  Lorsque l'épouse de Jésus-Christ était à Rome, où elle demeurait continuellement, un jour, étant ravie, Notre-Seigneur lui apparut et lui dit : Préparez-vous à aller en pèlerinage à Jérusalem pour visiter mon sépulcre et les autres lieux qui sont là, et vous sortirez de Rome quand je vous le dirai.

Chapitre 7 le pape et les prêtres, bien qu’ils soient pécheurs et qu’ils ne soient point hérétiques, ne perdent point la puissance d’absoudre.

7007   Il est ici traité que le pape et les prêtres, bien qu’ils soient pécheurs et qu’ils ne soient point hérétiques, ne perdent point la puissance d’absoudre.

  Il me semblait que, rendant grâces au Dieu tout-puissant et à la Vierge Marie, sa très digne Mère, la Mère de Dieu me parlait en oraison, me disant les paroles suivantes : Dites à ce frère, mon ami, qui m’a envoyé par vous cette prière, que la vraie foi est, et la parfaite vérité, que si quelqu’un, par l’instigation du diable, avait commis tous les péchés desquels il se confesserait avec contrition et résolution de s’amender, et qu’il demandât humblement pardon à Dieu avec une grande charité et miséricorde, il n’y a point de doute que soudain Dieu tout miséricordieux serait préparé à le recevoir avec une grande joie, comme un père charitable qui verrait son cher enfant retourner à lui, affranchi de quelque grand scandale ou de quelque mort déshonorable et sans comparaison; la miséricorde divine remet avec plus d’amour les fautes et les péchés à ses serviteurs, que les pères ne pardonnent à leurs enfants, à ceux, dis-je, qui s’humilient, qui se repentent, qui demandent ma miséricorde, et qui font résolution de vouloir plutôt mourir que de m’offenser, et enfin désirent de tout leur coeur être amis de Dieu.

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  Partant, dites au même frère de ma part que, pour sa bonne volonté et mon oraison, par la bonté divine, tous ses péchés lui seront pardonnés. Dites-lui encore que, pour l’amour de mon oraison, dit la Sainte Vierge à sainte Brigitte, l’amour qu’il a envers Dieu s’augmentera toujours jusques à la mort et ne diminuera point. Dites-lui d’ailleurs qu’il plaît à Dieu, mon Fils, qu’il demeure à Rome, prêchant, donnant bon conseil, oyant les confessions, enjoignant des pénitences salutaires, à moins que son prélat ne l’envoie hors la ville pour quelque affaire légitimement nécessaire. Qu’il reprenne aussi les autres frères avec charité, paroles douces et par doctrine salutaire, afin qu’ils se retirent de leurs fautes; qu’il fasse en sorte qu’ils gardent leur règle et qu’ils s’amendent avec humilité.

  C’est pour cela aussi que je lui déclare que les messes qu’il dit, ses prières et ses lectures me sont agréables; que comme il se garde de la superfluité des viandes, du boire et du dormir, il se garde aussi de la trop grande abstinence, afin qu’il ne manque ni ne défaille jamais ès oeuvres divines et oeuvres manuelles; qu’il ait aussi des vêtements non superflus, mais nécessaires, selon la règle de saint François, de peur que de la superfluité ne s’ensuivent la superbe et la cupidité; ma récompense lui sera d’autant plus abondante que ses vêtements seront vils.

