Révélations de Sainte Brigitte de Suède 8005

Chapitre 5. Des conseils que Jésus-Christ, souverain Empereur, donne aux rois.

8005 Des conseils que Jésus-Christ, souverain Empereur, donne aux rois.
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  Le Fils de Dieu parle à son épouse ; Il est écrit d’un roi que, ne pouvant dormir, il se fit apporter les anales ou chroniques. De même, que le roi pour lequel vous me priez (d’autant qu’il est enfant ), se fasse lire les oeuvres et les exemples des saints, les beaux faits des hommes généreux, par lesquels son esprit sera excité à Dieu, et il apprendra comment il peut s’occuper en d’honnêtes soulagements de son royaume. D’ailleurs, je lui établis deux amis qui lui soient comme deux mères : de l’un, il en aura le lait et le pain, et de l’autre, le vin et la médecine. Le premier lui montrera comment et en quoi il pèche ; comment il faut satisfaire pour les fautes ; comment il pourra être consolé en tribulation ; comment, quand je serai courroucé, il me pourra apaiser. Du second il recevra la sapience ès choses douteuses, la solution des mystères, et la prudence de régir et défendre son royaume.

Si donc il obéit à ces choses, il profitera, devant Dieu, à soi et aux hommes. Qu’il obéisse néanmoins à ces deux, sans mépriser le conseil des autres ; mais qu’avec ces deux, il écoute le conseil de plusieurs, et qu’il choisisse avec la meilleure délibération.

Chapitre 6. L’Empereur Jésus-Christ enseigne aux rois d’aimer leurs sujets.

8006 L’Empereur Jésus-Christ enseigne aux rois d’aimer leurs sujets.
  Le Fils de Dieu parle à son épouse : J’ai dit ci-dessus que le roi doit aimer son peuple et le bien commun de son royaume : or, lors il montre qu’il l’aime, quand il lui permet l’usage des lois approuvées, si sur le peuple et sur le commun ne dominent exacteurs cruels et collecteurs avares ; si le peuple n’est chargé de nouvelles inventions et impositions de tributs ; s’il n’est chargé de logements inaccoutumés. Le roi peut pourtant, pour l’extirpation des infidèles, demander secours au peuple et aux communautés du royaume, s’il en a besoin, mais qu’il prenne garde que cette nécessité-là ne devienne une loi et une coutume.

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  Que le roi s’étudie aussi à bannir toutes les coutumes contraire qui nuisent au salut des âmes, et nommément celle-là qui est abolie depuis longtemps, qui contient que, quand les navires sont en péril, par la tempête et l’orage, au rivage où sa puissance s’étend, le maître du navire et de la marchandise sera privé des biens qu’il aborde à son port. Oh ! Qu’impie est cette cruauté, quand on ajoute affliction à affliction ! Certainement l’affligé se contente d’une seule affliction, qui est de perdre son navire, sans que le reste des biens soit encore perdu.

Donc, que le roi arrache les pernicieuses et injustes coutumes de son royaume, et il trouvera devant mes yeux une plus grande grâce et un plus grand profit.


Chapitre 7. En quoi les rois doivent principalement aimer Notre-Seigneur.

8007   Le Fils de Dieu parle à son épouse d’un roi de Suède, disant : Si ce roi me veut honorer….etc., qu’il fasse ce qui est écrit au Livre IV, Chap. XLVIII.


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Chapitre 8. Jésus-Christ commande aux rois d’élire des reines dévotes à son exemple.

8008   Le Fils de Dieu dit à sa Mère, la Sainte Vierge : Je suis couronné Roi en ma Divinité, sans commencement et sans fin, et ma couronne n’a ni commencement ni fin, signifiant ma puissance, qui n’a eu ni commencement ni n’aura point de fin ; mais j’ai une autre couronne gardée en moi, laquelle n’est autre que moi-même, etc. (Cherchez le reste de ce Chap. au Livre V, après l’interrogation IX. )

Chapitre 9. D’une reine nouvellement épousée, et de son fruit.

