Révélations de Sainte Brigitte de Suède 9021

Chapitre 21 Jésus-Christ dit que l’abbesse doit être vierge sans tache et approuvée, donnant bon exemple pour les moeurs,

9021 et qu’au défaut d’une telle vierge, on peut prendre pour abbesse une veuve humble et éprouvée.

  Jésus-Christ parle : C’est une belle conjonction et une convenable confédération qu’une vierge préside aux vierges, car la pureté du corps et de l’âme tient le premier rang par-dessus toutes choses, de laquelle et par laquelle moi, étant Dieu, j’ai voulu m’incarner, toutefois parce que ma Mère a été vierge et mère, mais non pas pourtant mère ayant eu connaissance d’homme, mais bien obombrée de l’Esprit de mon Père et du mien, elle m’a engendré vrai Dieu et homme. Partant, ce nouvel ordre est consacré à ma Mère, et il est nécessaire et louable que celle qui doit avoir charge de ces vierges, soit sans tache et éprouvée en ses moeurs, et exemplaire en ce qui est des vertus ; et si, dans la compagnie, il ne se trouve pas une telle vierge qui puisse accomplir l’office de la Vierge, ma Mère, je suis content qu’une veuve de bonne et humble vie prenne plutôt le fardeau de l’humilité et de la prélature qu’une vierge superbe. Donc, s’il a plu à Dieu d’exalter les choses humbles et d’élever par nécessité la viduité, pour cela on ne déroge point à la louable coutume des vierges, parce que Dieu daigne exalter tout ce qui est humble. Qu’y a-t-il et qui a été plus humble que ma Mère ? Quelle chose y a-t-il que l’humilité parfaite ne mérite ? A cause de mon humilité, je me suis fait homme, étant Fils de Dieu et vrai Fils de la Vierge ; et sans humilité, il n’y a point de chemin pour aller au ciel.

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Chapitre 22 Jésus-Christ dit pourquoi et en quelle façon l’abbesse de Saint-Sauveur doit être bénie.

9022   Jésus-Christ parle : Qui a l’office d’un prince temporel est obligé à se faire connaître par quelque marque, afin que tous lui obéissent et lui portent honneur : : tout de même en est-il de l’abbesse, parce quelle fait l’office et tient la place de ma Mère en terre. C’est pourquoi, en témoignage d’un plus grand soin et pour l’augmentation de la grâce spirituelle, elle doit recevoir le don de bénédiction de l’évêque, afin qu’elle soit distinguée des autres, et honorée, non pas pour son mérite, mais pour mon honneur et celui de ma Mère. La bénédiction de l’abbesse se doit faire selon la coutume des abbesses de Saint-Benoît, hormis le bâton, et l’anneau qui est auparavant bénit.


Chapitre 23 les religieux doivent vaquer à l’office, à l’étude et à l’oraison

9023   Touchant le chap. 15 de la règle de Saint-Sauveur, savoir, que les religieux doivent vaquer à l’office, à l’étude et à l’oraison, etc. Jésus-Christ montre comment il nous faut prêcher au peuple.
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  Jésus-Christ parle : Ceux qui prêchent ma vérité doivent avoir des paroles simples et brèves, fondées néanmoins sur la lecture des saintes Ecritures, afin que ceux qui viennent de loin les puissent concevoir et ne soient pas ennuyés à cause de la prolixité et abondance des paroles superflues. Ils ne doivent pas aussi dire des paroles au delà du vrai sens à guise des flatteurs, ni multiplier les divisions et distinctions des chapitres ou subtilités trop affectées, mais modérer leurs discours suivant la capacité des auditeurs, parce que les choses que le simple peuple n’entend pas, il a accoutumé d’en être plus émerveillé qu’édifié. C’est pourquoi s’il faut prêcher le dimanche en cette religion, qu’ils proposent l’évangile du jour et son exposition ; la sainte Ecriture, qui est mes paroles, celles de ma Mère et de mes saints ; les vies des Pères, les miracles des saints, le symbole de la foi, comme aussi les remède contre les tentations et les vices, suivant la capacité d’un chacun, car ma très chère Mère a été très simple, Pierre un idiot, François un rustique, et toutefois ils ont plus profité pour les âmes que les maîtres éloquents, d’autant qu’ils ont eu une parfaite charité envers les âmes.