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  Qu’il obéisse aussi avec humilité à son prélat en tout ce qui n’est pas contre Dieu et ce que ce frère pourra faire. Dites-lui aussi de ma part qu’il réponde à ceux qui disent que le pape n’est pas le vrai pape, et que ce que les prêtres font à l’autel n’est pas le vrai corps de Jésus-Christ : Vous tournez le derrière à Dieu, c’est pourquoi vous ne le voyez pas. Tournez donc la tête vers Dieu, et vous le verrez; car la vraie foi est que le pape qui est sans hérésie, bien qu’il soit chargé d’une quantité d’autres péchés, pourtant n’est jamais si mauvais à raison de ses péchés ni de ses mauvaises oeuvres, qu’il n’ait toujours la pleine puissance et autorité de lier et de délier les âmes, laquelle puissance il a eue par saint Pierre et l'a reçue de Dieu. Certainement, il y a eu des papes, avant Jean, pape, qui sont ensevelis dans l’enfer; néanmoins, ce qu’ils ont fait avec raison et justement, l’Église l’approuve devant Dieu. Je dis de même que les prêtres sont vrais prêtres, consacrent et font le corps de Jésus-Christ, bien qu’ils soient chargés de péchés, et s’ils ne sont hérétiques, touchent et traitent vraiment Dieu sur l'autel, et administrent les autres sacrements, bien qu’à raison de leurs péchés, ils soient indignes devant Dieu de la gloire céleste.

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Chapitre 8 Notre-Dame prie pour le Frère susdit et pour ceux qu’il lui recommande.

7008   Notre-Dame prie pour le Frère susdit et pour ceux qu’il lui recommande.

  La Sainte Vierge dit à sainte Brigitte : Dites à ce Frère, mon ami, qu’il ne vous est pas licite de savoir si l’âme de Jean est en enfer ou au ciel, ni des péchés qu’il a emportés avec lui, quand, après la mort, il est venu devant le jugement de Dieu. Mais dites-lui que les Décrétales qu’il a données pour savoir si Jésus-Christ avait de propre, ne contiennent aucune erreur contre la foi catholique ni quelque hérésie. Et de fait, moi qui ai engendré le vrai Dieu, je rends témoignage que mon Fils Jésus-Christ avait une chose de propre, qui était sa tunique, que j’avais faite de mes mains, et cela est témoigné aussi par le prophète en sa personne, disant : Ils ont jeté le sort sur ma robe. Prenez garde qu’il ne dit pas : Sur notre robe, mais : Sur ma robe.

Sachez aussi que quand je le revêtais de cette tunique pour l’utilité de son corps, mes yeux fondaient en larmes, et mon corps séchait de douleur et était affligé d’une grande amertume, d’autant que je prévoyais bien comment on le dépouillerait de cette robe le jour de sa passion, quand, nu et innocent, il serait crucifié par les Juifs. Et c’est sur cette tunique que les bourreaux jetèrent le sort, et pas un n’usa jamais de cette robe que mon cher enfant.

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  Sachez aussi que tous ceux qui disent que le pape n’est pas le vrai pape, ni que les prêtres ne sont point vrais prêtres, ni bien ordonnés, ni que ce qu’ils consacrent sur l'autel n’est pas le vrai corps de mon Fils, que tous ceux qui sèment ces erreurs sont bouffis de l'esprit du diable de l’enfer. Mais d'autant que les mêmes hérétiques ont commis de si grandes impiétés et des péchés si horribles contre Dieu, étant remplis de l’iniquité diabolique, ils sont damnés, chassés et séparés des chrétiens, au tribunal de la Majesté divine, comme un Judas, qui fut chassé du nombre des apôtres, à raison de ses démérites trop impies, ayant trahi mon cher Fils. Sachez néanmoins que tous ceux qui se voudront amender obtiendront miséricorde.

Chapitre 9 Notre-Seigneur commande à sainte Brigitte d’aller à Jérusalem.

7009   Notre-Seigneur commande à sainte Brigitte d’aller à Jérusalem.

  Le Fils de Dieu dit à son épouse sainte Brigitte : Allez maintenant, et retirez-vous de Rome pour aller à Jérusalem. Pourquoi vous plaignez-vous de l’âge? Je suis le Créateur de la nature. Je puis affaiblir et affermir la nature. Il me plaît que vous y alliez. Je serai avec vous; je vous dirigerai et vous ramènerai à Rome, et vous pourvoirai plus que jamais de tout ce qui vous sera nécessaire.