8009   Jésus-Christ parle à l’épouse d’une reine que le roi avait épousée, bien qu’elle fût issue d’une race damnée par l’Eglise, et encore avant l’âge requis pour le mariage, disant : Ecoutez, ô ma fille, et sachez qu’en tout mariage chrétien, on doit avoir l’âge et le consentement légitime. Mais en ce mariage, il n’y a rien de cela, et partant, ce mariage est semblable à la poupe d’un navire et aux jouets des enfants, d’autant que, par ceux-ci, on ne cherche que la gloire temporelle, et non la loi chrétienne et l’honneur de Dieu. Partant, de ce mariage sortira la tribulation, et non la paix du royaume ; et bien que cette nouvelle reine, fille de parents damnés par l’Eglise, ne portera point l’iniquité du père, néanmoins il ne sortira jamais au peuple de fruit salutaire, du sang qui m’à provoqué à colère.
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  C’est pourquoi Isaac averti son fils de prendre femme de son sang, de peur qu’il ne fût contaminé par le peuple qui avait irrité Dieu.

Chapitre 10. De l’avertissement salutaire que la Mère de Dieu donne à une reine.

8010   La Mère de Dieu parle à l’épouse, lui disant : Dites à la reine que moi, Mère de miséricorde, l’ai reçue comme le noyau d’une pomme rongée, qui n’était pas belle à voir, mais fort amère au goût et difficile à avaler. Néanmoins, je l’ai transplantée en une terre éloignée, afin qu’elle m’apportât un bon fruit. Donc, com-me les arbres portent d’eux-mêmes feuilles, fleurs et fruits, de même elle doit apporter des feuilles de vertu, savoir, oyant franchement la parole divine, qui est utile à l’âme et est semblable à la feuille des arbres. Qu’elle parle aussi de ce qui honore Dieu et réussit à l’utilité du prochain, car lors elle porte de belles fleurs. Qu’elle aime aussi Dieu et le prochain, et lors elle aura un très bon fruit. Qu’elle ne parle pas franchement des cajoleries ni des choses qui contribuent à l’honneur mondain, et partant, qu’elle se convertisse à moi, prêtant l’oreille à mon Fils, écoutant sa parole et faisant des oeuvres de charité. Ce fruit-là lui est à goût, c’est-à-dire, son âme lui agrée, laquelle il désire avoir et aisément posséder.


p 106

Chapitre 11. Jésus-Christ réprouve un voeu fait sans conseil.

8011   Après qu’un roi et une reine eurent eu deux enfants, ils firent voeu de chasteté et de continence entre eux, sur quoi l’épouse fut requise de prier Dieu. Jésus-Christ lui apparut et lui dit : l’Ecriture dit que l’homme ne présume de séparer ce que Dieu a conjoint, car quel sera celui qui osera changer ce qui est raisonnablement approuvé par la loi divine et est saint ? Néanmoins, pour juste raison, le bien charnel se peut changer en un bien spirituel, et lors ce n’est pas défaire le mariage, mais le transférer, quand deux consentent en un meilleur bien par charité, avec une mûre délibération et conseil. Mais ce roi et cette reine ont consenti en un bien apparent, mais non discret et solide, car l’une des parties a consenti à ce voeu par une ferveur commençante, indiscrète et par légèreté d’esprit ; l’autre par quelque complaisance, par un mouvement subit et pour éviter les douleurs. Partant, il est plus assuré et plus louable de retourner à la première loi du mariage, de peur que, s’ils continuent indiscrètement, les tentations croissent et que la plénitude du consentement y intervenant, il ne sorte de là un plus grand mal et occasion de médisance. Or, qu’en ceci, ils se comportent selon le conseil des plus sages, car il n’est pas péché de rétracter sagement ce qui a été commencé et attenté indiscrètement.


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Chapitre 12. Avertissement salutaires pour les rois et pour les reines.

8012 Le Fils de Dieu parle à son épouse : Quand une arête est près du coeur, il ne faut pas tout subitement l’arracher, mais il la faut couper peu à peu : de même si la femme est bonne, il la faut aimer, mais elle est empêchement à l’homme qui tend à la perfection. Partant, il faut que, quand l’homme qui est lié à une femme par le mariage, voit le danger, la flatte avec des parole douces à la manière d’un qui avertit ; quelquefois il doit en user avec plus de sévérité à la manière d’un docteur, d’autre fois comme un médecin qui tranche et coupe, car il faut sagement écouter une femme, afin de la consoler prudemment et la reprendre secrètement, de peur qu’elle ne soit méprisée ; quelquefois il la faut instruire honnêtement, et quelquefois il ne la faut point ouïr, de peur qu’on quitte la justice. Partant, l’humilité de l’esprit appartient à la reine ; la modestie découvre la prudence en l’action et la compassion des misérables, car par la prudence d’une femme (1), David a été apaisé, afin qu’il ne se portât à la vengeance. Par l’humilité, Esther est parvenue à la royauté et y persévéra ; mais Jézabel a été abaissée par sa superbe et sa cupidité, et Marie, ma Mère, à raison de sa compassion et de sa charité, a été faite Mère de tous au ciel et en la terre. Partant, cette reine pour laquelle vous priez demande par vous un conseil. Répondez-lui de ma par, et dites-lui qu’elle a quelques inspirations et quelques suggestions de deux esprits, du bon et du mauvais, que je vous montrerai une autre fois.