Chapitre 24

9024   Sur le chapitre 20 de la règle de Saint-Sauveur. Une vision. De quelle façon la Vierge Marie, disputant avec le diable pour un lieu nommé Uvasten, gagna sa cause juridiquement, et y fonda un sien monastère, que Jésus-Christ lui adjugea, après l’avoir comblé de beaucoup de grâces.


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Il semblait à l’épouse qu’elle était dans une ample maison et qu’une grande armée y était abordée. Lors l’heureuse Vierge dit au Roi du ciel : Mon Fils, donnez-moi ce lieu d’Uvasten.

  Lors le diable se présenta et dit : Ce lieu est à moi, car je le possède par un triple droit : le premier, c’est que j’ai inspiré aux fondateurs de ce lieu la volonté de l’édifier, et les maîtres de cet édifice ont été ont été mes serviteurs et mes amis. Le deuxième est que ce lieu est un lieu de peine et de colère, et mes amis cruels, suivant ma volonté, punissaient ici leurs sujets sans aucune miséricorde, parce que je suis le seigneur des peines, le prince de la colère sur ce lieu : il est à moi. Le troisième, c’est que ce lieu avait été à moi plusieurs années, et c’est là ma demeure, où ma volonté s’accomplit.

Lors la Vierge dit derechef à son Fils : Mon Fils, je vous demande justice. Si par hasard quelqu’un eût spolié un autre de ses biens et richesses, et se faisait par lui encore édifier sur son fonds une maison, de son propre travail et des deniers qu’il lui aurait ravis, à qui, mon Fils, appartiendrait ce lieu ?

Le Seigneur répondit : Ma Mère, celui-là possède de droit la maison, qui avait possédé l’argent et y avait employé son travail.

Lors l’heureuse Vierge dit au diable : C’est pourquoi justement tu n’as pas de droit sur cette maison. Derechef l’heureuse Vierge dit au Juge : Mon Fils et Seigneur, si la cruauté et la colère logent en un coeur et que la miséricorde et la grâce y entrent, à qui appartient-il de fuir ?

Le Juge répondit : C’est à la crainte et à la colère, qui doivent fuir et céder à la miséricorde.


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  Et la vierge dit au diable : Tu dois fuir, parce que tu es le seigneur des peines et le prince de la colère ; et moi je suis la Mère de la miséricorde et la Reine du ciel, d’autant que j’ai pitié de tous ceux qui m’invoquent.

En troisième lieu, la Vierge demande au Juge : Mon Fils, si un serviteur est en une maison, où il est assis, et si son maître entre, voulant demeurer en la même maison ou s’asseoir sur le même siège, que fera le serviteur ?

Le Juge répondit : Il est juste que le serviteur se lève, et que son maître prenne place là où bon lui semblera

Lors la Vierge dit au diable : Parce que tu es valet et sujet de mon Fils et que je suis ta maîtresse, il est raisonnable que tu t’enfuies et que je prenne place où je voudrai.

Et après, le Juge dit à la Vierge : Ma Mère, ce lieu vous est acquis et vous est dû par un juste droit, et pour autant il vous est justement dû, c’est pourquoi je vous adjuge. Partant, comme en ce lieu on a entendu les sanglots et les gémissements des misérables, le sang et la misère desquels venaient de la terre à moi et criaient vengeance, ainsi maintenant la voix de ceux qui vous loueront en ce lieu viendra à mes oreilles ; et de même qu’en ce lieu a été le lieu des tourments et l’oppression de la terre, ainsi désormais s’assembleront en ce lieu ceux qui demanderont miséricorde et indulgence pour les vivants et pour les défunts, et m’apaiseront, lorsque je serai irrité contre le royaume.

Et après cela, le Juge ajouta, parlant à la Vierge : Ma Mère, votre ennemi avait été longtemps maître de ce lieu, mais dorénavant vous serez ici maîtresse et reine.


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Chapitre 25 Jésus-Christ déclare à sainte Brigitte pourquoi cette cité de Jéricho fut détruite, faisant quelque similitude du lieu de son monastère et de ses habitants.