Chapitre 10 DEFENSE QUE LES PRETRES SOIENT MARIES. DAMNATION DU PAPE QUI LEUR EN DONNERAIT LICENCE

7010   Défense que les prêtres soient mariés.

  Réjouissez-vous éternellement, ô précieux corps de Dieu, en un honneur perpétuel, en continuelle victoire, en éternelle puissance, avec votre Père et le Saint-Esprit, avec la Vierge Marie, votre très digne Mère, et avec toute la cour céleste! Louange vous soit, ô Dieu éternel, et actions de grâces infinies, parce qu’il vous a plu de vous faire homme, et avez voulu que le pain fût transsubstantié en votre corps, par vos saintes paroles, et l’avez donné en viande comme par un excès d’amour pour le salut de nos âmes!

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  Il arriva une fois à une personne qui était profondément plongée en l’oraison, qu’elle ouït une voix qui lui disait : O vous à qui sont faites les faveurs d’ouïr et de voir les choses spirituelles, écoutez maintenant ce que je vous veux manifester de cet archevêque qui a dit que, s’il était pape, il donnerait licence à tous les prêtres de se marier, croyant et pensant que cela serait plus agréable à Dieu que de voir les prêtres vivre avec tant de dissolution; il disait encore que, par ce mariage, s’éviteraient tant de péchés charnels; et bien qu’en cela il n’entendît pas la volonté de Dieu, néanmoins il était ami de Dieu. Or, maintenant, je vous déclarerai la volonté de Dieu sur cela, car j’ai engendré le Dieu même, et vous signifierez cela à cet archevêque, lui parlant en ces termes : A Abraham fut donnée la circoncision longtemps avant que la loi fût donnée à Moïse, et au temps d’Abraham, les hommes étaient gouvernés selon qu’ils entendaient et selon qu’ils voulaient, et néanmoins plusieurs étaient lors amis de Dieu.

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  Mais après que la loi fut donnée à Moïse, lors il plut plus à Dieu que les hommes vécussent selon la loi que selon leur volonté. Il en fut de même du précieux corps de mon Fils, car quand il eut institué le saint Sacrement de l’autel, qu’il fut monté au ciel, lors cette loi ancienne était encore gardée, savoir, les prêtres de Jésus-Christ vivaient en un mariage charnel, et néanmoins plusieurs d’iceux étaient amis de Dieu, d'autant qu’ils croyaient en simplicité que cela était agréable à Dieu, comme il lui fut agréable au temps des Juifs, et cela fut observé plusieurs années par les apôtres chrétiens. Mais cette coutume et observance était abominable et odieuse à toute la cour céleste, et à moi, qui ai engendré le corps de mon Fils, de voir que des mariés touchassent de leurs mains le corps précieux de mon Fils au saint Sacrement, car les Juifs, en leur ancienne loi, n’avaient que l’ombre et la figure de ce sacrement; mais les chrétiens ont maintenant la vérité même, savoir, Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme en ce sacrement sacro-saint.

Mais après quelque temps que les prêtres anciens observaient cela, Dieu, par l’infusion de son Esprit, le versa au coeur du pape, pour qu’il ordonnât que désormais les prêtres qui consacreraient le corps précieux de Jésus-Christ ne seraient point mariés ni ne jouiraient des délices infâmes de la chair. Et partant, par l’ordonnance divine et par son juste jugement, il a été justement ordonné que les prêtres vivraient en la chasteté et continence de la chair, autrement qu’ils seraient maudits et excommuniés devant Dieu, et dignes d’être privés de l’office de prêtres, néanmoins que ceux qui s’amenderaient véritablement avec résolution de ne plus pécher, obtiendraient miséricorde de Dieu.