  (1) Abigail.

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Chapitre 13. Ici sont manifestées les choses que dessus.

8013   Jésus-Christ parle à l’épouse, disant : les inspirations et les suggestions viennent de deux esprits dans les coeurs : du bon et du mauvais. Le bon esprit suggère à l’homme les pensées du ciel et de n’aimer la terre ; l’esprit mauvais pousse l’homme à l’amour des choses présentes que l’homme voit, de rendre légères ses fautes, d’alléger ses infirmités, et propose pour cela les exemples des infirmes. (Voyez ce qui reste au Livre IV, Chap. IV.)

Chapitre 14. De l’estime que la reine doit avoir du conseil susdit.

8014   Notre-Seigneur Jésus-Christ parlait à son épouse de la reine susdite, disant : Cette reine m’a demandé conseil par vous, et ayant ouï le conseil que je lui avais donné, il lui semble trop dur ; et partant, dites-lui que, du temps d’Elie, le prophète, il y avait une reine (1) qui aima plus son repos que moi, qui poursuivait et contrariait toujours les paroles de vérité, et croyait subsister par sa prudence. Partant, il arriva que, non seulement elle fût méprisée de tous, comme auparavant elle était honorée, mais elle mourut d’une mauvaise mort. Et partant, moi, Dieu, qui voit clairement les choses futures, je dis maintenant à cette reine que son temps est court. Le compte qu’elle me doit rendre au jour du jugement est grand, et sa fin ne sera pas comme son principe, si elle n’obéit à mes paroles.

  (1) L’impie Jézabel.


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Chapitre 15. De deux chariots mystiques,

8015   Sainte Agnès apparut à l’épouse de Jésus-Christ, et lui parla de quelque reine superbe et pompeuse, disant ; Vous avez vu, ô ma fille, cette dame superbe sur le chariot de superbe……. (Voyez le reste au Livre IV, Chap. XVII.)


Chapitre 16. Jésus-Christ défend à un roi de prendre un adulateur et trop subtil.

8016   Le Fils de Dieu, parlant à son épouse d’un homme trop subtil et adulateur qu’un roi voulait élever et recevoir pour son conseiller, lui dit : Cet homme que vous connaissez, que maintenant le roi veut prendre pour conseiller, est un loup. Et que fera-t-il donc autre chose que ravir, avaler et tromper ? Partant, je vous dis que si le roi désire trouver mon amitié, il s’en donne garde et se retire de son amitié et de sa conversation ; qu’il ne lui donne pas un pas de terre qu’il lui demande ; qu’il ne l’aide ni avec des présents ni avec des hommes. Il a la laine de la brebis, mais une soif inextinguible et un venin de tromperie sont en son coeur. Que si le roi entend ses conseils et prend son amitié, il se perdra avec lui, et se confiant en lui, il sera réprouvé de moi, et sera en proverbe ridicule à plusieurs qui diront : Voici un roi plus semblable à un âne couronné qu’a un prince. Et aussi il est à craindre qu’il ne perde le royaume avec douleur.

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  Cette dame qui m’était auparavant si chère m’a maintenant tourné le dos ; elle désire et cherche d’avoir des enfants du sang de ce loup, contre ma volonté et mes paroles : partant, sachez pour certain qu’elle ne ce réjouira pas de ce fruit, et cette extraction ne donnera pas de profondes racines, ni les habitants ne se réjouiront de l’héritier, car le roi n’a pas gardé la justice à son royaume, puisque le moindre a supplanté le plus grand.


Chapitre 17 Jésus-Christ défend à un roi de prendre un homme étranger.