9025   Jésus-Christ parle à son épouse, disant : Qu’avez-vous lu aujourd’hui dans votre livre ?

Et elle lui répond : j’ai lu, et me suis émerveillée que les murailles de Jéricho tombèrent au son des trompettes, et à la vue de l’arche d’alliance, qui faisait le tour par votre commandement.

Il lui répondit : En cette cité et par le moyen de cette cité, plusieurs maux se sont commis, et il n’y avait en elle personne qui me plût : C’est pourquoi elle ne méritait pas de pardon, et n’a pas été digne que mon peuple se soit rendu son habitant. Toutefois, parce que mon peuple, harassé et fatigué dans le désert, avant de recevoir la terre promise, devait premièrement être enseigné par des paroles, exemples et miracles, c’est pourquoi une dispensation admirable et une juste récompense à ses démérites a été faite en cette cité afin qu’un peuple, préservé miraculeusement en l’eau, vit aussi des miracles en la terre, et qu’ainsi, ayant vu des miracles, Dieu fût plus profondément empreint dans leurs coeurs et qu’ils apprissent à espérer de grandes choses. En ce lieu où maintenant est l’affliction de mes amis, a été l’habitation des démons ; mais ma Mère a obtenu ce lieu par un triple droit, savoir, par charité, par prières et par changement des exercices futurs.


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  Elle lui dit : O Seigneur, ne vous fâchez pas si je parle. Vous avez dit que toute humilité doit être en votre maison. Eh quoi ! Cette édification demeura-t-elle en ce lieu ?

L’esprit répond : En cette misérable Jéricho, il y avait des choses qui pouvaient profiter à mon peuple, de laquelle mon peuple, l’ayant premièrement purifiée par le feu, s’était rendu habitant, et ce mien peuple a possédé les travaux des Gentils : c’est pourquoi cette maison, pour la superbe des riches, a été édifiée de la sueur des pauvres. Partant, mes pauvres l’habiteront, disposant des choses superflues, pour l’humilité et l’utilité. Toutefois que l’on prenne garde que ce que la divine puissance, par une spéciale considération, a permis, ne soit tiré en exemple pour les superbes.


Chapitre 26 de la désobéissance d’un certain roi de Suède

9026   Jésus-Christ parle à l’épouse de la désobéissance d’un certain roi de Suède qui n’avait tenu compte d’aller au pape pour avoir l’absolution de ses péchés, et contre les païens, et fait mention de la cité de Jéricho, du lieu et du monastère d’Uvasten.

  Jésus-Christ parle : Voilà que le roi a méprisé mon second conseil aussi bien que le premier, c’est pourquoi mes ennemis sont entrés dans les lieux qui sont à ma Mère, les ont renversés et détruits, comme vous avez ouï dire, et à raison de cela, les pierres et les bois crient vengeance sur le roi. Mais d’autant que Dieu tire son honneur de la malice des hommes et d’où le diable pense se prévaloir, c’est de là qu’il est déchassé et confondu, car si ces hauts édifices fussent demeurés sur pied, ils eussent été occasion de superbe à ceux qui fussent venus après, et un exemple d’orgueil, car s’ils les eussent renversés à dessein, on eût taxé de légèreté ceux qui les eussent démolis et d’avoir porté un grand dommage.
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  Maintenant de l’occasion du dommage et de la malice des hommes, je te veux montrer comment l’humilité, chère à Dieu, peut se bâtir d’une sourcilleuse superbe, et que l’inutile, somptueuse et élevée structure des murailles se rase : premièrement, lorsque les maisons élevées et les grandes murailles se renverseront, lors honneur sera à Dieu ; les habitants seront bien conseillés ; ceux qui les regarderont se réjouiront, et ce sera un grand indice d’humilité. Mais quand au moyen de venir à bout de ceci, il dépend du conseil et de la main de ceux qui s’entendent à construire les hauts édifices.