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  Sachez aussi que si quelque pape donne aux prêtres licence de se marier charnellement, lui-même sera damné de Dieu par la même sentence, comme celui qui aurait grandement péché, à qui on devrait, selon le droit, arracher les yeux couper les lèvres, le nez et les oreilles, les pieds et les mains, et le corps duquel devrait être tout ensanglanté et congelé de froid; et d’ailleurs qu’on devrait donner ce corps mort aux oiseaux et aux bêtes sauvages : il en arriverait de même à ce pape qui voudrait donner licence aux prêtres de se marier, contre la susdite ordonnance divine, car ce pape serait soudain privé de la vue et ouïe spirituelle, de la parole, des oeuvres spirituelles, et toute sa sapience spirituelle défaudrait spirituellement; et d’ailleurs, son âme descendrait en enfer pour y être éternellement tourmentée et être la proie des démons. Voire si saint Grégoire le pape eût établi cette loi, il n’eût jamais obtenu miséricorde de Dieu, s’il n’eût révoqué une telle sentence.

Chapitre 11 D’une révélation concernant l’état d’une reine de Naples.

7011   D’une révélation concernant l’état d’une reine de Naples.

  Je suis le Créateur et le Dieu de toutes choses. J’ai donné aux anges et aux hommes le libre arbitre, afin que ceux qui voudraient faire ma volonté demeurassent avec moi éternellement, et que ceux qui contreviendraient fussent séparés de moi. C’est pourquoi quelques anges sont devenus démons par malice, qui ne voulurent ni m’aimer ni m’obéir. Après, ayant créé l’homme, le diable, voyant ma dilection à son égard, non seulement a été fait mon ennemi, mais a ému contre moi une guerre, excitant Adam à la prévarication de mes préceptes : et lors le diable prévalut, moi le permettant. Depuis, le diable et moi sommes en discorde et combattons, car je veux que l'homme vive selon mes volontés, et le diable s’efforce de faire que l'homme cherche et suive ses désirs; c’est pourquoi dès que j’ai ouvert le ciel par mon sang, le diable a été privé du droit qu’il semblait avoir, et les âmes dignes ont été sauvées et affranchies de la servitude. Lors aussi une loi a été établie qu’il fût en la volonté de l’homme de me suivre, moi qui suis son Dieu, pour obtenir la couronne éternelle; que s’il voulait suivre les désirs de Satan, qu’il souffrît les supplices éternels.

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  C’est de la sorte donc que moi et le diable nous combattons, désirant les âmes comme les époux désirent leurs épouses, car je désire les âmes pour leur départir la gloire éternelle, et le diable, pour les assaillir des peines, confusions et douleurs éternelles.

Écoutez ce que cette Reine m’a fait : j’ai permis qu’elle fût exaltée au royaume, etc.

  ADDITION.

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  Notre-Seigneur parle, disant : Écrivez qu’est-ce que fait,

  1° une pure confession de tout ce qu’on a fait, ayant une ferme volonté de s’amender selon le conseil de son confesseur.

2° Qu’elle pense diligemment en quelle manière elle a versé en son mariage et en son gouvernement, car elle me doit rendre raison de tout.

3° Qu’elle ait la volonté de satisfaire à ceux à qui elle doit, et de restituer ce qu’elle sait être mal acquis, d'autant que l’âme est en danger, tandis qu’elle est détenue, et ne profite rien de donner beaucoup, si on ne paie.

4° Qu’elle ne charge point ses sujets par ses nouvelles inventions, mais que plutôt elle les décharge, car Dieu exauce les gémissements et les cris des misérables.

  5° Qu’elle ait des conseillers justes et non cupides, et qu’à tels est le jugement, qui aiment la vérité et qui ne flattent point, qui ne se veulent point enrichir, mais sont contents du nécessaire.

6° Que tous les jours cette reine se souvienne à certain temps des plaies et de la passion de Jésus-Christ, car de là l’amour de Dieu est renouvelé dans nos coeurs.

7° Qu’elle ramasse certain temps les pauvres; qu’elle leur lave les pieds; qu’elle les réfectionne; qu’elle aime ses sujets d’une charité sincère; qu’elle accorde les dissensions, consolant ceux qui sont injustement offensés.