8017   Jésus-Christ défend à un roi de prendre un homme étranger.

Notre-Seigneur parle à son épouse, disant. Le roi cherche le secours et l’amitié du renard. Mais quelle est la coutume du renard, sinon feindre d’être mort, afin de ravir les oiseaux simples ? S’il entre où sont les oies, il ne se contente pas d’en manger une, mais il les tue toutes. De même en fera celui-ci : s’il peut une fois posséder un peu de terre, il n’aura pas de repos qu’il n’en possède davantage, et lors il sèmera au loin et au large de grandes dissensions, car ceux du royaume ne s’accordent point avec les étrangers. Partant, qu’on fuie sa conversation comme le sifflet d’un serpent vénéneux, car s’il s’avance davantage, il mettra le royaume en ruine et plumera les oisons simples.

p 111

  Que les conseillers du royaume et le roi s’efforcent que l’argent qui lui est dû à raison de la dot, lui soit payé, car, selon la maxime commune, il vaut mieux être sage avant la chute qu’après la ruine.

Le Fils de Dieu dit encore : Quelques-uns de la semence du renard et de la visière ont élevé la tête ; ils savent plumer et blesser, mais non pas guérir, ce qui ne leur réussira pas à joie ni en l’augmentation de la justice, car cette race me déplaît, et ses commencements joyeux seront étouffés par une fin douloureuse.


Chapitre 18 De deux bons conseillers que Jésus donne à un roi.

8018   De deux bons conseillers que Jésus donne à un roi.

  Le Fils de Dieu parla à l’épouse qui priait pour un roi, et lui dit : Si ce roi veut travailler à la conversion des âmes, il doit choisir deux conseillers qui, par ordonnance, régissent le royaume. Le premier que je lui veux donner m’aime plus que soi-même et tout ce qui le touche ; il est aussi prêt à mourir pour l’amour de moi. Le deuxième s’est uni à la force de l’agneau ; il est disposé à m’obéir en tout, et non à la chair, mais bien à l’esprit.

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  Mais vous me pourriez demander pourquoi j’expose mes amis à la tribulation. Je vous réponds par un exemple : Il y avait un seigneur qui avait un grand bois ou un désert environné de murs, où il y avait des animaux indomptables, et hors de la muraille, des brebis. Les murs avaient plusieurs ouvertures, et auprès de chaque ouverture, il y avait deux espaces, et auprès de chaque espace, trois trous secrets.

Or, ce maître, étant soigneux de ses brebis, dit à ses serviteurs : Vous savez que mes brebis sont simples et que ces bêtes ravissent. Partant, garder les ouvertures, de peur que les bêtes farouches, sortant de leur parc, leur nuisent. Ne vous fâcher pas au labeur ; ne soyez point paresseux à veiller ; que votre voix soit comme une trompette ; que votre bâton soit incessamment en vos mains, afin que, quand les bêtes dévorantes s’approcherons des brebis, elles soient épouvantées.

Les serviteurs donc, ayant reçu le commandement de leur maître, obéirent librement. Enfin le seigneur, ayant appelé son chasseur, lui a dit : Entrez en mon bois avec les chiens, et faites que les animaux oient la voix de la trompette, et épouvantez-les de votre clameur.

Les serviteurs donc, oyant le son de la trompette, dirent : Voici que c’est la voix du chasseur de notre maître : levons-nous donc à la hâte ; n’ayons pas maintenant crainte ni paresse. Que notre main soit maintenant prompte à frapper, notre voix à crier, nos yeux vigilants pour la défense des brebis.

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  Moi, Dieu, je suis semblable à ce seigneur. Ce bois ou ce désert, c’est le monde, qui foisonne en animaux farouches et indomptables, c’est-à-dire, en hommes sans loi, sans charité, sans sentiment de Dieu, disposés à faire toute sorte de maux. Le mur d’une excessive présomption et obstination environne et clôt ce monde. Les hommes abusent de la patience de Dieu, et avançant en mal, s’endurcissent. Hors de ce mur sont mes amis, embrasés des feux de mon amour, qui suivent mes traces et cherchent ma pâture.

Entre la clôture de la muraille sont ceux dont les cupidités sont sans bornes, qui préfèrent la créature au Créateur, qui aiment le corps et non l’âme, aspirent aux choses présentes, et non aux futures.

Les ouvertures de ce mur sont les fraudes, les déceptions, simonies et malices de ceux qui n’obéissent ni au Père ni au Fils. Cette maladie trop funeste domine maintenant en plusieurs, et on répute que c’est la souveraine félicité d’obtenir le temporel et ne se soucier de l’éternel.