Le Fils de Dieu parle derechef : J’ai parlé ci-devant de la cité de Jéricho, que j’ai comparée au lieu de ce monastère, et comme les édifices étaient haut élevés et réduits à une simple structure qui était nécessaire. J’ai promis ces choses à mes amis, si le roi les eût assemblés suivant mon conseil. Partant, que maintenant ceux qui sont assemblés mettent la main à l’oeuvre ; qu’ils ôtent le superflu ; qu’ils soient contents et se glorifient seulement des choses humbles et nécessaires.


p 225


Chapitre 27 de quelle façon un certain roi, à raison de ses péchés, n’était pas digne de lui édifier une maison

9027   Le Fils de Dieu montre à la bienheureuse Brigitte de quelle façon un certain roi, à raison de ses péchés, n’était pas digne de lui édifier une maison, savoir, le monastère d’Uvasten.

  Le Fils de Dieu parle : Parce que ce roi ne cherche pas mon amour, mais demeure en sa froideur et ne délaisse pas le scandale de ses amis, la raison veut qu’il ne m’édifie pas une maison comme Salomon, ni ne finira pas ses jours comme David, ni sa mémoire ne sera pas semblable à celle de mon cher Olave, ni ne sera pas couronné comme mon ami Elicius, mais il sentira ma justice, parce qu’il n’a pas voulu ma miséricorde, et je cultiverai la terre des justes angoisses et afflictions, jusqu’à ce que ses habitants aient appris à me demander miséricorde. Toutefois quelle sera la personne qui édifiera mon monastère ? Quand elle arrivera, tu le sauras. Mais sera-ce ou non en cette vie ? Il ne t’est pas permis de le savoir.


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Chapitre 28 la situation, la dimension et la disposition de l’Eglise du monastère d’Uvasten

9028 Jésus-Christ montre en ce chapitre à sainte Brigitte la situation, la dimension et la disposition de l’Eglise du monastère d’Uvasten, du choeur des religieux, du parloir entre les religieux et les religieuses, des voûtes, des autels, des portes, des enceintes, des colonnes, du choeur des religieuses, des fenêtres et du parloir des séculiers.

  Le Fils de Dieu parle : Le choeur de l’église doit être vers l’occident, du côté de l’étang. Il doit y avoir une haute muraille du côté de l’aquilon, depuis la maison contre l’étang jusqu’au bout de la cour des clercs. Entre cette muraille et le choeur, sera un espace de dix-huit aunes, pour édifier le parloir, qu’une muraille divisera par le milieu du long à partir du choeur des frères jusqu’à la muraille voisine de l’étang. En ce parloir, les Frères et les Soeurs pourront parler entre eux de leurs nécessités. Qu’il n’y ait point de fenêtres en l’espace qui est entre les religieux et les religieuses, pour qu’ils ne se voient pas. Qu’il y ait encore deux roues en cette muraille, comme c’est la coutume en tels monastères. Et après que le choeur des religieuse ait vingt-deux aunes de long sous une voûte, depuis le parloir qui regarde l’occident jusqu’au grand autel, de manière que ce grand autel soit sous cette voûte ; et les clercs doivent être placés entre le grand autel et la paroi qui regarde l’occident. Quand à la voûte, elle aura vingt aunes de largeur ; et la muraille qui est derrière, du côté des religieuses vers l’aquilon, aura cinq fenêtres basses et près de terre, où les Soeurs feront leur confession et recevront le corps du Seigneur. L’église même encore doit avoir cinq voûtes en sa longueur et trois en sa largeur, et chaque voûte doit être de vingt aunes en largeur et vingt-huit en longueur, et qu’on ajoute trois prochaines voûtes derrière le grand autel du côté de l’orient en travers par le milieu de toute l’église, pour le choeur des clercs.

p 227

  Il doit y avoir six degrés à la descende du grand autel, en travers sous les trois dites voûtes ; et chacun de ces degrés portera deux autels, en sorte qu’il y en aura six du côté droit du grand autel, et six du côté gauche, et chaque autel sera situé obliquement à l’autre, à prendre du premier degré, et plus proche du grand autel de chaque côté. Le grand autel aura cinq aunes en longueur et deux aunes et demie en largeur ; et chaque autre autel de ces douze aura deux aunes et demie en longueur et une aune et demie en largeur ; et entre chaque autel de ces douze, il doit y avoir un espace de deux aunes.