8° Qu’elle distribue ses dons avec discrétion et selon ses moyens, ne chargeant les unes et soulageant les autres, les enrichissant, mais sagement, relevant quelques-uns et n’opprimant personne.

9° Qu’elle ne considère pas plus l’argent des défaillants que la justice, mais qu’ayant pesé la quantité et qualité du délit, là où elle verra plus d’humanité, elle y porte plus de compassion, chassant toute cupidité.

10° Qu’elle mette toute la peine qu’elle pourra, afin que le royaume demeure en paix après sa mort, car je lui prédis qu’elle n’aura point d’enfant de son ventre.

11° Qu’elle soit contente de la couleur et beauté naturelle dont Dieu l’a ornée, car la couleur étrangère déplaît grandement à Dieu.

12° Qu’elle embrasse une plus grande humilité, et qu’elle s’excite à une plus grande contrition de ses péchés, car elle est devant moi la ruine de plusieurs âmes, une prodigue dispensatrice de mes biens, la verge et la tribulation de mes amis.

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13° Qu’elle ait la crainte continuelle dans le coeur, car il y a longtemps qu’elle avait plutôt mené la vie d’une prostituée que d’une reine.

14° Qu’elle retranche d’elle les mauvaises coutumes et les femmes adultères d’auprès d’elle, et qu’elle emploie le reste du temps, qui est bien court, à mon service, car jusques à maintenant, elle m’a tenu comme un homme qui ne penses pas à ses péchés. Qu’elle craigne maintenant et qu’elle vive en telle sorte, de peur qu’elle ne ressente la rigueur de mes jugements; autrement, si elle ne m’écoute, je la jugerai, non comme reine, mais comme apostatrice et ingrate, et la ferai fouetter de la tête jusques aux pieds, et elle sera en opprobre à moi, aux anges et aux hommes!

D’ailleurs, écrivez, dit Jésus-Christ, en petits mots ces choses : Le Saint-Esprit vous enflammera. Envoyez par mon évêque à la reine ce que vous voyez. Elle voyait en ses vêtements quelque saleté et ordure; et cette reine était ce singe qui se plaît aux mauvaises odeurs, flairant le derrière puant; et le venin est dans le coeur, y demeure, et elle se jette dans les précipices.

D’ailleurs, il lui semblait que cette reine avait une couronne d’osier toute pleine d’ordures, et qu’elle était assise nue sur une poutre qui allait tomber. Et soudain elle vit une vierge merveilleusement belle qui lui dit : Cette femme opiniâtre et audacieuse, qui semble devant les hommes la maîtresse du monde, devant Dieu est abjecte comme vous voyez. Et la Vierge ajouta, disant : O femme, pensez au commencement et à la fin; ouvrez les yeux de votre esprit, et voyez que vos conseillers haïssent mortellement votre âme.

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  Elle vit encore une autre reine qui semblait être assise en un siège doré, et deux Éthiopiens étaient devant elle, un à la droite et l’autre à la gauche. Celui qui était à la droite dit : O femme-lionne, je t’apporte le sang : prends-le et épanche-le, car le propre désir d’un lion est d’épandre le sang. Celui qui était à gauche dit : O femme, je t’apporte du feu : prends-le, car ta nature est comme de feu, et jette-le dans l’eau, afin que ta mémoire soit dans l’eau, comme elle a été en terre.

Et après apparut une Vierge d’une beauté incroyable, de la présence de laquelle les Éthiopiens s’enfuirent; elle dit : Cette femme est en danger, si elle est en prospérité; si elle est affligée, cela lui profitera beaucoup pour la vie éternelle; mais elle ne veut pas renoncer à ses volontés ni être affligée selon Dieu. Partant, si on l’abandonne à ses volontés, elle ne sera utile pour elle, ni ne servira de consolation à pas un.