Les deux espaces qui sont auprès des ouvertures sont deux abus dans le monde, ou deux maux : le premier est donner aux autres occasion et exemple de pécher par paroles et par oeuvres : le deuxième est corporel, qui se partage en deux chefs : le premier est dissimulation du péché qu’il fallait corriger, et ce à raison des faveurs et des honneurs présents, ou bien pour la crainte mondaine ; le deuxième est ne vouloir point punir le péché manifeste pour l’utilité propre ou pour quelque respect mondain.

Les trois trous cachés sont les trois affections des malins, car ou ils désirent de nuire à la vie du prochain, ou le déroger à l’honneur, ou de porter dommage en ses biens ou en celui de ses amis.

p 114

  Le chasseur signifie la justice de Dieu qui se manifestera, la voix de laquelle sera : Donnez aux endurcis des choses dures, et aux mols des choses molles. Les chiens qui suivent sont les hommes d’iniquité, desquels, bien qu’ils soient mauvais, Dieu se sert pour le bien, non pour eux, mais pour ceux qui en doivent être purifiés. Ceux-là donc sont comme des chiens insatiables, qui s’accoutument à haïr les brebis, à les frapper et à les pousser avec les dents de leur superbe, à leur arracher inhumainement leur toison, à les fouler aux pieds ; et parce que le royaume de ce roi est du désert, et que ce bois a des bêtes farouches et indomptées plus que de brebis, c’est pourquoi j’établis mes amis pour gardiens de mes brebis, qui seront disposés à faire miséricorde aux humbles, justice aux endurcis, et à tous le droit de l’équité.

Au reste, que mes amis se donnent garde de ces gardiens, qui, demeurant auprès des ouvertures et ayant des lances en leurs mains, les suspendent, afin que, les bêtes et les ennemis étant passés, ils frappent fort la terre, voulant signifier qu’ils se sont fortement opposés à la sortie, car ceux-ci sont des gardiens qui ne cherchent point les âmes, mais l’utilité temporelle, qui dissimulent les péchés et les reprennent doucement, et s’endorment à la recherche, afin de plaire. Mais que mes fidèles amis travaillent soigneusement à ce que la justice soit observée et gardée, que le bien commun soit aimé, que l’honneur de Dieu soit augmenté, et que les rebelles et les impies soient punis. Mais il n’est pas licite de savoir si la voix de ma justice viendra en ces jours, mais qu’ils soient fermes et qu’ils crient généreusement, car moi, Dieu, la vérité, je leur donnerai la récompense de vérité.


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Chapitre 19. Pourquoi la Saint Vierge en parlant dit nous, et Jésus-Christ dit je, et des avertissements à un roi.

8019 Pourquoi la Saint Vierge en parlant dit nous, et Jésus-Christ dit je, et des avertissements à un roi.

La Mère de Dieu parle à son épouse, disant : Vous admirez pourquoi je dis quelquefois nous quand je vous parle, et pourquoi, quand mon Fils vous parle, dit je. Sachez que je sais cela : car quand mon Fils parle, il vous parle de la part de la Divinité, d’autant que l’auguste et adorable Trinité est un Dieu. Mais quand je parle, je vous parle en vertu de la même Trinité, et le Verbe des trois personnes, c’est un même Verbe, c’est pourquoi je dis nous. Dites donc à ce roi pour lequel vous me priez maintenant, que la Mère de charité l’avertit de la honte, pudeur et sien dommage, car ce serait une honte si le Seigneur mettait en son lieu le serviteur. Or, il serait dommageable si quelqu’un changeait un coffre plein d’or avec un vide ou de peu de valeur : de même ce roi propose de l’autel un serviteur du diable, désirant lui obéir, ce qui est une honte spirituelle : partant, je jure que mon Fils Jésus que s’il ne le chasse avec le conseil des sages, le faisant homme simple selon son sang, ne lui donnant aucune puissance ni une obole pour tout, de ce qui est royal, je le fouetterai depuis la tête jusques aux pieds, jusques à ce qu’il disent de douleur : Marie, ayez miséricorde de moi, car je vous ai provoquée à colère. En second lieu, je vous avertis du dommage, savoir, qu’il ne cherche pas tant un petit repos, de peur de perdre le long repos et de trouver l’inquiétude éternelle, mais que plutôt il travaille soigneusement et fortement en la divine charité, afin d’obtenir cet or précieux et éternel. Que s’il ne veut obéir comme mon Fils le lui avait dit, qu’il le laisse, car nous trouverons bien les voies par lesquelles il pourra se retirer des choses commencées sans opprobre et dommage du monde.

p 116

Chapitre 20. De qui il faut prendre conseil.