Quand aux degrés, chacun doit avoir de hauteur environ la hauteur de la main en travers. En la paroi du côté de l’orient, il y aura deux portes sous les deux dernières voûtes, mais sous celle du milieu, il n’y en aura point ; et chaque porte aura six aunes en largeur, et en hauteur elles monteront jusques aux ais ou au plancher ou marchent les Soeurs ; et au milieu, entre ces deux portes, il y aura un autel de l’heureuse Vierge, ayant quatre aunes en longueur et trois en largeur, proche de la paroi vers l’orient. Le presbytère ou le balustre aura à l’entour de l’autel dix aunes en longueur et dix en largeur ; et que l’entre-deux soit fermé de grilles de fer. Il doit y avoir une enceinte ou espace tout autour de l’église par dedans contre les murailles, fermé de l’autre côté des grilles de fer, ayant quatre aunes en largeur, entre la muraille et les grilles, dans laquelle les religieux ou clercs se pourront promener, en sorte qu’ils ne se mêlent pas avec le peuple.

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  Sur les deux portes montant par les degrés, sera l’entrée du choeur de l’heureuse Vierge ; et qu’il n’y ait aucune autre entrée en ce choeur. Il ne peut y avoir non plus aucune porte en l’enceinte des grilles de fer de l’église, si ce n’est une seulement contre le grand autel, et celle-là sera toujours fermée à clef,excepté quand quelque personne entrera en religion, et toutes fois et quantes que l’évêque visitera le monastère. Au milieu de la paroi du coté du midi, plus bas que l’enceinte des grilles de fer, sera l’autel de Saint-Michel, en façon que le prêtre se tournera du côté du septentrion. Mais au milieu de la paroi, vers l’aquilon, sera l’autel de saint Jean-Baptiste, en sorte que le prêtre se tournera vers l’aquilon. Mais hors l’enceinte des grilles de fer, il faut édifier des autels, où les prêtres qui surviendraient pourront dire la messe. Les colonnes auront onze aunes en hauteur, depuis le pavé de l’église jusqu’aux poutres ou plancher du choeur des religieuses. Mais sur les poutres sera fait le plancher d’ais et d’argile et briques, sur lequel seront les soeurs ; et sous ces ais, on mettra des lames de cuivre, de crainte du feu. Des colonnes aussi seront érigées emmi le plancher des soeurs, en sorte qu’elles aient quatre aunes ou autour d’icelui en longueur, à prendre depuis le plancher des soeurs, avant que les voûtes soient commencées ou appuyées. Que toutes les voûtes aussi qui seront sur le choeur et sur toute l’église, soient égales en hauteur. Que le toit ait autant de hauteur qu’on lui en pourra donner ou qu’il en sera nécessaire. Qu’il n’y ait aucune subtile gravure aux portes, aux fenêtres, aux colonnes ou aux parois, mais le tout sera d’un ouvrage plain, fort en sentant son humilité. Les vitres doivent avoir pour couleur le blanc et le bleu seulement.

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  La maison en laquelle les Soeurs doivent parler avec les séculiers, doit être du côté de l’orient, entre la grande maison et l’église. Qu’il y ait là des fenêtres, en sorte que les personnes ne se puissent pas entrevoir. L’église doit être édifiée avec des pierres tirées des carrières, et non avec des briques, ce qu’on observera encore ès voûtes.

Après ces choses, j’ai vu au delà de l’étang une église semblable à celle-ci avec ses édifices, laquelle était de tout côté environnée d’une haute muraille, et j’ai entendu en mon esprit : La maison et l’église qui seront édifiées après cette église, seront édifiées semblablement à celle que vous voyez maintenant.


Chapitre 29 Il est ici parlé de la construction et de la situation du cimetière, du monastère, des parloirs, etc.

9029 p 230

  J’ai vu, dit sainte Brigitte, une longue, large et à demi muraille,commençant de la grande maison jusques à la grande motte de terre, tirant vers le midi. Après j’ai vu l’église entre la muraille de laquelle j’ai fort attentivement considéré les fondements, les murailles, les fenêtres, la longitude et la largeur. J’ai vu encore du coin de la muraille un grand mur et un sanctuaire, où l’Esprit de Dieu me dit : Qu’un mur soit édifié depuis cette muraille, où sera le parloir des Frère et Soeurs, en laquelle il y aura deux fenêtres pour conférer avec des Frères et pour la réception nécessaire des Frères. De ce mur, j’ai vu un autre mur qui provenait et allait aboutir à la maison de pierre, petite maison, et là il me fut dit : Là sera l’habitation des prêtres. Mais du côté de la petite maison, vers le midi, était une muraille qui allait tendre à la grande motte de terre, et j’ouïs en esprit: En cette muraille, il y aura une petite porte par laquelle on prendra ce qui est nécessaire pour les Frères, comme bois, etc. Et là il y aura aussi une maison d’infirmerie pour voir les Frères infirmes et pour les guérir.