Le Fils de Dieu apparut, disant : Cette femme me fait d’autres plaisirs, et partant, pour l’amour des prières de mes amis, je lui veux montrer de fuir l’opprobre des hommes et les dommages de son âme, si elle obéit; autrement, elle n’évitera point ma justice, d'autant qu’elle n’aura pas voulu ouïr la voix de son père.

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La Mère de Dieu parle de M. Gomecé à saint Brigitte, lui disant : Conseillez-lui de faire le droit et l’équité où il pourra. Que s’il sait qu’il ait des choses mal acquises, il ne retarde point de les restituer. Qu’il se donne aussi garde de n’imposer point de nouvelles charges à ses sujets; qu’il soit content de ce qu’il a, car il lui suffit, s’il le dépense avec discrétion et modération. Qu’il fuit aussi les femmes comme le venin, hormis la sienne. Qu’il ne fasse point la guerre à aucun ni n’y assiste point, sinon qu’il sache avoir juste droit et raison de ce faire. Qu’il fréquente les confessions, reçoive plus souvent le corps de Jésus-Christ, et occupe son esprit certains jours à la mémoire de la passion de mon Fils et de ses peines.

Notre-Seigneur parle d’Antoine de Carlette, disant : Dites à la reine qu’il lui permette de demeurer en son rang; que s’il monte plus haut, ce sera au dommage de son âme, et lui ni ses amis ne se réjouiront point de son ascendant. Et toutes choses sont arrivées comme elles avaient été prédites.


Chapitre 12 quelques doutes de l’archevêque de Naples

7012   Il est ici traité de quelques doutes de l’archevêque de Naples, et de la résolution d’iceux.

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  Notre-Seigneur parle à son épouse, disant : Dites à cet archevêque que, s’il veut être nommé évêque, il ne doit point imiter les moeurs et les coutumes de plusieurs de ceux qui ne sont pas recteurs de l’Église. J’ai reçu le corps de la Vierge, pour accomplir cette loi par paroles et par oeuvres, qui avait été de toute éternité établie en la Divinité, ouvrant le ciel par le sang de mon coeur, et illuminant ma voie par mes paroles et par mes oeuvres, afin que tous se servissent de mon exemple pour gagner la vie éternelle. Mais de vrai, les paroles que j’ai dites et les oeuvres que j’ai faites au monde, sont comme oubliées et négligées au monde, au mépris desquelles nul n’a tant contribué que les prélats de l’Église, qui sont pleins de superbe, de cupidité et de pourriture, de dilection corporelle, lesquelles choses sont contraires à mes commandements et aux décrets honnêtes de mon Église sainte, que mes amis ont établie avec grande dévotion après mon ascension, ayant accompli mes volontés au monde; car ces mauvais prélats de mon Église, remplis de la malignité de l’esprit malin, ont laissé aux hommes des exemples pestifères et mortifères des âmes, et partant, il faut que j’exige d’eux la justice tout entière, faisant sur eux des jugements rigoureux, les effaçant du livre de vie dans le ciel, et les plaçant, dans les abîmes infernaux, auprès de Lucifer, pour y être tourmentés éternellement. Or, vous devez savoir que quant à ceux qui se voudront amender avant la mort, m’aimant de tout leur coeur, et qui se garderont des péchés, je serai tout prêt à leur faire miséricorde.