8020 De qui il faut prendre conseil.

  La Mère de Dieu parle à son épouse, disant : Dites au roi pour lequel vous priez qu’il a cinq serviteurs, le premier desquels est aveugle. Néanmoins, il y a un certain sujet et matière dont on peut faire une bonne image : partant, on ne doit point prendre conseil d’un enragé avant qu’il ait la vue claire.

Le deuxième est sourd, car la divine charité n’entre point en ses oreilles : partant, il ne faut point conférer avec lui des choses spirituelles, si ce n’est qu’il ait une ouïe meilleure.

Le troisième serviteur est muet, d’autant que l’amour divin n’est point en son âme : partant, tout ce qu’il dit est pour la crainte de la peine, ou pour le lucre du monde, ou pour plaire.

Le quatrième serviteur est un lépreux spirituellement : partant, il faut fuir sa présence, de peur que les autres ne soient entachés.

Le cinquième est paralytique en tous ses membres : partant, il est inhabile aux oeuvres spirituelles.

Pour ces cinq serviteurs que nous lui persuadons de laisser, nous lui en conseillons cinq autres qui voient bien, oient spirituellement et sont sans tache spirituelle, auxquels s’il consent, il aura l’amitié de mon Fils. Elle lui dit d’ailleurs qu’il arrête en sa couronne avec obéissance, autrement mon Fils l’appellera sous la couronne. Je vous appliquerai ceci en son temps.

p 117


Chapitre 21. Comment les rois doivent reprendre ceux qui offensent Dieu.

8021   Comment les rois doivent reprendre ceux qui offensent Dieu.

  Le Fils de Dieu parle à son épouse : pourquoi vous troublez-vous que j’aie supporté si patiemment celui qui se moquait de moi ? Ne savez-vous pas qu’il est dur et amer de brûler éternellement ? Car là où on sème diverses couleurs, si on les moissonne avant le temps, elles ne sont pas si fortes pour donner les couleurs, qu’elles le seraient si elles étaient cueillies en leur saison : de même mes paroles, qui doivent être manifestées avec justice et miséricorde, doivent croître jusques à la parfaite maturité, et lors elles conviennent mieux à ce qu’on les applique, et elles dépeindront mieux l’excellence de ma vertu. Partant, que le roi prenne garde que son âme ne réponde pour l’âme de celui qui se moque de moi, car il le devait punir pour l’honneur de Dieu, et afin qu’il ne fût puni de Dieu comme fit Moïse ; car de la sorte, la couronne lui sera redoublée, d’autant qu’il a apaisé l’ire de Dieu, et parce qu’il admire le jugement du défaillant, afin qu’il ne fût puni éternellement. Mais quand à celui qui dissimule de corriger les défaillants, la peine lui sera redoublée, savoir, augmentant la peine future et en n’exerçant pas la justice.

p 118


Chapitre 22. De l’avertissement donné au roi de Cypre.

8022   De l’avertissement donné au roi de Cypre.

  Notre-Seigneur Jésus-Christ parle, par son épouse, à l’enfant de douze ans du roi de Cypre et à son oncle, prince et gouverneur du royaume susdit, disant à son épouse : Ecrivez-leur comme de votre par. (La lettre est au Livre VII, Chap. XVIII, touchant le confesseur. )


Chapitre 23. De l’amendement sans délai de ceux de Cypre.

8023   De l’amendement sans délai de ceux de Cypre.

  Sainte Brigitte, étant en extase, suspendue en la contemplation, voyait en esprit un palais d’une incompréhensible grandeur et d’une beauté admirable ; et là, elle voyait Jésus-Christ, souverain Empereur, entre les saints, et un trône élevé…., etc. (Voyez Livre VII, Chapitre XIX. )


Chapitre 24. Que les rois doivent ouïr le conseil des humbles, bien qu’ils ne soient éloquents.

8024 Que les rois doivent ouïr le conseil des humbles, bien qu’ils ne soient éloquents.
  Le Fils de Dieu dit à son épouse : Un médecin vint en une région éloignée et inconnue en laquelle le roi ne gouvernait pas, mais était gouverné, car il avait un coeur de lièvre ; et partant, étant assis au trône royal, il paraissait au peuple comme un âne couronné, et son peuple s’amassait aux banquets. (Voyez le reste au Livre III, Chap. XXXI.)

p 119

Chapitre 25.