Auprès du mur qu’on voyait à la motte de terre, était continuée une maison jusque à la maison de pierre, qui est vers l’orient, mais qui ne touche pas entièrement la maison, car la distance en était petite, d’autant que, du côté du mur de l’église, vers l’orient, un autre mur était continué, qui se liait avec le mur provenant de la motte de terre et les unissait en une encoignure ; comme il m’a été dit, là sera le parloir des Frères avec les séculiers. Du côté de l’occident vers l’aquilon, de la grande maison de pierre, je vis une muraille qui entourait l’espace qu’il y a hors des murailles touffu d’arbres selon l’antiquité ; cet espace finissait en rond et en retour. Du côté de l’orient à la grande maison, je vis encore une grande maison qui montait du côté de l’orient, qui tendait directement au mur de l’église. Et lors j’ouïs en esprit : En cette muraille, il y aura trois maisons : une qui sera dûment édifiée, où les princes et les évêques pourront ouïr chanter les Soeurs ; l’autre pour recevoir les amis ; la troisième pour visiter et guérir les malades. Après cela, au delà de l’étang, je vis une église semblable à celle-ci, avec tous ses édifices, qui était entourée de toutes parts d’un mur fort long et fort haut ; et lors j’ouï en esprit : La maison et l’église qui seront édifiées après cette église, seront bâties en la même manière que vous les voyez.

p 231

Chapitre 30 De la disposition de la maison de Saint-Sauveur.

9030   (Voyez ceci au Livre I, Chap. 18. )

Chapitre 31 Des peintures et portes de l’église de St-Sauveur.

9031   Le Fils de Dieu parle : Les peintures de l’église ne seront autres que celles de ma passion et la mémoire de mes saints, car maintenant ceux qui entrent dans l’église se plaisent plus à regarder les parois qu’à y regarder la mémoire des bénéfices que je leur ai faits.

En cette église, il y aura trois portes : la première s’appellera Porte de rémission, par laquelle tous les séculiers entreront, d’autant que tous ceux qui y entreront d’un coeur contrit et avec la volonté de s’amender, auront et sentiront soulagement en leurs tentations, la force pour opérer le bien, la dévotion en oraison, la rémission de leurs péchés, et la prudence pour se garder de choir. C’est pourquoi cette porte sera vers l’orient, d’autant que l’amour divin naîtra à ceux qui y entreront, et la lumière de foi sera fortifiée en eux.

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  La deuxième sera appelée Porte de réconciliation et de propitiation, par laquelle les Frères entreront en leur choeur, d’autant que, par leur foi et par leurs prières, les pécheurs s’approcheront de Dieu, l’état du royaume s’améliorera et l’ire de Dieu sera apaisée. Partant, que cette porte soit vers l’occident, d’autant que, par leurs prières, la puissance du Diable sera retranchée en plusieurs, de sorte qu’il ne pourra pas tant tenter qu’il voudrait.

La troisième sera appelée Porte de gloire et de grâce, par laquelle les Soeurs entreront dans l’église, d’autant que la Soeur qui y entrera avec un coeur contrit et avec la seule intention de plaire à Dieu, obtiendra en ce monde la grâce d’avancer de vertu en vertu, réfrigère en ses tentations et la gloire en l’autre. Partant, que cette porte soit vers l’aquilon, attendu que comme le diable épand de là tout le froid de la malice, de même en toutes celles qui entreront par cette porte, Dieu versera l’abondance de bénédiction, l’amour du Saint-Esprit et l’ardeur de la divine charité augmenteront en elles.


Chapitre 32 Jésus-Christ demande à la communauté du royaume aide pour bâtir le monastère d’Uvasten.