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  Dites-lui donc quasi de votre part ces paroles : Monsieur, il arrive quelquefois que, d’une noire cheminée, sort une belle fumée, utile et grandement nécessaire pour faire de belles et excellentes oeuvres, et néanmoins, il ne faut pas alors louer la cheminée à raison de la noirceur, mais la louange, l’action de grâces et l’honneur sont dus à l’ouvrier de ses oeuvres. Semblablement c’est une chose indigne de trouver quelque utilité en mes conseils, d'autant qu’alors ce n’est pas à moi, mais à Dieu, qui a fait toutes choses et qui a la parfaite volonté de bien faire, qu’il faudra rendre grâces infinies et un service amoureux. Monsieur, je commence à vous parler des choses qui touchent le salut de plusieurs, vous conseillant, si vous voulez avoir l’amitié divine, de ne promouvoir point aux ordres sacrés, ni par vous ni par les autres, ceux qui n’auront point été examinés très exactement; il faut qu’ils soient trouvés capables en vie, science et moeurs, afin qu’ils puissent dignement s’acquitter de leur office, et que ce témoignage vous en soit rendu par des personnes sages, pieuses et dignes de foi, prenant garde que tous les autres évêques de votre archiépiscopat en fassent de même, car personne ne saurait croire combien grande est l'indignation divine contre les évêques qui promeuvent aux ordres ceux qu’ils n’ont pas diligemment examinés. Que s’ils font cela à la supplication des autres, soit par négligence et paresse ou par crainte de déplaire, ils rendront au jour du jugement rigoureusement raison de ce fait.

Je vous conseille aussi de savoir combien et quels sont ceux qui ont charge des âmes en votre diocèse, et que, pour le moins une fois l’an, vous les convoquiez devant vous, et que vous traitiez avec eux, tant du salut de leurs âmes que de celles qu’ils gouvernent. Que si tous ne peuvent en même jour s’assembler, donnez-leur un temps et jour fixes où tous les ans ils viennent à vous, de sorte que pas un ne puisse s’excuser en l'année de prendre conseil de vous; que vous leur prêchiez aussi quelle vie doivent mener ceux qui ont un office si digne.

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  Sachez aussi que les prêtres qui ont des concubines et célèbrent les messes, sont autant agréables à Dieu que les habitants de Sodome, que Dieu a submergés en enfer; et bien que la messe soit la messe en soi, et de même vertu et efficacité, néanmoins le baiser de paix que tels prêtres donnent en la messe, est autant agréable à Dieu que le baiser de Judas, par lequel il trahit le Sauveur de tout le monde. Partant, autant que vous pourrez, retirez-les de ce bourbier par paroles douces, par paroles dures, par menaces et par punition; oui, efforcez-vous de les retirer de ce bourbier, afin qu’ils s’efforcent de mener une vie chaste, puisqu’ils doivent toucher un si saint et si auguste sacrement, et l'administrer de leurs mains aux fidèles chrétiens.

D’ailleurs, avertissez les autres prélats, chanoines et prêtres qui sont sous le régime de votre église, de se corriger, ni que personne ne croie pas qu’ayant évité la sodomie, la fornication leur soit permise, car les uns et les autres seront condamnés aux supplices éternels.

Je vous conseille aussi que le train de votre famille ne soit point trop grand pour avoir de la vanité, mais qu’il soit modéré selon la nécessité du gouvernement de votre office et selon que votre état l'exige. Partant, les prêtres qui seront en votre compagnie, ayez-les plutôt pour rendre bon témoignage de vous, que pour la pompe et vanité, et qu’ils soient plutôt en petit nombre qu’en grand. Quant aux prêtres qu’on nourrit pour chanter l’office divin, ou pour apprendre, ou pour enseigner aux autres, ou pour écrire, ayez-en tout autant qu’il vous plaira; et il est très`-expédient que pour ceux-ci, vous ayez un soin particulier de leur correction et du salut de leur âme.

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Que vous preniez aussi garde à ce que chacun de vos serviteurs aient son office. Que s’il y en a de superflus pour la vanité, qu’on les renvoie, de peur que votre coeur ne soit élevé, ayant une plus grande famille que vos ancêtres. Quant à ceux que vous tenez plus familiers, il faut que vous songiez incessamment au salut de leurs âmes, sondant avec soin comme un vrai père de famille leurs actions, leur vie, corrigeant leurs moeurs, les réglant et les dressant comme un bon père de famille, afin qu’ils apprennent à fuir le vice, à embrasser la vertu et à aimer Dieu sur toutes choses. De fait, il est plus agréable à Dieu et plus utile à vous que vous n’ayez aucun familier en la maison, s’il ne veut acquiescer à vos saints et salutaires conseils ni amender ses fautes.