8025 (Voyez ce chapitre au Livre IV,Chap. I.)

Chapitre 26.

8026 (Voyez ce chapitre au Livre IV, Chapit. CIV.)

Chapitre 27.

8027 (Voyez celui-ci au Livre IV, Chap. CIV.)

Chapitre 28.

8028 (Lisez tout ce chapitre au Livre IV, Chap. CV. )

Chapitre 29.

8029 (Voyez ce chapitre au Livre VI, Chap. XCV. )

Chapitre 30.

8030 (Voyez-le aussi au Livre VI, Chap. XXVI. )


Chapitre 31. D’un roi et d’une reine qui changeaient les bonnes moeurs.

8031 D’un roi et d’une reine qui changeaient les bonnes moeurs.
p 120

  Lorsque je priais, je vis en esprit le ciel quasi en trouble, et le soleil et la lune reluisants en une sérénité très claire, la lumière desquels s’étendait au delà du ciel. Et lorsque je considérais attentivement, je vis que les bon et mauvais anges bataillaient contre le ciel ; mais ils ne purent les surmonter, jusques à ce que le dragon grand et horrible montât au ciel, à qui le soleil et la lune donnèrent la puissance et la clarté. Et soudain le ciel a été pâle et noir, et la lune s’est enfuie sous la terre. Mais quand je regardai la terre, je la vis toute pleine de reptiles et de serpents qui mangeaient la superficie de la terre et tuaient les hommes avec leurs queues, jusques à ce que le soleil fût tombé dans l’abîme ; et le lieu de la lune n’a plus été trouvé.

Or, après ceci, onze ans s’étaient écoulés, j’ouïs la voix de Dieu qui me disait : Souvenez-vous, ô épouse, de ce que je vous ai montré, en la cité Stoecholive, le ciel troublé ; maintenant je vous montrerai ce que cela signifie. Le ciel que je vous ai montré signifie le royaume de Suède, car ce royaume devrait être quasi céleste, pacifique et juste, mais hélas ! il est maintenant agité par les vents des tribulations ; il est foulé d’iniquités et d’exactions, ni n’est point de merveilles, car le roi et la reine, qui reluisaient comme le soleil et la lune, sont maintenant noircis comme des charbons, d’autant qu’ils sont changés en leurs moeurs et volontés, car ils ont élevé un homme de la race des vipères, afin de fouler mes amis simples. Partant, sachez que ce prêtre, qui est un dragon confus, descendra plus qu’il ne montera ; et mes amis, desquels la vie est comme la vie des anges, entre lesquels aussi il y en a quelques-uns qui sont d’une sale et méchante vie comme les mauvais anges, qui en seront dispensés, seront élus et affranchis des tribulations. Mais le soleil pâlira jusques à ce qu’il vienne sous la couronne, puisqu’il n’a voulu justement vivre en la couronne, et on dira de lui que ses ténèbres se sont multipliées selon la grandeur de votre splendeur.

p 121


Chapitre 32. De la création des chevaliers.

8032 De la création des chevaliers.

Notre-Seigneur Jésus-Christ parlait à son épouse ; il lui disait entre autre choses : Ecoutez, et sachez que l’état des hommes laïques était bien rangé autrefois. En effet, quelques-uns labouraient la terre et y étaient assidus ; les autres parcouraient les mers, allaient aux marchandises et transportaient en d’autres régions, afin que la fertilité d’une région aidât à la stérilité de l’autre. Les autres s’occupaient aux ouvrages manuels et à divers arts et artifices. Entre ceux-ci il y avait quelques défenseurs de la foi et de l’Eglise, qui sont appelés curiaux ou porte-épée, d’autant qu’ils avaient pris les armes pour la vengeance des injures qu’on fait à l’Eglise sainte et à la foi, et pour combattre et abattre les ennemis de Dieu.