9032 p 233

  Notre-Seigneur parle : Je suis celui qui ai commandé à Abraham d’immoler son fils, non attendu que j’avais prévu le bien de son obédience, mais d’autant que je voulais que sa bonne volonté fût manifestée à la postérité pour l’imiter, de même je veux édifier et bâtir un monastère par un prince terrestre en l’honneur de ma Mère, afin que les péchés du royaume diminuent. Or, je désire, non comme nécessiteux, puisque je suis Seigneur de toutes choses, aide du commun du royaume pour le perfection de ce monastère, pour faire voir à la postérité la promptitude de leur bonne volonté : partant, que celui qui arrivera à l’an de discrétion, qui désire de persévérer en la virginité, soit femme, soit homme, donne un denier de monnaie courante, et semblablement la veuve ; mais celui qui se mariera donnera pour lui et pour sa femme deux deniers ; et ceux qui auront des enfants de quelque sexe que ce soit, parvenus à l’âge de seize ans, donneront un denier pour un chacun, afin qu’en eux croisse le fruit de charité et d’obéissance. Mais les religieux et les prêtres, qui sont tenus de me donner, et eux-mêmes, et ce qu’ils ont, en seront affranchis, comme aussi les serviteurs, et aussi ceux qui gagnent leur pain à la sueur de leur front.


Chapitre 33 Des privilèges de l’abbesse de Saint-Sauveur.

9033 p 234

  Notre-Seigneur Jésus-Christ parle : L’Ecriture sainte dit que Moïse priant pour son peuple, Aaron et ses compagnons lui soutenaient les mains, de peur qu’elles ne fussent affaiblies en leur continuelle extension. Mais pourquoi cela ? Dieu, qui avait donné la grâce de prier, ne pouvait-il pas affermir ses mains ? Il le pouvait certainement : mais cela marquait que ceux qui ont quitté tout le monde s’unissent à Dieu, d’autant que la nature humaine, étant infirme, a besoin de soutien. Partant, afin que les amis de Dieu puissent subsister et qu’ils ne soient ternis par les choses temporelles, après leur contemplation, les aides extérieures leur sont permises, afin qu’avec plus de force ils s’élèvent aux choses divines. Partant, que quatre bons hommes, dignes de foi, de bonne vie et d’âge, soient choisis officiaux, qui distribuent les aumônes et vêtements aux pauvres ; qui soient disposés à écouter les Soeurs et les Frères et leur rendre réponse ; qui puissent parler aux seigneurs temporels pour les affaires du monastère, servir le monastère et supporter les charges de l’abbesse ; et afin que les susdits Frères fassent cela avec plus de fidélité, ils doivent vivre du monastère et être participants de tous les biens spirituels qui se font au monastère. Ils doivent aussi vivre en continence et célibat, et porter une croix rouge sur leurs vêtements auprès du coeur, en signe et marque de la familiarité de l’amour divin, et promettre l’obéissance ès mains de l’abbesse ou du confesseur. Que s’ils commettent quelque chose d’énorme et de détestable par quoi l’ordre fût diffamé et l’état du monastère dénigré, on les resserrerait dans les prisons du monastère ; ou si le confesseur ne peut les corriger, qu’il demande conseil et aide à l’évêque, gardant en tout l’institution de la sainte règle.

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  Que le confesseur regarde comment ils jeûnent et à quelles heures ils sont réfectionnés et observent le silence ; comment ils dorment, et comment, pour les affaires, ils sortent du monastère pour parler aux grands du monde.

Qu’il pourvoie aussi à ce que leur habit soit honnête ; qu’il règle les heures où ils doivent demeurer dans l’église et où ils doivent recevoir le corps de Jésus-Christ.

Qu’on établisse aussi un lieu où ils puissent dormir, manger, et qu’ils aient un cimetière particulier. De ces quatre qui porteront la croix rouge, un ou deux pourront être prêtre, en telle sorte néanmoins qu’ils obéissent à l’abbesse et au confesseur. Si quelqu’un de quelque métier se voulait assujettir à la règle, qu’il jouisse des mêmes privilèges et soit sujet aux mêmes lois et institutions, excepté qu’il ne portera point la croix. Qu’un de ces quatre soit maître de tous ceux qui sont de quelque métier, qui les instruira, les dirigera selon le commandement et le conseil de l’abbesse et du confesseur, en ce qui est des choses spirituelles.