Quant aux vêtements, je vous conseille de n’en avoir jamais que trois paires à la fois et de donner tout le superflu à Dieu. Quant aux lits, aux meubles et à tout ce dont il est besoin pour la table, il faut que vous en ayez seulement le nécessaire et l'utile, et que vous donniez le reste à Dieu. Quant à la vaisselle d’argent, n’en retenez que le nécessaire, et non le vain, et de ceux qui mangent à votre table.

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  Tout ce qui sera superflu, donnez-le d’un esprit gai à Dieu, car ceux qui sont hors de votre table peuvent manger en vaisselle d’étain, de terre, de bois ou de verre, sans honte, car la coutume qui est maintenant en la maison des évêques, où l’or et l'argent abondent trop, est grandement abominable devant Dieu, qui s’est soumis à toute sorte de pauvreté pour l'amour de nous, voyant que la superfluité était grandement dommageable aux âmes. D’ailleurs, donnez-vous garde de la pluralité des mets et de la friandise exquise d’iceux, de la vanité des chevaux de grand prix, mais contenez-vous dans la modestie de leur prix, car ces chevaux ne sont nécessaires qu’à ceux qui combattent pour la défense de la justice, pour la protection de la vie, et non pour la superbe; mais que, pour les saintes fins, ils s’exposent aux dangers de la vie, car je vous dis que les prélats qui montent de grands chevaux pour leur superbe et vaine gloire, tout autant de fois le diable monte sur leur coeur. Je sais en effet une personne qui vit des diables comme des Éthiopiens, qui, quand les prélats et cardinaux levaient les pieds par esprit de superbe pour monter sur leurs grands chevaux, levaient et haussaient les pieds sur le col, y montaient et s’y asseyaient par dérision; et toutes fois et quantes que ces prélats piquaient de leurs éperons leurs chevaux par vanité, tout autant de fois les Éthiopiens, levant leur tête de joie et contentement, poussaient et excitaient leurs coeurs au mal.

Je vous conseille encore de faire que vos vicaires promettent par jurement que, de la part de votre office, ils ne feront rien contre votre justice. Que s’ils contreviennent à leur jurement, punissez-les selon la justice. Que si vous faites comme il a dit, vous aurez votre conscience en bon état.

Je vous conseille encore, pour la consolation des âmes de vos défunts, sur lesquelles vous m’avez interrogée, pour savoir si elles étaient en purgatoire ou non, et quelles aumônes il fallait faire pour elles : je vous dis que vous devez faire dire tout un an deux messes tous les jours, et que vous réfectionniez deux pauvres aussi tous les jours, et donniez toutes les semaines un florin de monnaie aux pauvres.

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  Dites aussi aux prêtres qu’ils corrigent leurs paroisses pour les manifester; que s’ils ne veulent les corriger, corrigez-les vous-même. Or, si vous en connaissez quelques-uns qui agissent contre Dieu et qui manquent manifestement contre la justice, quand ils seraient les plus grands tyrans, de sorte que vous ne pourriez exercer la justice, dites-leur lors doucement et prudemment qu’ils se corrigent; que s’ils ne veulent obéir, laissez-les au jugement de Dieu, qui regardera votre bonne volonté, car il ne faut pas qu’un agneau doux montre les dents contre les loups furieux, car le loup se rendrait plus farouche; néanmoins on doit les protéger contre le danger de leur âme avec amour et charité, comme le père fait à ses enfants quand ils lui sont contraires, car vous n’êtes pas tenu de laisser les corrections pour la crainte de votre corps, si ce n’est que le danger des âmes ne s’ensuivît.



Révélations de Sainte Brigitte de Suède 7005