Entre ceux-là apparut un bon homme et mon ami, qui ruminait ces pensées en son esprit : Je ne laboure point la terre, comme un laboureur : je ne cingle pas sur la mer ; je ne m’occupe point aux oeuvres manuelles, comme un excellent ouvrier ; que ferai-je donc, ou par quelles oeuvres apaiserai-je mon Dieu ? Je ne suis pas fort pour les oeuvres de l’Eglise : mon corps est débile et mol pour souffrir les plaies ; ma main est lâche pour frapper les ennemis ; mon esprit est dégoûté pour considérer les choses célestes : que ferai-je donc ? Certainement je sais ce que je ferai : je me lèverai, et m’obligerai, par un serment stable, sous un prince temporel, à défendre de toutes mes forces et de tout mon sang la foi de la sainte Eglise.

p 122

  Mais cet homme, venant à ce prince ou roi, lui dit : Je suis des défenseurs de l’Eglise. Mon corps est trop mol pour souffrir les plaies, ma main trop lâche pour frapper, mon esprit trop léger et trop inconstant pour considérer le bien et pour agir; ma volonté propre me plaît ; le repos, qui m’est si cher, ne me permet pas de m’opposer fortement aux ennemis pour la maison de Dieu. Partant, je m’astreins avec jurement public, sous l’obéissance de notre Mère la sainte l’Eglise, et de la vôtre, mon prince, à la défendre tous les jours de ma vie. Que si mon esprit et ma volonté se refroidissent au combat, j’y suis tenu à cause de mon jurement, et j’y puis être contraint.

Le prince répondit : J’irai avec vous en la maison de Dieu, et je serai témoin de votre jurement et promesse.

Or, tous deux venant à mon autel, mon ami, étant agenouillé devant l’autel, dit : je suis trop faible en ma chair pour pâtir les plaies ; ma volonté propre m’est trop chère ; ma main est trop lâche pour frapper : c’est pourquoi je promets maintenant obéissance à Dieu, et à vous qui êtes le chef, promettant avec jurement de défendre la sainte Eglise contre ses ennemis, d’affermir les amis de Dieu, de faire du bien aux veuves, aux orphelins et à ceux qui sont fidèles à Dieu, de ne rien faire contre l’Eglise de Dieu et la foi.


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  Et d’ailleurs, je m’oblige à votre correction, si je me fourvoie, afin qu’étant obligé, je puisse mieux fuir le péché et mes volontés propres, et d’autant plus facilement et avec plus de ferveur faire la volonté de Dieu et la vôtre, et que je sache qu’il m’est autant damnable par-dessus les autres et suis plus méprisable, qu’ayant violé l’obéissance, je présume d’aller encore contre vos commandements.

Or, ayant fait cette profession devant mon autel, le prince, considérant sagement, se disposa un habit différent de ceux des séculiers, en signe de l’anéantissement et de la résignation de sa volonté propre ; et afin qu’il sût qu’il avait un supérieur à qui il devait obéir, le prince lui donna un glaive en sa main, disant : Avec ce glaive, vous taillerez les ennemis de Dieu. Et lui donnant au bras le bouclier, il lui dit : Avec ce bouclier, vous vous mettrez à couvert des coups de vos ennemis, et souffrirez patiemment les injures qu’on vous fera ; et plutôt que de fuir, que votre bouclier se crève. Il promit au prêtre qui était là présent de garder le tout fidèlement. La promesse étant faite, ce prêtre le communia en force et affermissement, afin que mon ami, étant uni avec moi, ne se séparât jamais de moi.

Tel fut mon ami Georges et plusieurs autres ; tels devraient être les chevaliers qui devaient avoir un nom à raison de leur dignité, un habit pour régir et défendre la sainte foi.

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  Ecoutez maintenant, ô mon épouse, ce que mes ennemis font contre ce que mes amis auraient fait auparavant. Certainement les chevaliers qui portaient mes armes étaient prêts à donner leur vie pour la justice et à répandre leur sang pour la sainte foi ; ils annonçaient la perfection de la justice à ceux qui en avaient besoin, et ils déprimaient et humiliaient les mauvais. Mais écoutez maintenant comment ils sont différents de leur première institution : autrefois ils mouraient pour la foi, maintenant ils meurent pour la vanité, cupidité et envie, selon les diverses suggestions, et ne vivent pas selon mes commandements, pour obtenir la joie éternelle. Donc, tous les chevaliers qui meurent en telle volonté, leur stipende leur sera donnée par le jugement de la divine justice, savoir, que leurs âmes seront en l’éternelle conjonction avec le diable. Mais ceux qui me servent doivent avoir la stipende avec la milice céleste qui est sans fin.

Moi, Jésus-Christ, ai dit ces paroles, moi qui suis vrai Dieu et vrai homme, un Dieu avec le Père et le Saint-Esprit.



Révélations de Sainte Brigitte de Suède 8005