Chapitre 34 Sur ce qui touche le chapitre 18 de la règle, et des autres.

9034   Le Fils de Dieu éternel parle : Je vous ai dit qu’il fallait treize autels dans l’église, en treize degrés, selon la vocation de mon Esprit et l’amour donné à un chacun.


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  Donc, le premier et le principal autel sera consacré à saint Pierre, prince des apôtres, d’autant qu’il a été le premier de vocation et d’élection.

  Que le deuxième aussi soit en dignité de puissance et en quelque ressemblance de ma mort ; qu’à la droite de l’autel du prince des apôtres soit le premier autel de saint Paul, car bien que lui ne m’ait vu converser avec les hommes en ma chair, il m’a néanmoins vu en vision spirituelle, et il a été plus parfaitement enflammé du zèle des âmes et avait un plus grand amour, d’où vient qu’il a eu le nom d’Apôtre de vie et de dignité.

  Que le deuxième à droite soit dédié à saint Jacques, l’apôtre, fils de Zébédée, qui, par sa patience et pas l’ardeur de sa prédication, a mérité d’être glorifié le premier.

  Que le troisième soit encore à droite, et soit dédié à saint Jean l’évangéliste, qui, par l’amour de la chasteté, a mérité la familiarité de mon amour, d’où vient qu’il a aussi écrit mon Evangile avec plus de sublimité et d’excellence.

  Le quatrième sera dédié à saint Barthélémi, qui, méprisant les richesses et aimant la pauvreté, souffrit patiemment les peines et les supplices.

  Que le cinquième autel soit consacré à saint Philippe, qui, méprisant la noblesse du sang, engendra plusieurs à la vie éternelle.

  Que le sixième autel soit aussi à la droite, dédié à saint Thomas, qui reconnut en mon côté la foi parfaite, et qui persévéra en l’amour parfait. Mais à la gauche de l’autel du Prince des apôtres,

  Que le premier autel soit dédié à saint André, qui m’a suivi comme son maître et n’a point eu honte d’embrasser la croix ;

  Que le deuxième à saint Matthieu, qui, abandonnant les livres du monde, a été fait le docteur des âmes ;

  Le troisième à saint Jacques d’Alphée, qui, m’étant semblable en la chair, m’est en quelque manière semblable au ciel.

  Que le quatrième soit à saint Simon, son germain, qui, méprisant les parents charnels, a mérité d’être rempli de la sapience céleste ;

Le cinquième à S. Thadée, qui a vaincu le diable par la pureté de la chair et du coeur.

  Le sixième sera à saint Mathias, qui, ayant eu en abomination les cupidités de celui qui m’a vendu en me trahissant, a mérité, par son humilité, la gloire éternelle.


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Or, maintenant, ma fille, vous pourriez vous enquérir pourquoi je n’ai préféré en dignité saint Jean et les autres apôtres, qui étaient de mon sang, à saint Pierre. Je vous réponds que la vraie et parfaite charité envers Dieu est quand l’homme ne laisse rien à soi pour dilater son coeur à la vertu et à la perfection. Or, la parfaite charité envers son prochain est quand il fait du bien à ceux qui lui ont fait du mal, et même à ceux qui l’exaspèrent par colère ; mais il donne à ceux qu’il trouve parfaits en bonnes oeuvres, des choses meilleures. Partant, saint Pierre était le plus fervent en amour, et n’avait rien de propre, sinon ce qui demeurait éternellement avec lui, et afin que la chair ne fût préférée à l’esprit, saint Pierre a été élu au pontificat.

  Quand aux autres signes d’amour qui parurent plus grands en saint Jean, sa chasteté et sa constance méritèrent cela ; et de fait, Dieu, pour dilater la douceur de sa bonté et pour insinuer son amour, choisit quelquefois le temps et les personnes pour l’exaltation de la foi, lesquelles personnes et temps il veut être glorifié de la créature ; et quelquefois il échauffe ce qui est froid,exalte ce qui est infirme et abaisse ce qui est superbe, et que de la sorte Dieu soit glorifié partout.



Révélations de Sainte Brigitte de Suède 9021